Rome : avec les premiers chrétiens, découvrir les quatre basiliques majeures
À l’occasion du jubilé de la vie consacrée “Pèlerins d’espérance”, partons à la découverte des quatre basiliques majeures de Rome. Rencontre avec le P. François Cristin, directeur du service des pèlerinages pour le diocèse de Lyon et spécialiste de Rome. Par Florence de Maistre.
Quelles sont les basiliques majeures de Rome ?
Il y a quatre basiliques majeures, c’est-à-dire pontificales à Rome. Pratiquement, Saint-Jean-de-Latran est la première. Les deux suivantes le sont devenues de façon presque concomitante par la volonté de l’empereur Constantin, il s’agit de : Saint-Pierre et Saint-Paul-hors-les-Murs. La quatrième, c’est Saint-Marie-Majeure, qui a été construite après le concile d’Éphèse (431). Elle fait mémoire de l’Incarnation et de la crèche.
Qu’est-ce qui caractérise la basilique Saint-Jean-de-Latran ?
Dans l’histoire de l’Église, Saint-Jean-de-Latran est la première basilique construite à Rome. L’empereur Constantin avait donné le domaine du Latran à l’évêque de Rome. À l’époque il se situait hors des murs de la ville, dans un quartier de casernes. La basilique est d’abord dédiée au Sauveur. À ses côtés, se trouve un baptistère datant du IVe siècle où nombre de Romains furent baptisés. L’ensemble a été transformé plusieurs fois et nous est parvenu avec différentes strates. Au XIXe siècle, la basilique a été agrandie, les murs ont été repoussés derrière le chœur de façon à accueillir davantage de fidèles. Les reliques de saint Pierre et de saint Paul sont conservées ici et la basilique est désormais consacrée à l’ensemble des apôtres. Ils sont tous répartis dans la nef en partant de ces deux colonnes de l’Église : Pierre et Paul. Jusqu’au XIVe siècle, c’est l’église par excellence de l’évêque de Rome et un haut-lieu de la chrétienté. Elle a accueilli cinq conciles en son sein. À partir du XIe siècle, les papes commencent à se déplacer, et vont passer notamment soixante-dix ans en Avignon. De retour à Rome, une partie du Latran a été détruite par des tremblements de terre, un incendie et des difficultés en tous genres. Le Pape cherche alors un nouvel hébergement. Il s’installe sur la colline du Vatican à côté de l’antique basilique Saint-Pierre. L’entreprise de reconstruction de cette dernière est décidée. À partir du XVe siècle, le Palais apostolique devient le lieu de résidence du Pape.
Quelles sont les évolutions de Saint-Paul-hors-les-Murs et de Saint-Pierre de Rome ?
La basilique Saint-Paul-hors-les-Murs est quasiment restée comme à l’origine, elle date du XI et XIIe siècle. Au début du XIXe, un incendie s’est déclaré dans la toiture qui était en réfection. La basilique a été reconstruite dans le respect du premier édifice tout en l’agrandissant et en ajoutant notamment le quadriportique qui entoure l’entrée. C’est une nouveauté ! C’est une église particulière où sont célébrées chaque année les vêpres de la fête de la conversion de saint Paul, le 25 janvier, point d’orgue de la semaine de prière pour l’unité des chrétiens. Et c’est là que, contre toute attente, le pape Jean XXIII a annoncé la convocation du concile Vatican II. Il y a aussi à Saint-Paul une tradition bénédictine. Depuis la moitié du premier millénaire des moines bénédictins sont présents. Quant à la basilique Saint-Pierre d’origine, il ne reste que très peu de traces. Elle a même changé d’orientation. C’est aujourd’hui la Rome des papes, l’œuvre de souverains pontifes un peu mégalomanes, qui ont conçu quelque chose de géant, de très beau, avec faste. Regardons le Moïse de Michel-Ange [2,35 m de hauteur] : il n’est qu’une petite partie du tombeau du pape Jules II ! L’histoire de la construction de cette basilique est compliquée, les architectes se sont succédé. Elle a pratiquement duré deux siècles et demi.
Et Sainte-Marie-Majeure ?
Il y a, associée à la basilique Sainte-Marie-Majeure, une légende assez extraordinaire. Elle raconte que dans la nuit du 4 au 5 août 358, il aurait neigé sur Rome, sur la colline de l’Esquilin. Cette même nuit, le Pape eut une vision et au matin les contours de la future église étaient tracés par la neige. La fête du 5 août de Notre-Dame-des-Neiges vient de là. Elle est toujours célébrée en ce lieu avec des cascades de pétales de roses blanches qui tombent de la voûte et que l’on conserve pour soi ou pour offrir. La construction de la basilique est déclenchée en 431-432 après le concile d’Ephèse qui reconnaît Marie comme mère de Dieu, au sens christologique : c’est-à-dire que Jésus est vraiment Dieu. C’est aussi pour cette raison que les reliques de la crèche de Bethléem sont conservées ici. Le pape François aime beaucoup cette basilique. Avant et après chacun de ses déplacements, il vient prier devant la Vierge de Rome, l’icône “Salus Populi Romani” attribuée à saint Luc. Les Romains aussi la vénèrent, lui apportent des fleurs. Le Jubilé de la Miséricorde (2015-2016), a fait venir cette icône plusieurs fois à Saint-Pierre.
Quels gestes les pèlerins sont-ils invités à poser en chacun de ces lieux ?
Les gens sont sensibles différemment selon les endroits et les perspectives. Devant Saint-Jean-de-Latran, ce haut-lieu de communion d’Église, on redécouvre souvent l’histoire monumentale de l’Église. On se trouve mis au défi de reconnaître tous les apôtres et de nous rappeler ce que nous savons de chacun d’eux. C’est aussi grâce au baptistère, le lieu où l’on peut redire notre profession de foi et renouveler les promesses de notre baptême. Les tours opérators n’incluent pas la visite de Saint-Paul-hors-les-Murs dans leur circuit. Il y a moins de monde, la visite peut être plus profonde. C’est un lieu que j’aime beaucoup. Nous sommes invités à approfondir l’histoire et la vie de saint Paul, qui n’a pas trop la cote dans nos paroisses, que nous lisons souvent mal ou avec beaucoup d’a priori. Là, sous l’arc triomphal, nous nous retrouvons devant les chaînes, qui selon la tradition retenaient l’apôtre Paul prisonnier. Nous pouvons prier à genoux et confier tous ceux qui témoignent aujourd’hui du Christ dans des conditions difficiles. C’est aussi un beau lieu d’œcuménisme, sans oublier l’importance de la tradition bénédictine. À Sainte-Marie-Majeure, les mosaïques du Ve siècle situées dans l’abside retracent les épisodes de la vie de Marie dans l’Évangile, ainsi que sa dormition. C’est vraiment un très beau parcours qui est proposé. Avec la crèche, il ne s’agit pas d’adorer les reliques, mais de se redire l’importance de l’Incarnation dans la vie des chrétiens.
Justement, qu’en est-il de ces nombreuses reliques ?
Il ne s’agit pas de chercher leur authenticité ! Nous pourrions en causer pendant des millénaires et ne jamais trouver les bonnes conclusions. À Rome, cela correspond à une époque : on rapportait des objets de partout ! Les reliques nous permettent de faire mémoire d’un mystère. Elles ne sont pas sujettes à caution, nous ferions fausse route.
Quelle expérience peut-on vivre à Saint-Pierre ?
La fréquentation de Saint-Pierre est différente. Pendant le dernier jubilé, celui de la Miséricorde, le Vatican avait fait un bel effort en proposant de débuter pleinement le pèlerinage depuis le Château Saint-Ange, en remontant la via della Conciliazione. Plusieurs étapes étaient marquées, notamment place Saint-Pierre, puis l’entrée dans la basilique par la porte sainte, avant d’être guidé devant l’autel de la confession. Je l’ai vécu une douzaine de fois et à chaque fois, je suis arrivé à l’autel de la confession avec les larmes aux yeux, tant la démarche était forte ! J’ai rarement vu un tel dispositif et j’espère qu’il sera renouvelé pour le jubilé de la vie consacrée. Depuis que les audioguides sont obligatoires dans la basilique, il est possible de prendre plus de temps pour proposer une visite priante et permettre à ceux qui le souhaitent de poser quelques gestes forts. Ainsi, la Pietà invite les gens à méditer sur la douleur. Marie porte dans les bras son enfant, descendu de la croix. Avec elle, nous pouvons faire mémoire de toutes les souffrances que nous traversons, des situations de vie compliquées, des arrachements. Nous pouvons réciter un Je vous salue Marie et prier avec les mots de cette très belle prière à la Vierge du card. Eduardo Pironio*. Puis rejoindre l’autel de la confession et dire à notre tour le credo. Un jour, j’accompagnais un groupe d’adolescents. D’eux-même ils sont allés au centre de la basilique et ont récité le credo. Puis ils sont allés caresser les pieds de saint Pierre, à la suite de nombreux touristes et pèlerins selon cette tradition et vénération populaire. Comme je les interrogeais sur le sens de ce geste, ils m’ont répondu : “On s’appuie sur la foi de Pierre pour vivre la nôtre aujourd’hui.” Oui, saint Pierre, prie pour moi, fortifie ma foi ! C’est toujours intéressant de reprendre un geste populaire et lui redonner un sens chrétien.
Quel parcours dans la ville conseillez-vous ?
Quand j’organise un pèlerinage à Rome, la plupart du temps, j’aime bien commencer par visiter les catacombes, puis Saint-Paul-hors-les-Murs. À côté de Saint-Pierre, nous pouvons prendre le temps d’aller à l’église du Saint-Esprit de Sassia. Elle n’a pas la gloire de sa voisine, mais elle fait mémoire de sainte sœur Faustine et de saint Jean-Paul II. Près de Saint-Jean-de-Latran, il y a la basilique Sainte-Croix-de-Jérusalem. Elle fait partie du pèlerinage primitif de Rome. Un fragment de la croix de la passion, rapporté de Terre sainte par l’impératrice Hélène (mère de Constantin le Grand) est vénéré en ce lieu. En contrebas, en allant vers le Colisée, se trouve la basilique Saint-Clément, qui est très intéressante. Elle a été construite au Ve siècle au-dessus d’une rue du temps de Néron et d’un temple dédié à Mithra. C’était d’abord un domus ecclesiae, un lieu où la communauté chrétienne se retrouvait. Elle a été comblée avec des remblais et agrandie pour prendre la forme d’une basilique. Devenue trop petite, une nouvelle basilique est reconstruite au XIIe et XIIIe siècle par dessus la première. Les objets liturgiques du Ve ont été conservés. Au XIXe, le curé chargé de la paroisse découvre par hasard un escalier, des fresques, puis l’ensemble de la première basilique. C’est un endroit extraordinaire où l’on découvre toute l’Histoire de Rome et le voisinage des cultes historiques. Je l’aime beaucoup ! Proche de Sainte-Marie-Majeure, on peut se rendre à Sainte-Praxède. Elle est très belle et révèle une mosaïque extraordinaire du IXe siècle : on en prend plein les yeux ! Dans le panneau central, le pape Pascal Ier, constructeur de la basilique, s’est fait représenter avec une auréole carrée. Il n’était pas encore saint, mais espérait bien le devenir ! Sainte Praxède était la fille d’un ami de saint Paul, qui prenait soin des morts. L’église abrite les corps des martyres des catacombes. C’est un sanctuaire du souvenir. Une petite chapelle abrite la colonne de la flagellation, sur laquelle Jésus aurait été attaché. Une relique, avec la prudence déjà évoquée.
Quelle est votre basilique préférée ?
C’est Saint-Paul-hors-les-Murs, parce qu’elle est plus tranquille et parce que Paul est vraiment à la fondation du christianisme. Il a été complètement renversé et bouleversé par sa rencontre avec le Christ sur la route de Damas, et en même temps il a complètement renversé et bouleversé les traditions ! Il a été le soutien de Pierre, qui lui aussi découvre le récit de Jaffa et du centurion romain (Ac. 10). Il découvre que le respect de la loi n’est pas ce qui compte en premier, mais le fait que tout homme soit appelé au baptême. Saint Paul, enraciné dans le monde juif, s’est pleinement ouvert au monde païen. C’est cette même disposition d’ouverture que nous sommes appelés à avoir dans l’Église aujourd’hui encore.
À lire : Pèlerins à Rome – Guides Prions en Église
Ce guide, conçu par le P. François Cristin, propose de découvrir les hauts-lieux de Rome et du Vatican dans une démarche toute spirituelle. En chaque lieu des gestes concrets, des prières et textes de référence, sont précisés de façon à en goûter l’essentiel. Éd. Bayard (2013), 162 p. 8,50 euros.
Voir : Sanctuaire(s) – Basilique Saint-Jean-de-Latran (Rome) – Le jour du Seigneur
jubilé 2025 : accès rapide
sur le site du Vatican
Prière à la Vierge Marie (Cardinal Eduardo Pironio)
Marie, mère des pauvres et des petits,
De ceux qui n’ont rien, qui souffrent de solitude
Car personne ne cherche à les comprendre.
Merci de nous avoir donné le Seigneur.
Nous sommes heureux et désirons contaminer
cette joie aux autres.
Crier aux hommes qui se haïssent
que Dieu est notre Père et qu’il nous aime.
Crier à tous ceux qui ont peur: « Ne crains point ».
Et à ceux qui ont le coeur las :
« Allons-y, Dieu nous accompagne ».
Mère de celui qui est en marche, comme toi,
sans trouver accueil ni hospitalité.
Apprends-nous à être pauvres et petits.
À ne pas avoir d’ambitions.
À sortir de nous-mêmes et à nous engager
à être des messagers de paix et d’espérance.
Que l’amour vive à la place de la violence.
Que la justice soit présente entre les hommes et les peuples.
Que dans la vérité, la justice et l’amour
naisse la vraie paix du Christ
dont nous sommes, nous Église, le sacrement.
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