Document final de la XVIe Assemblée générale ordinaire du Synode des évêques
XVIe Assemblée générale ordinaire du Synode des évêques, deuxième session (2-27 octobre 2024) : « Pour une Église synodale : communion, participation, mission« , document final, le 26 octobre 2024.
Sommaire
Partie I – Le cœur de la synodalité
Appelés par l’Esprit Saint à la conversion
L’Église peuple de Dieu, sacrement d’unité
Les racines sacramentelles du peuple de Dieu
Signification et dimensions de la synodalité
L’unité comme harmonie
La spiritualité synodale
La synodalité comme prophétie sociale
Partie II – Ensemble dans la barque
La conversion des relations
De nouvelles relations
Dans une pluralité de contextes
Charismes, vocations et ministères pour la mission
Le ministère ordonné au service de l’harmonie
Ensemble pour la mission
Partie III – « Jetez le filet »
La conversion des processus
Le discernement ecclésial pour la mission
L’articulation des processus de décision
Transparence, rendre-compte, évaluation
Synodalité et organes de participation
Partie IV – Une pêche abondante
La conversion des liens
Enraciné et pèlerin
Échange de dons
Liens pour l’unité : Conférences épiscopales et assemblées ecclésiales
Le service de l’évêque de Rome
Partie V – « Moi aussi, je vous envoie »
Former un peuple de disciples missionnaires
Un banquet pour tous les peuples
Abréviations
AA CONCILE VATICAN II, Décret Apostolicam actuositatem (18 novembre 1965)
AG CONCILE VATICAN II, Décret Ad gentes (7 décembre 1965)
CCEO Codex canonum Ecclesiarum Orientalium (18 octobre 1990)
CD CONCILE VATICAN II, Décret Christus Dominus (28 octobre 1965)
CIC Codex iuris canonici (25 janvier 1983)
CTI COMMISSION THEOLOGIQUE INTERNATIONALE, La synodalité dans la vie et la mission de l’Église (2 mars 2018)
CV BENOIT XVI, Lettre Enc. Caritas in Veritate (29 juin 2009)
DD FRANÇOIS , Lettre Ap. Desiderio desideravi (29 juin 2022)
DN FRANÇOIS , Lettre Enc. Dilexit nos (24 octobre 2024)
DTC XVI ASSEMBLEE GENERALE ORDINAIRE DU SYNODE DES ÉVEQUES , Document de travail pour l’étape continentale (27 octobre 2022)
DV CONCILE VATICAN II, Const. Dogm. Dei Verbum (18 novembre 1965)
EC FRANÇOIS , Exhort. Ap. Episcopalis Communio (15 septembre 2018)
EG FRANÇOIS , Exhort. Ap. Evangelii gaudium (24 novembre 2013)
EN S. PAUL VI, Exhort. Ap. Evangelii nuntiandi (8 décembre 1975)
FT FRANÇOIS , Lettre Enc. Fratelli tutti (3 octobre 2020)
GS CONCILE VATICAN II, Const. Past. Gaudium et spes (7 décembre 1965)
LG CONCILE VATICAN II, Const. Dogm. Lumen gentium (21 novembre 1964)
LS FRANÇOIS , Lettre Enc. Laudato si’ (24 mai 2015)
MC S. PAUL VI, Exhort. Ap. Marialis cultus (2 février 1974)
NMI S. JEAN-PAUL II, Lettre Ap. Novo millenio ineunte (6 janvier 2001)
PE FRANÇOIS , Const. Ap. Praedicate Evangelium (19 mars 2022)
SC CONCILE VATICAN II, Const. Sacrosanctum Concilium (4 décembre 1963)
SRS S. JEAN-PAUL II, Lettre Enc. Sollicitudo rei socialis (30 décembre 1967)
UR CONCILE VATICAN II, Décret Unitatis redintegratio (21 novembre 1964)
UUS S. JEAN-PAUL II, Lettre Enc. Ut unum sint (25 mai 1995)
Introduction
Jésus vint, et il était là au milieu d’eux. Il leur dit : « La paix soit avec vous ! » Après cette parole, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples furent remplis de joie en voyant le Seigneur (Jn 20, 19-20).
Dans la vie de l’Église, chaque nouveau pas est un retour à la source, une expérience renouvelée de la rencontre avec le Ressuscité que les disciples ont vécue le soir de Pâques, au cénacle. Comme eux, nous aussi, en participant à cette assemblée synodale, nous nous sommes sentis enveloppés de sa miséricorde et touchés par sa beauté. En vivant la conversation dans l’Esprit, en nous écoutant les uns les autres, nous avons perçu sa présence au milieu de nous. C’est la présence de Celui qui, en donnant l’Esprit Saint, continue à susciter en son peuple une unité qui est l’harmonie des différences.
En contemplant le Ressuscité, nous nous souvenons que « c’est à sa mort que nous avons été unis par le baptême » (Rm 6,3). Nous avons vu les marques de ses blessures, transfigurées par une vie nouvelle, mais gravées à jamais dans son humanité. Ces blessures continuent à saigner dans le corps de tant de frères et de sœurs, en partie à cause de notre péché. Fixer notre regard sur le Seigneur ne nous détourne pas des drames de l’histoire, mais ouvre nos yeux pour reconnaître la souffrance qui nous entoure et nous traverse : les visages des enfants terrorisés par la guerre, les pleurs des mères, les rêves brisés de tant de jeunes, les réfugiés qui affrontent de terribles voyages, les victimes du changement climatique et de l’injustice sociale. Leur souffrance a résonné parmi nous, non seulement à travers les moyens de communication, mais aussi dans les voix de nombreuses personnes qui sont personnellement impliquées, avec leurs familles et leurs peuples, dans ces événements tragiques. Au cours des jours où nous avons été réunis en assemblée, de nombreuses, trop nombreuses guerres, ont continué à provoquer la mort et la destruction, un désir de vengeance et un égarement des consciences. Nous nous associons aux appels répétés du pape François en faveur de la paix, en condamnant la logique de la violence, de la haine et de la vengeance, et en nous engageant à promouvoir la logique du dialogue, de la fraternité et de la réconciliation. Une paix authentique et durable est possible, et nous pouvons la construire ensemble. « Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout, et de tous ceux qui souffrent » (GS 1) ont été une fois de plus les joies et les tristesses des disciples du Christ que nous sommes tous.
Depuis que le Saint-Père a initié ce synode en 2021, nous nous sommes engagés sur un chemin dont nous découvrons toujours plus la richesse et la fécondité. Nous avons écouté, attentifs à saisir dans les nombreuses voix ce que « l’Esprit dit aux Églises » (Ap 2,7). Le chemin a commencé par une large consultation du peuple de Dieu dans nos diocèses et nos éparchies. Il s’est poursuivi par des étapes nationales et continentales, dans la circularité d’un dialogue constamment relancé par le Secrétariat général du Synode à travers des documents de synthèse et de travail. La célébration de la XVIe assemblée générale ordinaire du Synode des évêques – dans ses deux sessions – nous permet maintenant de remettre au Saint-Père et à toutes les Églises le témoignage de ce que nous avons vécu et le fruit de notre discernement, en vue d’un élan missionnaire renouvelé. Le chemin a été marqué à chaque étape par la sagesse du « sens de la foi » du peuple de Dieu. Pas à pas, nous avons compris qu’au cœur du Synode 2021- 2024. Pour une Église synodale. Communion, participation, mission, il y a un appel à la joie et au renouveau de l’Église à la suite du Seigneur, dans l’engagement au service de sa mission et dans la recherche des moyens de lui être fidèle.
Cet appel se fonde sur l’identité baptismale commune, s’enracine dans la diversité des contextes dans lesquels l’Église est présente, et trouve son unité dans l’unique Père, l’unique Seigneur et l’unique Esprit. Il interpelle tous les baptisés, sans exception : « Tout le peuple de Dieu est le sujet de l’annonce de l’Évangile. En lui, chaque baptisé est appelé à être un protagoniste de la mission parce que tous, nous sommes des disciples missionnaires » (CTI, n. 53). Le chemin synodal nous oriente vers une unité pleine et visible des chrétiens, comme les délégués des autres traditions chrétiennes en ont témoigné par leur présence. L’unité mûrit silencieusement au sein de la sainte Église de Dieu : elle est une prophétie d’unité pour le monde entier.
Tout le chemin synodal, enraciné dans la Tradition de l’Église, s’est déroulé à la lumière du magistère conciliaire. En effet, le Concile Vatican II a été comme une semence jetée dans le champ du monde et de l’Église. La vie quotidienne des croyants, l’expérience des Églises dans chaque peuple et chaque culture, les multiples témoignages de sainteté, la réflexion des théologiens ont été le terreau dans lequel elle a germé et grandi. Le Synode 2021-2024 continue à se nourrir de l’énergie de cette semence et à développer son potentiel. En effet, le chemin synodal met en œuvre ce que le Concile a enseigné sur l’Église comme mystère et peuple de Dieu, appelé à la sainteté par une conversion continue qui vient de l’écoute de l’Évangile. En ce sens, le chemin synodal constitue un acte de réception ultérieure du Concile, prolongeant son inspiration et relançant sa force prophétique pour le monde d’aujourd’hui.
Nous ne cachons pas que nous avons expérimenté en nous-mêmes la fatigue, les résistances au changement et la tentation de faire prévaloir nos idées sur l’écoute de la Parole de Dieu et sur la pratique du discernement. Mais la miséricorde de Dieu, le Père plein de tendresse, nous permet chaque fois de purifier nos cœurs et de poursuivre le chemin. Nous l’avons reconnu en commençant la deuxième session par une veillée pénitentielle, au cours de laquelle nous avons demandé pardon pour les péchés dont nous avons honte, tout en intercédant pour les victimes du mal. Nous avons appelé nos péchés par leur nom : contre la paix, contre la création, les peuples indigènes, les migrants, les enfants, les femmes, les pauvres, l’écoute et la communion. Cela nous a fait prendre conscience que la synodalité exige repentance et conversion. Dans la célébration du sacrement de la miséricorde divine, nous faisons l’expérience d’être aimés inconditionnellement : la dureté des cœurs est surmontée, et cela nous ouvre à la communion. C’est pourquoi nous voulons être une Église miséricordieuse, capable de partager avec tous le pardon et la réconciliation qui viennent de Dieu : c’est une pure grâce dont nous ne sommes pas maîtres, mais seulement témoins.
Nous avons déjà vu les premiers fruits du parcours synodal commencé en 2021. Les plus simples, et pourtant les plus précieux, mûrissent dans la vie des familles, des paroisses, des associations et mouvements, des petites communautés chrétiennes, des écoles et des communautés religieuses, où grandit la pratique de la conversation dans l’Esprit, du discernement communautaire, du partage des dons vocationnels et de la coresponsabilité dans la mission. La rencontre des curés pour le Synode à Sacrofano (Rome), du 28 avril au 2 mai 2024, a permis d’apprécier leur riche expérience et de relancer leur cheminement. Nous sommes 5 reconnaissants et heureux d’avoir entendu la voix de tant de communautés et de fidèles, pour qui l’Église est un lieu d’accueil, d’espérance et de joie.
La première session de l’assemblée a porté d’autres fruits. Le Rapport de synthèse a attiré l’attention sur un certain nombre de thèmes d’une grande importance pour la vie de l’Église, que le Saint-Père, à l’issue d’une consultation internationale, a confié à des groupes d’étude composés de pasteurs et d’experts de tous les continents, appelés à travailler selon une méthode synodale. Les domaines de la vie et de la mission de l’Église qu’ils ont déjà commencé à approfondir sont les suivants :
- Quelques aspects des relations entre les Églises orientales catholiques et l’Église latine
- L’écoute de la clameur des pauvres et de la clameur de la terre
- La mission dans la culture numérique
- La révision de la Ratio Fundamentalis Institutionis Sacerdotalis dans une perspective synodale missionnaire
- Quelques questions théologiques et canoniques concernant des formes ministérielles spécifiques.
- La révision, dans une perspective synodale et missionnaire, des documents régissant les relations entre les évêques, les religieux et les associations ecclésiales.
- Quelques aspects de la figure et du ministère de l’évêque (en particulier : critères de sélection des candidats à l’épiscopat, fonction judiciaire de l’évêque, nature et déroulement des visites ad limina Apostolorum) dans une perspective synodale missionnaire
- Le rôle des représentants pontificaux dans une perspective synodale missionnaire
- Critères théologiques et méthodologies synodales pour un discernement partagé des questions doctrinales, pastorales et éthiques controversées
- La réception des fruits du chemin œcuménique dans le peuple de Dieu.
À ces groupes s’ajoutent la Commission canonique, lancée en accord avec le Dicastère pour les textes législatifs, au service des innovations nécessaires dans la législation ecclésiastique, ainsi que le discernement confié au Symposium des conférences épiscopales d’Afrique et de Madagascar concernant l’accompagnement pastoral des personnes vivant dans des mariages polygames. Les travaux de ces groupes et commissions entament une phase active. Ils ont enrichi les travaux de la deuxième session et aideront le Saint-Père dans ses choix pastoraux et de gouvernement.
Le processus synodal ne s’achève pas avec la fin de l’actuelle assemblée du Synode des évêques, car il comprend la phase de mise en œuvre. En tant que membres de l’assemblée, nous estimons qu’il est de notre devoir de nous engager dans l’animation de celle-ci comme missionnaires de la synodalité au sein de nos communautés respectives. Nous demandons à toutes les Églises locales de poursuivre leur chemin quotidien avec une méthodologie synodale de consultation et de discernement, en identifiant des moyens concrets et des parcours de formation pour réaliser une conversion synodale tangible dans les différentes réalités ecclésiales (paroisses, instituts de vie consacrée et sociétés de vie apostolique, associations de fidèles, diocèses, conférences épiscopales, regroupements d’Églises, etc.). Il faudra prévoir une évaluation des progrès réalisés en matière de synodalité et de participation de tous les baptisés à la vie de l’Église. Nous suggérons aux conférences épiscopales et aux synodes d’Églises sui iuris de consacrer des ressources et d’engager des personnes à accompagner ce chemin de croissance en tant qu’Église synodale en mission, et à maintenir le contact avec le Secrétariat général du Synode (cf. EC 19 § 1 et 2). À celui-ci, nous demandons de continuer à veiller à la qualité synodale de la méthode de travail des groupes d’étude.
Présenté au Saint-Père et aux Églises comme le fruit de la XVIe Assemblée générale ordinaire du Synode des évêques, ce Document final recueille chacun des pas accomplis jusqu’à présent. Il rassemble les principales convergences apparues au cours de la première session, les contributions provenant des Églises au cours des mois écoulés entre la première et la deuxième session, et ce qui a mûri au cours de la deuxième session, en particulier grâce à la conversation dans l’Esprit.
Le Document final souligne que l’appel à la mission est indissociable d’un appel à la conversion, tant pour chaque Église locale que pour l’Église universelle, conformément à l’exhortation apostolique Evangelii gaudium (cf. n. 30). Le texte comporte cinq parties. La première, intitulée Le cœur de la synodalité, expose les fondements théologiques et spirituels qui éclairent et nourrissent la suite, réaffirme la conception commune de la synodalité issue de la première session et développe ses perspectives spirituelles et prophétiques. La conversion des sentiments, des images et des pensées qui habitent nos cœurs va de pair avec la conversion de l’agir pastoral et missionnaire. La deuxième partie, intitulée Ensemble, sur la barque, examine la conversion des relations au sein de la communauté chrétienne, à travers l’interaction des vocations, charismes et ministères. La troisième partie, « Jetez les filets », identifie trois pratiques intimement liées : le discernement ecclésial, les processus de prise de décision et une culture de la transparence, du rendre-compte et de l’évaluation. C’est aussi dans ces domaines qu’il nous est demandé d’initier des voies de « transformation missionnaire » ; pour cela, le renouvellement des organismes de participation est une urgence. La quatrième partie, intitulée Une pêche abondante, décrit comment il est possible d’inventer de nouvelles formes pour cultiver l’échange des dons et l’entrelacement des liens qui nous unissent dans l’Église, à une époque où l’expérience de l’enracinement dans un lieu est en train de changer profondément. Elle est suivie d’une cinquième partie, « Moi aussi je vous envoie », qui nous permet de regarder une étape indispensable : prendre soin de la formation de tous les membres du peuple de Dieu à la synodalité missionnaire.
L’élaboration du Document final est guidée par les récits évangéliques de la Résurrection. La ruée vers le tombeau à l’aube de Pâques, l’apparition du Ressuscité au Cénacle et au bord du lac ont inspiré notre discernement et nourri notre dialogue. Nous avons invoqué le don pascal de l’Esprit Saint, lui demandant de nous enseigner ce que nous devons faire et de nous montrer le chemin à suivre ensemble. Avec ce document, l’assemblée reconnaît et témoigne que la synodalité, dimension constitutive de l’Église, fait déjà partie de l’expérience de beaucoup de nos communautés. En même temps, elle suggère des pistes à suivre, des pratiques à mettre en œuvre, des horizons à explorer. Le Saint-Père, qui a convoqué l’Église en Synode, indiquera aux Églises, confiées à la charge pastorale des évêques, comment poursuivre notre chemin, portés par l’espérance qui « ne déçoit pas » (Rm 5,5)
Partie I – Le cœur de la synodalité – Appelés par l’Esprit Saint à la conversion
Le premier jour de la semaine, Marie Madeleine se rend au tombeau de grand matin ; c’était encore les ténèbres. Elle s’aperçoit que la pierre a été enlevée du tombeau. Elle court donc trouver Simon-Pierre et l’autre disciple, celui que Jésus aimait (Jn 20,1-2)
Au matin de Pâques, nous trouvons trois disciples : Marie de Magdala, Simon Pierre, le disciple que Jésus aimait. Chacun d’entre eux cherche le Seigneur à sa manière, chacun a son rôle à jouer dans ce réveil d’une aube d’espérance. Marie-Madeleine est poussée par un amour qui la conduit d’abord au tombeau. Sur son témoignage, Pierre et le disciple bien-aimé se rendent au tombeau. Le disciple bien-aimé court avec la force de sa jeunesse ; il cherche avec le regard de celui qui, le premier, a une intuition, mais il sait céder la place à l’aîné qui a reçu la charge de guide. Pierre, accablé d’avoir renié le Seigneur, attend le rendez-vous de la miséricorde, dont il deviendra ministre dans l’Église. Marie, restée au jardin, reconnaît le Seigneur quand il l’appelle par son nom. Il la charge d’annoncer sa résurrection aux disciples, ce qui lui vaudra le titre d’apôtre des apôtres. L’interdépendance de ces trois disciples illustre l’essence même de la synodalité.
L’Église existe pour témoigner au monde de l’événement décisif de l’histoire : la résurrection de Jésus. Le Ressuscité apporte la paix au monde et nous donne son Esprit. Le Christ vivant est source de la vraie liberté, fondement d’une espérance inébranlable, et révélation tant du véritable visage de Dieu que de la destinée ultime de l’être humain. Les évangiles nous enseignent que, pour embrasser la foi pascale et en devenir témoins, nous devons d’abord reconnaître notre vide intérieur, ainsi que les ténèbres de la peur, du doute et du péché. Mais ceux qui, dans l’obscurité, ont le courage de sortir et de se mettre en recherche, découvrent qu’en réalité c’est eux qui sont recherchés, appelés par leur nom, pardonnés et envoyés avec leurs frères et sœurs.
L’Église peuple de Dieu, sacrement d’unité
L’identité du peuple de Dieu découle du baptême au nom du Père, du Fils et du Saint- Esprit. Elle se réalise comme un appel à la sainteté et un envoi en mission pour inviter tous les peuples à accueillir le don du salut (cf. Mt 28, 18-19). Ainsi, l’Église synodale missionnaire trouve sa source dans le baptême, par lequel le Christ nous revêt de lui-même (cf. Ga 3, 27) et nous fait renaître par l’Esprit (cf. Jn 3, 5-6) comme enfants de Dieu. Toute la vie chrétienne a sa source et son horizon dans le mystère de la Trinité, qui suscite en nous le dynamisme de la foi, de l’espérance et de la charité.
« Le bon vouloir de Dieu a été que les hommes ne reçoivent pas la sanctification et le salut séparément, hors de tout lien mutuel ; il a voulu en faire un peuple qui le connaîtrait selon la vérité et le servirait dans la sainteté » (LG 9). Le Peuple de Dieu en marche vers le Royaume se nourrit continuellement de l’eucharistie, source de communion et d’unité : « Puisqu’il y a un seul pain, la multitude que nous sommes est un seul corps, car nous avons tous part à un seul pain » (1 Co 10, 17). L’Église, nourrie par le sacrement du corps et du sang du Seigneur, est constituée comme son Corps (cf. LG 7) : « Vous êtes corps du Christ et, chacun pour votre part, vous êtes membres de ce corps » (1 Co 12, 27). Vivifiée par la grâce, elle est le Temple de l’Esprit Saint (cf. LG 17) : c’est Lui, en effet, qui l’anime et la construit, faisant de nous tous les pierres vivantes d’un édifice spirituel (cf. 1 P 2, 5 ; LG 6)
Le processus synodal nous a fait éprouver le « goût spirituel » (EG 268) d’être le peuple de Dieu, rassemblé de toute tribu, langue, peuple et nation, vivant dans des contextes et des cultures différentes. Ce peuple n’est plus la simple somme des baptisés, mais le sujet communautaire et historique de la synodalité et de la mission. Bien que pèlerin sur terre, il vit déjà en communion avec l’Église du ciel. Dans les différents contextes où s’enracinent les Églises particulières, le peuple de Dieu annonce et témoigne de la Bonne Nouvelle du salut. Vivant dans le monde et pour le monde, il marche avec tous les peuples de la terre, dialogue avec leurs religions et leurs cultures en reconnaissant en elles les semences de la Parole, et avance vers le Royaume. Incorporés à ce peuple par la foi et le Baptême, nous sommes soutenus et accompagnés par la Vierge Marie, « signe d’espérance assurée et de consolation » (LG 68), par les apôtres, par ceux qui ont témoigné de leur foi jusqu’au don de leur vie, ainsi que par les saints de tous les temps et de tous les lieux.
Dans le peuple saint de Dieu, qui est l’Église, la communion des fidèles (communio fidelium) est en même temps la communion des Églises (communio ecclesiarum), qui se manifeste dans la communion des évêques (communio episcoporum), en vertu du principe très ancien selon lequel « l’Église est dans l’évêque et l’évêque est dans l’Église » (S. Cyprien, Epistola 66, 8). Au service de cette communion multiforme, le Seigneur a placé l’apôtre Pierre (cf. Mt 16, 18) et ses successeurs. En vertu du ministère pétrinien, l’évêque de Rome est « le principe perpétuel et visible et le fondement » (LG 23) de l’unité de l’Église.
« Les pauvres », les marginaux et les exclus « ont une place de choix dans le cœur de Dieu » (EG 197), et donc aussi dans celui de l’Église. En eux, la communauté chrétienne rencontre le visage et la chair du Christ qui, de riche qu’il était, s’est fait pauvre pour nous, afin que nous devenions riches par sa pauvreté (cf. 2 Co 8, 9). L’option préférentielle pour les pauvres est implicite dans la foi christologique. Les pauvres ont une connaissance directe du Christ souffrant (cf. EG 198) qui leur donne d’annoncer un salut reçu comme un don, et de rendre témoignage à la joie de l’Évangile. L’Église est appelée à être pauvre avec les pauvres, qui représentent souvent la majorité des fidèles, et à les écouter, et à les considérer comme agents de l’évangélisation, en apprenant avec eux à reconnaître les charismes qu’ils reçoivent de l’Esprit.
« Le Christ est la lumière des peuples » (LG 1) et cette lumière brille sur le visage de l’Église, bien qu’elle soit marquée par la fragilité de la condition humaine et par l’opacité du péché. Elle reçoit du Christ le don et la responsabilité d’être le levain qui agit dans les liens, les relations et la fraternité de la famille humaine (cf. AG 2-4). Pour cela, elle témoigne, dans le monde, du sens et du but du cheminement de l’humanité (cf. GS 3 et 42). Elle assume aujourd’hui cette responsabilité dans une époque dominée par la crise de la participation – qui est le sentiment d’être partie prenante et acteur d’un destin commun – et par une conception individualiste du bonheur et du salut. Sa vocation et son service prophétique (LG 12) consistent à témoigner du projet de Dieu d’unir à lui toute l’humanité dans la liberté et la communion. L’Église, qui est « le Règne de Dieu déjà mystérieusement présent » (LG 3), « formant de ce Royaume le germe et le commencement sur la terre » (LG 5), marche donc avec toute l’humanité, s’engageant de toutes ses forces pour la dignité humaine, le bien commun, la justice et la paix, et « aspire à l’achèvement de ce Royaume » (LG 5), quand Dieu sera « tout en tous » (1 Co 15, 28)
Les racines sacramentelles du peuple de Dieu
Le cheminement synodal de l’Église nous a conduits à redécouvrir que la variété des vocations, des charismes et des ministères a une racine unique : « C’est dans un unique Esprit, en effet, que nous tous […] avons été baptisés pour former un seul corps » (1 Co 12, 13). Le baptême est le fondement de la vie chrétienne parce qu’il introduit chacun dans le don le plus grand : être enfants de Dieu, c’est-à-dire participer à la relation de Jésus avec le Père dans l’Esprit. Il n’y a rien de plus élevé que cette dignité, donnée également à chaque personne, qui nous fait revêtir le Christ et être greffés sur Lui comme des sarments sur la vigne. Dans le nom de « chrétien » que nous avons l’honneur de porter, est contenue la grâce qui fonde notre vie, et qui nous fait marcher ensemble comme des frères et des sœurs.
En vertu du baptême, « le peuple saint de Dieu participe aussi de la fonction prophétique du Christ ; il répand son vivant témoignage avant tout par une vie de foi et de charité » (LG 12). Grâce à l’onction de l’Esprit Saint reçue au baptême (cf. 1 Jn 2, 20.27), tous les croyants possèdent un instinct pour la vérité de l’Évangile, appelé sensus fidei. Il s’agit d’une certaine connaturalité avec les réalités divines, fondée sur le fait que, dans l’Esprit Saint, les baptisés « sont rendus participants de la nature divine » (DV 2). De cette participation découle l’aptitude à saisir intuitivement ce qui est conforme à la vérité de la révélation dans la communion de l’Église. C’est pourquoi l’Église a la certitude que le saint peuple de Dieu ne peut errer dans la foi lorsque la totalité des baptisés exprime son accord universel en matière de foi et de morale (cf. LG 12). L’exercice du sensus fidei ne se confond pas avec l’opinion publique. Il est toujours lié au discernement des pasteurs aux différents niveaux de la vie ecclésiale, comme le montre l’articulation des phases du processus synodal. Il vise à atteindre le consensus des fidèles (consensus fidelium), qui constitue « un critère sûr pour déterminer si une doctrine ou une pratique particulière appartient à la foi apostolique » (Commission théologique internationale, Le sensus fidei dans la vie de l’Église, 2014, n° 3)
Par le baptême, tous les chrétiens participent au sensus fidei. C’est pourquoi le baptême n’est pas seulement le principe de la synodalité, mais aussi le fondement de l’œcuménisme. « Le chemin de la synodalité, que l’Église catholique est en train de parcourir, est et doit être œcuménique, de même que le chemin œcuménique est synodal. » (Pape François, Discours à Sa Sainteté Mar Awa III, 19 novembre 2022). L’œcuménisme est avant tout une question de renouveau spirituel. Il exige des processus de repentance, et de guérison de la mémoire des blessures du passé, jusqu’au courage de la correction fraternelle dans un esprit de charité évangélique. L’assemblée a résonné des témoignages éclairants de chrétiens de différentes traditions ecclésiales qui partagent l’amitié, la prière, la vie et l’engagement au service des pauvres et de la communauté. Dans quelques régions du monde, il existe surtout un œcuménisme du sang : des chrétiens de différentes appartenances donnent ensemble leur vie pour la foi en Jésus-Christ. Le témoignage de leur martyre est plus éloquent que toute parole : l’unité vient de la Croix du Seigneur
Il n’est pas possible de comprendre pleinement le baptême hors de l’initiation chrétienne, c’est-à-dire de l’itinéraire par lequel le Seigneur, à travers le ministère de l’Église et le don de l’Esprit, nous introduit dans la foi pascale et nous insère dans la communion trinitaire et ecclésiale. Cet itinéraire connaît une grande variété de formes en fonction de l’âge auquel il est entrepris, des différents accents propres aux traditions orientales et occidentales, et des spécificités de chaque Église locale. L’initiation met en contact avec une grande variété de vocations et de ministères ecclésiaux. En eux s’exprime le visage miséricordieux d’une Église qui apprend à ses enfants à marcher en marchant avec eux. Elle les écoute et, tout en répondant à leurs doutes et à leurs questions, elle s’enrichit de la nouveauté que chacun porte en soi, du fait de son histoire et de sa culture. Dans l’exercice de cette action pastorale, la communauté chrétienne expérimente, souvent sans en être pleinement consciente, la première forme de synodalité.
Dans l’itinéraire de l’initiation chrétienne, le sacrement de la confirmation enrichit la vie des croyants d’une effusion particulière de l’Esprit en vue du témoignage. L’Esprit dont Jésus a été rempli (cf. Lc 4, 1), qui l’a consacré par l’onction et l’a envoyé annoncer l’Évangile (cf. Lc 4, 18), est le même Esprit qui est répandu sur les croyants comme sceau d’appartenance à Dieu et comme onction qui sanctifie. C’est pourquoi la confirmation, qui rend présente la grâce de la Pentecôte dans la vie du baptisé et de la communauté, est un don de grande valeur pour renouveler le prodige d’une Église animée par le feu de la mission, qui aie le courage d’aller sur les chemins du monde et la capacité de se faire comprendre de tous les peuples et de toutes les cultures. Tous les croyants sont appelés à contribuer à cet élan, en accueillant les charismes que l’Esprit distribue abondamment à chacun, et en s’engageant à les mettre au service du Royaume avec humilité et un sens de l’initiative créatif
La célébration de l’Eucharistie, surtout le dimanche, est la modalité première et fondamentale selon laquelle le peuple saint de Dieu se réunit et se rencontre. La célébration eucharistique « signifie et réalise l’unité de l’Église » (UR 2). Dans la « participation pleine et active » (SC 14) de tous les fidèles, dans la présence des différents ministres et dans la présidence de l’évêque ou du prêtre, la communauté chrétienne est rendue visible, elle en qui se réalise une coresponsabilité différenciée de tous pour la mission. C’est pourquoi l’Église, Corps du Christ, apprend de l’Eucharistie à articuler unité et pluralité : unité de l’Église et multiplicité des assemblées eucharistiques ; unité du mystère sacramentel et variété des traditions liturgiques ; unité de la célébration et diversité des vocations, des charismes et des ministères. Rien mieux que l’Eucharistie ne montre que l’harmonie créée par l’Esprit n’est pas l’uniformité, et que tout don ecclésial est destiné à l’édification commune. Chaque célébration de l’Eucharistie exprime aussi le désir et l’appel à l’unité de tous les baptisés, une unité qui n’est pas encore pleine ni visible. Là où la célébration dominicale de l’Eucharistie n’est pas possible, la communauté, tout en la désirant, se rassemble autour de la célébration de la Parole, où le Christ est également présent.
Il existe un lien étroit entre synaxis et synodos, entre l’assemblée eucharistique et l’assemblée synodale. La promesse de Jésus d’être présent là où deux ou trois sont réunis en son nom se réalise dans les deux cas (cf. Mt 18, 20), bien que sous des formes différentes. Les assemblées synodales sont des événements qui célèbrent l’union du Christ avec son Église par l’action de l’Esprit. C’est Lui qui assure l’unité du corps ecclésial du Christ dans l’assemblée eucharistique comme dans l’assemblée synodale. La liturgie est une écoute de la Parole de Dieu et une réponse à son initiative d’alliance. L’assemblée synodale, elle aussi, est une écoute de cette même Parole, qui résonne aussi bien dans les signes des temps que dans le cœur des fidèles, et une réponse de l’assemblée qui discerne la volonté de Dieu pour la mettre en pratique. L’approfondissement du lien entre liturgie et synodalité aidera toutes les communautés chrétiennes, dans la diversité de leurs cultures et de leurs traditions, à adopter des styles de célébration qui manifestent le visage d’une Église synodale. Dans ce but, nous demandons la constitution d’un groupe d’étude spécifique, auquel sera confiée aussi la réflexion sur la manière dont les célébrations liturgiques pourront mieux exprimer la synodalité. En outre, il pourra traiter de la prédication dans les célébrations liturgiques et du développement d’une catéchèse sur la synodalité dans une perspective mystagogique.
Signification et dimensions de la synodalité
Les termes « synodalité » et « synodal » dérivent de la pratique ecclésiale ancienne et constante de se réunir en synode. Dans les traditions des Églises orientales et occidentales, le mot « synode » se réfère à des institutions et à des événements qui ont pris différentes formes au fil du temps, impliquant une pluralité de sujets. Dans leur diversité, toutes ces formes ont en commun le fait de se réunir pour dialoguer, discerner et décider. Grâce à l’expérience de ces dernières années, le sens de ces termes a été mieux compris et plus largement vécu. Ceux-ci ont été de plus en plus associés au désir d’une Église plus proche des gens et plus relationnelle, une Eglise qui soit la maison et la famille de Dieu. Au cours du processus synodal, une convergence a mûri sur le sens de la synodalité, qui est à la base du présent document : la synodalité est la marche commune des chrétiens avec le Christ et vers le Royaume de Dieu, en union avec toute l’humanité ; orientée vers la mission, elle implique la rencontre en assemblée aux différents niveaux de la vie ecclésiale, l’écoute réciproque, le dialogue, le discernement communautaire, la formation d’un consensus comme expression de la présence dans l’Esprit du Christ vivant, et la prise de décision dans une coresponsabilité différenciée. Dans cette ligne, nous comprenons mieux ce que signifie l’affirmation que la synodalité est une dimension constitutive de l’Église (cf. CTI, n. 1). En termes simples et synthétiques, on peut dire que la synodalité est un chemin de renouveau spirituel et de réforme structurelle pour rendre l’Église plus participative et missionnaire, c’est-à-dire pour la rendre plus capable de marcher avec chaque homme et chaque femme en rayonnant la lumière du Christ.
En la Vierge Marie, Mère du Christ, de l’Église et de l’humanité, nous voyons resplendir en pleine lumière les traits d’une Église synodale, missionnaire et miséricordieuse. Elle incarne en effet la figure de l’Église qui écoute, prie, médite, dialogue, accompagne, discerne, décide et agit. D’elle, nous apprenons l’art de l’écoute, l’attention à la volonté de Dieu, l’obéissance à sa Parole, la capacité de saisir les besoins des pauvres, le courage de se mettre en chemin, l’amour qui aide, le chant de louange et l’exultation dans l’Esprit. C’est pourquoi, comme l’a affirmé S. Paul VI, « l’action de l’Église dans le monde est comme un prolongement de la sollicitude de Marie » (MC 28)
Plus précisément, la synodalité désigne trois aspects distincts de la vie de l’Église :
a) en premier lieu, il s’agit du « style particulier qui détermine la vie et la mission de l’Église dont il exprime la nature comme le fait de cheminer ensemble et de se réunir en assemblée du peuple de Dieu convoquée par le Seigneur Jésus dans la force du Saint-Esprit pour annoncer l’Évangile. La synodalité doit s’exprimer dans la façon ordinaire de vivre et d’œuvrer de l’Église. Ce modus vivendi et operandi se réalise à travers l’écoute communautaire de la Parole et la célébration de l’Eucharistie, la fraternité de la communion et la responsabilité partagée, et la participation de tout le peuple de Dieu, à ses différents niveaux et dans la distinction des divers ministères et rôles, à la vie et à la mission de l’Église » (CTI, n. 70a) ;
b) deuxièmement, « la synodalité désigne, en outre, en un sens plus spécifique et plus déterminé du point de vue théologique et canonique, les structures et les processus ecclésiaux dans lesquels la nature synodale de l’Église s’exprime au niveau institutionnel, de manière analogue, aux différents niveaux de sa réalisation : local, régional, universel. Ces structures et processus sont au service du discernement revêtu d’autorité de l’Église, appelée à indiquer, en écoutant l’Esprit, quelle est la direction à suivre » (CTI, n. 70b) ;
c) troisièmement, la synodalité désigne « la réalisation ponctuelle des événements synodaux auxquels l’Église est convoquée par l’autorité compétente et selon des procédures spécifiques déterminées par la discipline ecclésiastique, impliquant selon des modalités diverses, au niveau local, régional et universel, tout le peuple de Dieu sous la présidence des évêques en communion collégiale et hiérarchique avec l’évêque de Rome, pour exercer un discernement sur son chemin et sur des questions particulières, et pour prendre des décisions et des orientations dans le but d’accomplir sa mission évangélisatrice » (CTI, n. 70c).
Dans le contexte de l’ecclésiologie conciliaire du Peuple de Dieu, le concept de communion exprime la substance profonde du mystère et de la mission de l’Église, qui trouve dans la célébration de l’Eucharistie sa source et son point culminant : l’union avec Dieu Trinité et l’unité entre les personnes humaines qui se réalise dans le Christ, par l’Esprit Saint. Dans ce contexte, la synodalité « signifie le modus vivendi et operandi spécifique de l’Église peuple de Dieu qui manifeste et réalise concrètement son être de communion dans le fait de cheminer ensemble, de se réunir en assemblée et que tous ses membres prennent une part active à sa mission évangélisatrice » (CTI, n. 6)
La synodalité n’est pas une fin en soi : elle est orientée vers la mission que le Christ a confiée à l’Église dans l’Esprit. Évangéliser est « ‘‘la mission essentielle de l’Église’’, […] c’est la grâce et la vocation propre de l’Église, son identité la plus profonde » (EN 14). En se faisant proches de tous, sans acception des personnes, en prêchant et en enseignant, en baptisant, en célébrant l’Eucharistie et le sacrement de la réconciliation, toutes les Églises locales et l’Église entière répondent concrètement au commandement du Seigneur d’annoncer l’Évangile à toutes les nations (cf. Mt 28, 19-20 ; Mc 16, 15-16). En valorisant tous les charismes et ministères, la synodalité permet au peuple de Dieu d’annoncer l’Évangile et de lui rendre témoignage devant les femmes et les hommes de tous lieux et de tous temps, devenant ainsi « sacrement visible » (LG 9) de la fraternité et de l’unité dans le Christ voulues par Dieu. La synodalité et la mission sont intimement liées : la mission éclaire la synodalité et la synodalité pousse à la mission.
L’autorité des pasteurs « est un don spécifique de l’Esprit du Christ-Tête pour l’édification de tout le Corps » (CTI, n. 67). Ce don est lié au sacrement de l’ordre, qui configure ceux qui le reçoivent au Christ Tête, Pasteur et Serviteur, et les met au service du saint peuple de Dieu pour garder l’apostolicité de l’annonce et promouvoir la communion ecclésiale à tous les niveaux. La synodalité offre « le cadre interprétatif le plus approprié pour comprendre le ministère hiérarchique lui-même » (François, Discours en commémoration du 50e anniversaire de l’institution du Synode des évêques, 17 octobre 2015) ; elle place dans une juste perspective le mandat que le Christ confie, dans l’Esprit Saint, aux pasteurs. Elle invite donc toute l’Église, y compris ceux qui exercent une autorité, à la conversion et à la réforme.
L’unité comme harmonie
« La créature humaine, qui est de nature spirituelle, se réalise dans les relations interpersonnelles. Plus elle les vit de manière authentique, plus son identité personnelle mûrit également. Ce n’est pas en s’isolant que l’homme se valorise lui-même, mais en se mettant en relation avec les autres et avec Dieu. L’importance de ces relations devient alors fondamentale » (CV 53). Une Église synodale se caractérise comme un espace où les relations peuvent s’épanouir, grâce à l’amour mutuel qui constitue le « commandement nouveau » laissé par Jésus à ses disciples (cf. Jn 13, 34-35). Dans des cultures et des sociétés de plus en plus individualistes, l’Église, « peuple qui tire son unité de l’unité du Père et du Fils et de l’Esprit Saint » (LG 4), peut témoigner de la force des relations fondées sur la Trinité. Les différences de vocation, d’âge, de sexe, de profession, de condition et d’appartenance sociale, présentes dans toute communauté chrétienne, offrent à chacun la rencontre avec l’altérité indispensable à la maturation personnelle.
C’est d’abord au sein de la famille – qui, comme le dit le Concile, pourrait être appelée « Église domestique » (LG 11) – que s’expérimente la richesse des relations entre des personnes unies dans la diversité de leurs caractères, de leur genre, de leurs âges et de leurs rôles. C’est pourquoi les familles sont un lieu privilégié pour apprendre et expérimenter les pratiques essentielles d’une Église synodale. Malgré les fractures et les souffrances qu’elles connaissent, les familles restent des lieux où nous apprenons à échanger le don de l’amour, de la confiance, du pardon, de la réconciliation et de la compréhension. C’est dans la famille que nous apprenons que nous avons la même dignité, que nous sommes créés pour la réciprocité, que nous avons besoin d’être écoutés et que nous sommes capables d’écouter, de discerner et de décider ensemble, d’accepter et d’exercer une autorité animée par la charité, d’être coresponsables et de rendre compte de nos actes. « La famille humanise les personnes à travers la relation du ‘‘nous’’ et promeut en même temps les légitimes différences de chacun » (François, Discours aux participants à l’Assemblée plénière de l’Académie pontificale des sciences sociales, 29 avril 2022)
Le processus synodal a mis en évidence que l’Esprit Saint suscite constamment une grande variété de charismes et de ministères dans le peuple de Dieu. « Dans l’édification du Corps du Christ règne également une diversité de membres et de fonctions. Unique est l’Esprit qui distribue des dons variés pour la fécondité de l’Église à la mesure de ses richesses et des exigences des services (cf. 1 Co 12, 1-11) » (LG 7). De même, l’aspiration à élargir les possibilités de participation et d’exercice de la coresponsabilité différenciée de tous les baptisés, hommes et femmes, est apparue. À cet égard, cependant, une tristesse a été exprimée. Elle provient du manque de participation de nombreux membres du peuple de Dieu à ce chemin de renouveau ecclésial a été exprimée. Elle vient aussi de la difficulté répandue à vivre pleinement une relation ajustée entre hommes et femmes, entre générations, et entre des personnes et des groupes d’identités culturelles et de conditions sociales différentes, en particulier les pauvres et les exclus.
Le processus synodal a également mis en lumière le patrimoine spirituel des Églises locales, dans lesquelles et à partir desquelles existe l’Église catholique, ainsi que la nécessité d’articuler leurs expériences. En vertu de la catholicité, « chacune des parties apporte aux autres et à toute l’Église le bénéfice de ses propres dons, en sorte que le tout et chacune des parties s’accroissent par un échange mutuel universel et par un effort commun vers une plénitude dans l’unité » (LG 13). Le ministère du successeur de Pierre « garantit les légitimes diversités et veille à ce que, loin de porter préjudice à l’unité, les particularités, au contraire, lui soient profitables » (ibid. ; cf. AG 22)
L’Église entière a toujours été une pluralité de peuples et de langues, d’Églises avec leurs rites, disciplines, patrimoines théologiques et spirituels particuliers, ou encore une pluralité de vocations, de charismes et de ministères au service du bien commun. L’unité de cette pluralité est réalisée par le Christ, pierre angulaire, et par l’Esprit, maître de l’harmonie. Cette unité dans la diversité est précisément désignée par la catholicité de l’Église. La pluralité des Églises sui iuris, dont le processus synodal a mis en évidence la richesse, en est un signe. L’assemblée demande que se poursuive le chemin de la rencontre, de la compréhension mutuelle et de l’échange des dons qui nourrissent la communion d’une Église d’Églises.
Le renouveau synodal favorise la valorisation des contextes comme des lieux où se rend présent et se réalise l’appel universel de Dieu à faire partie de son peuple, de ce Royaume de Dieu qui est « justice, paix et joie dans l’Esprit Saint » (Rm 14,17). C’est ainsi que les différentes cultures peuvent saisir l’unité qui sous-tend leur pluralité et les ouvre à la perspective d’un échange de dons. « L’unité de l’Église n’est pas uniformité, mais intégration organique des légitimes diversités » (NMI 46). La variété des expressions du message salvifique évite de le réduire à une compréhension unique de la vie de l’Église et des formes théologiques, liturgiques, pastorales et disciplinaires dans lesquelles il s’exprime.
La valorisation des contextes, des cultures et des diversités, ainsi que des relations entre eux, est un élément clé pour grandir en tant qu’Église synodale missionnaire et marcher, sous l’impulsion de l’Esprit Saint, vers l’unité visible des chrétiens. Nous réaffirmons l’engagement de l’Église catholique à poursuivre et à intensifier le cheminement œcuménique avec les autres chrétiens, en vertu de notre baptême commun, et en réponse à l’appel à vivre ensemble la communion et l’unité entre les disciples, pour lesquelles le Christ a prié lors de la dernière Cène (cf. Jn 17, 20-26). L’assemblée salue avec joie et gratitude les progrès des relations œcuméniques au cours des soixante dernières années, ainsi que les documents de dialogue et les déclarations qui expriment la foi commune. La participation des délégués fraternels a enrichi les travaux de l’assemblée ; nous attendons avec impatience les prochaines étapes du cheminement vers la pleine communion, grâce à la réception des fruits du cheminement œcuménique dans les pratiques ecclésiales
Partout dans le monde, les chrétiens vivent côte à côte avec des personnes qui ne sont pas baptisées et qui servent Dieu en pratiquant une religion différente. Nous prions solennellement pour elles dans la liturgie du Vendredi Saint, nous collaborons et luttons avec elles pour construire un monde meilleur et, avec elles, nous implorons le Dieu unique de délivrer le monde des maux qui l’affligent. Le dialogue, la rencontre et l’échange des dons typiques d’une Église synodale sont appelés à s’ouvrir aux relations avec les autres traditions religieuses, dans le but « d’établir l’amitié, la paix, l’harmonie et de partager des valeurs ainsi que des expériences morales et spirituelles dans un esprit de vérité et d’amour » (Conférence des évêques catholiques d’Inde, Response of the Church in India to the present day challenges, 9 mars 2016, cité dans FT 271). Dans certaines régions, les chrétiens qui s’engagent dans la construction de rapports fraternels avec des personnes d’autres religions subissent des persécutions. L’assemblée les encourage à persévérer avec espérance dans leur engagement.
La pluralité des religions et des cultures, la multiplicité des traditions spirituelles et théologiques, la variété des dons de l’Esprit et des tâches dans la communauté, ainsi que la diversité des âges, des sexes et des appartenances sociales au sein de l’Église, constituent une invitation pour chacun à reconnaître et à assumer sa propre partialité, en renonçant à la prétention d’être au centre et en s’ouvrant à l’accueil d’autres perspectives. Chacun est porteur d’une contribution particulière et indispensable pour mener à bien l’œuvre commune. L’Église synodale peut être décrite en recourant à l’image de l’orchestre : la variété des instruments est nécessaire pour donner vie à la beauté et à l’harmonie de la musique, au sein de laquelle la voix de chacun conserve ses caractéristiques propres au service de la mission commune. Ainsi se manifeste l’harmonie que l’Esprit opère dans l’Église, lui qui est l’harmonie en personne (cf. S Basile, Sur le Psaume 29, 1 ; Sur l’Esprit Saint, XVI, 38)
La spiritualité synodale
La synodalité est avant tout une disposition spirituelle, qui imprègne la vie quotidienne des baptisés et tous les aspects de la mission de l’Église. Une spiritualité synodale naît de l’action de l’Esprit Saint et requiert l’écoute de la Parole de Dieu, la contemplation, le silence et la conversion du cœur. Comme l’a affirmé le pape François à l’ouverture de cette deuxième session, « l’Esprit Saint est un guide sûr, et notre première tâche est d’apprendre à discerner sa voix, parce qu’il parle en tous et en toutes choses » (Discours prononcé lors de la première Congrégation générale de la deuxième session de la XVIe Assemblée générale ordinaire du Synode des évêques, 2 octobre 2024). La spiritualité synodale exige aussi l’ascèse, l’humilité, la patience et la disponibilité à pardonner et à être pardonné. Elle accueille avec gratitude et humilité la variété des dons et des charges distribuées par l’Esprit Saint pour le service de l’unique Seigneur (cf. 1 Co 12, 4-5). Elle le fait sans ambition ni envie, ni désir de domination ou de contrôle, en cultivant les mêmes sentiments que le Christ Jésus, qui « s’est anéanti, prenant la condition de serviteur » (Ph 2, 7). Nous en reconnaissons le fruit lorsque la vie quotidienne de l’Église est marquée par l’unité et l’harmonie dans la pluralité. Personne ne peut avancer seul sur le chemin d’une spiritualité authentique. Individuellement et en communauté, nous avons besoin de soutien, ce qui inclut la formation spirituelle et l’accompagnement spirituel.
Le renouveau de la communauté chrétienne n’est possible qu’en reconnaissant la primauté de la grâce. Si la profondeur spirituelle personnelle et communautaire fait défaut, la synodalité se réduit à une logique d’organisation. Nous sommes appelés non seulement à traduire les fruits de l’expérience spirituelle personnelle dans des processus communautaires, mais à expérimenter comment la pratique du nouveau commandement de l’amour mutuel est un lieu et une forme d’une rencontre authentique avec Dieu. En ce sens, la perspective synodale, tout en s’appuyant sur le riche patrimoine spirituel de la Tradition, contribue à en renouveler les formes : une prière ouverte à la participation, un discernement vécu ensemble, une énergie missionnaire qui naît du partage et se déploie comme service.
La conversation dans l’Esprit est un outil qui, même avec ses limites, s’est avéré fécond pour permettre l’écoute et le discernement de « ce que l’Esprit dit aux Églises » (Ap 2, 7). Sa pratique a suscité joie, étonnement et gratitude ; elle a été vécue comme un chemin de renouveau qui transforme les individus, les groupes et l’Église. Le mot « conversation » exprime quelque chose de plus qu’un simple dialogue : il entrelace harmonieusement la pensée et le sentiment, et génère un univers partagé. C’est pourquoi on peut dire que la conversion est l’enjeu de la conversation. Il s’agit d’une donnée anthropologique que l’on retrouve dans différents peuples et cultures, unis par la pratique de se réunir solidairement pour discuter et décider des questions vitales pour la communauté. La grâce mène à son accomplissement cette expérience humaine : converser « dans l’Esprit » signifie faire l’expérience du partage à la lumière de la foi, dans la recherche de la volonté de Dieu, au sein d’une atmosphère évangélique, où l’Esprit Saint peut faire entendre sa voix absolument singulière.
À chaque étape du processus synodal a résonné le besoin de guérison, de réconciliation et de rétablissement de la confiance au sein de l’Église – en particulier à la suite de trop nombreux scandales liés à divers types d’abus – et au sein de la société. L’Église est appelée à mettre au centre de sa vie et de son action le fait que dans le Christ, par le baptême, nous sommes confiés les uns aux autres. La reconnaissance de cette réalité profonde devient un devoir sacré qui permet de reconnaître les erreurs et de reconstruire la confiance. Parcourir ce chemin est un acte de justice, un engagement missionnaire du peuple de Dieu dans notre monde, ainsi qu’un don que nous devons invoquer d’en haut. Le désir de poursuivre ce chemin est le fruit du renouveau synodal.
La synodalité comme prophétie sociale
Pratiqué avec humilité, le style synodal peut faire de l’Église une voix prophétique dans le monde d’aujourd’hui. « Une Église synodale est comme un étendard levé parmi les nations (cf. Is 11,12) » (François, Discours pour la commémoration du 50 e anniversaire de l’institution du Synode des évêques, 17 octobre 2015). Nous vivons à une époque marquée par des inégalités toujours croissantes, une désillusion grandissante à l’égard des modèles traditionnels de gouvernance, un désenchantement quant au fonctionnement de la démocratie, une croissance des tendances autocratiques et dictatoriales, la domination du modèle du marché sans égards pour la vulnérabilité des personnes et de la création, et la tentation de résoudre les conflits par la force plutôt que par le dialogue. Des pratiques authentiques de synodalité permettent aux chrétiens de développer une culture capable de prophétie critique vis-à-vis de la pensée dominante. Ils peuvent ainsi offrir une contribution particulière à la recherche des réponses à nombre des défis que doivent affronter les sociétés contemporaines, ainsi qu’à la construction du bien commun.
La manière synodale de vivre les relations est un témoignage social à l’égard de la société. Il répond au besoin humain d’être accueilli et de se sentir reconnu au sein d’une communauté concrète. C’est un défi à l’isolement croissant des personnes et à l’individualisme culturel, dont même l’Église est souvent imprégnée ; ce défi nous rappelle à l’attention mutuelle, à l’interdépendance et à la coresponsabilité pour le bien commun. De même, cette manière synodale d’être en relation remet en question un communautarisme social exagéré qui étouffe les personnes et ne leur permet pas d’être les sujets de leur propre développement. La disponibilité à écouter tout le monde, en particulier les pauvres, s’inscrit en contraste avec un monde dans lequel la concentration du pouvoir exclut les pauvres, les marginalisés, les minorités et la terre, notre maison commune. La synodalité et l’écologie intégrale s’inscrivent toutes deux dans la perspective des relations et insistent sur la nécessité de prendre soin des liens : c’est pourquoi elles se correspondent et s’intègrent à la manière de vivre la mission de l’Église dans le monde contemporain.
Partie II – Ensemble dans la barque La conversion des relations
Il y avait là, ensemble, Simon-Pierre, avec Thomas, appelé Didyme (c’est-à-dire Jumeau), Nathanaël, de Cana de Galilée, les fils de Zébédée, et deux autres de ses disciples. Simon-Pierre leur dit : « Je m’en vais à la pêche. » Ils lui répondent : « Nous aussi, nous allons avec toi. » Ils partirent et montèrent dans la barque ; or, cette nuit-là, ils ne prirent rien. (Jn 21, 2-3)
C’est sur le lac de Tibériade que tout a commencé. Pierre, André, Jacques et Jean avaient quitté la barque et les filets pour suivre Jésus. Après Pâques, ils repartent de ce lac. Dans la nuit, un dialogue résonne sur le rivage : « Je m’en vais à la pêche. – Nous aussi, nous allons avec toi. » Le voyage synodal a également commencé ainsi : nous avons entendu l’invitation du successeur de Pierre et nous l’avons acceptée ; nous nous sommes mis en route avec lui et derrière lui. Ensemble, nous avons prié, réfléchi, peiné et dialogué. Mais surtout, nous avons expérimenté combien ce sont les relations qui soutiennent la vitalité de l’Église, en animant ses structures. Une Église synodale missionnaire a besoin de renouveler les structures et les relations.
De nouvelles relations
Tout au long du parcours du Synode, et sous toutes les latitudes, une recherche s’est fait jour : celle d’une Église davantage capable de nourrir les relations – avec le Seigneur, entre hommes et femmes, dans les familles, dans les communautés, entre tous les chrétiens, entre les groupes sociaux et les religions, avec la création. Beaucoup ont exprimé leur surprise d’être sollicités et leur joie de pouvoir faire entendre leur voix dans la communauté ; certains ont également partagé leur souffrance de se sentir exclus ou jugés en raison de leur situation matrimoniale, de leur identité et de leur sexualité. Le désir de relations authentiques et profondes ne reflète pas uniquement un besoin d’appartenance communautaire, mais exprime une conviction de foi essentielle : la qualité évangélique des relations au sein de la communauté est fondamentale pour le témoignage que le peuple de Dieu est appelé à donner dans l’histoire. « À ceci tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres » (Jn 13, 35). Les relations renouvelées par la grâce et l’hospitalité offerte aux plus petits, selon l’enseignement de Jésus, sont le signe le plus éloquent de l’action de l’Esprit Saint dans la communauté des disciples. Pour être une Église synodale, une véritable conversion relationnelle est donc nécessaire. Nous devons apprendre à nouveau de l’Évangile que le soin des relations et des liens n’est pas une stratégie ou un instrument pour une plus grande efficacité organisationnelle, mais que c’est la manière dont Dieu le Père s’est révélé en Jésus et dans l’Esprit. Quand nos relations, malgré leur fragilité, laissent transparaître la grâce du Christ, l’amour du Père, la communion de l’Esprit, nous confessons par notre vie la foi en Dieu Trinité.
C’est vers les évangiles que nous devons regarder pour tracer le chemin de la conversion qui nous est demandée, en apprenant à faire nôtres les attitudes de Jésus. Les évangiles « nous [le] présentent comme étant constamment à l’écoute des personnes qui le rencontrent sur les routes de la Terre Sainte » (DTC 11). Qu’il s’agisse d’hommes ou de femmes, de juifs ou de païens, de docteurs de la loi ou de publicains, de justes ou de pécheurs, de mendiants, d’aveugles, de lépreux ou de malades, Jésus n’a renvoyé personne sans s’arrêter pour écouter, ni sans entrer en dialogue. Il a révélé le visage du Père en allant à la rencontre de chaque personne, de son histoire et de sa liberté. De son écoute des besoins et de la foi des personnes qu’il rencontrait, jaillissaient des paroles et des gestes qui renouvelaient leur vie, ouvrant la voie à des relations restaurées. Jésus se présente comme le Messie qui « fait entendre les sourds et parler les muets » (Mc 7, 37). À nous, ses disciples, il demande d’agir de la même manière et nous donne, par la grâce de l’Esprit Saint, la capacité de le faire, en modelant notre cœur sur le sien : seul « le cœur rend possible tout lien authentique, car une relation qui n’est pas construite par le cœur ne peut pas surmonter le morcellement de l’individualisme. » (DN 17). En écoutant nos frères et sœurs, nous participons à l’attitude avec laquelle Dieu, en Jésus- Christ, vient à la rencontre de chacun.
Le besoin de conversion dans les relations concerne sans équivoque les relations entre les hommes et les femmes. Le dynamisme relationnel est inscrit dans notre condition de créatures. La différence sexuelle constitue la base des relations humaines. « Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa, il les créa homme et femme » (Gn 1, 27). Dans le projet de Dieu, cette différence originelle n’implique pas d’inégalité entre l’homme et la femme.
Dans la nouvelle création, elle est réinterprétée à la lumière de la dignité du baptême : « En effet, vous tous que le baptême a unis au Christ, vous avez revêtu le Christ ; il n’y a plus ni juif ni grec, il n’y a plus ni esclave ni homme libre, il n’y a plus l’homme et la femme, car tous, vous ne faites plus qu’un dans le Christ Jésus » (Ga 3, 27-28). Comme chrétiens, nous sommes appelés à accueillir et à respecter cette différence qui est don de Dieu et source de vie, selon les différentes manières et les différents contextes où elle s’exprime. Nous témoignons de l’Évangile quand nous cherchons à vivre des relations qui respectent l’égale dignité et la réciprocité entre hommes et femmes. Les expressions récurrentes de douleur et de souffrance au cours du processus synodal, des femmes de toutes les régions et de tous les continents, laïques et consacrées, révèlent à quel point nous échouons souvent à le faire.
Dans une pluralité de contextes
L’appel au renouvellement des relations dans le Seigneur Jésus résonne dans la pluralité des contextes où ses disciples vivent et réalisent la mission de l’Église. Chacun de ces contextes présente des richesses particulières, liées au pluralisme des cultures, dont il est indispensable de tenir compte. Tous, cependant, bien que de manières différentes, portent les marques de logiques relationnelles faussées et parfois opposées à celles de l’Évangile. Au cours de l’histoire, les fermetures relationnelles se sont consolidées en structures de péché (cf. SRS 36), qui influencent la façon dont les personnes pensent et agissent. En particulier, elles génèrent des blocages et des peurs que nous devons regarder en face et traverser pour pouvoir nous engager sur le chemin de la conversion relationnelle.
La croyance selon laquelle toute la création, y compris les êtres humains, peut être exploitée à volonté à des fins lucratives est tout aussi mortelle.
C’est dans cette dynamique que s’enracinent les maux qui affligent notre monde, à commencer par les guerres et les conflits armés, et l’illusion qu’une paix juste peut être obtenue par la force des armes. Tout aussi mortelle est la croyance selon laquelle l’intégralité de la création, même les êtres humains, peut être exploitée à des fins lucratives. En découlent les nombreuses et diverses barrières qui séparent les personnes, même dans les communautés chrétiennes, et limitent les possibilités des uns par rapport à celles dont jouissent les autres : les inégalités entre hommes et femmes, le racisme, la division en castes, la discrimination des personnes handicapées, la violation des droits des minorités de tout genre, le refus d’accueillir les migrants. Même la relation avec la terre, notre sœur et mère (cf. LS 1), porte les signes d’une fracture qui met en péril la vie d’innombrables communautés – en particulier dans les régions les plus pauvres – voire de peuples entiers, sinon de toute l’humanité. La fermeture à l’égard de la vie humaine elle-même est la plus radicale et la plus dramatique ; elle conduit à rejeter les enfants dès le sein maternel, ainsi que les personnes âgées.
Tant de maux qui affligent notre monde se manifestent également dans l’Église. La crise des abus, dans ses manifestations diverses et tragiques, a apporté des souffrances indicibles et souvent durables aux victimes et aux survivants, ainsi qu’à leurs communautés. L’Église doit écouter avec une attention et une sensibilité particulières les voix des victimes et des survivants d’abus sexuels, spirituels, économiques, institutionnels, de pouvoir et de conscience commis par des membres du clergé ou des personnes nommées par l’Eglise. L’écoute est un élément fondamental du cheminement vers la guérison, le repentir, la justice et la réconciliation. À une époque qui connaît une crise mondiale de la confiance et qui encourage les gens à vivre dans la méfiance et le soupçon, l’Église doit reconnaître ses propres manquements, demander humblement pardon, prendre soin des victimes, se doter d’outils de prévention et s’efforcer de reconstruire la confiance mutuelle dans le Seigneur.
L’écoute des personnes exclues et des marginalisées renforce notre prise de conscience qu’assumer le poids de ces relations blessées pour que le Seigneur, le Vivant, puisse les guérir fait partie de la mission de l’Église. C’est ainsi qu’elle devient « le sacrement, c’est-à- dire à la fois le signe et le moyen de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain » (LG 1). En même temps, l’ouverture au monde nous permet de découvrir que dans chaque recoin de la planète, dans chaque culture et dans chaque groupe humain, l’Esprit a semé les graines de l’Évangile. Elles portent fruit dans la capacité à vivre des relations saines, à cultiver la confiance réciproque et le pardon, à vaincre la peur de la différence et à donner vie à des communautés accueillantes, à promouvoir une économie attentive aux personnes et à la planète, à se réconcilier après un conflit. L’histoire nous lègue un héritage de conflits, notamment religieux, qui ont miné la crédibilité des religions elles-mêmes. Une source de souffrance est le scandale de la division entre communions chrétiennes, l’inimitié entre frères et sœurs qui ont reçu le même baptême. L’expérience renouvelée d’élan œcuménique, qui accompagne le chemin synodal et constitue un des signes de la conversion relationnelle, ouvre à l’espérance.
Charismes, vocations et ministères pour la mission
Les chrétiens, personnellement ou sous une forme associative, sont appelés à faire fructifier les dons que l’Esprit leur accorde en vue du témoignage et de l’annonce de l’Évangile. « Les dons de la grâce sont variés, mais c’est le même Esprit. Les services sont variés, mais c’est le même Seigneur. Les activités sont variées, mais c’est le même Dieu qui agit en tout en et en tous. À chacun est donnée la manifestation de l’Esprit en vue du bien » (1 Co 12, 4-7)
Dans la communauté chrétienne, tous les baptisés sont riches de dons à partager, chacun selon sa vocation et son état de vie. Les diverses vocations ecclésiales sont en réalité des expressions multiples et articulées de l’unique appel baptismal à la sainteté et à la mission. La variété des charismes, qui trouve son origine dans la liberté de l’Esprit Saint, est finalisée à l’unité du corps ecclésial du Christ (cf. LG 32) et à la mission dans les différents lieux et cultures (cf. LG 12). Ces dons ne sont pas la propriété exclusive de ceux qui les reçoivent et les exercent, ni une raison de les revendiquer pour soi-même ou pour un groupe. A travers une pastorale des vocations appropriés, ces dons sont appelés à contribuer à la fois à la vie de la communauté chrétienne et au développement de la société dans ses multiples dimensions.
Chaque baptisé répond à l’exigence de la mission au sein des contextes dans lesquels il vit et agit, à partir de ses inclinations et de ses capacités. Il manifeste ainsi la liberté de l’Esprit qui répand ses propres dons. C’est grâce à ce dynamisme de l’Esprit que le peuple de Dieu, en se mettant à l’écoute de la réalité dans laquelle il vit, peut découvrir de nouveaux espaces d’engagement et de nouvelles manières d’accomplir sa mission. Les chrétiens qui, à différents titres – dans leur famille et dans d’autres états de vie, sur leur lieu de travail et dans leur profession, dans l’engagement civique ou politique, social ou écologique, dans le développement d’une culture inspirée par l’Évangile comme dans l’évangélisation de la culture numérique – marchent sur les chemins du monde et annoncent l’Évangile dans leurs milieux de vie, sont soutenus par les dons de l’Esprit.
Ils demandent à l’Église de ne pas les laisser seuls, car ils veulent se sentir envoyés et soutenus. Ils demandent à être nourris du pain de la Parole et de l’Eucharistie, ainsi que par les liens fraternels de la communauté. Ils demandent que leur engagement soit reconnu pour ce qu’il est : une action d’Église en vertu de l’Évangile, et non une option privée. Enfin, ils demandent que la communauté accompagne ceux qui, à travers leur témoignage, ont été attirés par l’Évangile. Dans une Église synodale missionnaire, sous la conduite de leurs pasteurs, les communautés seront capables d’envoyer des personnes et de soutenir celles qu’elles auront envoyées. Elles se concevront donc principalement au service de la mission que les fidèles accomplissent dans la société, dans la vie familiale et professionnelle, sans se concentrer exclusivement sur les activités qui se déroulent en leur sein et sur leurs besoins d’organisation.
En vertu du baptême, les hommes et les femmes jouissent d’une égale dignité dans le peuple de Dieu. Cependant, les femmes continuent à rencontrer des obstacles pour obtenir une reconnaissance plus pleine de leurs charismes, de leur vocation et de leur place dans les diverses sphères de la vie de l’Église, ce qui nuit au service de la mission commune. Les Écritures attestent du rôle prépondérant de nombreuses femmes dans l’histoire du salut. C’est à une femme, Marie de Magdala, qu’a été confiée la première annonce de la Résurrection. Le jour de la Pentecôte, Marie, Mère de Dieu, était présente au cénacle avec beaucoup d’autres femmes qui avaient suivi le Seigneur. Il est important que les passages de l’Écriture relatifs aux femmes trouvent une place convenable dans les lectionnaires liturgiques. Certains moments cruciaux de l’histoire de l’Église confirment la contribution essentielle de femmes mues par l’Esprit. Les femmes constituent la majorité des fidèles et sont souvent les premiers témoins de la foi dans les familles. Elles sont actives dans la vie des petites communautés chrétiennes et des paroisses ; elles dirigent des écoles, des hôpitaux et des centres d’accueil ; elles sont à l’origine d’initiatives de réconciliation, de promotion de la dignité humaine et de la justice sociale. Les femmes contribuent à la recherche théologique et occupent des postes à responsabilité dans les institutions liées à l’Église, dans les curies diocésaines et à la Curie romaine. Des femmes occupent des postes d’autorité ou sont à la tête de communautés. Cette assemblée appelle à mettre pleinement en œuvre tout ce qui est déjà possible quant au rôle des femmes dans le droit en vigueur, en particulier dans les lieux où ces possibilités ne sont pas concrétisées. Il n’existe pas de raison d’empêcher les femmes d’assumer des rôles de guide dans les Églises : ce qui vient de l’Esprit Saint ne peut être arrêté. La question de l’accès des femmes au ministère diaconal reste également ouverte et le discernement à ce sujet doit se poursuivre. L’assemblée demande en outre qu’une plus grande attention soit portée au langage et aux images utilisés dans la prédication, l’enseignement, la catéchèse et la rédaction des documents officiels de l’Église, en donnant plus de place à la contribution des saintes, des théologiennes et des mystiques.
Au sein de la communauté chrétienne, une attention particulière doit être réservée aux enfants : ils n’ont pas seulement besoin d’être accompagnés dans l’aventure de leur croissance, mais ils ont beaucoup à donner à la communauté des croyants. Lorsque les apôtres discutent entre eux pour savoir qui est le plus grand, Jésus place un enfant au centre, le présentant comme le critère d’entrée dans le Royaume (cf. Mc 9, 33-37). L’Église ne peut être synodale sans la contribution des enfants, porteurs d’un potentiel missionnaire à valoriser. Leur voix est nécessaire à la communauté : nous devons l’écouter et nous engager pour que tous les membres de la société l’écoutent, en particulier ceux qui ont des responsabilités politiques et éducatives. Une société qui ne sait pas accueillir et soigner les enfants est une société malade ; les souffrances que beaucoup d’entre eux endurent à cause de la guerre, de la pauvreté et de l’abandon, des abus et de la traite sont un scandale qui exige le courage de la dénonciation et l’engagement de la solidarité.
Les jeunes ont aussi une contribution à apporter au renouveau synodal de l’Église. Ils sont particulièrement sensibles aux valeurs de fraternité et de partage, tout en rejetant les attitudes paternalistes ou autoritaires. Leur attitude à l’égard de l’Église apparaît parfois critique, mais elle prend souvent la forme positive d’un engagement personnel dans une communauté accueillante et engagée dans la lutte contre l’injustice sociale et pour le soin de la maison commune. La demande de « cheminer ensemble dans la vie quotidienne », formulée par les jeunes lors du Synode qui leur était dédié en 2018, correspond exactement à l’horizon d’une Église synodale. C’est pourquoi il est essentiel de leur fournir un accompagnement attentif et patient. En particulier, la proposition, née grâce à leur contribution, d’une « expérience d’accompagnement en vue du discernement » mérite d’être reprise et relancée. Cela comprend une vie fraternelle partagée avec des éducateurs adultes, un engagement apostolique à vivre ensemble au service des plus nécessiteux une offre de spiritualité enracinée dans la prière et dans la vie sacramentelle (cf. Document final de la XVe Assemblée générale ordinaire du Synode des évêques, « Les jeunes, la foi et le discernement vocationnel », 161).
En promouvant la coresponsabilité pour la mission de tous les baptisés, nous reconnaissons les capacités apostoliques des personnes handicapées qui se sentent appelées et envoyées comme agents actifs de l’évangélisation. Nous voulons valoriser la contribution qui vient de l’immense richesse d’humanité qu’elles apportent avec elles. Nous reconnaissons leurs expériences de souffrance, de marginalisation, de discrimination, parfois subies au sein même de la communauté chrétienne, en raison d’attitudes paternalistes de commisération. Pour encourager leur participation à la vie et à la mission de l’Église, nous proposons la création d’un Observatoire ecclésial du handicap.
Parmi les vocations qui enrichissent l’Église, celle des époux se distingue. Le Concile Vatican II a enseigné que « en leur état de vie et leur ordre, ils ont ainsi dans le peuple de Dieu leurs dons propres » (LG 11). Le sacrement du mariage confie une mission particulière qui concerne à la fois la vie de la famille, l’édification de l’Église et l’engagement dans la société. En particulier, ces dernières années, on a pris de plus en plus conscience que les familles sont des agents de la pastorale familiale, et pas seulement des destinataires de celle-ci. Pour cela, elles ont besoin de se rencontrer et de se mettre en réseau, notamment grâce à l’aide des institutions ecclésiales dédiées à l’éducation des enfants et des jeunes. Une fois de plus, l’assemblée exprime sa proximité et son soutien à tous ceux qui vivent une condition de solitude dans un choix de fidélité à la Tradition et au Magistère de l’Église à propos du mariage et de l’éthique sexuelle, y reconnaissant une source de vie.
Au cours des siècles, les dons spirituels ont également donné naissance à diverses expressions de la vie consacrée. Dès les origines, l’Église a reconnu l’action de l’Esprit dans la vie des hommes et des femmes qui ont choisi de suivre le Christ sur le chemin des conseils évangéliques, en se consacrant au service de Dieu dans la contemplation et dans de multiples formes de service. La vie consacrée est appelée à interpeller l’Église et la société par sa voix prophétique. Dans leur expérience séculaire, les familles religieuses ont mûri des pratiques éprouvées de vie synodale et de discernement en commun, apprenant à harmoniser les dons individuels et la mission commune. Les ordres et les congrégations, les sociétés de vie apostolique, les instituts séculiers, ainsi que les associations, les mouvements et les communautés nouvelles ont une contribution spéciale à apporter à la croissance de la synodalité dans l’Église. Aujourd’hui, de nombreuses communautés de vie consacrée sont un laboratoire d’interculturalité qui constitue une prophétie pour l’Église et le monde. En même temps, la synodalité invite – ce qui constitue parfois un défi – les pasteurs des Églises locales, autant que les responsables de la vie consacrée et des associations ecclésiales, à renforcer leurs relations afin de donner vie à un échange de dons, au service de la mission commune.
La mission implique tous les baptisés. La première tâche des laïcs, hommes et femmes, est d’imprégner et de transformer les réalités temporelles selon l’esprit de l’Évangile (cf. LG 31.33 ; AA 5-7). Le processus synodal, soutenu par une impulsion du pape François (cf. Lettre apostolique sous forme de Motu proprio Spiritus Domini, 10 janvier 2021), a exhorté les Églises locales à répondre avec créativité et courage aux besoins de la mission, en discernant parmi les charismes ceux qui doivent prendre une forme ministérielle, en se dotant de critères, d’instruments et de procédures appropriés. Tous les charismes ne doivent pas être configurés comme des ministères, ni tous les baptisés être des ministres, ni tous les ministères être institués. Pour qu’un charisme soit configuré comme ministère, il est nécessaire que la communauté identifie une vraie nécessité pastorale, et que cela s’accompagne d’un discernement effectué par le pasteur, avec la communauté, quant à l’opportunité de créer un nouveau ministère. L’autorité compétente assume la décision qui est le fruit d’un tel processus. Dans une Église synodale missionnaire, la promotion de formes plus nombreuses de ministères laïcs, c’est-à- dire de ministères qui ne requièrent pas le sacrement de l’ordre, est nécessaire et ceci, pas seulement dans le domaine liturgique. Ces ministères peuvent être institués ou non. À une époque où les gens se déplacent de plus en plus facilement, il convient de réfléchir à la manière de confier des ministères laïcs en précisant les durées et les domaines où ils s’exercent.
Parmi les nombreux services ecclésiaux, l’assemblée a reconnu la contribution à l’intelligence de la foi et au discernement qu’apporte la théologie, dans la variété de ses expressions. Les théologiens aident le peuple de Dieu à développer une compréhension de la réalité éclairée par la Révélation, à élaborer des réponses et un langage appropriés pour la mission. Dans l’Église synodale et missionnaire, « le charisme de la théologie est appelé à rendre un service spécifique […]. Avec l’expérience de la foi et la contemplation de la vérité du peuple fidèle, et avec la prédication des pasteurs, la théologie contribue à une pénétration toujours plus profonde de l’Évangile. De plus, ‘‘comme c’est le cas pour toutes les vocations chrétiennes, le ministère du théologien est lui aussi personnel et en même temps communautaire et collégial’’ » (CTI, n. 75), surtout lorsqu’il est exercé sous la forme d’un enseignement en vertu d’une mission canonique dans des institutions académiques ecclésiastiques. « La synodalité ecclésiale engage donc les théologiens à faire de la théologie de manière synodale, en promouvant entre eux la capacité d’écouter, de dialoguer, de discerner et d’intégrer la multiplicité et la variété des instances et des contributions » (ibid.). Dans cette ligne, il est urgent de favoriser, à travers des formes institutionnelles appropriées, le dialogue entre les pasteurs et ceux qui sont engagés dans la recherche théologique. L’assemblée invite les institutions théologiques à poursuivre la recherche visant à clarifier et à approfondir le sens de la synodalité et à accompagner la formation dans les Églises locales.
Le ministère ordonné au service de l’harmonie
Comme tous les ministères de l’Église, l’épiscopat, le presbytérat et le diaconat sont au service de l’annonce de l’Évangile et de l’édification de la communauté ecclésiale. Le Concile Vatican II a rappelé que le ministère ordonné, d’institution divine, « est exercé dans la diversité des ordres par ceux que déjà depuis l’Antiquité on appelle évêques, prêtres, diacres » (LG 28). Dans ce contexte, le Concile Vatican II a affirmé la sacramentalité de l’épiscopat (LG 21), retrouvé la réalité communautaire du presbytérat (LG 28) et ouvert la voie à la restauration de l’exercice permanent du diaconat dans l’Église latine (LG 29).
Le ministère de l’évêque : rassembler dans l’unité les dons de l’Esprit
La tâche de l’évêque est de présider une Église locale, en tant que principe visible d’unité en son sein et lien de communion avec toutes les Églises. L’affirmation du Concile, selon laquelle « par la consécration épiscopale, est conférée la plénitude du sacrement de l’Ordre » (LG 21), nous permet de comprendre l’identité de l’évêque dans la trame des relations sacramentelles avec le Christ et avec la « portion du peuple de Dieu » (CD 11) qui lui a été confiée, et qu’il est appelé à servir au nom du Christ Bon Pasteur. Le baptisé qui devient évêque n’est pas chargé de prérogatives et de tâches qu’il doit accomplir seul. Il reçoit plutôt la grâce et la charge de reconnaître, de discerner et de rassembler dans l’unité les dons que l’Esprit répand sur les personnes et les communautés. Pour cela, il lui faut agir selon son lien sacramentel avec les prêtres et les diacres, qui sont coresponsables avec lui du service ministériel dans l’Église locale. Ce faisant, il réalise ce qui est le plus propre et le plus spécifique à sa mission dans le contexte du souci de la communion des Églises.
Le service de l’évêque est un service dans, avec et pour la communauté (cf. LG 20), accompli par la proclamation de la Parole, la présidence de la célébration eucharistique et des autres sacrements. C’est pourquoi l’assemblée synodale souhaite que la voix du peuple de Dieu soit davantage entendue dans le choix des évêques. Elle recommande également que l’ordination de l’évêque ait lieu dans le diocèse auquel il est destiné comme pasteur, et non dans son diocèse d’origine, comme c’est souvent le cas ; et que les principaux consécrateurs soient choisis parmi les évêques de la province ecclésiastique, y compris, dans la mesure du possible, le métropolite. Il apparaîtra ainsi mieux que celui qui devient évêque établit un lien particulier avec son Église locale en prenant publiquement ses engagements devant elle. Il est essentiel qu’il consacre du temps à l’écoute des fidèles, notamment lors des visites pastorales, pour nourrir son discernement et renforcer l’expérience de l’Église comme famille de Dieu. La relation constitutive de l’évêque avec l’Église locale n’apparaît pas aujourd’hui avec suffisamment de clarté dans le cas des évêques titulaires, comme par exemple les représentants du pape, ceux qui servent dans la Curie romaine ou les évêques auxiliaires. Cette question nécessite une réflexion approfondie.
Les évêques ont également besoin d’être accompagnés et soutenus dans leur ministère. Le métropolite peut jouer un rôle dans la promotion de la fraternité entre les évêques de diocèses voisins. Au long du chemin synodal, le besoin s’est fait sentir d’offrir aux évêques des parcours de formation continue, y compris dans les contextes locaux. La nécessité de clarifier le rôle des évêques auxiliaires et d’élargir les tâches que l’évêque peut déléguer a été rappelée. L’expérience des évêques émérites, qui ont une nouvelle manière d’être au service du peuple de Dieu, devrait également être valorisée. Il est important d’aider les fidèles à ne pas cultiver des attentes excessives et irréalistes à l’égard de l’évêque, en se rappelant qu’il est lui aussi un frère fragile, exposé à la tentation, qui a besoin d’aide comme tout le monde. Une vision idéalisée de l’évêque ne facilite pas son ministère délicat qui, dans une Église véritablement synodale, devrait au contraire être soutenu par la participation de tout le peuple de Dieu à la mission.
Avec l’évêque : prêtres et diacres
Dans une Église synodale, les prêtres sont appelés à vivre leur service dans une attitude de proximité, d’accueil et d’écoute de tous, en s’ouvrant à un style synodal. Les prêtres « constituent, avec leur évêque, un seul presbyterium » (LG 28) et collaborent avec lui pour discerner les charismes et pour accompagner et guider l’Église locale, avec une attention particulière au service de l’unité. Ils sont appelés à vivre la fraternité presbytérale et à marcher ensemble dans le service pastoral. Les prêtres membres des Instituts de vie consacrée et des Sociétés de vie apostolique font également partie du presbyterium, et l’enrichissent de la particularité de leur charisme. Ces derniers, comme les prêtres qui viennent des Églises orientales sui iuris – célibataires ou mariés –, les prêtres fidei donum et ceux qui viennent d’autres nations, aident le clergé diocésain à s’ouvrir aux horizons de toute l’Église, tandis que les prêtres locaux aident leurs autres confrères à s’inscrire dans l’histoire d’un diocèse concret, avec ses traditions et ses richesses spirituelles. De cette manière, un véritable échange de dons en vue de la mission a également lieu dans le presbyterium. Les prêtres ont également besoin d’être accompagnés et soutenus, en particulier au début de leur ministère et dans les moments de faiblesse et de fragilité.
Serviteurs des mystères de Dieu et de l’Église (cf. LG 41), les diacres sont ordonnés « non pas en vue du sacerdoce, mais en vue du ministère » (LG 29). Ils exercent ce ministère dans le service de la charité, dans l’annonce et dans la liturgie en montrant, dans chaque contexte social et ecclésial où ils sont présents, la relation entre l’Évangile proclamé et la vie vécue dans l’amour, et en promouvant dans toute l’Église une conscience et un style de service à l’égard de tous, en particulier des plus pauvres. Les fonctions des diacres sont nombreuses, comme le montrent la Tradition, la prière liturgique et la pratique pastorale. Celles-ci doivent être précisées en fonction des besoins de chaque Église locale, en particulier pour éveiller et soutenir l’attention de tous envers les plus pauvres, dans le cadre d’une Église synodale missionnaire et miséricordieuse. Le ministère diaconal reste encore méconnu de nombreux chrétiens, notamment parce que, bien qu’il ait été restauré par Vatican II dans l’Église latine en tant que degré propre et permanent (cf. LG 29), il n’a pas encore été reçu dans toutes les zones géographiques. L’enseignement du Concile devra être approfondi, notamment sur la base d’une relecture des nombreuses expériences en cours, mais il offre déjà de solides motivations aux Églises locales pour qu’elles ne tardent pas à promouvoir le diaconat permanent de manière plus généreuse, en reconnaissant dans ce ministère un facteur précieux pour la maturation d’une Église servante à la suite du Seigneur Jésus, lui qui s’est fait le serviteur de tous. Cet approfondissement peut aussi aider à mieux comprendre la signification de l’ordination diaconale de ceux qui deviendront prêtres.
La collaboration entre les ministres ordonnés au sein de l’Église synodale
À plusieurs reprises au cours du processus synodal, les évêques, les prêtres et les diacres ont été remerciés pour la joie, l’engagement et le dévouement avec lesquels ils accomplissent leur service. Les difficultés rencontrées par les pasteurs dans l’exercice de leur ministère ont également été évoquées ; celles-ci sont principalement liées à un sentiment d’isolement et de solitude, ainsi qu’au fait d’être submergés par la nécessité de répondre à tous les besoins. L’expérience du Synode peut aider les évêques, les prêtres et les diacres à redécouvrir la coresponsabilité dans l’exercice de leur ministère, qui requiert également la collaboration avec d’autres membres du peuple de Dieu. Une répartition plus articulée des tâches et des responsabilités, un discernement plus courageux de ce qui appartient en propre au ministère ordonné et de ce qui peut et doit être délégué à d’autres, favoriseront son exercice d’une manière spirituellement plus saine et pastoralement plus dynamique dans chacun de ses ordres. Cette perspective ne manquera pas d’avoir un impact sur les processus décisionnels caractérisés par un style plus clairement synodal. Elle contribuera également à vaincre le cléricalisme, entendu comme l’utilisation du pouvoir à son propre profit et la distorsion de l’autorité de l’Église qui est au service du peuple de Dieu. Celui-ci s’exprime en particulier dans les abus sexuels, économiques, de conscience et de pouvoir des ministres de l’Église. « Le cléricalisme, favorisé par les prêtres eux-mêmes ou par les laïcs, engendre une scission dans le corps ecclésial qui encourage et aide à perpétuer beaucoup des maux que nous dénonçons aujourd’hui. Dire non aux abus, c’est dire non, de façon catégorique, à toute forme de cléricalisme. » (François, Lettre au peuple de Dieu, 20 août 2018).
Ensemble pour la mission
Au fil de son histoire, l’Église a institué des ministères spécifiques, distincts des ministères ordonnés, pour répondre aux besoins de la communauté et de la mission. Ces ministères sont la forme que prennent les charismes lorsqu’ils sont reconnus publiquement par la communauté et par ceux qui sont chargés de la guider, et qu’ils sont ainsi mis de façon stable au service de la mission. Certains sont plus spécifiquement destinés à servir la communauté chrétienne. Les ministères institués, conférés une fois pour toutes par l’évêque après discernement et formation, revêtent une importance particulière. Il ne s’agit pas d’un simple mandat ou d’une attribution de charges ; l’institution à ce ministère est un sacramental qui façonne la personne et définit sa manière de participer à la vie et à la mission de l’Église. Dans l’Église latine, il s’agit du ministère du lecteur et de l’acolyte (cf. François, Lettre apostolique sous forme de Motu proprio Spiritus Domini, 10 janvier 2021), et de celui du catéchiste (cf François, Lettre apostolique sous forme de Motu proprio Antiquum ministerium, 10 mai 2021). Les modalités de leur exercice doivent être définies par un mandat de l’autorité légitime. Il revient aux conférences épiscopales de définir les conditions personnelles que les candidats doivent remplir et d’élaborer les itinéraires de formation pour l’accès à ces ministères.
À côté de cela, existent des ministères qui ne sont pas institués par un rite, mais qui sont exercés avec stabilité par mandat de l’autorité compétente comme, par exemple, le ministère de coordination d’une petite communauté ecclésiale, le ministère de l’animation de la prière communautaire, le ministère de l’organisation d’actions caritatives, etc. qui admettent une grande variété en fonction des caractéristiques de la communauté locale. Un exemple en est donné par les catéchistes qui ont toujours été en charge des communautés sans prêtres dans de nombreuses régions d’Afrique. Même s’il n’y a pas de rite prescrit, il est conseillé de rendre publique, devant la communauté, l’entrée en fonction par un mandat, pour favoriser sa reconnaissance effective. Il existe également des ministères extraordinaires, tels que le ministère extraordinaire de la communion, la présidence des célébrations dominicales dans l’attente d’un prêtre, l’administration de certains sacrements, etc. Les codes de droit canonique latin et oriental prévoient déjà que, dans certains cas, des fidèles laïcs, hommes ou femmes, puissent être ministres extraordinaires du baptême. Dans le droit canon latin, l’évêque (avec l’autorisation du Saint-Siège) peut déléguer l’assistance aux mariages à des fidèles laïcs, hommes ou femmes. Sur la base des besoins dans les contextes locaux, il convient d’envisager la possibilité d’étendre et de stabiliser ces possibilités d’exercice d’un ministère par des fidèles laïcs. Enfin, il y a les services spontanés, qui n’ont pas besoin de conditions supplémentaires ni d’une reconnaissance explicite. Ils montrent que tous les fidèles, de diverses manières, participent à la mission par leurs dons et leurs charismes.
Les fidèles laïcs, hommes et femmes, doivent se voir offrir davantage de possibilités de participation, en explorant également d’autres formes de service et de ministères en réponse aux besoins pastoraux de notre temps, dans un esprit de collaboration et de coresponsabilité différenciée. En particulier, certains besoins concrets ont émergé du processus synodal, auxquels il convient de répondre d’une manière adaptée aux différents contextes :
a) une participation plus large des laïcs, hommes et femmes, aux processus de discernement de l’Église et à toutes les phases des processus décisionnels (élaboration et prise de décision) ;
b) un accès plus large des laïcs, hommes et femmes, aux postes de responsabilité dans les diocèses et les institutions ecclésiastiques, y compris les séminaires, les instituts et les facultés de théologie, conformément aux dispositions existantes ;
c) une reconnaissance et un soutien accrus à la vie et aux charismes des hommes et des femmes consacrés, ainsi que leur emploi à des postes de responsabilité ecclésiale ;
d) l’augmentation du nombre de laïcs qualifiés, hommes et femmes, qui assument le rôle de de juges dans les procès canoniques ;
e) une reconnaissance effective de la dignité et du respect des droits de ceux qui travaillent comme employés de l’Église et de ses institutions
Le processus synodal a renouvelé la conscience que l’écoute est une composante essentielle de tous les aspects de la vie de l’Église : l’administration des sacrements, en particulier celui de la réconciliation, la catéchèse, la formation et l’accompagnement pastoral. Dans ce cadre, l’assemblée s’est penchée sur la proposition d’instituer un ministère d’écoute et d’accompagnement, en montrant des orientations variées. Certains s’y sont montrés favorables, car un tel ministère serait une manière prophétique de souligner l’importance de l’écoute et de l’accompagnement dans la communauté. D’autres ont affirmé que l’écoute et l’accompagnement sont la charge de tous les baptisés, sans qu’un ministère spécifique soit nécessaire. D’autres encore ont souligné la nécessité d’une étude plus approfondie, par exemple sur la relation entre ce ministère possible et l’accompagnement spirituel, le conseil pastoral et la célébration du sacrement de la réconciliation. Il a également été suggéré que l’éventuel ministère d’écoute et d’accompagnement devrait viser particulièrement l’accueil de ceux qui sont en marge de la communauté ecclésiale, de ceux qui reviennent après s’être éloignés, de ceux qui sont à la recherche de la vérité et qui souhaitent être aidés à rencontrer le Seigneur. Il reste donc nécessaire de poursuivre le discernement à cet égard. Les contextes locaux où ce besoin se fait le plus sentir pourront promouvoir l’expérimentation et développer des modèles possibles sur lesquels discerner.
Partie III – « Jetez le filet »
La conversion des processus Jésus leur dit : « Les enfants, auriez-vous quelque chose à manger ? ». Ils lui répondirent : « Non. » Alors il leur dit : « Jetez le filet à droite de la barque et vous trouverez. » Ils jetèrent donc le filet, et cette fois ; ils n’arrivaient pas à le tirer, tellement il y avait de poissons. (Jn 21, 5-6)
La pêche n’a rien donné et il est temps de regagner le rivage. Mais une voix résonne, avec autorité, qui invite les disciples à faire quelque chose qu’ils n’auraient pas fait d’eux- mêmes. Elle indique une possibilité que leurs yeux et leur esprit ne pouvaient pas percevoir : « Jetez le filet du côté droit de la barque et vous trouverez ». Au cours du processus synodal, nous avons cherché à écouter cette voix et à prendre en compte ce qu’elle nous disait. Dans la prière et le dialogue fraternel, nous avons reconnu que le discernement ecclésial, le soin apporté aux processus décisionnels, l’engagement à rendre compte de nos actions et à évaluer le résultat des décisions prises, sont des pratiques par lesquelles nous répondons à la Parole qui nous indique les voies de la mission.
Ces trois pratiques sont étroitement liées. Les processus décisionnels nécessitent un discernement ecclésial, qui requiert une écoute dans un climat de confiance, celle-ci étant soutenue par la transparence et le rendre compte. La confiance doit être mutuelle : ceux qui prennent les décisions doivent pouvoir faire confiance au peuple de Dieu et l’écouter. Celui-ci à son tour doit pouvoir faire confiance à ceux qui exercent l’autorité. Cette vision intégrale souligne que chacune de ces pratiques dépend des autres et les soutient, ce qui permet à l’Église de remplir sa mission. S’engager dans des processus décisionnels fondés sur le discernement ecclésial et assumer une culture de la transparence, du rendre-compte et de l’évaluation exige une formation adéquate qui ne soit pas seulement technique, mais capable d’explorer les fondements théologiques, bibliques et spirituels de ces pratiques. Tous les baptisés ont besoin de cette formation au témoignage, à la mission, à la sainteté et au service, qui mette en relief la coresponsabilité. Celle-ci prend des formes particulières pour les personnes en situation de responsabilité ou qui ont au service du discernement ecclésial.
Le discernement ecclésial pour la mission
Pour promouvoir des relations capables de soutenir et d’orienter la mission de l’Église, il s’avère prioritaire d’exercer la sagesse évangélique qui a permis à la communauté apostolique de Jérusalem de sceller le résultat du premier événement synodal par les mots : « L’Esprit-Saint et nous-même avons décidé » (Ac 15, 28). C’est ce discernement que nous pouvons qualifier d’« ecclésial », en tant qu’il est exercé par le peuple de Dieu en vue de la mission. L’Esprit, que le Père a envoyé au nom de Jésus et qui enseigne toutes choses (cf. Jn 14,26), conduit en tout temps les croyants « dans la vérité tout entière » (Jn 16,13). Par sa présence et son action continue, la « Tradition, qui vient des Apôtres, progresse dans l’Église » (DV 8). Invoquant sa lumière, le peuple saint de Dieu, qui participe de la fonction prophétique du Christ (cf. LG 12), « s’efforce de discerner dans les événements, les exigences et les requêtes de notre temps, auxquels il participe avec les autres hommes, quels sont les signes véritables de la présence ou du dessein de Dieu » (GS 11) Ce discernement fait appel à tous les dons de sagesse que le Seigneur distribue dans l’Église, et s’enracine dans le sensus fidei communiqué par l’Esprit à tous les baptisés. C’est dans cet esprit que la vie de l’Église synodale missionnaire doit être comprise et réorientée.
Le discernement ecclésial n’est pas une technique d’organisation, mais une pratique spirituelle à vivre dans la foi. Il requiert la liberté intérieure, l’humilité, la prière, la confiance réciproque, l’ouverture à la nouveauté et l’abandon à la volonté de Dieu. Il n’est jamais l’affirmation d’un point de vue personnel ou collectif, ni ne se résume à la simple somme des opinions individuelles ; chacun, parlant selon sa conscience, est ouvert à l’écoute de ce que d’autres partagent en conscience, afin de chercher ensemble à reconnaître « ce que l’Esprit dit aux Églises » (Ap 2, 7). Supposant la contribution de toutes les personnes impliquées, le discernement ecclésial est à la fois une condition et une expression privilégiée de la synodalité, dans laquelle la communion, la mission et la participation sont vécues ensemble. Le discernement est d’autant plus riche que tous sont entendus. C’est pourquoi il est essentiel de promouvoir une large participation aux processus de discernement, en veillant tout particulièrement à l’implication des personnes en marge de la communauté chrétienne et de la société.
L’écoute de la Parole de Dieu est le point de départ et le critère de tout discernement ecclésial. Les Écritures Saintes, en effet, attestent que Dieu a parlé à son peuple, jusqu’à nous donner en Jésus la plénitude de toute la Révélation (cf. DV 2), et indiquent les lieux où nous pouvons entendre sa voix. Dieu communique avec nous avant tout dans la liturgie, car c’est le Christ lui-même qui parle « lorsqu’on lit dans l’Église les Saintes Écritures » (SC 7). Dieu parle à travers la Tradition vivante de l’Église, son magistère, la méditation personnelle et communautaire de l’Écriture, et les pratiques de la piété populaire. Dieu continue à se manifester à travers le cri des pauvres et les événements de l’histoire humaine. De plus, Dieu communique avec son peuple à travers les éléments de la création. Celle-ci, dont l’existence même renvoie à l’action du créateur, est remplie par la présence de l’Esprit qui donne la vie. Enfin, Dieu parle aussi dans la conscience personnelle de chacun, qui est « le centre le plus secret de l’homme, le sanctuaire où il est seul avec Dieu et où sa voix se fait entendre » (GS 16). Le discernement ecclésial exige le soin et la formation continus des consciences, ainsi que la maturation du sensus fidei, afin de ne négliger aucun des lieux où Dieu parle et vient à la rencontre de son peuple.
Les étapes du discernement ecclésial peuvent être articulées de différentes manières, selon les lieux et les traditions. Cependant, sur la base de l’expérience synodale, il est possible d’identifier certains éléments clés qui ne doivent pas être oubliés :
a) la présentation claire de l’objet du discernement et la mise à disposition d’informations et d’instruments adéquats pour sa compréhension ;
b) un temps convenable pour se préparer par la prière, l’écoute de la Parole de Dieu et la réflexion sur le sujet ;
c) une disposition intérieure de liberté à l’égard de ses intérêts personnels et collectifs, et un engagement dans la recherche du bien commun ;
d) une écoute attentive et respectueuse de la parole de chacun ;
e) la recherche d’un consensus le plus large possible, qui émergera à travers ce qui fait le plus brûler les cœurs (cf. Lc 24, 32), sans masquer les conflits ni chercher des compromis au rabais ;
f) la formulation, par celui qui conduit le processus, du consensus obtenu, et sa présentation à tous les participants, afin qu’ils manifestent s’ils s’y reconnaissent ou non.
Sur la base du discernement, la décision appropriée mûrira. Elle engage l’adhésion de tous, y compris de ceux dont l’opinion n’a pas été acceptée, ainsi qu’un temps de réception par la communauté, qui pourra conduire, par la suite, à des vérifications et des évaluations.
Le discernement se déroule toujours dans un contexte concret, dont il faut connaître au mieux la complexité et les particularités. Pour que le discernement soit effectivement « ecclésial », il faut se donner les moyens nécessaires. Parmi ceux-ci, une exégèse adéquate des textes bibliques aidera à les interpréter et à les comprendre, en évitant des approches partielles ou fondamentalistes ; la connaissance des Pères de l’Église, de la Tradition et des enseignements magistériels, selon leurs divers degrés d’autorité ; les apports des diverses disciplines théologiques ; les apports des sciences humaines, historiques, sociales et administratives, sans lesquels il n’est pas possible de connaître sérieusement le contexte dans lequel et en vue duquel s’effectue le discernement.
Dans l’Église, il existe une grande variété d’approches du discernement, et de méthodologies solides. Cette variété est une richesse : avec les adaptations appropriées aux différents contextes, une pluralité d’approches peut se révéler féconde. En vue de la mission commune, il est important qu’elles entrent dans un dialogue cordial, sans perdre les spécificités de chacune et sans repli identitaire. Dans les Églises locales, en commençant par les petites communautés ecclésiales et les paroisses, il est fondamental d’offrir des opportunités de formation qui diffusent et nourrissent une culture de discernement ecclésial pour la mission, en particulier chez ceux qui occupent des postes de responsabilité. Tout aussi importante est la formation des accompagnateurs ou des facilitateurs, dont la contribution s’avère souvent cruciale dans la mise en œuvre des processus de discernement.
L’articulation des processus de décision
Dans l’Église synodale, « la communauté tout entière, dans la libre et riche diversité de ses membres, est convoquée pour prier, écouter, analyser, dialoguer, discerner et conseiller afin de prendre des décisions » (CTI, n. 68) pour la mission. Favoriser la participation la plus large possible de l’ensemble du peuple de Dieu aux processus décisionnels est le moyen le plus efficace de promouvoir une Église synodale. S’il est vrai, en effet, que la synodalité définit le modus vivendi et operandi qui qualifie l’Église, elle indique en même temps une pratique essentielle à l’accomplissement de sa mission : discerner, atteindre un consensus, décider à travers le recours aux différentes structures et institutions de la synodalité.
La communauté des disciples convoquée et envoyée par le Seigneur n’est pas un sujet uniforme et amorphe. C’est son Corps aux membres nombreux et divers, un sujet historique communautaire en qui advient comme « germe et commencement » le Royaume de Dieu au service de son avènement dans toute la famille humaine (cf. LG 5). Déjà les Pères de l’Église réfléchissaient sur la communion essentielle à la mission du peuple de Dieu, à travers un triple « rien sans » (nihil sine) : « rien sans l’évêque » (S. Ignace d’Antioche, Lettre aux Tralliens, 2, 2), « rien sans le conseil des prêtres, rien sans le consentement du peuple » (S. Cyprien de Carthage, Lettre 14, 4). Là où cette logique du nihil sine est rompue, l’identité de l’Église est obscurcie et sa mission est empêchée.
C’est dans un tel cadre de référence ecclésiologique que s’inscrit l’engagement à promouvoir la participation, sur la base d’une coresponsabilité différenciée. Il faut respecter chaque membre de la communauté, valoriser ses compétences et ses dons en vue d’une prise de décision partagée. Des formes de médiation institutionnelle plus ou moins articulées sont nécessaires, en rapport avec la taille de la communauté. Le droit en vigueur prévoit déjà des organismes de participations à différents niveaux, que ce document abordera plus loin.
Afin de faciliter le fonctionnement des processus décisionnels, il paraît opportun de réfléchir à leur articulation. Ces processus supposent ordinairement une phase d’élaboration ou d’analyse « au moyen d’un travail commun de discernement, consultation et coopération » (CTI, n. 69), qui informe et soutient la prise de décision ultérieure, celle-ci relevant de l’autorité compétente. Ces deux phases ne sont ni concurrentes ni opposées, mais elles contribuent, par leur articulation, à ce que les décisions prises soient le fruit de l’obéissance de tous à ce que Dieu veut pour son Église. Il est donc nécessaire de promouvoir des procédures qui rendent effective la réciprocité entre l’assemblée et celui qui la préside, dans un climat d’ouverture à l’Esprit et de confiance réciproque, à la recherche d’un consensus aussi unanime que possible. Le processus doit également inclure la phase de mise en œuvre de la décision, et celle de son évaluation. Durant ces étapes, les fonctions des personnes impliquées s’articulent de manière nouvelle.
Dans certains cas, le droit en vigueur prévoit déjà que l’autorité est obligée de procéder à une consultation avant de prendre une décision. L’autorité pastorale a le devoir d’écouter les participants à la consultation et, par conséquent, ne peut plus agir comme si elle ne les avait pas écoutés. Elle ne s’écartera donc pas du résultat de la consultation, quand elle est concordante, sans une raison qui s’avère prévalante (cf. CIC, can. 127, § 2, 2°; CCEO, can. 934, § 2, 3°) et qui doit être opportunément exprimée. Comme dans toute communauté qui vit selon la justice, dans l’Église, l’exercice de l’autorité ne consiste pas à imposer une volonté arbitraire. Dans ses diverses modalités d’exercice, il se situe toujours au service de la communion et de l’accueil de la vérité du Christ, dans laquelle et vers laquelle l’Esprit Saint nous guide dans les différents temps et contextes (cf. Jn 14, 16).
Dans une Église synodale, la compétence décisionnelle de l’évêque, du collège épiscopal et de l’évêque de Rome est inaliénable, car elle est enracinée dans la structure hiérarchique de l’Église établie par le Christ, au service de l’unité et du respect de la légitime diversité (cf. LG 13). Cependant, elle n’est pas inconditionnelle : une orientation qui émerge dans le processus consultatif en tant que résultat d’un discernement correct, surtout s’il est effectué au sein des organes participatifs, ne peut pas être ignorée. Une opposition entre consultation et délibération est donc inappropriée : dans l’Église, la délibération se fait avec l’aide de tous, jamais sans l’autorité pastorale qui décide en vertu de sa charge. C’est pourquoi la formule récurrente du CIC, qui parle d’un vote « uniquement consultatif » (tantum consultivum), doit être réexaminée afin de supprimer de possibles ambiguïtés. Il apparaît opportun de procéder à une révision des normes canoniques dans une perspective synodale, qui clarifie tant la distinction que l’articulation entre consultation et délibération, et éclaire les responsabilités de ceux qui, dans leurs différentes fonctions, prennent part aux processus décisionnels.
Le soin apporté à un déroulement ordonné, ainsi que la claire prise de responsabilité des participants, sont des facteurs déterminants pour la réussite des processus décisionnels tels qu’ils sont envisagés ici :
a) il incombe en particulier à l’autorité : de définir avec clarté l’objet de la consultation et de la délibération, ainsi que la personne à qui revient la prise de décision ; d’identifier les personnes à consulter, que ce soit en raison de leur expertise spécifique ou de leur implication dans le dossier ; de veiller à ce que tous les participants aient un accès effectif aux informations pertinentes, afin qu’ils puissent formuler leur avis en connaissance de cause ;
b) les personnes qui expriment leur avis lors d’une consultation, à titre individuel ou en tant que membres d’un organe collégial, assument la responsabilité de : donner un avis sincère et honnête, en leur âme et conscience ; respecter la confidentialité des informations reçues ; formuler clairement leur avis, en identifiant les points essentiels de celui-ci de sorte que l’autorité, dans le cas où elle prendrait une décision qui diverge de l’avis reçu, puisse expliquer comment elle en a tenu compte dans sa délibération ;
c) une fois que l’autorité compétente a formulé la décision, en ayant respecté le processus de consultation et clairement exprimé les raisons qui la motivent, tous sont tenus de respecter celle-ci et de la mettre en œuvre – même si elle ne correspond pas à leur propre point de vue, – en raison du lien de communion qui unit les baptisés. Reste sauf le devoir de participer avec honnêteté à la phase d’évaluation de la décision. Il demeure toujours possible de faire appel à une autorité supérieure, selon les modalités prévues par le droit.
Une mise en œuvre synodale, correcte et résolue, des processus décisionnels contribuera au progrès du peuple de Dieu dans une perspective participative, en premier lieu à travers les médiations institutionnelles prévues par le droit canonique, notamment les organes participatifs. Sans changements concrets à court terme, la vision d’une Église synodale ne sera pas crédible, ce qui éloignera les membres du peuple de Dieu qui ont puisé force et espérance dans le cheminement synodal. Il appartient aux Églises locales de trouver les modalités appropriés pour mettre en œuvre ces changements.
Transparence, rendre-compte, évaluation
La prise de décision ne conclut pas le processus décisionnel. Celui-ci doit être accompagné et suivi par des pratiques de rendre-compte et d’évaluation, dans un esprit de transparence inspiré par des critères évangéliques. Rendre compte de son ministère à la communauté appartient à la tradition la plus ancienne, remontant à l’Église apostolique. Le chapitre 11 des Actes des Apôtres nous en offre un exemple : lorsque Pierre revient à Jérusalem après avoir baptisé Corneille, un païen, « les fidèles circoncis le reprirent en disant : ‘‘Tu es entré chez des hommes qui ne sont pas circoncis, et tu as mangé avec eux !’’ » (Ac 11, 2-3) Pierre répond par un récit qui rend compte des raisons de son action.
En particulier, en ce qui concerne la transparence, il est apparu nécessaire d’en éclairer le sens en la reliant à une série de termes tels que la vérité, la loyauté, la clarté, l’honnêteté, l’intégrité, la cohérence, le refus de l’opacité, de l’hypocrisie et de l’ambiguïté, l’absence d’arrière-pensées. Il a été fait référence à la béatitude évangélique des cœurs purs (cf. Mt 5, 8), au commandement d’être « candides comme les colombes » (Mt 10, 16), ainsi qu’aux paroles de l’apôtre Paul : « Nous avons rejeté toute dissimulation honteuse, nous n’agissons pas avec ruse et nous ne falsifions pas la parole de Dieu. Au contraire, nous manifestons la vérité et ainsi nous nous recommandons nous-mêmes à toute conscience humaine devant Dieu » (2 Co 4, 2). Il est donc fait référence à une attitude fondamentale, enracinée dans l’Écriture, plutôt qu’à un ensemble de procédures ou d’exigences en matière d’administration ou de gestion. La transparence, dans son vrai sens évangélique, ne compromet pas le respect de la vie privée et de la confidentialité, ni la protection des personnes, de leur dignité et de leurs droits, y compris contre les prétentions indues de l’autorité civile. Tout cela ne pourra cependant jamais justifier des pratiques contraires à l’Évangile, ni devenir un prétexte pour contourner ou enterrer les actions de lutte contre le mal. En tout cas, en ce qui concerne le secret de la confession, « le sceau sacramentel est indispensable et aucun pouvoir humain n’a de juridiction sur lui, ni ne peut la revendiquer » (François, Discours aux participants au XXXe cours sur le for interne organisé par la Pénitencerie apostolique, 29 mars 2019).
L’attitude de transparence, dans le sens qui vient d’être indiqué, constitue un garant de cette confiance et de cette crédibilité dont une Église synodale, attentive aux relations, ne peut se passer. Quand la confiance est violée, ce sont les personnes les plus faibles et les plus vulnérables qui en subissent les conséquences. Là où l’Église jouit de la confiance, les pratiques de transparence, de rendre-compte et d’évaluation contribuent à la consolider, et elles sont un élément encore plus critique là où la crédibilité de l’Église doit être reconstruite. Ceci est particulièrement important dans la protection des mineurs et des personnes vulnérables (safeguarding).
Ces pratiques contribuent à assurer la fidélité de l’Église à sa mission. Leur absence est l’une des conséquences du cléricalisme, en même temps qu’elle l’alimente. Celui-ci se fonde sur la présomption implicite que ceux qui ont autorité dans l’Église ne doivent pas rendre compte de leurs actions ni de leurs décisions, comme s’ils étaient isolés ou situés au-dessus du reste du peuple de Dieu. On ne doit pas faire appel à la transparence et au rendre compte seulement quand il s’agit d’abus sexuels, financiers et d’autres genres. Cela concerne aussi le style de vie des pasteurs, les plans pastoraux, les méthodes d’évangélisation et les modalités par lesquelles l’Église respecte la dignité de la personne humaine, par exemple en ce qui concerne les conditions de travail au sein de ses institutions.
Si l’Église synodale veut être accueillante, le rendre-compte doit devenir une pratique habituelle à tous les niveaux. Toutefois, les personnes en position d’autorité ont une plus grande responsabilité à cet égard et sont tenues de rendre compte à Dieu et à son peuple. Si au cours des siècles s’est conservée la pratique de rendre compte aux supérieurs, il faut retrouver la dimension du rendre-compte que l’autorité est appelée à donner à la communauté. Les institutions et les procédures consolidées par l’expérience de la vie consacrée (comme les chapitres, les visites canoniques, etc.) peuvent être une source d’inspiration à cet égard.
Des structures et des formes d’évaluation régulière de la manière dont les responsabilités ministérielles de toutes sortes sont exercées apparaissent également nécessaires. L’évaluation ne constitue pas un jugement sur les individus : elle permet plutôt de mettre en évidence les aspects positifs et les domaines d’amélioration possibles dans l’agir de ceux qui ont des responsabilités ministérielles, et aide l’Église à tirer les leçons de l’expérience, à recalibrer les plans d’action et à rester attentive à la voix de l’Esprit Saint, en focalisant l’attention sur les résultats des décisions en rapport avec la mission.
Outre l’observation de ce qui est déjà prévu par les normes canoniques concernant les critères et les mécanismes de contrôle, il revient aux Églises locales, et surtout à leurs groupements, de construire, de manière synodale, des formes et des procédures efficaces de rendre-compte et d’évaluation. Elles seront adaptées à la variété des contextes, à partir du cadre réglementaire civil, des attentes légitimes de la société et de la disponibilité effective de l’expertise en la matière. Dans ce travail, il est nécessaire de privilégier les méthodologies d’évaluation participative, de valoriser les compétences de ceux, en particulier les laïcs, qui sont plus familiers avec les processus de rendre-compte et d’évaluation, et d’opérer un discernement des bonnes pratiques déjà présentes dans la société civile locale, en les adaptant aux contextes ecclésiaux. La manière dont les processus de rendre-compte et d’évaluation sont mis en œuvre au niveau local fera partie du rapport présenté lors des visites ad limina.
En particulier, sous des formes appropriées aux différents contextes, il semble nécessaire d’assurer au minimum :
a) un fonctionnement effectif des conseils aux affaires économiques ;
b) l’implication effective du peuple de Dieu, en particulier de ses membres les plus compétents, dans la planification pastorale et économique ;
c) la préparation et la publication (en fonction du contexte local et avec une accessibilité effective) d’un état financier annuel, certifié par des auditeurs externes dans la mesure du possible, qui rende transparente la gestion des biens et des ressources financières de l’Église et de ses institutions ;
d) l’élaboration et la publication d’un rapport annuel sur l’exécution de la mission, comprenant une illustration des initiatives prises en matière de protection des mineurs et des personnes vulnérables (safeguarding), de promotion de l’accès des laïcs aux postes d’autorité et de leur participation aux processus décisionnels, en précisant la proportion d’hommes et de femmes ;
e) les procédures d’évaluation périodique de la performance de tous les ministres et de ceux qui ont une mission au sein de l’Église.
Nous devons nous rendre compte qu’il ne s’agit pas d’un effort bureaucratique qui aurait sa fin en lui-même, mais d’un effort de communication qui s’avère être un puissant moyen éducatif en vue d’un changement de culture, en plus de permettre que soit donnée une meilleure visibilité à de nombreuses initiatives précieuses de l’Église et de ses institutions, qui restent trop souvent cachées.
Synodalité et organes de participation
La participation des baptisés aux processus de décision, ainsi que les pratiques de rendre-compte et d’évaluation, s’effectuent à travers des médiations institutionnelles. Celles-ci comprennent en premier lieu les organes de participation que le droit canonique prévoit déjà au niveau de l’Église locale. Dans l’Église latine, il s’agit des instances suivantes : le synode diocésain (cf. CIC, can. 466), le conseil presbytéral (cf. CIC, can. 500, § 2), le conseil pastoral diocésain (cf. CIC, can. 514, § 1), le conseil pastoral paroissial (cf. CIC, can. 536), le conseil diocésain et paroissial pour les affaires économiques (cf. CIC, can. 493 et 537). Dans les Églises orientales catholiques, il s’agit de l’assemblée éparchiale (cf. CCEO, can. 235 ss.), du conseil éparchial pour les affaires économiques (cf. CCEO, can. 262 ss.), du conseil presbytéral (cf. CCEO, can. 264), du conseil pastoral éparchial (cf. CCEO, can. 272 ss.), des conseils paroissiaux (cf. CCEO, can. 295). Ceux qui composent ces organes en font partie sur la base de leur rôle ecclésial, selon leurs différentes responsabilités à des titres variés (charismes, ministères, expérience ou compétence, etc.). Chacune de ces instances participe au discernement nécessaire à l’annonce inculturée de l’Évangile, à la mission de la communauté dans son milieu et au témoignage des baptisés qui la composent. Elle participe également aux processus de décision dans les formes établies et constitue un espace de rendre-compte et d’évaluation. Les organes de participation sont l’un des domaines les plus prometteurs sur lesquels agir en vue d’une mise en œuvre rapide des orientations synodales, conduisant à des changements perceptibles à brève échéance.
Une Église synodale se fonde sur l’existence, l’efficacité et la vitalité effective – et non seulement nominale – de ces organes participatifs, ainsi que sur leur fonctionnement en conformité avec les dispositions canoniques ou les coutumes légitimes, et sur le respect des statuts et des règlements qui les régissent. C’est pourquoi il convient de les rendre obligatoires, comme cela a été demandé à toutes les étapes du processus synodal, et de leur permettre de jouer pleinement leur rôle, non de manière purement formelle, mais de façon appropriée aux différents contextes locaux
Dans le même ordre d’idée, il apparaît opportun d’intervenir dans le fonctionnement de ces organes, en commençant par l’adoption d’une méthodologie synodale de travail. La conversation dans l’Esprit, avec des adaptations appropriées, peut constituer un point de référence. Une attention particulière doit être portée aux modalités de désignation des membres. Lorsqu’une élection n’est pas prévue, que l’on mette en œuvre une consultation synodale, qui exprime le mieux possible la réalité de la communauté ou de l’Église locale. Que l’autorité procède à la nomination sur la base de ces résultats, en respectant l’articulation entre consultation et délibération décrite ci-dessus. Il convient également de prévoir que les membres des conseils pastoraux diocésains et paroissiaux aient la faculté de proposer des points à inscrire à l’ordre du jour, de manière analogue à ce qui se passe pour les membres du conseil presbytéral.
Une attention égale doit être accordée à la composition des organes de participation, de manière à favoriser une plus grande implication des femmes, des jeunes et de ceux qui vivent dans des conditions de pauvreté ou de marginalisation. En outre, il est fondamental que siègent dans ces organismes des baptisés engagés dans le témoignage de la foi, au sein des réalités ordinaires de la vie et des dynamiques sociales, avec une disposition apostolique et missionnaire reconnue, et pas seulement des personnes engagées dans l’organisation de la vie et des services au sein de la communauté. De cette manière, le discernement ecclésial bénéficiera d’une plus grande ouverture, d’une capacité d’analyse de la réalité et d’une pluralité de perspectives. Selon les nécessités des différents contextes, il pourra être opportun de prévoir la participation de représentants d’autres Églises et communions chrétiennes – par analogie avec ce qui se passe dans l’assemblée du synode – ou de représentants d’autres religions présentes sur le territoire. Pour la composition des organes de participation, les Églises locales et leurs regroupements peuvent plus facilement indiquer des critères appropriés à chaque contexte.
L’assemblée a prêté une attention particulière aux expériences de réforme et aux bonnes pratiques déjà en place, comme la création de réseaux de conseils pastoraux au niveau des communautés de base, des paroisses et des zones, jusqu’au conseil pastoral diocésain. Comme modèle de consultation et d’écoute, il est aussi proposé de tenir régulièrement des assemblées ecclésiales à tous les niveaux. On cherchera à ne pas limiter la consultation à l’Église catholique, mais à s’ouvrir à l’écoute de la contribution des autres Églises et communions chrétiennes, en restant attentif aux autres religions présentes sur le territoire.
L’assemblée propose que le synode diocésain et l’assemblée éparchiale soient davantage valorisés comme organe de consultation régulière, par l’évêque, de la portion du peuple de Dieu qui lui est confiée, et comme lieu d’écoute, de prière et de discernement, en particulier quand il s’agit de choix importants pour la vie et la mission d’une Église locale. Le synode diocésain peut aussi constituer un cadre d’exercice du rendre-compte et de l’évaluation : l’évêque y présente un compte-rendu de l’activité pastorale dans les différents secteurs, de la mise en œuvre du plan pastoral, de la réception des processus synodaux de l’Église entière, des initiatives en matière de protection des mineures et des personnes vulnérables (safeguarding), ainsi que de l’administration des finances et des biens temporels. Il est donc demandé de renforcer les dispositions canoniques en la matière, afin de mieux refléter le caractère synodal missionnaire de chaque Église locale, en prévoyant que les synodes diocésains se réunissent avec régularité, et non trop rarement.
Partie IV – Une pêche abondante
La conversion des liens Mais les autres disciples vinrent avec la barque, tirant le filet plein de poissons […] Alors Simon-Pierre monta dans la barque et tira sur le rivage le filet plein de cent cinquante-trois gros poissons. Et bien qu’ils fussent nombreux, le filet ne se déchira pas (Jn 21,8.11)
Les filets jetés sur la parole du Ressuscité ont permis une pêche abondante. Tous collaborent pour tirer le filet, Pierre a un rôle particulier. Dans l’Évangile, la pêche est une action menée en commun : chacun a une tâche précise, différente mais coordonnée avec celle des autres. C’est ainsi qu’est l’Église synodale, faite de liens qui unissent dans la communion et d’espaces pour la variété de chaque peuple et de chaque culture. À une époque où l’expérience des lieux d’enracinement et de pèlerinage de l’Église change, il est nécessaire de cultiver sous de nouvelles formes l’échange des dons et le tissage des liens qui nous unissent, soutenus par le ministère des évêques en communion les uns avec les autres et avec l’évêque de Rome.
Enraciné et pèlerin
L’annonce de l’Évangile, en éveillant la foi dans le cœur des hommes et des femmes, conduit à l’établissement d’une Église dans un lieu déterminé. L’Église ne peut être comprise sans être enracinée dans un territoire concret, dans un espace et un temps où se forme une expérience partagée de la rencontre avec Dieu Sauveur. La dimension locale de l’Église préserve la riche diversité des expressions de foi enracinées dans des contextes culturels et historiques spécifiques, et la communion des Églises manifeste la communion des fidèles au sein de l’Église unique. La conversion synodale invite donc chacun à élargir l’espace de son cœur, premier « lieu » où résonnent toutes nos relations, enracinées dans la relation personnelle de chacun avec le Christ Jésus et son Église. C’est la source et la condition de toute réforme, en perspective synodale, des liens d’appartenance et des lieux ecclésiaux. L’action pastorale ne peut se limiter à soigner les relations entre les personnes qui sont déjà en syntonie les unes avec les autres, mais doit favoriser la rencontre avec chaque homme et chaque femme.
L’expérience de l’enracinement doit composer avec de profonds changements socioculturels qui modifient la perception du lieu. Le concept de lieu ne peut plus être compris en termes purement géographiques et spatiaux, mais évoque à notre époque l’appartenance à un réseau de relations et à une culture dont les racines territoriales sont plus dynamiques et flexibles que jamais. L’urbanisation est un facteur majeur de ce changement : aujourd’hui, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, la majorité de la population mondiale vit en milieu urbain. Les grandes villes sont souvent des agglomérations humaines sans histoire ni identité dans lesquelles les gens vivent comme des îles. Les liens territoriaux traditionnels changent de sens, rendant les limites des paroisses et des diocèses moins définis. L’Église est appelée à vivre dans ces contextes, en reconstruisant la vie communautaire, en donnant un visage aux réalités anonymes et en tissant des relations fraternelles. À cette fin, outre la valorisation des structures encore adaptées, une créativité missionnaire est nécessaire, qui explore de nouvelles formes de pastorale et identifie des parcours concrets de prise en charge. Il n’en reste pas moins vrai que les réalités rurales, dont certaines sont de véritables périphéries existentielles, ne doivent pas être négligées et requièrent une attention pastorale spécifique, tout comme les lieux de marginalisation et d’exclusion.
Notre époque se caractérise également par une mobilité humaine accrue, motivée par diverses raisons. Les réfugiés et les migrants forment souvent des communautés dynamiques, y compris dans leurs pratiques religieuses, ce qui rend le lieu où ils s’installent multiculturel. Certains d’entre eux gardent des liens étroits avec leur pays d’origine, notamment grâce aux médias numériques, et éprouvent des difficultés à tisser des liens dans le nouveau pays ; d’autres restent sans racines. Les habitants des lieux d’immigration sont également interpellés par l’accueil de ceux qui arrivent. Tous subissent l’impact de la rencontre avec la diversité des origines géographiques, culturelles et linguistiques et sont appelés à construire des communautés interculturelles. L’impact des phénomènes migratoires sur la vie des Églises ne doit pas être négligé. La situation de certaines Églises orientales catholiques est emblématique à cet égard, en raison du nombre croissant de fidèles en diaspora ; de nouvelles approches sont nécessaires pour maintenir les liens avec leur Église d’origine et en créer de nouveaux, dans le respect des différentes racines spirituelles et culturelles.
La diffusion de la culture numérique, particulièrement évidente chez les jeunes, modifie aussi profondément la perception de l’espace et du temps, influençant les activités quotidiennes, les communications et les relations interpersonnelles, y compris la foi. Les possibilités offertes par le Net reconfigurent les relations, les liens et les frontières. Bien que nous soyons aujourd’hui plus que jamais connectés, nous faisons souvent l’expérience de la solitude et de la marginalisation. En outre, les médias sociaux peuvent être utilisés par des intérêts économiques et politiques qui, en manipulant les gens, diffusent des idéologies et génèrent des polarisations agressives. Cette réalité nous prend au dépourvu et nous oblige à consacrer des ressources pour que l’environnement numérique soit un lieu prophétique de mission et de proclamation. Les Églises locales devraient encourager, soutenir et accompagner ceux qui sont engagés dans la mission dans l’environnement numérique. Les communautés et groupes chrétiens numériques, en particulier les jeunes, sont également appelés à réfléchir à la manière dont ils créent des liens d’appartenance, promeuvent la rencontre et le dialogue, offrent une formation entre pairs et développent une manière synodale d’être Église. Le réseau, constitué de connexions, offre de nouvelles possibilités de mieux vivre la dimension synodale de l’Église.
Ces développements sociaux et culturels exigent de l’Église qu’elle repense la signification de sa dimension « locale » et qu’elle remette en question ses formes d’organisation afin de mieux servir sa mission. Tout en reconnaissant la valeur de l’enracinement dans des contextes géographiques et culturels concrets, il est essentiel de comprendre le « lieu » comme la réalité historique dans laquelle l’expérience humaine prend forme. C’est là, dans le réseau de relations qui y est établi, que l’Église est appelée à exprimer sa sacramentalité (cf. LG 1) et à accomplir sa mission.
La relation entre le lieu et l’espace suggère également une réflexion sur l’Église en tant que « maison ». Lorsqu’elle n’est pas comprise comme un espace fermé et inaccessible, à défendre à tout prix, l’image de la maison évoque des possibilités d’accueil, d’hospitalité et d’inclusion. La création elle-même est une maison commune, dans laquelle les membres de l’unique famille humaine vivent avec toutes les autres créatures. Notre engagement, soutenu par l’Esprit, est de veiller à ce que l’Église soit perçue comme une maison accueillante, un sacrement de la rencontre et du salut, une école de communion pour tous les fils et filles de Dieu. L’Église est aussi le Peuple de Dieu en marche avec le Christ, au sein duquel chacun est appelé à être un pèlerin de l’espérance. La pratique traditionnelle des pèlerinages en est un signe. La piété populaire est l’un des lieux d’une Église synodale missionnaire
L’Église locale, entendue comme diocèse ou éparchie, est le cadre fondamental dans lequel se manifeste pleinement la communion dans le Christ des baptisés. En elle, la communauté est rassemblée dans la célébration de l’Eucharistie présidée par l’évêque. Chaque Église locale est articulée en son sein et, en même temps, est en relation avec les autres Églises locales.
L’une des principales articulations de l’Église locale que l’histoire nous a léguée est la paroisse. La communauté paroissiale, qui se réunit dans la célébration de l’Eucharistie, est un lieu privilégié de relations, d’accueil, de discernement et de mission. Les changements dans la conception et la manière de vivre la relation avec le territoire appellent à reconsidérer sa configuration. Ce qui la caractérise, c’est d’être une proposition communautaire sur une base non élective. Elle rassemble des personnes de générations, de professions, d’origines géographiques, de classes sociales et de conditions de vie différentes. Pour répondre aux nouvelles exigences de la mission, elle est appelée à s’ouvrir à de nouvelles formes d’action pastorale qui tiennent compte de la mobilité des personnes et du « territoire existentiel » dans lequel leur vie se développe. En promouvant de manière particulière l’initiation chrétienne et en offrant un accompagnement et une formation, elle pourra soutenir les personnes dans les différentes étapes de leur vie et dans l’accomplissement de leur mission dans le monde. Il apparaîtra ainsi plus clairement que la paroisse n’est pas centrée sur elle-même, mais qu’elle est orientée vers la mission et appelée à soutenir l’engagement de tant de personnes qui, de différentes manières, vivent et témoignent de leur foi dans leur profession et dans l’activité sociale, culturelle et politique. Dans de nombreuses régions du monde, les petites communautés chrétiennes ou les communautés ecclésiales de base sont le terrain sur lequel peuvent se développer d’intenses relations de proximité et de réciprocité, offrant la possibilité de vivre concrètement la synodalité.
Nous reconnaissons la capacité des instituts de vie consacrée, des sociétés de vie apostolique, ainsi que des associations, des mouvements et des communautés nouvelles, à s’enraciner dans le territoire et, en même temps, à relier des lieux et des milieux différents, même au niveau national ou international. Souvent, c’est leur action, associée à celle de tant de personnes individuelles et de groupes informels, qui porte l’Évangile dans les lieux les plus divers : hôpitaux, prisons, maisons pour personnes âgées, centres d’accueil pour migrants, mineurs, marginaux et victimes de violence ; lieux d’éducation et de formation, écoles et universités, où se rencontrent les jeunes et les familles ; lieux de culture, de politique et de développement humain intégral où s’imaginent et se construisent de nouvelles formes de vie en commun. Nous regardons aussi avec gratitude les monastères, lieux de convocation et de discernement, prophétie d’un « au-delà » qui concerne toute l’Église et oriente son cheminement. Il est de la responsabilité spécifique de l’évêque diocésain ou éparchial d’animer cette multiplicité et de veiller aux liens d’unité. Les instituts et les associations sont appelés à agir en synergie avec l’Église locale, en participant au dynamisme de la synodalité.
La valorisation des lieux « intermédiaires » entre l’Église locale et l’Église universelle – tels que la province ecclésiastique et les regroupements d’Églises sur une base nationale ou continentale – peut également favoriser une présence plus significative de l’Église dans les lieux de notre temps. La mobilité accrue et les interconnexions d’aujourd’hui rendent fluides les frontières entre les Églises et appellent souvent à penser et à agir dans un « chaque grand territoire socioculturel », dans lequel, excluant toute forme de « faux particularisme », la vie chrétienne est « ajustée au génie et au caractère de chaque culture » (AG 22).
Échange de dons
Marcher ensemble dans les différents lieux en tant que disciples de Jésus dans la diversité des charismes et des ministères, ainsi que dans l’échange de dons entre les Églises, est un signe efficace de la présence de l’amour et de la miséricorde de Dieu dans le Christ, qui accompagne, soutient et oriente dans le souffle de l’Esprit Saint le cheminement de l’humanité vers le Royaume. L’échange de dons concerne toutes les dimensions de la vie de l’Église.
Constituée dans le Christ comme Peuple de Dieu par tous les peuples de la terre et articulée de façon dynamique dans la communion des Églises locales, de leurs regroupements, des Églises sui iuris au sein de l’Église une et catholique, elle vit sa mission en favorisant et en accueillant « toutes les capacités, les ressources et les formes de vie des peuples en ce qu’elles ont de bon ; en les assumant, elle les purifie, elle les renforce et les élève » (LG 13). L’exhortation de l’apôtre Pierre – « ce que chacun de vous a reçu comme don de la grâce, mettez-le au service des autres, en bons gérants de la grâce de Dieu qui est si diverse » (1 Pierre 4,10) – peut certainement s’appliquer à chaque Église locale. Un exemple paradigmatique et inspirant de cet échange de dons, qui doit être vécu et revisité avec un soin particulier aujourd’hui en raison des circonstances historiques changeantes et pressantes, est celui qui existe entre les Églises de tradition latine et les Églises orientales catholiques. Un horizon significatif de nouveauté et d’espérance, dans lequel des formes d’échange de dons, de recherche du bien commun et d’engagement coordonné sur des questions sociales d’importance mondiale peuvent être réalisées, est celui qui prend forme, par exemple, dans de grandes zones géographiques supranationales et interculturelles telles que l’Amazonie, le bassin du fleuve Congo, la mer Méditerranée.
L’Église, au niveau local et dans son unité catholique, se propose comme un réseau de relations à travers lequel circule et est encouragée la prophétie de la culture de la rencontre, de la justice sociale, de l’inclusion des groupes marginaux, de la fraternité entre les peuples, du soin de la maison commune. L’exercice concret de cette prophétie demande que les biens de chaque Église soient partagés dans un esprit de solidarité, sans paternalisme ni assistanat, en respectant les différentes identités et en promouvant une saine réciprocité, avec l’engagement – là où c’est nécessaire – de guérir les blessures de la mémoire et de s’engager sur des chemins de réconciliation. L’échange de dons et le partage des ressources entre les Églises locales de différentes régions favorisent l’unité de l’Église, en créant des liens entre les communautés chrétiennes concernées. Il est nécessaire de se concentrer sur les conditions à assurer pour que les prêtres qui viennent en aide aux Églises pauvres en clergé ne soient pas seulement un remède fonctionnel, mais une ressource pour la croissance de l’Église qui les envoie et de l’Église qui les reçoit. De même, nous devons veiller à ce que l’aide économique ne dégénère pas en assistanat, mais favorise une authentique solidarité évangélique et soit gérée de manière transparente et fiable.
L’échange de dons revêt également une importance cruciale dans le cheminement vers l’unité pleine et visible entre toutes les Églises et Communions chrétiennes et, en outre, il est un signe efficace de cette unité, dans la foi et l’amour du Christ, qui favorise la crédibilité et l’impact de la mission chrétienne (cf. Jn 17, 21). Saint Jean-Paul II a appliqué cette expression au dialogue œcuménique : « Le dialogue ne se limite pas à un échange d’idées. En quelque manière, il est toujours un « échange de dons » » (UUS 28). C’est en s’engageant à incarner l’unique Évangile dans la diversité des contextes culturels, des circonstances historiques et des défis sociaux que les différentes traditions chrétiennes, à l’écoute de la Parole de Dieu et de la voix de l’Esprit Saint, ont généré au fil des siècles d’abondants fruits de sainteté, de charité, de spiritualité, de théologie et de solidarité au niveau social et culturel. Le moment est venu de conserver ces précieuses richesses : avec générosité, sincérité, sans préjugés, avec gratitude envers le Seigneur, dans une ouverture réciproque, en nous les donnant les uns aux autres, sans penser qu’elles sont notre propriété exclusive. L’exemple des saints et des témoins de la foi des autres Églises et Communions chrétiennes est également un don que nous pouvons recevoir, en intégrant leur mémoire dans notre calendrier liturgique, en particulier celle des martyrs.
Le Document sur la fraternité humaine pour la paix mondiale et la coexistence commune, signé par le pape François et le grand imam d’Al-Azhar Ahmed Al-Tayyeb à Abu Dhabi le 4 février 2019, déclare la volonté d’« adopter la culture du dialogue comme chemin, la collaboration commune comme conduite, la connaissance réciproque comme méthode et critère ». Il ne s’agit pas d’un vœu pieux ou d’un aspect facultatif dans le parcours du Peuple de Dieu dans l’histoire d’aujourd’hui. Sur ce chemin, une Église synodale s’engage à marcher, dans les différents lieux où elle vit, avec des croyants d’autres religions et avec des personnes d’autres convictions, en partageant librement la joie de l’Évangile et en accueillant avec gratitude leurs dons respectifs : construire ensemble, en frères et sœurs, dans un esprit d’échange et d’aide réciproque (cf. GS 40), la justice, la fraternité, la paix et le dialogue interreligieux. Dans certaines régions, de petites communautés de quartier, où les gens se rencontrent sans distinction d’appartenance religieuse, offrent un environnement propice à un triple dialogue : de vie, d’action et de prière.
Liens pour l’unité : Conférences épiscopales et assemblées ecclésiales
L’horizon de la communion dans l’échange des dons est le critère dont s’inspirent des relations entre les Églises. Celui-ci associe l’attention aux liens qui forment l’unité de toute l’Église avec la reconnaissance et l’appréciation des particularités liées au contexte dans lequel vit chaque Église locale, avec son histoire et sa tradition. L’adoption d’un style synodal permet aux Églises d’avancer à des rythmes différents. Les différences de rythme peuvent être valorisées comme l’expression d’une diversité légitime et comme une occasion d’échange de dons et d’enrichissement mutuel. Cet horizon commun exige de discerner, d’identifier et de promouvoir des structures et des pratiques concrètes pour être une Église synodale en mission.
Les Conférences épiscopales expriment et mettent en œuvre la collégialité des évêques afin de favoriser la communion entre les Églises et de répondre plus efficacement aux besoins de la vie pastorale. Elles constituent un instrument fondamental pour créer des liens, partager des expériences et des bonnes pratiques entre les Églises, en adaptant la vie chrétienne et l’expression de la foi aux différentes cultures. Elles jouent également un rôle important dans le développement de la synodalité, avec l’implication de tout le Peuple de Dieu. Sur la base de ce qui est apparu au cours du processus synodal, il est proposé :
a) de recueillir les fruits de la réflexion sur le statut théologique et juridique des Conférences épiscopales ;
b) de préciser le domaine de la compétence doctrinale et disciplinaire des Conférences épiscopales. Sans compromettre l’autorité de l’évêque dans l’Église qui lui est confiée, ni mettre en péril l’unité et la catholicité de l’Église, l’exercice collégial de cette compétence peut favoriser l’enseignement authentique de l’unique foi de manière adéquate et inculturée dans les différents contextes, en identifiant les expressions liturgiques, catéchétiques, disciplinaires, pastorales, théologiques et spirituelles appropriées (cf. AG 22) ;
c) de procéder à une évaluation de l’expérience du fonctionnement concret des Conférences épiscopales, des relations entre les épiscopats et avec le Saint-Siège, afin d’identifier les réformes concrètes à mettre en œuvre. Les visites ad limina Apostolorum pourraient être une occasion propice pour une telle évaluation ;
d) de veiller à ce que tous les diocèses fassent partie d’une province ecclésiastique et d’une conférence épiscopale (cf. CD 40) ;
e) de préciser le lien ecclésial que les décisions prises par une conférence épiscopale génèrent, à l’égard de son propre diocèse, pour chaque évêque ayant participé à ces mêmes décisions
Dans le processus synodal, les sept Assemblées ecclésiales continentales, qui se sont tenues au début de l’année 2023, ont représenté une nouveauté significative et constituent un héritage à valoriser en tant que moyen efficace de mettre en œuvre l’enseignement du Concile sur la valeur de « chaque grand territoire socioculturel » dans la recherche d’une « plus profonde adaptation dans toute l’étendue de la vie chrétienne » (AG 22). Leur statut théologique et canonique, ainsi que celui des groupements continentaux de Conférences épiscopales, devra être clarifié afin de pouvoir exploiter leur potentiel pour le développement ultérieur d’une Église synodale. Il appartient en particulier aux présidents des groupements continentaux de conférences épiscopales d’encourager et de soutenir la poursuite de cette expérience
Dans les assemblées ecclésiales (régionales, nationales, continentales), les membres, qui expriment et représentent la diversité du Peuple de Dieu (y compris les évêques), participent au discernement qui permettra aux évêques, collégialement, de prendre les décisions auxquelles ils sont tenus en vertu du ministère qui leur a été confié. Cette expérience montre comment la synodalité permet d’articuler concrètement l’implication de tous (le peuple saint de Dieu) et le ministère de quelques-uns (le collège des évêques) dans le processus de décision concernant la mission de l’Église. Il est proposé que le discernement puisse inclure, sous des formes adaptées à la diversité des contextes, des espaces d’écoute et de dialogue avec d’autres chrétiens, des représentants d’autres religions, des institutions publiques, des organisations de la société civile et la société dans son ensemble.
En raison de situations sociales et politiques particulières, certaines Conférences épiscopales ont des difficultés à participer à des assemblées continentales ou à des organismes ecclésiaux supranationaux. Le Saint-Siège aura à cœur de les aider en favorisant le dialogue et la confiance réciproque avec les États, afin de leur donner la possibilité d’entrer en relation avec d’autres Conférences épiscopales, en vue d’un échange de dons.
Pour parvenir à une « « décentralisation » salutaire » (EG 16) et à une inculturation efficace de la foi, il est nécessaire non seulement de reconnaître le rôle des Conférences épiscopales, mais aussi de réévaluer l’institution des Conciles particuliers, provinciaux et pléniers, dont la célébration périodique a été une obligation pendant une grande partie de l’histoire de l’Église et qui sont prévus par le droit latin en vigueur (cf. CIC can. 439-446). Elles doivent être convoquées périodiquement. La procédure de reconnaissance des conclusions des Conciles particuliers par le Saint-Siège (recognitio) devrait être réformée, afin d’encourager leur publication en temps utile, en indiquant des délais précis ou, dans le cas de questions purement pastorales ou disciplinaires (ne concernant pas directement des questions de foi, de morale ou de discipline sacramentelle), en introduisant une présomption juridique, équivalente à un consentement tacite.
Le service de l’évêque de Rome
Le processus synodal a également contribué à revisiter les modalités d’exercice du ministère de l’évêque de Rome à la lumière de la synodalité. La synodalité, en effet, articule de façon symphonique les dimensions communautaire (« tous »), collégiale (« quelques-uns ») et personnelle (« un ») des Églises individuelles et de l’Église entière. Dans cette perspective, le ministère pétrinien est inhérent à la dynamique synodale, de même que l’aspect communautaire, qui inclut tout le Peuple de Dieu, et la dimension collégiale du ministère épiscopal (cf. CTI, n 64).
Nous pouvons donc comprendre la portée de l’affirmation conciliaire selon laquelle « il existe légitimement, au sein de la communion de l’Église, des Églises particulières jouissant de leurs traditions propres – sans préjudice du primat de la Chaire de Pierre qui préside à l’assemblée universelle de la charité, garantit les légitimes diversités et veille à ce que, loin de porter préjudice à l’unité, les particularités, au contraire, lui soient profitables » (LG 13) L’évêque de Rome, principe et fondement de l’unité de l’Église (cf. LG 23), est le garant de la synodalité : c’est à lui qu’il revient de convoquer l’Église en Synode, de le présider et d’en confirmer les résultats. En tant que successeur de Pierre, il a un rôle unique dans la sauvegarde du dépôt de la foi et de la morale, en veillant à ce que les processus synodaux soient fructueux pour l’unité et le témoignage. Avec l’évêque de Rome, le Collège des évêques a un rôle irremplaçable pour paître l’Église entière (cf. LG 22-23) et pour promouvoir la synodalité dans toutes les Églises locales.
En tant que garant de l’unité dans la diversité, l’évêque de Rome veille à la sauvegarde de l’identité des Églises orientales catholiques, dans le respect de leurs traditions théologiques, canoniques, liturgiques, spirituelles et pastorales séculaires. Ces Églises sont dotées de leurs propres structures synodales délibératives : Synode des Évêques des Églises patriarcales et archidiocésaines majeures (cf. CCEO, c. 102 s., 152), Concile provincial (cf CCEO, c. 137), Conseil des hiérarques (cf. CCEO, c. 155, § 1, 164 s.) et, enfin, Assemblées des hiérarques des diverses Églises sui iuris (cf. CCEO, c. 322). En tant qu’Églises sui iuris en pleine communion avec l’Évêque de Rome, elles conservent leur identité orientale et leur autonomie. Dans le cadre de la synodalité, il convient de revisiter ensemble l’histoire pour guérir les blessures du passé et approfondir les modalités de la communion, ce qui implique également une adaptation des relations entre les Églises orientales catholiques et la Curie romaine. Les relations entre l’Église latine et les Églises orientales catholiques doivent être caractérisées par un échange de dons, une collaboration et un enrichissement mutuel.
Afin d’intensifier ces relations, l’Assemblée synodale propose d’établir un Conseil des patriarches, archevêques majeurs et métropolites des Églises orientales catholiques, présidé par le Pape, qui serait expression de synodalité et un instrument pour promouvoir la communion et le partage du patrimoine liturgique, théologique, canonique et spirituel. L’exode de nombreux fidèles orientaux vers les régions de rite latin risque de compromettre leur identité. Pour faire face à cette situation, des instruments et des normes devront être élaborés pour renforcer le plus possible la collaboration entre l’Église latine et les Églises orientales catholiques. L’Assemblée synodale recommande un dialogue sincère et une collaboration fraternelle entre les évêques latins et orientaux, afin d’assurer une meilleure prise en charge pastorale des fidèles orientaux sans prêtres de leur propre rite et de garantir, dans une juste autonomie, la participation des évêques orientaux aux Conférences épiscopales. Enfin, elle propose au Saint-Père de convoquer un Synode spécial pour promouvoir la consolidation et la renaissance des Églises orientales catholiques.
La réflexion sur l’exercice du ministère pétrinien dans une perspective synodale doit être menée dans la perspective de la « décentralisation » salutaire (EG 16), encouragée par le Pape François et demandée par de nombreuses Conférences épiscopales. Dans la formulation donnée par la Constitution apostolique Praedicate Evangelium, cela implique de « laisser à la compétence des pasteurs la faculté de résoudre dans l’exercice de « leur propre fonction d’enseignement » et de pasteurs, les questions qu’ils connaissent bien et qui ne touchent pas à l’unité de doctrine, de discipline et de communion de l’Église, en agissant toujours avec cette coresponsabilité qui est le fruit et l’expression de ce mysterium communionis spécifique qu’est l’Église » (PE II, 2). Pour aller dans ce sens, on pourrait identifier, par une étude théologique et canonique, les matières qui doivent être réservées au Pape (reservatio papalis) et celles qui peuvent être renvoyées aux évêques dans leurs Églises ou groupements d’Églises, dans la ligne du récent Motu Proprio Competentias quasdam decernere (15 février 2022). Il attribue en effet « des compétences, qui concernent des dispositions du code visant à garantir l’unité de la discipline de l’Église universelle, au pouvoir exécutif des Églises et des institutions ecclésiastiques locales » sur la base de la « dynamique de communion ecclésiale » (Préambule). La rédaction de la législation canonique par ceux qui en ont la charge et l’autorité devrait également être de style synodal et mûrir comme le fruit d’un discernement ecclésial
La Constitution apostolique Praedicate Evangelium a configuré le service de la Curie romaine dans un sens synodal et missionnaire, en insistant sur le fait qu’elle « ne se situe pas entre le Pape et les évêques, elle se met plutôt au service des deux selon les modalités propres à la nature de chacun » (PE I, 8). Sa mise en œuvre devrait favoriser une plus grande collaboration entre les Dicastères et encourager l’écoute des Églises locales. Avant de publier des documents normatifs importants, les Dicastères sont invités à entamer une consultation avec les Conférences épiscopales et les institutions correspondantes des Églises orientales sui iuris. Dans la logique de la transparence et du rendre-compte, décrite ci-dessus, des formes d’évaluation périodique du travail de la Curie pourraient éventuellement être envisagées. Une telle évaluation, dans une perspective synodale missionnaire, pourrait également concerner les Représentants pontificaux. Les Visites ad limina Apostolorum sont le moment le plus élevé des relations des Pasteurs des Églises locales avec l’Évêque de Rome et ses plus proches collaborateurs de la Curie romaine. De nombreux évêques souhaiteraient que soit revue la forme sous laquelle elles se déroulent, afin qu’elles soient de plus en plus des occasions d’échange ouvert et d’écoute réciproque. Il est important pour le bien de l’Église de favoriser la connaissance réciproque et les liens de communion entre les membres du Collège cardinalice, en tenant compte également de leur diversité d’origine et de culture. La synodalité doit inspirer leur collaboration dans le ministère pétrinien et leur discernement collégial dans les consistoires ordinaires et extraordinaires.
Parmi les lieux de pratique de la synodalité et de la collégialité au niveau de toute l’Église, se détache clairement le Synode des Évêques, que la Constitution apostolique Episcopalis communio a transformé d’un événement en un processus ecclésial. Institué par saint Paul VI comme une assemblée d’évêques convoquée pour participer, par le biais du conseil, à la sollicitude du Pontife romain pour toute l’Église, il est désormais, sous la forme d’un processus par étapes, l’expression et l’instrument de la relation constitutive entre le Peuple de Dieu tout entier, le Collège des évêques et le Pape. En effet, le peuple saint de Dieu tout entier, les évêques auxquels sont confiées ses différentes portions et l’évêque de Rome participent pleinement au processus synodal, chacun selon sa fonction propre. Cette participation est rendue manifeste par l’Assemblée synodale réunie autour du Pape, qui, dans sa composition, montre la catholicité de l’Église. En particulier, comme l’a expliqué le Pape François, la composition de cette XVIe Assemblée générale ordinaire est « plus qu’un fait contingent. Elle exprime une manière d’exercer le ministère épiscopal conforme à la Tradition vivante de l’Église et à l’enseignement du Concile Vatican II » (Discours à la première Congrégation générale de la deuxième session de la XVIe Assemblée générale ordinaire du Synode des évêques, 2 octobre 2024). Le Synode des évêques, tout en préservant sa nature épiscopale, a vu et continuera à voir dans la participation d’autres membres du Peuple de Dieu « la forme que l’exercice de l’autorité épiscopale est appelé à prendre dans une Église consciente qu’elle est constitutivement relationnelle et, pour cette raison, synodale » (ibid.) pour la mission. Dans l’approfondissement de l’identité du Synode des Évêques, il est essentiel que l’articulation entre l’implication de tous (le saint peuple de Dieu), le ministère de quelques-uns (le Collège des Évêques) et la présidence de l’un (le Successeur de Pierre) apparaisse et se réalise concrètement dans le processus synodal et dans les Assemblées.
L’intensité de l’élan œcuménique est l’un des fruits les plus significatifs du Synode 2021-2024. La nécessité de trouver « une forme d’exercice de la primauté qui […] soit ouverte à une situation nouvelle » (UUS 95) est un défi fondamental à la fois pour une Église synodale missionnaire et pour l’unité des chrétiens. Le Synode se réjouit de la récente publication du Dicastère pour la promotion de l’unité des chrétiens L’Évêque de Rome. Primauté et synodalité dans les dialogues œcuméniques et les réponses à l’encyclique Ut Unum Sint, qui offre des perspectives pour des approfondissements ultérieurs. Le document montre que la promotion de l’unité des chrétiens est un aspect essentiel du ministère de l’évêque de Rome et que le cheminement œcuménique a favorisé une meilleure compréhension de ce ministère. Les propositions concrètes qu’il contient concernant une relecture ou un commentaire officiel des définitions dogmatiques du Concile Vatican I sur la primauté, une distinction plus claire entre les différentes responsabilités du Pape, la promotion de la synodalité et la recherche d’un modèle d’unité basé sur une ecclésiologie de communion, offrent des perspectives prometteuses pour le cheminement œcuménique. L’Assemblée synodale espère que ce document servira de base à une réflexion plus approfondie avec d’autres chrétiens, « évidemment ensemble », sur l’exercice du ministère d’unité de l’évêque de Rome comme « un service d’amour reconnu par les uns et par les autres » (UUS 95)
La richesse que représente la participation à l’Assemblée synodale de délégués fraternels d’autres Églises et Communions chrétiennes nous invite à prêter davantage attention aux pratiques synodales de nos partenaires œcuméniques, tant en Orient qu’en Occident. Le dialogue œcuménique est fondamental pour développer une compréhension de la synodalité et de l’unité de l’Église. Il nous pousse à imaginer des pratiques synodales œcuméniques, y compris des formes de consultation et de discernement sur des questions urgentes d’intérêt commun, telles que la célébration d’un synode œcuménique sur l’évangélisation. Il nous invite également à rendre compte les uns aux autres de ce que nous sommes, de ce que nous faisons et de ce que nous enseignons. À la racine de cette possibilité se trouve le fait que nous sommes unis dans l’unique baptême, d’où découlent l’identité du Peuple de Dieu et le dynamisme de la communion, de la participation et de la mission.
L’année jubilaire 2025 marquera également l’anniversaire du premier Concile œcuménique, où le symbole de la foi unissant tous les chrétiens a été formulé de manière synodale. La préparation et la commémoration commune du 1700e anniversaire du Concile de Nicée devraient être l’occasion d’approfondir et de confesser ensemble la foi christologique et de mettre en pratique des formes de synodalité entre les chrétiens de toutes les traditions. Ce sera aussi l’occasion de lancer des initiatives audacieuses pour une date commune de Pâques, afin que nous puissions célébrer la résurrection du Seigneur le même jour, comme cela se produira providentiellement en 2025, et donner ainsi une plus grande force missionnaire à l’annonce de Celui qui est la vie et le Salut du monde entier.
Partie V – « Moi aussi, je vous envoie »
Former un peuple de disciples missionnaires Jésus leur dit de nouveau : « La paix soit avec vous ! De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie. » Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et il leur dit : « Recevez l’Esprit Saint » (Jn 20,21-22).
Le soir de Pâques, le Christ fait aux disciples le don messianique de sa paix, et il les fait participer à sa mission. Sa paix est plénitude de l’être, harmonie avec Dieu, avec les frères et sœurs, avec la création. La mission est de proclamer le Royaume de Dieu, en offrant à toute personne, sans exclusion, la miséricorde et l’amour du Père. Le geste délicat, qui accompagne les paroles du Ressuscité, rappelle ce que Dieu a fait au commencement. Maintenant, au cénacle, avec le souffle de l’Esprit, la nouvelle création commence : c’est un peuple de disciples missionnaires qui naît.
Pour témoigner pleinement de toute la joie de l’Évangile, en grandissant dans la pratique de la synodalité ; le saint peuple de Dieu a besoin d’une formation adéquate. Celle-ci le formera avant tout à la liberté des fils et des filles de Dieu à la suite de Jésus Christ, contemplé dans la prière et reconnu dans les pauvres. La synodalité, en effet, implique une profonde conscience vocationnelle et missionnaire, qui soit source d’un style renouvelé dans les relations ecclésiales, de nouvelles dynamiques participatives et de discernement ecclésial, et d’une culture de l’évaluation. Tout cela ne peut être instauré sans être accompagné de processus de formation adaptés. La formation au style synodal de l’Église favorisera la prise de conscience que les dons reçus au baptême sont des talents à faire fructifier pour le bien de tous : ceux-ci ne peuvent rester cachés ou inopérants
La formation des disciples missionnaires commence avec l’initiation chrétienne et s’enracine en elle. Dans l’histoire de chacun, il y a la rencontre avec de nombreuses personnes, et avec des groupes ou des petites communautés, qui ont contribué à nous introduire dans la relation avec le Seigneur et dans la communion de l’Église : parents et membres de la famille, parrains et marraines, catéchistes et éducateurs, animateurs de la liturgie et personnes engagées dans le domaine de la charité, diacres, prêtres et l’évêque lui-même. Parfois, une fois achevé le chemin de l’initiation, le lien avec la communauté s’affaiblit et la formation est négligée. Être des disciples missionnaires du Seigneur n’est cependant pas un objectif atteint une fois pour toutes. Cela implique une conversion continue, une croissance dans l’amour jusqu’à « la stature du Christ dans sa plénitude » (Ep 4, 13) et une ouverture aux dons de l’Esprit, en vue d’un témoignage de foi vivant et joyeux. C’est pourquoi il est important de redécouvrir comment la célébration dominicale de l’Eucharistie forme les chrétiens : « La pleine mesure de notre formation est notre conformation au Christ […] : il ne s’agit pas d’un processus mental abstrait, mais de devenir Lui » (DD 41). Pour de nombreux fidèles, l’Eucharistie dominicale est le seul contact avec l’Église : soigner au mieux sa célébration, en accordant une attention particulière à l’homélie et à la « participation active » (SC 14) de tous, est décisif pour la synodalité. En effet, avant d’être le résultat de nos propres efforts, ce qui se passe dans la messe est une grâce donnée d’en haut : sous la présidence d’un seul et grâce au ministère de quelques-uns, tous peuvent participer à la double table de la Parole et du Pain. Le don de la communion, de la mission et de la participation – les trois pierres angulaires de la synodalité – se réalise et se renouvelle dans chaque Eucharistie.
Au long du processus synodal, de toutes parts, une des demandes qui a émergé avec le plus de force est que la formation soit intégrale, continue et partagée. Son but n’est pas seulement l’acquisition de connaissances théoriques, mais la promotion de capacités d’ouverture et de rencontre, de partage et de collaboration, de réflexion et de discernement en commun, de lecture théologique des expériences concrètes. Elle doit donc interpeller toutes les dimensions de la personne (intellectuelle, affective, relationnelle et spirituelle) et comprendre des expériences concrètes accompagnées correctement. Tout aussi marquée a été l’insistance sur la nécessité d’une formation à laquelle participent ensemble hommes et femmes, laïcs, consacrés, ministres ordonnés et candidats au ministère ordonné, permettant ainsi de grandir dans la connaissance et l’estime réciproques, et dans la capacité à collaborer. Cela requiert la présence de formateurs idoines, compétents, capables de confirmer par leur vie ce qu’ils transmettent par leurs paroles : ce n’est qu’ainsi que la formation sera vraiment transformatrice et pourra porter du fruit. Il ne faut pas non plus négliger la contribution que les disciplines pédagogiques peuvent apporter à la préparation de parcours de formation bien ciblés, attentifs aux processus d’apprentissage à l’âge adulte et à l’accompagnement des personnes et des communautés. Nous devons donc investir dans la formation des formateurs.
L’Église dispose déjà de nombreux lieux et ressources pour la formation de disciples missionnaires : les familles, les petites communautés, les paroisses, les associations ecclésiales, les séminaires, les communautés religieuses, les institutions académiques, mais aussi les lieux de service et de travail dans les lieux de marginalité, les expériences missionnaires et de volontariat. Dans tous ces domaines, la communauté exprime sa capacité à éduquer à la vie de disciple et à accompagner dans le témoignage, en étant un lieu de rencontre qui permet souvent de faire interagir des personnes de différentes générations. Dans l’Église, personne n’est simplement le destinataire d’une formation : chacun est un acteur et a quelque chose à donner aux autres.
Parmi les pratiques de formation susceptibles de recevoir un nouvel élan grâce à la synodalité, la catéchèse mérite une attention particulière. Il est essentiel que, en plus d’être intégrée aux itinéraires d’initiation chrétienne, elle soit de plus en plus « en sortie » et tournée vers l’extérieur. Les communautés de disciples missionnaires pourront ainsi mettre en œuvre la catéchèse sous le signe de la miséricorde, en l’adaptant à l’expérience de chacun, et en la portant vers les périphéries existentielles, sans perdre pour autant la référence au Catéchisme de l’Église catholique. La catéchèse peut ainsi devenir un « laboratoire de dialogue » avec les hommes et les femmes de notre temps (cf. Conseil pontifical pour la promotion de la nouvelle évangélisation, Directoire pour la catéchèse, 54), et éclairer leur recherche de sens. Dans de nombreuses Églises, les catéchistes constituent la ressource fondamentale pour l’accompagnement et la formation. Dans d’autres Églises, leur service doit être davantage reconnu et soutenu par la communauté, en s’éloignant d’une logique de délégation, qui va à l’encontre de la synodalité. Compte tenu de l’ampleur des phénomènes migratoires, il est important que la catéchèse favorise la connaissance réciproque entre les Églises des pays d’origine et des pays d’accueil.
Outre les cadres et les ressources spécifiquement pastoraux, la communauté chrétienne est présente dans de nombreuses autres institutions de formation telles que les écoles, la formation professionnelle, les universités, la formation à l’engagement social et politique, le monde du sport, de la musique et de l’art. Malgré la diversité des contextes culturels, qui déterminent des pratiques et des traditions très différentes, les institutions de formation d’inspiration catholique sont souvent en contact avec des personnes qui ne fréquentent pas d’autres milieux ecclésiaux. Inspirées par les pratiques de la synodalité, elles peuvent devenir un laboratoire de relations amicales et participatives, dans un contexte où le témoignage de vie, les compétences et l’organisation de l’éducation sont principalement laïcs et impliquent prioritairement les familles. En particulier, l’école et l’université d’inspiration catholique jouent un rôle important dans le dialogue entre foi et culture, et dans l’éducation morale aux valeurs, en offrant une formation orientée vers le Christ, icône de la vie en plénitude. Lorsqu’elles y parviennent, elles se révèlent capables de promouvoir une alternative aux modèles dominants, souvent inspirés par l’individualisme et la compétition ; ainsi, elles assument également un rôle prophétique. Dans certains contextes, elles sont le seul environnement dans lequel les enfants et les jeunes entrent en contact avec l’Église. Quand elle est inspirée par le dialogue interculturel et interreligieux, leur action éducative est également appréciée par les personnes d’autres traditions religieuses, comme une forme de promotion humaine.
La formation synodale commune à tous les baptisés constitue l’horizon sur lequel on peut comprendre et pratiquer la formation spécifique nécessaire aux ministères spécifiques et aux différentes formes de vie. Pour cela, il est nécessaire qu’elle se déroule comme un échange de dons entre les différentes vocations (communion), dans la perspective d’un service à accomplir (mission) et dans un style d’implication et d’éducation à la coresponsabilité différenciée (participation). Cette exigence, qui a émergé avec force du processus synodal, requiert souvent un changement exigeant de mentalité et une approche renouvelée des cadres et des processus de formation. Elle implique surtout la disponibilité intérieure à s’enrichir de la rencontre avec des frères et des sœurs dans la foi, en dépassant les préjugés et les opinions partisanes. La dimension œcuménique de la formation ne peut qu’encourager ce changement de mentalité.
Au long du processus synodal, il a été largement demandé que les parcours de discernement et de formation des candidats au ministère ordonné soient configurés dans un style synodal. Cela signifie qu’ils doivent prévoir une présence significative de figures féminines, une insertion dans la vie quotidienne des communautés et l’éducation à la collaboration avec tous les membres de l’Église ainsi qu’à la pratique du discernement ecclésial. Cela implique d’investir courageusement de l’énergie dans la préparation des formateurs. L’assemblée demande une révision de la Ratio Fundamentalis Institutionis Sacerdotalis qui intègre les exigences mûries pendant le Synode, en les traduisant en indications précises pour une formation à la synodalité. Les parcours de formation doivent être en mesure d’éveiller chez les candidats une passion pour la mission ad gentes. Non moins nécessaire est la formation des évêques, afin qu’ils puissent mieux assumer leur mission de rassembler dans l’unité les dons de l’Esprit, et d’exercer dans un style synodal l’autorité qui leur est conférée. Le style synodal de la formation implique que la dimension œcuménique soit présente dans tous les aspects du parcours vers le ministère ordonné.
Dans la formation du Peuple de Dieu à la synodalité, il est nécessaire de prendre en considération certains domaines spécifiques, sur lesquels le processus synodal a attiré l’attention avec insistance. Le premier concerne l’impact de l’environnement numérique sur les processus d’apprentissage, la capacité de concentration, la perception de soi et du monde, et la construction de relations interpersonnelles. La culture numérique constitue une dimension cruciale du témoignage de l’Église dans la culture contemporaine, ainsi qu’un champ missionnaire émergent. C’est pourquoi il est nécessaire de veiller à ce que le message chrétien soit présent en ligne d’une manière fiable sans que son contenu ne soit déformé de manière idéologique. Bien que le numérique ait un grand potentiel pour améliorer notre vie, il peut aussi causer des dommages et des blessures, à travers le harcèlement, la désinformation, l’exploitation sexuelle et la dépendance. Il est important que les institutions éducatives de l’Église aident les enfants et les adultes à développer des compétences critiques pour naviguer en toute sécurité sur le web.
Un autre domaine de grande importance est la promotion, dans tous les milieux ecclésiaux, d’une culture de la protection des mineurs et des personnes vulnérables (safeguarding), afin de faire des communautés des lieux toujours plus sûrs pour eux. Le travail, qui consiste à doter les structures de l’Église de règlements et de procédures juridiques permettant de prévenir les abus et de réagir rapidement aux comportements inappropriés, a déjà commencé. Il faut poursuivre cet engagement, en offrant une formation spécifique et continue adéquate à ceux qui travaillent en contact avec des mineurs et des adultes plus faibles, afin qu’ils agissent avec compétence, et sachent percevoir les signaux souvent silencieux de ceux qui vivent un drame et ont besoin d’aide. L’accueil et l’accompagnement des victimes est une tâche délicate et indispensable, qui requiert une grande humanité et doit être menée avec l’aide de personnes qualifiées. Nous devons tous nous laisser toucher par leur souffrance et pratiquer cette proximité qui, à travers des choix concrets, les soulage, les aide et prépare un avenir différent pour tous. Les processus de protection (safeguarding) doivent être constamment suivis et évalués. Les victimes et les survivants doivent être accueillis et soutenus avec une grande sensibilité.
Les thèmes de la doctrine sociale de l’Église, l’engagement pour la paix et la justice, le soin de la maison commune, le dialogue interculturel et interreligieux doivent également être plus largement diffusés au sein du peuple de Dieu, afin que l’action des disciples missionnaires contribue à la construction d’un monde plus juste et plus fraternel. L’engagement pour la défense de la vie et des droits de la personne, pour une juste organisation de la société, pour la dignité du travail, pour une économie juste et solidaire, pour une écologie intégrale, fait partie de la mission évangélisatrice que l’Église est appelée à vivre et à incarner dans l’histoire.
Conclusion Un banquet pour tous les peuples
Une fois descendus à terre, ils aperçoivent, disposé là, un feu de braise avec du poisson posé dessus, et du pain. Jésus leur dit alors : « Venez manger. » Aucun des disciples n’osait lui demander : « Qui es-tu ? » Ils savaient que c’était le Seigneur. Jésus s’approche ; il prend le pain et le leur donne ; et de même pour le poisson (Jn 21, 9.12.13).
Le récit de la pêche miraculeuse se termine par un banquet. Le Ressuscité a demandé aux disciples d’obéir à sa parole, de jeter les filets et de les ramener sur le rivage ; pourtant, c’est lui qui prépare la table et les invite à manger. Il y a des pains et des poissons pour tous, comme lorsqu’il les avait multipliés pour la foule affamée. Mais surtout, il y a l’émerveillement et l’enchantement de sa présence, si claire et éclatante qu’aucune question ne se pose. En mangeant avec les siens, alors qu’ils l’avaient abandonné et renié, le Ressuscité ouvre à nouveau l’espace de la communion ; il imprime pour toujours aux disciples la marque d’une miséricorde qui s’ouvre largement sur l’avenir. C’est pourquoi les témoins de la Pâque se qualifieront ainsi : « nous qui avons mangé et bu avec lui après sa résurrection d’entre les morts » (Ac 10, 41)
Dans les repas pris par le Ressuscité avec les disciples, l’image du banquet du prophète Isaïe qui a inspiré les travaux de l’Assemblée synodale trouve son accomplissement. Dans les repas pris par le Ressuscité avec les disciples, l’image du banquet du prophète Isaïe, qui a inspiré les travaux de l’assemblée synodale, trouve son accomplissement : une table surabondante et délicieuse, préparée par le Seigneur au sommet de la montagne, symbole de convivialité et de communion, destinée à tous les peuples (cf. Is 25, 6-8). La table que le Seigneur prépare pour les siens après la Pâque est un signe que le banquet eschatologique a déjà commencé. Même si ce n’est qu’au ciel qu’elle atteindra sa plénitude, la table de la grâce et de la miséricorde est déjà dressée pour tous, et l’Église a pour mission de porter cette splendide annonce à un monde qui change. En se nourrissant du Corps et du Sang du Seigneur dans l’Eucharistie, elle sait qu’elle ne peut pas oublier les pauvres, les derniers, les exclus, ceux qui ne connaissent pas l’amour et sont sans espérance, ni ceux qui ne croient pas en Dieu ou ne se reconnaissent dans aucune religion établie. Elle les porte au Seigneur dans la prière et va ensuite à leur rencontre, avec la créativité et l’audace que lui inspire l’Esprit. La synodalité de l’Église devient ainsi prophétie sociale, inspire de nouvelles voies notamment pour la politique et l’économique, et collabore avec tous ceux qui croient à la fraternité et à la paix, dans un échange de dons avec le monde.
En vivant le processus synodal, nous avons pris conscience que le salut à recevoir et à proclamer passe par les relations. C’est ensemble que nous vivons le salut et que nous en témoignons. L’histoire nous apparaît tragiquement marquée par les guerres, par les rivalités pour le pouvoir, par mille injustices et abus. Nous savons cependant que l’Esprit a déposé dans le cœur de chaque être humain le désir de relations authentiques et de liens véritables.
La création elle-même parle d’unité et de partage, de variété et d’imbrication entre les différentes formes de vie. Tout vient de l’harmonie et tend vers l’harmonie, même quand on souffre de la blessure dévastatrice du mal. Le sens ultime de la synodalité est le témoignage que l’Église est appelée à rendre à Dieu, Père et Fils et Saint-Esprit, harmonie d’amour qui sort d’elle-même pour se donner au monde. En cheminant avec un style synodal, dans l’entrelacement de nos vocations, de nos charismes et de nos ministères, en allant à la rencontre de tous pour porter la joie de l’Évangile, nous pouvons vivre la communion qui sauve, avec Dieu, avec l’humanité entière et avec toute la création. Ainsi, grâce au partage, nous commencerons déjà à expérimenter, le banquet de vie que Dieu offre à tous les peuples.
Nous confions les résultats de ce Synode à la Vierge Marie, elle qui porte le titre splendide d’Odigitria, celle qui indique le chemin et qui guide. Elle, la Mère de l’Église, a aidé au cénacle la communauté naissante à s’ouvrir à la nouveauté de la Pentecôte. Qu’elle nous apprenne à être un peuple de disciples missionnaires qui marchent ensemble : une Église synodale.
Le Seigneur passe et s'arrête pour prendre soin de notre cécité. Le #Synode nous exhorte à être l'Église de Bartimée : la communauté des disciples qui, en entendant le Seigneur passer, se laissent réveiller par la puissance de l'Évangile et commencent à crier vers Lui.
— Pape François (@Pontifex_fr) October 27, 2024
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