Vincent, diacre au service de l’aumônerie catholique du centre pénitentiaire de Nantes

Vincent Bonnet, diacre permanent au sein du diocèse de Nantes

Ordonné diacre permanent pour le diocèse de Nantes le 15 février 2020, Vincent Bonnet vit sa mission au service de l’aumônerie catholique du centre pénitentiaire de Nantes et de sa paroisse. Portrait. Par Florence de Maistre.

“Après mon interpellation, c’est-à-dire quand une personne de ma paroisse est venue me voir pour me dire qu’avec l’équipe elle avait pensé à moi pour devenir diacre, j’ai longtemps hésité… presque dix ans ! Je n’avais qu’une vague idée de ce que cela signifiait. Mon agenda était déjà trop rempli, j’exploserais en vol, ce serait sûr. En fait, je confondais être diacre et faire le diacre. Dans l’idée d’interpellation, il y a quelqu’un qui vient me trouver et le Seigneur qui m’appelle”, lance Vincent Bonnet, 53 ans, diacre permanent pour le diocèse de Nantes. Marié avec Céline depuis 28 ans, ils résident dans le vignoble nantais, entre Nantes et Cholet. Parents de quatre grands garçons, de 17 à 24 ans, dont deux ont déjà quitté la maison familiale, Vincent et Céline sont aussi tout jeunes grands-parents de deux petits. Commercial chez Kleenex, Vincent est toujours en déplacement, avec un secteur variable : il s’étend actuellement à tout le territoire français. Céline, quant à elle, partage son temps entre son activité d’agent immobilier et la responsabilité du service diocésain du catéchuménat, pour la sixième et dernière année de mission. En un mot : tous deux ont une vie bien remplie !

J’ai découvert qu’il ne s’agissait pas de faire, mais d’être diacre : ça change tout !

Bien avant de choisir le mariage, Vincent s’est posé la question du sacerdoce. Le prêtre qu’il avait rencontré alors l’avait aidé à réfléchir. “Je me suis rendu compte que je n’avais pas la vocation de prêtre, mais plutôt celle d’époux et de père de famille. C’était avant de rencontrer ma femme. J’avais néanmoins cet appel quelque part, j’ai dit au Seigneur : si tu penses à moi pour quelque chose, n’hésites pas ! C’est un peu comme ça que j’ai entendu mon interpellation”, poursuit le père de famille. Vincent finit par s’ouvrir à un ami diacre d’un autre diocèse, qu’il retrouve à Lourdes où il est hospitalier avec son épouse. Son conseil ? Se mettre en chemin, échanger avec d’autres pour décider en confiance. “J’ai découvert qu’il ne s’agissait pas de faire, mais d’être diacre : ça change tout ! Il s’agit de pastorale, de don et d’Esprit saint”, confie-t-il, en évoquant la figure d’Etty Hillesum qui écrit “Mon faire consistera à être”. Avec Céline, son premier sacerdoce et avec d’autres candidats, il partage toutes ses questions sans tabou. Au fil de sa formation, Vincent fait l’expérience forte du Christ qui appelle. “Il ne se vexe pas si je réponds non. Il continue de m’envoyer des signes très légers, très doux, non insistants, mais qui disent je t’attends. C’est extrêmement inspirant pour notre propre faculté d’appel”. L’expérience de foi, intense, l’encourage à approfondir.

Quand je retrouve ici un homme qui pense avoir perdu toute dignité humaine, je suis là pour lui dire que le Christ l’aime

Oser la rencontre

Sa mission : aumônier de prison, au sein d’une équipe détachée auprès du centre de détention de Nantes. Il intervient aux côtés de l’aumônier principal, rencontre les détenus le dimanche matin et en accompagne deux en vue du baptême. Il participe également de temps en temps aux ateliers bibliques du samedi après-midi. “Dans ma vie de diacre, serviteur de la parole, de la liturgie et de la charité, c’est ce dernier pilier qui donne sens à ma mission diocésaine. La charité remet l’Église au milieu du village. C’est exactement ce que je vis à la prison, où je suis le seuil, le lien, le pont, le trait d’union. Quand je retrouve ici un homme qui pense avoir perdu toute dignité humaine, je suis là pour lui dire que le Christ l’aime. L’Esprit saint nous précède toujours en prison. Je me laisse à chaque fois surprendre par l’imprévu. Et, comme tout membre de l’équipe, je suis toujours attendu, car je viens gratuitement, sans autre enjeu que de prêter une oreille attentive et de permettre un cœur à cœur avec le Christ”, développe Vincent. Témoin des chemins de rédemption et de conversion, il se laisse évangéliser par les personnes rencontrées, et vérifie les mots de saint Paul (2 cor 12, 10) Lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort. “Certains le disent, s’ils n’étaient en prison, s’ils n’avaient pas fait cette expérience de pauvreté absolue, ils ne se seraient jamais mis à crier, à appeler au secours : à prier. Or au fond du trou, personne ne vient sauf Dieu ! Cette mission est décapante, demande beaucoup de temps et de silence. Je découvre un univers, un mode de pensée, une violence qui me dépassent. Mais le Seigneur prend ça en main, c’est vertigineux”, révèle le diacre. La démarche d’accompagnement vers le baptême se déroule le vendredi soir. Le commercial a joué la transparence avec son entreprise qui a donné son accord pour le libérer une à deux heures plus tôt ce jour-là. “Je n’ai pas crié mon engagement sur les toits, mais il a été bien accueilli”, note-t-il.

Proposer un chemin de foi

L’an dernier, le rythme de vie du couple était en sur-régime. Vincent et Céline fonctionnent désormais avec un agenda partagé dans lequel Céline a prérempli des cases avec “rien”. Du coup, lorsque Vincent est sollicité pour un baptême ou un mariage, il vérifie d’abord que le créneau n’est pas réservé à son temps en couple. Sa lettre de mission le précise, selon ses disponibilités, il doit aussi avoir à cœur la vie paroissiale et remplir les services liés à son état : célébration de baptême, de mariage, homélie. Quatre diacres évoluent sur sa paroisse Saint-Vincent des vignes, la parole est donnée aux uns et aux autres régulièrement. “Nous ne sommes pas formés pour enseigner, mais nous pouvons apporter un éclairage sur l’Évangile avec le prisme de notre mission principale, de notre vie de famille. Il me semble que la diversité des prédicateurs enrichit toute la communauté”, observe le diacre. Avec les personnes qui demandent un sacrement, les échanges touchent vite aux questions existentielles. Vincent aime saisir cette opportunité d’approfondir, de les interpeller “qu’est-ce qui vous anime ? Vous voulez le meilleur pour votre enfant ? Et pour votre couple ?”. Ces moments de proximité avec le Seigneur ouvrent un chemin de foi. Le diacre tente de faire vivre à ceux qui se présentent l’expérience catéchétique d’un sacrement à l’autre, du baptême vers le mariage ou vice-versa.

Auprès des futurs mariés, il propose avec son épouse un module de trois heures sur la communication dans le couple : “un partage d’outils pour pouvoir tout dire sans blesser”, où chaque couple est invité à prendre un temps de discussion privilégié en tête-à-tête. “Nous nous appuyons sur notre expérience de près de trente ans de mariage. Nous avons toujours eu la notion de la fragilité de notre couple et appris plein de techniques qui nous ont aidé. Nous souhaitons transmettre cette boîte à outils”, souligne Vincent.

Progresser au souffle de l’Esprit

Nul doute que les rencontres avec les détenus, les mariés, les personnes loin de l’Église ressourcent le diacre : “Quelle joie d’être baptisé ! La foi n’est pas une vue de l’esprit, mais une rencontre avec une personne. C’est ce que j’essaie de transmettre et cela me rend heureux”. S’il confesse que la prière des heures, telle que demandée à tous les diacres, lui demande encore des efforts, en revanche la préparation des commentaires de l’Évangile le porte. Il lit la Parole, se met en prière et à l’écoute, s’efforce d’être perméable à l’Esprit. Quand un fil rouge est trouvé, c’en est le fruit ! Le diacre travaille entre deux et trois heures à ses commentaires. Il aime lire des articles complémentaires, écouter des podcasts d’exégètes, rechercher des éléments de contexte précis. Après quatre ans de diaconat, il s’est amusé à reprendre les interventions de ses débuts. “Mais de la même façon que l’on entend jamais deux fois la même Parole de la même manière, mes anciens commentaires ne correspondent plus à ce que je souhaite partager. Ils ne résonnent plus de la même façon. La vie a changé, les circonstances aussi. L’Esprit nous parle autrement !”, assure-t-il.

Qu’il me soit fait selon ta Parole

Pour les jours de fête ou d’anniversaire, la famille Bonnet aime partager des moments de qualité en réunissant petits et grands. Autres temps de ressources : outre les randonnées et marches en pleine nature avec son épouse, Vincent pratique le catamaran. Au cours de vingt séances chaque année, depuis ses cinquante ans, il rejoint un groupe aux Sables-d’Olonne et s’adonne de bon cœur aux joies de la voile. Un véritable exutoire. Enfin, Vincent et les trois autres diacres ordonnés le même jour que lui forment une belle fraternité, “on nous appelle les quatre mousquetaires”, s’amuse-t-il. Ils se soutiennent, partent en retraite spirituelle ensemble, évoquent leurs joies et leurs difficultés avec un autre diacre ordonné avant eux. Vincent ponctue : “il y a parfois même en Église des moments rugueux. Nous ne sommes pas parfaits, mais disponibles et présents. Pour notre ordination, nous avons choisi la phrase “Qu’il me soit fait selon ta Parole” (Luc, 1, 38). Le oui de la Vierge résonne avec la prophétie d’Isaïe (43, 1) “Je t’ai appelé par ton nom” : j’aime rappeler aux détenus qu’il n’est jamais trop tard pour dire oui”.

 

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