Document final du synode sur les jeunes, la foi et le discernement des vocations

Document final visuel

INTRODUCTION

 

L’événement synodal que nous avons vécu

1. « Je répandrai mon Esprit sur toute chair. Alors vos fils et vos filles prophétiseront, vos jeunes auront des visions et vos vieillards des songes » (Ac 2, 17 ; cf. Jl 3, 1). C’est l’expérience que nous avons faite au cours de ce Synode, en cheminant ensemble et en nous mettant à l’écoute de la voix de l’Esprit. Il nous a stupéfaits par la richesse de ses dons, il nous a comblés de son courage et de sa force pour porter au monde l’espérance.

Nous avons marché ensemble, avec le Successeur de Pierre, qui nous a confirmés dans la foi et nous a revigorés dans l’enthousiasme de la mission. Bien que provenant de contextes très différents du point de vue culturel et ecclésial, nous avons ressenti, dès le début, une harmonie spirituelle, un désir de dialogue et une véritable empathie. Nous avons travaillé ensemble, en mettant en commun ce qui nous tenait le plus à cœur, en faisant part de nos préoccupations, sans cacher nos difficultés. De nombreuses interventions ont suscité en nous émotion et compassion évangélique : nous avons senti que nous formions un seul corps qui souffre et se réjouit. Nous désirons partager avec tous l’expérience de grâce que nous avons vécue et transmettre à nos Églises et au monde entier la joie de l’Évangile.

La présence des jeunes a constitué une nouveauté : à travers eux, la voix de toute une génération a résonné au Synode. En cheminant avec eux, pèlerins sur la tombe de Pierre, nous avons expérimenté une proximité qui crée les conditions pour faire de l’Église un espace de dialogue et un fascinant témoignage de fraternité. La force de cette expérience surpasse la fatigue et la faiblesse. Le Seigneur continue de répéter : « Ne craignez pas, je suis avec vous ».

Le processus de préparation

2. Les contributions des épiscopats et l’apport de pasteurs, de religieux, de laïcs, d’experts, d’éducateurs et de beaucoup d’autres nous ont été d’un grand profit. Dès le début, les jeunes ont été impliqués dans le processus synodal : le Questionnaire en ligne, de nombreuses contributions personnelles et surtout la Réunion présynodale en sont le signe éloquent. Leur apport a été essentiel, comme dans le récit des poissons et des pains : Jésus a pu accomplir ce miracle grâce à la disponibilité d’un garçon qui a généreusement offert ce qu’il avait (cf. Jn 6, 8-11).

Toutes les contributions ont été résumées dans l’Instrumentum laboris, qui a constitué la base solide des débats durant les semaines de l’Assemblée. Maintenant le Document final rassemble le résultat de ce processus et le relance vers l’avenir : il exprime ce que les Pères synodaux ont reconnu, interprété et choisi à la lumière de la Parole de Dieu.

Le Document final de l’Assemblée synodale

3. Il est important de clarifier la relation entre l’Instrumentum laboris et le Document final. Le premier représente le cadre de référence d’unité et de synthèse apparu au cours des deux années d’écoute ; le second est le fruit du discernement effectué et rassemble les thèmes sur lesquels les Pères synodaux se sont concentrés avec une intensité et une passion particulières. Nous reconnaissons donc la diversité et la complémentarité de ces deux textes.

Le présent Document est offert au Saint-Père (cf. François, Episcopalis communio, n° 18 ; Instruction, art. 35 § 5) et à toute l’Église comme fruit de ce Synode. Comme le parcours synodal n’est pas encore terminé et prévoit une phrase de mise en œuvre (cf. Episcopalis communio, nos 19-21), le Document final constitue un plan pour orienter les prochains pas que l’Église est appelée à accomplir.

 

* Dans ce document le terme “ Synode ” désigne selon le cas l’ensemble du processus synodal en cours ou l’Assemblée générale qui s’est déroulée du 3 au 28 octobre 2018.

 

 

PRÉAMBULE

Jésus en chemin avec les disciples d’Emmaüs

4. Nous avons reconnu dans l’épisode des disciples d’Emmaüs (cf. Lc 24, 13-35) un texte paradigmatique pour comprendre la mission ecclésiale en relation avec les jeunes générations. Cette page exprime bien ce que nous avons expérimenté au Synode et ce que nous voudrions que nos Églises particulières puissent vivre par rapport aux jeunes. Jésus marche avec les deux disciples qui n’ont pas compris le sens de ce qui est arrivé et ils s’éloignent de Jérusalem et de la communauté. Pour demeurer en leur compagnie, il parcourt le chemin avec eux. Il les interroge et se met patiemment à l’écoute de leur version des faits pour les aider à reconnaître ce qu’ils sont en train de vivre. Puis, de façon affectueuse et énergique, il leur annonce la Parole, en les amenant à interpréter les événements qu’ils ont vécus à la lumière des Écritures. Il accepte leur invitation à s’arrêter avec eux, à la tombée de la nuit : il entre dans leur nuit. En l’écoutant, leur cœur se réchauffe et leur esprit s’illumine ; à la fraction du pain, leurs yeux s’ouvrent. Ce sont eux qui choisissent de reprendre sans tarder le chemin dans la direction opposée, pour retourner vers la communauté et partager avec elle l’expérience de la rencontre avec le Ressuscité.

En continuité avec l’Instrumentum laboris, le Document final est divisé en trois  parties qui rythment cet épisode. La première partie est intitulée « Il faisait route avec eux » (Lc 24, 15) et cherche à éclairer ce que les Pères synodaux ont reconnu du contexte dans lequel les jeunes sont insérés, en mettant en relief les points forts et les défis. La deuxième partie, « Leurs yeux s’ouvrirent » (Lc 24, 31), est interprétative et fournit plusieurs clefs de lecture fondamentales du thème synodal. La troisième partie, intitulée « Ils partirent sans tarder » (Lc 24, 33), expose les choix en vue d’une conversion spirituelle, pastorale et missionnaire.

 

Ière PARTIE
« IL FAISAIT ROUTE AVEC EUX »

5. « Et voici que, ce même jour, deux d’entre eux faisaient route vers un village du nom d’Emmaüs, distant de Jérusalem de soixante stades, et ils conversaient entre eux de tout ce qui était arrivé. Et il advint, comme ils conversaient et discutaient ensemble, que Jésus en personne s’approcha, et il faisait route avec eux » (Lc 24, 13-15).

Dans ce passage, l’évangéliste photographie le besoin des deux pèlerins de chercher un sens aux événements qu’ils ont vécus. Il souligne l’attitude de Jésus qui se met en chemin avec eux. Le Ressuscité souhaite faire route avec chaque jeune, en accueillant ses attentes, même déçues, et ses espérances, même inappropriées. Jésus chemine, écoute, partage.

 

Chapitre I
Une Église à l’écoute

 

Écouter et voir avec empathie

La valeur de l’écoute

6. L’écoute est une rencontre de liberté, qui requiert humilité, patience, disponibilité à comprendre et engagement à élaborer les réponses d’une façon nouvelle. L’écoute transforme le cœur de ceux qui la vivent, surtout lorsqu’on se place dans une attitude intérieure d’harmonie et de docilité à l’Esprit. Il ne s’agit donc pas simplement de recueillir des informations, ni d’une stratégie pour atteindre un objectif, mais c’est la forme par laquelle Dieu lui-même entre en relation avec son peuple. Dieu, en effet, voit la misère de son peuple et il écoute sa plainte, il se laisse toucher intérieurement et descend le libérer (cf. Ex 3, 7-8). Ainsi l’Église, grâce à l’écoute, entre dans le mouvement de Dieu qui, dans le Fils, vient à la rencontre de chaque être humain.

Les jeunes veulent être écoutés

7. Les jeunes sont continuellement appelés à faire des choix qui orientent leur existence ; ils expriment le désir d’être écoutés, reconnus, accompagnés. Beaucoup se rendent compte que leur voix n’est considérée ni comme intéressante ni comme utile dans les milieux sociaux et ecclésiaux. Dans certaines situations, on ne fait guère attention à leur cri, en particulier à celui des plus pauvres et des exploités, et peu d’adultes se montrent disponibles et capables de les écouter.

L’écoute dans l’Église

8. Il ne manque pas dans l’Église d’initiatives ni d’expériences consolidées à travers lesquelles les jeunes peuvent faire l’expérience de l’accueil, de l’écoute et faire entendre leur voix. Le Synode reconnaît toutefois que la communauté ecclésiale ne sait pas toujours rendre évidente l’attitude que le Ressuscité a eue envers les disciples d’Emmaüs quand, avant de les éclairer par la Parole, il leur a demandé : « Quels sont donc ces propos que vous échangez en marchant ? » (Lc 24, 17). La tendance prévaut alors d’apporter des réponses toutes faites et de proposer des recettes toutes prêtes, sans laisser émerger les questions des jeunes dans leur nouveauté ni saisir ce qu’elles ont de provocantes.

L’écoute rend possible un échange de dons, dans un contexte d’empathie. Elle permet aux jeunes d’apporter quelque chose à la communauté, en l’aidant à percevoir des sensibilités nouvelles et à se poser des questions inédites. En même temps, elle pose les conditions d’une annonce de l’Évangile qui atteigne vraiment le cœur, de façon percutante et féconde.

L’écoute des pasteurs et de laïcs qualifiés

9. L’écoute constitue un moment valorisant du ministère des pasteurs et, en premier lieu, des évêques qui, souvent, sont surchargés et ont dû mal à trouver le temps nécessaire à cet indispensable service. Beaucoup ont relevé le manque de personnes expertes qui se consacrent à l’accompagnement. Croire à la valeur théologique et pastorale de l’écoute implique de revoir et de rénover les formes par lesquelles s’exprime ordinairement le ministère presbytéral, ainsi qu’un discernement de ses priorités. En outre, le Synode reconnaît la nécessité de préparer des personnes consacrées et des laïcs, hommes et femmes, qui soient qualifiés pour l’accompagnement des jeunes. Le charisme de l’écoute, que l’Esprit Saint fait surgir dans les communautés, pourrait aussi recevoir une forme de reconnaissance institutionnelle en vue du service ecclésial.

Les diversités de contextes et de cultures

Un monde au pluriel

10. La composition même du Synode a rendu visible la présence et l’apport des diverses régions du monde, en mettant en évidence la beauté d’être une Église universelle. Malgré un contexte de mondialisation croissante, les Pères synodaux ont demandé de mettre en relief les nombreuses différences entre les différents contextes et cultures, ainsi qu’à l’intérieur même d’un pays. Il existe une pluralité de mondes jeunes, si bien que dans certains pays on tend à ultiliser le terme “ jeunesses ” au pluriel. De plus,  la tranche d’âge concernée par le présent Synode (16-29 ans) ne représente pas un ensemble homogène, mais elle est composée de groupes qui vivent des situations particulières.

Toutes ces différences impactent profondément l’expérience concrète que vivent les jeunes : elle concernent, en effet, les différentes phases de l’âge évolutif, les formes de l’expérience religieuse, la structure de la famille et son importance pour la transmission de la foi, les rapports intergénérationnels – par exemple, le rôle des personnes âgées et le respect qui leur est dû –, les modalités de participation à la vie sociale, l’attitude vis-à-vis de l’avenir, la question œcuménique et interreligieuse. Le Synode reconnaît et accueille la richesse des diversités des cultures et se met au service de la communion de l’Esprit.

Changements actuels

11. La différence qui touche aux dynamiques entre les pays à fort taux de natalité, où les jeunes représentent une part significative et croissante de la population, et les pays où leur poids va en se réduisant, revêt une importance particulière. Une autre différence découle de l’histoire, qui fait que les pays et les continents d’antique tradition chrétienne, où la culture est porteuse d’une mémoire à conserver, sont différents des pays et continents marqués, en revanche, par d’autres traditions religieuses, où le christianisme constitue une présence minoritaire, et parfois récente. Par ailleurs, dans d’autres territoires, les communautés chrétiennes et les jeunes qui en font partie font l’objet de persécution.

Exclusion et marginalisation

12. Il existe également, entre les pays et à l’intérieur de chacun d’eux, des différences engendrées par la structure sociale et par la disponibilité économique qui séparent, parfois de façon très nette, ceux qui ont accès à une quantité croissante d’occasions offertes par la mondialisation, de ceux qui vivent en marge de la société ou dans le monde rural et qui pâtissent des effets de diverses formes d’exclusion et de rejet. Plusieurs interventions ont signalé la nécessité pour l’Église de se ranger courageusement à leurs côtés et de participer à la mise en œuvre d’alternatives qui suppriment l’exclusion et la marginalisation, en renforçant l’accueil, l’accompagnement et l’intégration. Voilà pourquoi il faut prendre conscience de l’indifférence qui caractérise la vie de nombreux chrétiens, pour la surmonter par l’approfondissement de la dimension sociale de la foi.

Hommes et femmes

13. Il ne faut pas oublier la différence entre les hommes et les femmes, avec leurs dons particuliers, leurs sensibilités spécifiques et leur expériences du monde. Dans le cadre de cette différence peuvent naître des formes de domination, d’exclusion et de discrimination dont les sociétés et l’Église ont besoin de se libérer.

La Bible présente l’homme et la femme comme des partenaires égaux devant Dieu (cf. Gn 5, 2) : toute domination et discrimination basée sur le sexe offense la dignité humaine. Elle présente aussi la différence entre les sexes comme un mystère constitutif de l’être humain qu’il est impossible à réduire à des stéréotypes. La relation entre homme et femme est comprise également dans les termes d’une vocation à vivre ensemble dans la réciprocité et le dialogue, dans la communion et la fécondité (cf. Gn 1, 27-29 ; 2, 21-25), et cela dans tous les aspects  de l’expérience humaine : vie de couple, travail, éducation et autres. C’est à leur alliance que Dieu a confié la terre.

La colonisation culturelle

14. De nombreux Pères synodaux provenant de milieux non occidentaux signalent que, dans leurs pays, la mondialisation porte en elle d’authentiques formes de colonisation culturelle, qui déracinent les jeunes des appartenances culturelles et religieuses dont ils proviennent. Un engagement de l’Église est nécessaire pour les accompagner dans ce passage sans qu’ils perdent les traits les plus précieux de leur identité.

Le processus de sécularisation donne lieu à des interprétations très différentes. Tandis que certains le vivent comme une occasion précieuse de se purifier d’une religiosité par habitude, ou fondée sur des identités ethniques et nationales, d’autres y voient un obstacle à la transmission de la foi. Dans les sociétés sécularisées, nous assistons aussi à une redécouverte de Dieu et de la spiritualité. Cela incite l’Église à retrouver l’importance des dynamismes propres à la foi, à l’annonce et à l’accompagnement pastoral.

Un premier regard sur l’Église d’aujourd’hui

L’engagement éducatif de l’Église

15. Les régions ne sont pas rares où les jeunes perçoivent l’Église comme une présence vivante et captivante, qui apparaît significative aussi pour les jeunes de leur âge non croyants ou appartenant à d’autres religions. Les institutions éducatives de l’Église cherchent à accueillir tous les jeunes, indépendamment de leurs choix religieux, de leur provenance culturelle et de leur situation personnelle, familiale ou sociale. De cette façon, l’Église apporte une contribution fondamentale à l’éducation intégrale des jeunes dans les parties du monde les plus diverses. Cela passe par l’éducation dans les écoles de tous niveaux et de toutes catégories, par les centres de formation professionnelle, les collèges et les universités, mais aussi par les centres de jeunesse et les patronages ; cet effort se réalise également par l’accueil de réfugiés et par un engagement varié dans le domaine social. Dans tous ces endroits, l’Église allie l’œuvre d’éducation et la promotion humaine au témoignage et à l’annonce de l’Évangile. Lorsqu’elle s’inspire du dialogue interculturel et interreligieux, l’action éducative de l’Église est aussi appréciée des non-chrétiens comme une forme authentique de promotion humaine.

Les activités de la pastorale de la jeunesse

16. Le parcours synodal a fait ressortir la nécessité de conférer à la pastorale de la jeunesse une dimension vocationnelle, en considérant tous les jeunes comme des destinataires de la pastorale des vocations. En même temps, il a souligné l’exigence de développer des processus pastoraux complets qui conduisent de l’enfance à la vie adulte, en insérant les personnes dans la communauté chrétienne. On a constaté que différents groupes paroissiaux, mouvements et associations de jeunes mettent en œuvre un processus efficace d’accompagnement et de formation des jeunes dans leur vie de foi.

Les Journées Mondiales de la Jeunesse – nées d’une intuition prophétique de saint Jean-Paul II, qui demeure un point de référence aussi pour les jeunes du troisième millénaire –, et les rencontres nationales et diocésaines jouent un rôle important dans la vie de beaucoup de jeunes car elles offrent une expérience vivante de foi et de communion, qui les aide à affronter les grands défis de la vie et à assumer de façon responsable leur place dans la société et dans la communauté ecclésiale. Ces convocations peuvent ainsi renvoyer à l’accompagnement pastoral ordinaire des différentes communautés, où l’accueil de l’Évangile doit être approfondi et traduit en choix de vie.

Le poids de la gestion administrative

17. De nombreux Pères ont fait remarquer que le poids des tâches administratives absorbe excessivement et parfois provoque l’asphyxie de la bonne volonté et des énergies de beaucoup de pasteurs ; c’est un des motifs qui rendent difficiles la rencontre avec les jeunes et leur accompagnement. Pour rendre plus évidente la priorité des engagements pastoraux et spirituels, les Pères synodaux insistent sur la nécessité de repenser les modalités concrètes de l’exercice du ministère.

La situation des paroisses

18. Tout en demeurant la forme primordiale et principale de l’Église sur un territoire donné, plusieurs voix se sont élevées pour indiquer que la paroisse peine à être un lieu de référence pour les jeunes et combien il est nécessaire de repenser la vocation missionnaire. Le fait que la paroisse soit devenue peu significative dans les espaces urbains, le faible dynamisme de ses propositions, ajoutés aux changements spatio-temporels des styles de vie, requiert un véritable renouveau. En dépit de tentatives diversifiées d’innovation, souvent le fleuve de la vie des jeunes coule en marge de la communauté, sans la rencontrer.

L’initiation à la vie chrétienne

19. Beaucoup relèvent que les parcours de l’initiation chrétienne ne parviennent pas toujours à conduire les enfants, les adolescents et les jeunes à la beauté de l’expérience de la foi. Quand la communauté se constitue comme lieu de communion et comme vraie famille des enfants de Dieu, elle exprime une force qui engendre et transmet la foi ; lorsqu’elle cède, au contraire, à la logique de la délégation et que prévaut l’organisation bureaucratique, l’initiation chrétienne est faussement perçue comme un cours d’instruction religieuse qui, d’ordinaire, se termine lorsque le jeune reçoit le sacrement de la Confirmation. Il est donc urgent de repenser profondément la situation de la catéchèse et le lien entre transmission familiale et communautaire de la foi, en recourant aux processus d’accompagnement personnel.

La formation des séminaristes et des personnes consacrées

20. Les séminaires et les maisons de formation sont des lieux d’une grande importance où les jeunes appelés au sacerdoce et à la vie consacrée approfondissent leur choix vocationnel et mûrissent dans leur façon de suivre le Christ (sequela Christi). Parfois ces milieux de vie ne tiennent pas assez compte des expériences précédentes des candidats, sous-évaluant leur importance. Cela bloque la croissance de la personne et risque de conduire à adopter des comportements formels, au lieu de favoriser le développement des dons de Dieu et la conversion profonde du cœur.

 

Chapitre II
Trois aspects cruciaux

 

Les nouveautés du monde digital

Une réalité omniprésente

21. Le monde digital caractérise le monde contemporain. De vastes portions de l’humanité y sont plongées de manière ordinaire et continuelle. Il ne s’agit plus seulement d’“ utiliser ” des instruments de communication, mais de vivre dans une culture largement digitalisée, qui influence profondément les notions de temps et d’espace, la perception de soi, des autres et du monde, la façon de communiquer, d’apprendre, de s’informer et d’entrer en relation avec les autres. Une approche de la réalité qui tend à privilégier l’image par rapport à l’écoute et à la lecture a une incidence sur la façon d’apprendre et sur le développement du sens critique. Il est clair désormais que « l’environnement numérique n’est pas un monde parallèle ou purement virtuel, mais fait partie de la réalité quotidienne de nombreuses personnes, en particulier des plus jeunes » (Benoît XVI, Message pour la XLVIIème Journée Mondiale des Communications Sociales).

Le réseau des opportunités

22. Le Web (internet) et les social networks (réseaux sociaux) sont des espaces où les jeunes passent beaucoup de temps et se rencontrent facilement, même si tous n’y ont pas accès de la même façon, en particulier dans certaines régions du monde. Quoi qu’il en soit, ils constituent une extraordinaire opportunité de dialogue, de rencontre et d’échange entre les personnes, et donnent accès à l’information et à la connaissance. En outre, l’environnement digital est un contexte de participation sociopolitique et de citoyenneté active et il peut faciliter la circulation d’une information indépendante capable de protéger efficacement les personnes les plus vulnérables en révélant au grand jour les violations de leurs droits. Dans de nombreux pays, internet et les réseaux sociaux représentent désormais un lieu incontournable pour atteindre et faire participer les jeunes, notamment aux initiatives et aux activités pastorales.

Le côté sombre du réseau

23. Le monde digital est aussi un espace de solitude, de manipulation, d’exploitation et de violence, jusqu’au cas extrême du dark web. Les médias digitaux peuvent exposer au risque de dépendance, d’isolement et de perte progressive de contact avec la réalité concrète, entravant ainsi le développement d’authentiques relations interpersonnelles. De nouvelles formes de violence se diffusent à travers les social media, comme le cyber bizutage ; le web est aussi un canal de diffusion de la pornographie et d’exploitation des personnes à des fins sexuelles ou par le biais des jeux de hasard.

24. Enfin, de gigantesques intérêts économiques opèrent dans le monde digital. Ils sont capables de mettre en place des formes de contrôle aussi subtiles qu’envahissantes, créant des mécanismes de manipulation des consciences et des processus démocratiques. Le fonctionnement de nombreuses plates-formes finit toujours par favoriser la rencontre entre les personnes qui pensent d’une même façon, empêchant de faire se confronter les différences. Ces circuits fermés facilitent la diffusion de fausses informations et de fausses nouvelles, fomentant les préjugés et la haine. La prolifération des fake news est l’expression d’une culture qui a perdu le sens de la vérité et qui soumet les faits à ses intérêts particuliers. La réputation des personnes est mise en danger par des procès sommaires on line (en ligne). Le phénomène concerne aussi l’Église et ses pasteurs.

Les migrants comme paradigme de notre temps

Un phénomène pluriforme

25. Les phénomènes migratoires représentent au niveau mondial un phénomène structurel et non pas une urgence transitoire. Les migrations peuvent advenir à l’intérieur même d’un pays ou bien entre des pays différents. La préoccupation de l’Église concerne en particulier ceux qui fuient la guerre, la violence, la persécution politique ou religieuse, les désastres naturels dus aux changements climatiques et à la pauvreté extrême : beaucoup d’entre eux sont jeunes. En général, ils sont en quête d’opportunités pour eux et pour leur famille. Ils rêvent d’un avenir meilleur et désirent créer les conditions de sa réalisation.

De nombreux Pères synodaux ont souligné que les migrants sont un “ paradigme ” capable d’éclairer notre époque et, en particulier, la condition des jeunes ; ils nous rappellent la condition primitive de la foi, celle d’« étrangers et voyageurs sur la terre » (He 11, 13).

Violence et vulnérabilité

26. D’autres migrants partent parce qu’ils sont attirés par la culture occidentale, nourrissant parfois des attentes irréalistes qui les exposent à de lourdes déceptions. Des trafiquants sans scrupules, souvent liés aux cartels de la drogue et des armes, exploitent la faiblesse des migrants qui, au long de leur parcours, se heurtent trop souvent à la violence, à la traite des êtres humains, aux abus psychologiques et même physiques, et à des souffrances indicibles. Il faut signaler la vulnérabilité particulière des migrants non accompagnés et la situation de ceux qui sont contraints de passer de nombreuses années dans des camps de réfugiés ou qui restent longtemps bloqués dans les pays de transit, sans pouvoir poursuivre le cours de leurs études, ni exprimer leurs talents. Dans certains pays d’arrivée, les phénomènes migratoires suscitent des alarmes et des peurs, souvent fomentées et exploitées à des fins politiques. Une mentalité xénophobe, de fermeture et de repli sur soi se diffuse alors. Il faut réagir fermement à cela.

Histoires de séparation et de rencontre

27. Les jeunes qui migrent vivent une séparation avec leur environnement d’origine et connaissent souvent un déracinement culturel et religieux. La fracture concerne aussi les communautés locales, qui perdent leurs éléments les plus vigoureux et entreprenants, et les familles, en particulier quand un parent migre, ou les deux, laissant leurs enfants dans leur pays d’origine. L’Église a un rôle important à jouer comme référence pour les jeunes de ces familles brisées. Mais les histoires des migrants sont aussi des histoires de rencontre entre personnes et cultures : pour les communautés et les sociétés d’accueil, ils représentent une opportunité d’enrichissement et de développement humain intégral de tous. Les initiatives d’accueil qui se rattachent à l’Église ont un rôle important de ce point de vue et peuvent revitaliser les communautés capables de les mettre en œuvre.

Le rôle prophétique de l’Église

28. Grâce à la provenance variée des Pères, le Synode a vu confluer de nombreuses perspectives, en ce qui concerne le thème des migrants, en particulier entre les pays de départ et les pays d’arrivée. En outre, on a entendu résonner le cri d’alarme des Églises dont les membres sont contraints de fuir la guerre et la persécution et qui voient ces migrations forcées comme une menace pour leur existence même. Le fait d’inclure en son sein toutes ces différentes perspectives met précisément l’Église en condition d’exercer un rôle prophétique vis-à-vis de la société en matière de migrations.

Reconnaître et réagir à tous les types d’abus

Faire la vérité et demander pardon

29. Les différents types d’abus commis par des évêques, des prêtres, des religieux et des laïcs provoquent chez ceux qui en sont victimes, notamment de nombreux jeunes, des souffrances qui peuvent durer toute la vie et auxquelles aucun repentir ne peut porter remède. Ce phénomène est diffus dans la société, mais il touche aussi l’Église et représente un sérieux obstacle à sa mission. Le Synode réaffirme le ferme engagement en faveur de l’adoption de mesures rigoureuses de prévention pour empêcher que cela ne se reproduise, à partir de la sélection et de la formation de ceux auxquels seront confiés des tâches de responsabilité et d’éducation.

Aller à la racine

30. Il existe différents types d’abus : abus de pouvoir, abus économiques, abus de conscience, abus sexuels. Il est évident qu’il faut éradiquer les formes d’exercice de l’autorité sur lesquelles ils se greffent et lutter contre le manque de responsabilité et de transparence avec lequel de nombreux cas ont été gérés. Le désir de domination, le manque de dialogue et de transparence, les formes de double vie, le vide spirituel, ainsi que les fragilités psychologiques constituent le terrain sur lequel prospère la corruption. Le cléricalisme, en particulier, « naît d’une vision élitiste et exclusive de la vocation qui interprète le ministère reçu comme un pouvoir à exercer plutôt que comme un service gratuit et généreux à offrir. Et cela conduit à croire appartenir à un groupe qui possède toute les réponses et qui n’a plus besoin d’écouter et d’apprendre quoique ce soit, ou fait semblant d’écouter » (François, Discours à la IèreCongrégation Générale de la XVème Assemblée Générale du Synode des Évêques, 3 octobre 2018).

Gratitude et encouragement

31. Le Synode exprime sa gratitude envers ceux qui ont le courage de dénoncer le mal subi :  ils aident l’Église à prendre conscience de ce qui s’est passé et de la nécessité de réagir fermement. Il apprécie et encourage aussi les efforts sincères d’innombrables laïques et laïcs, prêtres, personnes consacrées et évêques qui, chaque jour, se dépensent avec honnêteté et dévouement au service des jeunes. Leur œuvre est une forêt qui grandit sans faire de bruit. Beaucoup de jeunes présents au Synode ont également manifesté leur gratitude pour ceux qui les ont accompagnés et ils ont rappelé le grand besoin de figures de référence.

Le Seigneur Jésus, qui n’abandonne jamais son Église, lui offre la force et les instruments pour un nouveau chemin. Confirmant la ligne des « actions et sanctions nécessaires » et opportunes (François, Lettre au peuple de Dieu, 20 août 2018, n° 2) et conscient que la miséricorde exige la justice, le Synode reconnaît qu’affronter la question des abus sous tous ses aspects, notamment avec l’aide précieuse des jeunes, peut véritablement être l’occasion d’une réforme de portée historique.

 

Chapitre III

Identité et relations

 

Famille et rapports intergénérationnels

La famille, point de référence privilégié

32. La famille continue de représenter le principal point de référence pour les jeunes. Les enfants apprécient l’amour et l’attention de leurs parents, les liens familiaux leur tiennent à cœur et ils espèrent réussir à former, à leur tour, une famille. Indéniablement, l’augmentation des séparations, des divorces, des secondes unions et des familles monoparentales peut causer de grandes souffrances et une crise d’identité. Parfois, ils doivent porter des responsabilités qui ne sont pas proportionnées à leur âge et qui les contraignent à devenir adultes avant le temps normal. Les grands-parents offrent souvent une contribution décisive sur le plan affectif et au niveau de l’éducation religieuse : par leur sagesse, ils sont un maillon décisif dans le rapport entre les générations.

L’importance de la maternité et de la paternité

33. Les mères et les pères ont des rôles distincts mais tout aussi importants comme points de référence pour former leurs enfants et leur transmettre la foi. La figure maternelle continue à occuper un rôle considéré comme essentiel par les jeunes pour leur croissance, même s’il n’est pas suffisamment reconnu du point de vue culturel, politique et professionnel. De nombreux pères remplissent leur rôle avec dévouement, mais nous ne pouvons pas nous cacher que, dans certains contextes, la figure paternelle demeure absente ou évanescente, et, dans d’autres, oppressive ou autoritaire. Ces ambiguïtés se reflètent aussi sur l’exercice de la paternité spirituelle.

Les rapports entre les générations

34. Le Synode reconnaît le dévouement de nombreux parents et éducateurs qui s’engagent sérieusement dans la transmission des valeurs, malgré les difficultés de l’environnement culturel. Dans différentes régions, le rôle des personnes âgées et le respect dû aux ancêtres constituent un pilier de l’éducation et contribuent fortement à la formation de l’identité personnelle. La famille élargie – qui, dans certaines cultures, est la famille au sens propre – joue un rôle important. Cependant, certains jeunes ressentent les traditions familiales comme opprimantes et les fuient sous l’impulsion d’une culture mondialisée qui, parfois, leur ôte tout point de référence. Dans d’autres parties du monde, en revanche, il n’y a pas de véritable conflit intergénérationnel entre jeunes et adultes, mais ceux-ci s’ignorent réciproquement. Parfois les adultes ne cherchent pas ou ne parviennent pas à transmettre les valeurs de base de l’existence ou adoptent des styles juvéniles, inversant ainsi le rapport entre les générations. De la sorte, la relation entre les jeunes et les adultes risque de s’arrêter au plan affectif, sans jamais toucher la dimension éducative et culturelle.

Jeunes et racines culturelles

35. Les jeunes sont projetés vers le futur et affrontent la vie avec énergie et dynamisme. Ils sont toutefois tentés aussi de se concentrer sur la jouissance du présent et tendent parfois à accorder peu d’attention à la mémoire du passé d’où ils proviennent, en particulier des nombreux dons que leur ont transmis leurs parents, leurs grands-parents et le bagage culturel de la société dans laquelle ils vivent. Aider les jeunes à découvrir la richesse vivante du passé, en en faisant mémoire et en s’en servant pour leurs choix et pour le développement de leurs potentialités, est un acte d’amour véritable à leur égard, en vue de leur croissance et des choix qu’ils sont appelés à faire.

Amitié et rapports entre semblables

36. À côté des rapports intergénérationnels, il ne faut pas oublier les rapports entre jeunes du même âge, qui représentent une expérience fondamentale d’interaction et d’émancipation progressive du contexte familial d’origine. L’amitié et la confrontation, souvent aussi en groupes plus ou moins structurés, offrent l’occasion de renforcer ses compétences sociales et relationnelles dans un contexte où l’on n’est ni évalué ni jugé. L’expérience de groupe constitue aussi une grande ressource pour le partage de la foi et pour l’aide réciproque dans le témoignage. Les jeunes sont capables de guider d’autres jeunes et de vivre un véritable apostolat au milieu de leurs amis.

Corps et affectivité

Changements en cours

37. Les jeunes reconnaissent au corps et à la sexualité une importance essentielle pour leur vie et dans l’itinéraire de croissance de leur identité, car ils les considèrent comme incontournables pour vivre l’amitié et l’affectivité. Dans le monde contemporain, toutefois, nous rencontrons des phénomènes en évolution rapide à cet égard. Avant tout, les développements de la science et des technologies biomédicales exercent une forte incidence sur la perception du corps, induisant l’idée qu’aucune limite ne peut empêcher de le modifier. La capacité d’intervenir sur l’ADN, la possibilité d’insérer des éléments artificiels dans l’organisme (cyborg) et le développement des neurosciences constituent une grande ressource, mais soulèvent en même temps des questions anthropologiques et éthiques. Un accueil acritique de l’approche technocratique du corps affaiblit la conscience de la vie comme don et le sens des limites de la créature, qui peut se tromper ou être instrumentalisée par les dynamismes économiques et politiques (cf. François, Laudato si’, n° 106).

En outre, certains milieux de jeunes sont de plus en plus fascinés par des comportements à risques comme moyens de s’explorer soi-même, de rechercher des émotions fortes et d’être reconnus. En plus de phénomènes anciens qui perdurent, comme la sexualité précoce, la promiscuité, le tourisme sexuel, le culte exagéré de l’aspect physique, on constate aujourd’hui la diffusion envahissante de la pornographie digitale et l’exhibition de son corps en ligne. Ces phénomènes, auxquels les nouvelles générations sont exposées, constituent un obstacle à une maturation sereine. Ils manifestent des dynamiques sociales inédites qui influencent les expériences et les choix personnels, en en faisant le terrain d’une sorte de colonisation idéologique.

L’accueil des enseignements moraux de l’Église

38. Tel est le contexte au sein duquel les familles chrétiennes et les communautés ecclésiales cherchent à faire découvrir aux jeunes que la sexualité est un grand don habité par le Mystère, pour vivre les relations selon la logique de l’Évangile. Elles ne parviennent pas toujours, cependant, à traduire ce désir dans une éducation affective et sexuelle appropriée, qui ne se limite pas à des interventions sporadiques et occasionnelles. Là où cette éducation a réellement été adoptée comme choix positif, on note de bons résultats qui aident les jeunes à saisir le rapport entre leur foi en Jésus-Christ et leur façon de vivre leur affectivité et les relations interpersonnelles. Ces résultats sollicitent et encouragent un plus grand investissement d’énergies ecclésiales dans ce domaine.

Les questions des jeunes

39. L’Église possède une riche tradition comme fondement pour construire et pour proposer son enseignement en la matière : par exemple, le Catéchisme de l’Église Catholique, la théologie du corps développée par saint Jean-Paul II, l’Encyclique Deus caritas est de Benoît XVI, l’Exhortation Apostolique Amoris laetitia du Pape François. Mais les jeunes, même ceux qui connaissent et vivent cet enseignement, expriment le désir de recevoir de l’Église une parole claire, humaine et empathique. De fait, la morale sexuelle est une cause fréquente d’incompréhension et d’éloignement par rapport à l’Église, dans la mesure où elle est perçue comme un espace de jugement et de condamnation. Face aux changements sociaux et aux façons de vivre l’affectivité et la multiplicité des perspectives éthiques, les jeunes se montrent sensibles à la valeur de l’authenticité et du dévouement, mais sont souvent désorientés. Ils expriment plus particulièrement un désir explicite de dialogue sur les questions relatives à la différence entre l’identité masculine et féminine, à la réciprocité entre les hommes et les femmes et à l’homosexualité.

Formes de vulnérabilités

Le monde du travail

40. Le monde du travail demeure un secteur où les jeunes expriment leur créativité et leurs capacités d’innovation. En même temps, ils font l’expérience de formes d’exclusion et de marginalisation. La première et la plus grave est le chômage des jeunes qui, dans certains pays, atteint des niveaux très élevés. Non seulement cela les rend pauvres, mais le manque de travail ôte aux jeunes la capacité de rêver et d’espérer et les prive de la possibilité d’apporter leur contribution au développement de la société. Dans de nombreux pays, cette situation dépend du fait que certaines couches de la population jeune sont dépourvues de qualifications professionnelles adéquates, notamment à cause des déficiences du système d’éducation et de formation. Souvent la précarité de l’emploi qui affecte les jeunes répond aux intérêts économiques qui exploitent le travail.

Violence et persécutions

41. Beaucoup de jeunes vivent dans des contextes de guerre et subissent la violence sous une innombrable variété de formes : enlèvements, extorsions, criminalité organisée, traite d’êtres humains, esclavage et exploitation sexuelle, viols de guerre, etc. D’autres jeunes, à cause de leur foi, ont du mal à trouver un emploi dans leur société et subissent différents types de persécutions, pouvant aller jusqu’à la mort. Nombreux sont les jeunes qui, par contrainte ou par manque d’alternatives, vivent en perpétrant des crimes et des violences : enfants soldats, bandes armées et criminelles, trafic de drogue, terrorisme, etc. Cette violence brise beaucoup de jeunes vies. Les abus et les dépendances, tout comme la violence et les déviances, figurent parmi les raisons qui conduisent les jeunes en prison, avec une incidence particulière dans certaines groupes ethniques et sociaux. Toutes ces situations interrogent et interpellent l’Église.

Marginalisation et malaise social

42. Encore plus nombreux dans le monde sont les jeunes qui souffrent de formes de marginalisation et d’exclusion sociale, pour des raisons religieuses, ethniques ou économiques. Rappelons la situation difficile d’adolescentes et de jeunes filles qui se trouvent enceintes, la plaie de l’avortement, de même que la diffusion du VIH, les diverses formes de dépendance (drogues, jeux de hasard, pornographie, etc.) et la situation des enfants et des jeunes de la rue, qui n’ont ni maison, ni famille, ni ressources économiques ; les jeunes prisonniers méritent  aussi une attention particulière. Diverses interventions ont souligné la nécessité pour l’Église de mettre en valeur les capacités des jeunes exclus et les contributions qu’ils peuvent offrir aux communautés. Elle veut se ranger courageusement à leurs côtés, en les accompagnant tout au long de parcours de réappropriation de leur dignité et d’un rôle dans la construction du bien commun.

L’expérience de la souffrance

43. Contrairement à un stéréotype diffus, le monde de la jeunesse est, lui aussi, profondément marqué par l’expérience de la vulnérabilité, du handicap, de la maladie et de la douleur. Dans bon nombre de pays, la diffusion de formes de mal-être psychologique, de dépression, de maladie mentale et de désordres alimentaires, liées à des existences profondément malheureuses ou à l’incapacité de trouver une place au sein de la société, ne cesse de croître, surtout parmi les jeunes ; il ne faut pas non plus oublier le phénomène tragique des suicides. Les jeunes qui vivent ces diverses conditions de malaise et leurs familles comptent sur le soutien des communautés chrétiennes qui, toutefois, ne sont pas toujours équipées pour les accueillir.

La ressource de la vulnérabilité

44. Beaucoup de ces situations sont le produit de la “ culture du déchet ” : les jeunes y figurent parmi les premières victimes. Toutefois, cette culture peut aussi imprégner les jeunes, les communautés chrétiennes et leurs responsables, contribuant ainsi à la dégradation humaine, sociale et environnementale qui afflige notre monde. Pour l’Église, il s’agit d’un appel à la conversion, à la solidarité et à une action éducative nouvelle pour se rendre présente, en particulier, dans ces milieux en difficulté. Les jeunes qui vivent dans ces situations ont, eux aussi, des ressources précieuses à partager avec la communauté et nous enseignent à nous mesurer aux limites, en nous aidant à grandir en humanité. La créativité est indispensable, une créativité avec laquelle la communauté animée par la joie de l’Évangile peut devenir une alternative au malaise et aux situations de difficulté. De la sorte, la société peut expérimenter que les pierres rejetées par les bâtisseurs peuvent devenir des pierres d’angle (cf. Ps 118, 22 ; Lc 20, 17 ; Ac  4, 11 ; 1 P 2, 4).

Chapitre IV

Être des jeunes aujourd’hui

 

Aspects de la culture de la jeunesse aujourd’hui

Originalité et spécificité

45. Les jeunes générations sont porteuses d’une approche de la réalité présentant des traits spécifiques. Les jeunes demandent d’être accueillis et respectés dans leur originalité. Parmi les éléments les plus évidents de la culture de la jeunesse, on a signalé la préférence accordée à l’image par rapport à d’autres langages de communication, l’importance des sensations et des émotions comme voies d’approche de la réalité et la priorité donnée au concret et à l’activité par rapport à l’analyse théorique. Les rapports d’amitié et l’appartenance à des groupes du même âge, cultivés notamment grâce aux médias sociaux, revêtent une grande importance. Les jeunes sont généralement porteurs d’une ouverture spontanée vis-à-vis de la diversité, qui les rend attentifs aux thématiques de la paix, de l’inclusion et du dialogue entre cultures et religions. Beaucoup d’expériences de nombreuses parties du monde témoignent que les jeunes savent être des pionniers de rencontre et de dialogue interculturel et interreligieux, dans la perspective de la coexistence pacifique.

Engagement et participation sociale

46. Bien que sous une forme différente par rapport aux générations passées, l’engagement social est un trait spécifique des jeunes d’aujourd’hui. À côté de certains qui restent indifférents, il y en a beaucoup d’autres qui sont disponibles pour des initiatives de volontariat, de citoyenneté active et de solidarité sociale : il est important de les accompagner et de les encourager pour faire émerger leurs talents, leurs compétences et leur créativité et pour inciter à la prise de responsabilité de leur part. L’engagement social et le contact direct avec les pauvres demeurent une occasion fondamentale de découverte et d’approfondissement de la foi et de discernement de sa propre vocation. La sensibilité pour les thèmes écologiques et du développement durable est forte et très diffuse et il faut souligner que l’Encyclique Laudato si’ a su la catalyser. La disponibilité en faveur de l’engagement dans le domaine politique en vue du bien commun a été signalée, même si l’Église n’a pas toujours su l’accompagner en offrant des opportunités de formation et des espaces de discernement. Quant à la promotion de la justice, les jeunes demandent à l’Église un engagement clair et cohérent, qui éradique toute connivence avec une mentalité mondaine.

Art, musique et sport

47. Le Synode reconnaît et apprécie l’importance que les jeunes accordent à l’expression artistique sous toutes ses formes : de nombreux jeunes utilisent dans ce domaine les talents qu’ils ont reçus, en favorisant la beauté, la vérité et la bonté, pour grandir en humanité et dans le rapport avec Dieu. Pour beaucoup, l’expression artistique est aussi une authentique vocation professionnelle. Nous ne pouvons pas oublier que, pendant des siècles, la “ voie de la beauté ” a été une des modalités privilégiées d’expression de la foi et de l’évangélisation.

L’importance de la musique est tout à fait particulière; elle représente un véritable environnement où les jeunes sont constamment plongés, comme une culture et un langage capables de susciter des émotions et de modeler une identité. Le langage musical représente aussi une ressource pastorale qui interpelle en particulier la liturgie et son renouveau. L’homologation des goûts dans une optique commerciale risque parfois de compromettre le lien avec les formes traditionnelles d’expression musicale et même liturgique.

L’importance de la pratique sportive parmi les jeunes est tout aussi significative. L’Église ne doit pas sous-évaluer ses potentialités dans une optique d’éducation et de formation,  en conservant une présence affirmée en son sein. Le monde du sport a besoin d’être aidé à surmonter les ambiguïtés qui en font partie, comme la mythisation des champions, l’asservissement à des logiques commerciales et l’idéologie du succès à tout prix. En ce sens, la valeur de l’accompagnement et du soutien des personnes handicapées dans la pratique du sport est réaffirmée.

Spiritualité et religiosité

Les divers contextes religieux

48. L’expérience religieuse des jeunes est fortement influencée par le contexte social et culturel dans lequel ils vivent. Dans certains pays, la foi chrétienne est une expérience communautaire forte et vivante, que les jeunes partagent avec joie. Dans d’autres régions d’antique tradition chrétienne, la majorité de la population catholique ne vit pas une réelle appartenance à l’Église ; il ne manque pas toutefois de minorités créatives et d’expériences qui révèlent une renaissance de l’intérêt religieux, comme réaction à une vision réductionniste et asphyxiante. Dans d’autres lieux encore, les catholiques, avec d’autres dénominations chrétiennes, sont une minorité qui connaît parfois des discriminations et même des persécutions. Il y a enfin des situations où les sectes ou des formes de religiosité alternative sont en augmentation ; ceux qui les suivent sont souvent déçus et deviennent des adversaires de tout ce qui est religieux. Si, dans certaines régions, les jeunes n’ont pas la possibilité d’exprimer publiquement leur foi ou ne se voient pas reconnaître la liberté religieuse, ailleurs on ressent le poids de choix du passé – notamment de choix politiques -, qui ont miné la crédibilité ecclésiale. Il n’est pas possible de parler de la religiosité des jeunes sans tenir compte de toutes ces différences.

La recherche religieuse

49. En général, les jeunes déclarent être à la recherche du sens de la vie et manifestent leur intérêt pour la spiritualité. Cette attention prend parfois plutôt les traits d’une recherche de bien-être psychologique plus que d’une ouverture à la rencontre du Mystère du Dieu vivant. En particulier, dans certaines cultures, beaucoup estiment que la religion est une affaire privée et sélectionnent dans diverses traditions spirituelles les éléments où ils retrouvent leurs propres convictions. Un certain syncrétisme se diffuse ainsi et se développe sur le présupposé relativiste selon lequel toutes les religions se valent. L’adhésion à une communauté de foi n’est pas considérée par tous comme la voie d’accès privilégiée au sens de la vie et est accompagnée, ou parfois remplacée, par des idéologies ou par la recherche de succès sur le plan professionel et économique, dans la logique d’une réalisation de soi sur le plan matériel. Plusieurs pratiques transmises par la tradition restent tout de même vivantes, comme les pèlerinages dans les sanctuaires qui peuvent toucher de nombreux jeunes, ainsi que des expressions de la piété populaire souvent liées à la dévotion à Marie et aux saints, qui conservent l’expérience de foi d’un peuple.

La rencontre avec Jésus

50. La même diversité se rencontre dans le rapport des jeunes avec la figure de Jésus. Beaucoup le reconnaissent comme Sauveur et Fils de Dieu et, souvent, ils se sentent proches de lui par Marie, sa mère et ils s’engagent dans un cheminement de foi. D’autres n’ont pas de relation personnelle avec lui, mais ils le considèrent comme un homme bon et comme une référence éthique. D’autres encore le rencontrent à travers une forte expérience de l’Esprit. Pour d’autres, en revanche, c’est une figure du passé, privée de consistance existentielle ou très distante de l’expérience humaine.

Si, pour beaucoup de jeunes, Dieu, la religion et l’Église semblent des mots vides, ils sont sensibles à la figure de Jésus, lorsqu’elle est présentée de façon attrayante et efficace. De bien des façons, les jeunes d’aujourd’hui nous disent : « Nous voulons voir Jésus » (Jn 12, 21), manifestant  ainsi  cette  sainte  inquiétude  qui  caractérise  le  cœur  de  tout  être  humain : « L’inquiétude de la recherche spirituelle, l’inquiétude de la rencontre avec Dieu, l’inquiétude de l’amour » (François, Messe pour le début du Chapitre Général de l’Ordre de Saint-Augustin, 28 août 2013).

Le désir d’une liturgie vivante

51. Dans divers contextes, les jeunes catholiques demandent des propositions de prière et des moments sacramentels capables de saisir leur vie quotidienne, dans une liturgie fraîche, authentique et joyeuse. Dans de nombreuses parties du monde, l’expérience liturgique est le principal élément de l’identité chrétienne et connaît une large participation vécue avec conviction. Les jeunes y reconnaissent un moment privilégié d’expérience de Dieu et de la communauté ecclésiale, et un point de départ pour la mission. Ailleurs, par contre, on assiste à un certain éloignement par rapport aux sacrements et à l’Eucharistie dominicale, perçue comme un précepte moral plutôt que comme la rencontre joyeuse avec le Seigneur Ressuscité et avec la communauté. En général, on constate que même là où une catéchèse sur les sacrements est offerte, l’accompagnement éducatif pour vivre la célébration en profondeur et entrer dans la richesse du Mystère, de ses symboles et de ses rites reste faible.

Participation et protagonisme

Les jeunes veulent être des protagonistes

52. Face aux contradictions de la société, de nombreux jeunes souhaitent mettre à profit leurs talents, leurs compétences et leur créativité et sont disponibles pour exercer des responsabilités. Les thèmes qui leur tiennent le plus à cœur sont le développement durable, tant social et qu’environnemental, les discriminations et le racisme. L’implication des jeunes suit souvent des approches inédites, en exploitant notamment les potentialités de la communication digitale en termes de mobilisation et de pression politique : diffusion de styles de vie et de modèles de consommation et d’investissement critiques, solidaires et attentifs à l’environnement ; de nouvelles formes d’engagement et de participation dans la société et en politique ; de nouvelles modalités de garantie sociale pour les sujets les plus faibles.

Les raisons d’un éloignement

53. Le Synode est conscient qu’un nombre important de jeunes, pour les raisons les plus diverses, ne demandent rien à l’Église car ils considèrent qu’elle n’est pas significative pour leur existence. Certains demandent même expressément qu’elle les laisse tranquilles, car ils ressentent sa présence comme désagréable, sinon irritante. Cette requête ne naît pas, la plupart du temps, d’un mépris acritique ou impulsif, mais s’enracine dans des raisons sérieuses et respectables : les scandales sexuels et économiques, l’inadaptation des ministres ordonnés qui ne savent pas saisir de façon appropriée la sensibilité des jeunes, le manque de préparation des homélies et de la présentation de la Parole de Dieu, le rôle passif assigné aux jeunes à l’intérieur de la communauté chrétienne, les difficultés de l’Église à rendre raison de ses positions doctrinales et éthiques face à la société contemporaine.

Les jeunes dans l’Église

54. Les jeunes catholiques ne sont pas simplement les destinataires de l’action pastorale, mais des membres vivants de l’unique Corps ecclésial, des baptisés en qui l’Esprit du Seigneur vit et agit. Ils contribuent à enrichir ce qu’est l’Église et pas seulement ce qu’elle fait. Ils sont son présent et pas seulement son avenir. Les jeunes sont des protagonistes dans de nombreuses activités ecclésiales, où ils offrent généreusement leurs services, en particulier pour l’animation de la catéchèse et de la liturgie, l’attention aux plus petits, le volontariat envers les pauvres. Les mouvements, les associations et les congrégations religieuses offrent aussi aux jeunes des occasions d’engagement et de coresponsabilité. Parfois, la disponibilité des jeunes rencontre un certain autoritarisme et une méfiance de la part des adultes et des pasteurs, qui ne reconnaissent pas suffisamment leur créativité et peinent à partager leurs responsabilités.

Les femmes dans l’Église

55. Parmi les jeunes, on voit ressortir la demande d’une plus grande reconnaissance et valorisation des femmes dans la société et dans l’Église. Beaucoup de femmes jouent un rôle irremplaçable dans les communautés chrétiennes, mais, en beaucoup d’endroits, on peine à leur faire une place dans les processus décisionnels, même lorsque ceux-ci ne requièrent pas de responsabilités ministérielles spécifiques. L’absence de la voix et du regard féminins appauvrit le débat et le chemin de l’Église, en soustrayant au discernement une contribution précieuse. Le Synode recommande de faire en sorte que tous soient conscients de l’urgence d’un inéluctable changement, notamment à partir d’une réflexion anthropologique et théologique sur la collaboration réciproque entre hommes et femmes.

La mission des jeunes envers les jeunes de leur âge

56. Dans différents milieux, il existe des groupes de jeunes, souvent expressions d’associations et de mouvements ecclésiaux, qui sont très actifs dans l’évangélisation des jeunes de leur âge grâce à un témoignage de vie limpide, à un langage accessible et à la capacité d’instaurer des liens d’amitié authentiques. Cet apostolat permet d’apporter l’Évangile à des personnes que la pastorale ordinaire des jeunes n’atteindrait que difficilement ; il contribue aussi à faire mûrir la foi de ceux qui s’y adonnent. Il doit donc être apprécié, soutenu, accompagné avec sagesse et intégré dans la vie des communautés.

Désir d’une communauté ecclésiale plus authentique et fraternelle

57. Les jeunes demandent que l’Église brille par son authenticité, son exemplarité, sa compétence, sa coresponsabilité et sa solidité culturelle. Parfois, cette requête sonne comme une critique, mais revêt souvent la forme positive d’un engagement personnel pour une communauté fraternelle, accueillante, joyeuse et prophétiquement engagée à lutter contre l’injustice sociale. Parmi les attentes des jeunes, le désir que l’Église adopte un style de dialogue moins paternaliste et plus franc ressort tout particulièrement.

IIème PARTIE

« leurs yeux s’ouvrirent »

 

58. « Et, commençant par Moïse et parcourant tous les prophètes, il leur interpréta dans toutes les Écritures ce qui le concernait. Quand ils furent près du village où ils se rendaient, il fit semblant d’aller plus loin. Mais ils le pressèrent en disant : “ Reste avec nous, car le soir tombe et le jour déjà touche à son terme”. Il entra donc pour rester avec eux. Et il advint, comme il était à table avec eux, qu’il prit le pain, dit la bénédiction, puis le rompit et le leur donna. Leurs yeux s’ouvrirent et ils le reconnurent. Mais il avait disparu de devant eux » (Lc 24, 27-31).

Après les avoir écoutés, le Seigneur adresse aux deux voyageurs une parole “ incisive ” et décisive, qui a autorité et qui les transforme. Ainsi, avec douceur et force, le Seigneur entre dans leur maison, reste avec eux et partage le pain de la vie : c’est le signe eucharistique qui permet aux deux disciples d’ouvrir enfin les yeux.

Une nouvelle Pentecôte

L’action de l’Esprit Saint

59. L’Esprit Saint éclaire le cœur, ouvre les yeux et suscite la foi des deux pèlerins. Il est à l’œuvre dès le commencement de la création du monde pour que le projet du Père de récapituler toutes choses dans le Christ parvienne à son accomplissement. Il agit, en tout temps et en tout lieu, dans la diversité des contextes et des cultures, suscitant aussi au milieu des difficultés et des souffrances l’engagement pour la justice, la recherche de la vérité, le courage de l’espérance. Voilà pourquoi saint Paul affirme que « toute la création à ce jour gémit dans les souffrances de l’enfantement » (Rm 8, 22). Le désir de vie dans l’amour et cette saine inquiétude qui habitent le cœur des jeunes font partie de l’ardente aspiration de toute la création à la plénitude de la joie. En chacun d’eux, même chez ceux qui ne connaissent pas le Christ, l’Esprit Créateur agit pour les conduire à la beauté, à la bonté et à la vérité.

L’Esprit rajeunit l’Église

60. La jeunesse est une période originale et stimulante de la vie, que Jésus lui-même a vécue, en la sanctifiant. Le Message aux jeunes du Concile Vatican II (7 décembre 1965) a présenté l’Église comme la « vraie jeunesse du monde », qui possède « la capacité de se réjouir pour ce qui commence, de se donner sans retour, de se renouveler et de repartir pour de nouvelles conquêtes ». Avec leur fraîcheur et leur foi, les jeunes contribuent à montrer ce visage de l’Église où se reflètent « le grand Vivant, le Christ éternellement jeune ». Il ne s’agit donc pas de créer une nouvelle Église pour les jeunes, mais plutôt de redécouvrir avec eux la jeunesse de l’Église, en nous ouvrant à la grâce d’une nouvelle Pentecôte.

L’Esprit dans la vie du croyant

61. La vocation du chrétien est de suivre le Christ en passant à travers les eaux du Baptême, en recevant le sceau de la Confirmation et en devenant dans l’Eucharistie son corps : « L’Esprit Saint vient, c’est le feu après l’eau, et vous devenez pain, c’est-à-dire le corps du Christ » (Augustin, Discours 227). Dans le parcours de l’initiation chrétienne, c’est surtout la Confirmation qui permet aux croyants de faire l’expérience de la Pentecôte et d’une nouvelle effusion de l’Esprit pour la croissance et la mission. Il est important de redécouvrir la richesse de ce sacrement, d’en saisir le lien avec la vocation personnelle de tout baptisé et avec la théologie des charismes, de mieux veiller à sa pastorale, afin qu’il ne devienne pas un moment formel et peu significatif. L’Esprit Saint est l’artisan de tout chemin vocationnel : il est le “ maître intérieur ” qu’il faut laisser nous conduire.

Une authentique expérience de Dieu

62. La première condition pour un discernement vocationnel dans l’Esprit est une expérience de foi authentique dans le Christ mort et ressuscité, en se souvenant qu’elle « n’est pas une lumière qui dissiperait toutes nos ténèbres, mais la lampe qui guide nos pas dans la nuit, et cela suffit pour le chemin » (François, Lumen fidei, n° 57). Dans les communautés chrétiennes, nous risquons parfois de proposer, au-delà des intentions, un théisme éthique et thérapeutique, qui répond au besoin de sécurité et de réconfort de l’être humain, plutôt qu’une rencontre vivante avec Dieu dans la lumière de l’Évangile et dans la force de l’Esprit. S’il est vrai que la vie n’est réveillée que par la vie, il devient clair que les jeunes ont besoin de rencontrer des communautés chrétiennes enracinées dans l’amitié avec le Christ, qui nous guide vers le Père dans la communion de l’Esprit Saint.

 

Chapitre I
Le don de la jeunesse

Jésus jeune parmi les jeunes

La jeunesse de Jésus

63. « Jeune parmi les jeunes pour devenir un exemple pour les jeunes et les consacrer au Seigneur » (Irénée, Contre les hérésies, II, 22, 4), le Christ a sanctifié la jeunesse du fait même qu’il l’a vécue. Le récit biblique présente un seul épisode de la jeunesse de Jésus (cf. Lc 2, 41-52), vécue sans bruit, dans la simplicité et le travail à Nazareth, si bien qu’il est reconnu comme « le charpentier » (Mc 6, 3) et « le fils du charpentier » (Mt 13, 55).

En contemplant sa vie, nous pouvons mieux saisir combien la jeunesse est une bénédiction : Jésus a eu une confiance inconditionnelle dans le Père, il a soigné l’amitié avec ses disciples et, même dans les moments de crise, il y est resté fidèle. Il a manifesté une profonde compassion à l’égard des plus faibles, spécialement des pauvres, des malades, des pécheurs et des exclus. Il a eu le courage d’affronter les autorités religieuses et politiques de son temps; il a fait l’expérience d’être incompris et rejeté ; il a éprouvé la peur de la souffrance et connu la fragilité de la Passion ; il a tourné son regard vers l’avenir, en se remettant entre les mains sûres du Père et en se confiant à la force de l’Esprit. En Jésus, tous les jeunes peuvent se retrouver, avec leurs peurs et leurs espoirs, leurs incertitudes et leurs rêves et ils peuvent se confier à lui. Contempler les rencontres de Jésus avec les jeunes sera pour eux une source d’inspiration.

Avec le regard du Seigneur

64. Écouter le Christ et être en communion avec lui permet aussi aux pasteurs et aux éducateurs d’acquérir une lecture sage de cette période de la vie. Le Synode a essayé de regarder les jeunes avec l’attitude de Jésus, pour discerner dans leurs vies les signes de l’action de l’Esprit. De fait, nous croyons qu’aujourd’hui encore, Dieu parle à l’Église et au monde à travers les jeunes, leur créativité et leurs engagements, ainsi qu’à travers leurs souffrances et leurs demandes d’aide. Avec eux, nous pouvons lire notre époque d’une manière plus prophétique et reconnaître les signes des temps ; voilà pourquoi les jeunes sont un des “ lieux théologiques ” où le Seigneur nous fait connaître certaines de ses attentes et de ses défis pour bâtir demain.

Caractères de l’âge juvénile

65. La jeunesse, phase du développement de la personnalité, est marquée par des rêves qui, peu à peu, prennent corps, par des relations qui acquièrent toujours plus de consistance et d’équilibre, par des tentatives et des expérimentations, par des choix qui construisent progressivement un projet de vie. À cette période de la vie, les jeunes sont appelés à se projeter en avant, sans couper leurs racines, à construire leur autonomie, mais pas dans la solitude. Le contexte social, économique, culturel, n’offre pas toujours des conditions favorables. Beaucoup de jeunes saints ont fait resplendir les traits de l’âge juvénile dans toute leur beauté et ont été, à leur époque, de véritables prophètes du changement ; leurs exemples nous montrent de quoi sont capables les jeunes quand ils s’ouvrent à la rencontre avec le Christ.

Les jeunes porteurs de handicap ou marqués par la maladie peuvent, eux aussi, offrir une précieuse contribution. Le Synode invite les communautés à faire place à des initiatives qui les reconnaissent et leur permettent d’être des protagonistes, par exemple par l’usage de la langue des signes pour les non-entendants, par des itinéraires catéchétiques bien finalisés, par des expériences associatives ou d’insertion professionnelle.

La saine inquiétude des jeunes

66. Les jeunes sont porteurs d’une inquiétude qui doit, avant tout, être écoutée, respectée et accompagnée, en misant avec conviction sur leur liberté et sur leur responsabilité. L’Église sait par expérience que leur contribution est fondamentale pour son renouveau. Par certains aspects, ces jeunes peuvent être en avance par rapport à leurs pasteurs. Le matin de Pâques, le jeune Disciple aimé est arrivé le premier au tombeau, précédant dans sa course Pierre, appesanti par l’âge et par la trahison (cf. Jn 20, 1-10) ; de la même façon, à l’intérieur de la communauté chrétienne, le dynamisme de la jeunesse est une énergie rénovatrice pour l’Église,  car il l’aide à se débarrasser des lourdeurs et des lenteurs et à s’ouvrir au Ressuscité. En même temps, l’attitude du Disciple aimé indique qu’il est important de rester reliés à l’expérience des anciens, de reconnaître le rôle des pasteurs et de ne pas partir en avant, tout seuls. Nous aurons ainsi cette symphonie de voix qui est fruit de l’Esprit.

Les jeunes blessés

67. La vie des jeunes, comme celle de tous, est marquée aussi par des blessures. Ce sont les blessures des défaites de leur propre histoire, des désirs frustrés, des discriminations et des injustices subies, ou encore du fait de ne pas se sentir aimés ou reconnus. Ce sont les blessures du corps et de la psychè. Le Christ, qui a accepté de traverser la passion et la mort, par sa Croix s’est fait le prochain de tous les jeunes qui souffrent. Il y a aussi les blessures morales, le poids des erreurs commises, de la culpabilité après s’être trompé. Se réconcilier avec ses propres blessures est, aujourd’hui plus que jamais, une condition nécessaire pour mener une bonne vie. L’Église est appelée à soutenir tous les jeunes dans leurs épreuves et à mettre en œuvre des actions pastorales appropriées.

Devenir adultes

L’âge des choix

68. La jeunesse est un temps de la vie qui doit prendre fin pour faire place à l’âge adulte. Ce passage n’est pas seulement un processus anagraphique, mais il implique un chemin de maturation, qui n’est pas toujours facilité par l’environnement dans lequel vivent les jeunes. Dans de nombreuses régions, en effet, s’est diffusée une culture du provisoire qui favorise un prolongement indéfini de l’adolescence et le renvoi des décisions ; la peur du définitif engendre ainsi une sorte de paralysie décisionnelle. La jeunesse ne peut toutefois pas rester un temps suspendu : c’est l’âge des choix et c’est précisément en cela que réside sa fascination et sa tâche la plus grande. Les jeunes prennent des décisions dans le domaine professionnel, social, politique, et d’autres, plus radicales, qui donneront à leur existence une orientation déterminante. C’est à propos de ces dernières que l’on parle plus précisément de “ choix de vie ” : c’est, de fait, la vie même, dans sa singularité unique, qui en reçoit son orientation définitive.

L’existence sous le signe de la mission

69. Le  Pape  François  invite  les  jeunes  à  penser leur vie dans l’horizon de la mission : « Tant de fois, dans la vie, nous perdons du temps à nous demander : “ Mais qui suis-je ? ”. Mais tu peux te demander qui tu es et passer toute la vie en cherchant qui tu es. Demande-toi plutôt : “ Pour qui suis-je ? ” » (Discours à la Veillée de prière en préparation de la Journée Mondiale de la JeunesseBasilique Sainte-Marie-Majeure, 8 avril 2017). Cette affirmation éclaire de façon profonde les choix de vie, car elle invite à les assumer dans l’horizon libérateur du don de soi. C’est l’unique voie pour parvenir à un bonheur authentique et durable ! Effectivement « la mission au cœur du peuple n’est ni une partie de ma vie ni un ornement que je peux quitter, ni un appendice ni un moment de l’existence. Elle est quelque chose que je ne peux pas arracher de mon être si je ne veux pas me détruire. Je suis une mission sur cette terre, et pour cela je suis dans ce monde » (François, Evangelii gaudium, n° 273).

Une pédagogie capable d’interpeller

70. La mission est une boussole sûre pour le chemin de la vie, mais pas un “ navigateur ”, qui indique l’ensemble du parcours par anticipation. La liberté comporte toujours une dimension de risque qui doit être mise en valeur avec courage, et accompagnée de façon progressive, avec sagesse. De nombreuses pages de l’Évangile nous montrent Jésus qui invite à oser, à prendre le large, à passer de la logique de l’observance des préceptes à celle du don généreux et inconditionnel, sans cacher l’exigence de prendre sa croix (cf. Mt 16, 24). Il est radical : « Il donne tout et demande tout : il donne un amour total et demande un cœur sans partage » (François, Homélie du 14 octobre 2018). En évitant de tromper les jeunes avec des propositions minimalistes ou de les écraser avec un ensemble de règles qui donnent une image réductrice et moralisatrice du christianisme, nous sommes appelés à miser sur leur audace, à les inciter et à les former à prendre leurs responsabilités, certains que l’erreur, l’échec et la crise constituent aussi des expériences qui peuvent les aider à grandir humainement.

Le vrai sens de l’autorité

71. Pour effectuer un vrai cheminement de maturation, les jeunes ont besoin d’adultes  faisant autorité. Dans son sens étymologique, l’auctoritas indique la capacité de faire grandir ; cela n’exprime pas l’idée d’un pouvoir directif, mais d’une véritable force génératrice. Quand Jésus rencontrait les jeunes, de tout état et de toute condition, même morts, d’une façon ou d’une autre il leur disait : « Lève-toi ! Grandis ! ». Et sa parole accomplissait ce qu’il disait (cf. Mc 5, 41 ; Lc 7, 14). Dans l’épisode de la guérison de l’épileptique possédé par un esprit mauvais (cf. Mc 9, 14-29), qui évoque de nombreuses formes d’aliénation des jeunes d’aujourd’hui, il apparaît clairement que la poignée de main de Jésus n’a pas pour but d’ôter la liberté, mais de la stimuler, de la libérer. Jésus exerce pleinement son autorité : il ne désire rien d’autre que la croissance du jeune, sans aucune volonté de possessivité, de manipulation ou de séduction.

Le lien avec la famille

72. La famille est la première communauté de foi où, en dépit de limites et d’imperfections, le jeune fait l’expérience de l’amour de Dieu et commence à discerner sa propre vocation. Les Synodes précédents, puis l’Exhortation Apostolique Amoris laetitia, ne cessent de souligner que la famille, en tant qu’Église domestique, a le devoir de vivre la joie de l’Évangile dans la vie quotidienne et d’y faire participer tous ses membres selon leur condition, en leur permettant de demeurer ouverts à la dimension vocationnelle et missionnaire.

Cependant, toutes les familles n’enseignent pas toujours à leurs enfants à regarder l’avenir dans une perspective de vocation. Parfois, la recherche du prestige social ou du succès personnel, l’ambition des parents ou la tendance à déterminer les choix des enfants, envahissent l’espace du discernement et conditionnent les décisions. Le Synode reconnaît la nécessité d’aider les familles à assumer de façon plus claire une conception de la vie comme vocation. Le récit évangélique de Jésus adolescent (cf. Lc 2, 41-52), soumis à ses parents, mais capable de se détacher d’eux pour s’occuper des choses du Père, peut offrir de précieuses lumières pour orienter les relations familiales dans un sens évangélique.

Appelés à la liberté

L’Évangile de la liberté

73. La liberté est une condition essentielle pour un authentique choix de vie. Elle risque toutefois d’être mal comprise, notamment parce qu’elle n’est pas toujours correctement présentée. L’Église elle-même finit par apparaître aux yeux de beaucoup de jeunes comme une institution qui impose des règles, des interdits et des obligations. Or, le Christ « nous a libérés pour la liberté » (Ga 5, 1), nous faisant passer du régime de la Loi à celui de l’Esprit. À la lumière de l’Évangile, il est opportun aujourd’hui de reconnaître avec plus de clarté que la liberté est constitutivement relationnelle et montrer que les passions et les émotions sont importantes dans la mesure où elles nous orientent vers la rencontre authentique de l’autre. Une telle perspective atteste clairement que la vraie liberté n’est compréhensible et possible qu’en relation à la vérité (cf. Jn 8, 31-32) et surtout à la charité (cf. 1 Co 13, 1-13 ; Ga 5, 13) : la liberté, c’est être soi-même dans le cœur d’un autre.

Une liberté responsoriale

74. À travers la fraternité et la solidarité vécues, en particulier avec les plus petits, les jeunes découvrent que la liberté authentique naît du sentiment de se sentir écoutés et qu’elle grandit en faisant de la place à l’autre. Ils font une expérience analogue, lorsqu’ils s’efforcent de cultiver la sobriété ou de respecter l’environnement. L’expérience de la reconnaissance réciproque et de l’engagement partagé les conduit à découvrir que leur cœur est habité par un appel silencieux à l’amour qui vient de Dieu. Il devient ainsi plus facile de reconnaître la dimension transcendante que la liberté porte originellement en soi et qui, au contact des expériences les plus intenses de la vie – la naissance et la mort, l’amitié et l’amour, la faute et le pardon – se réveille plus clairement. Ces expériences aident précisément à reconnaître que la nature de la liberté est radicalement responsoriale.

La liberté et la foi

75. Il y a plus de 50 ans, saint Paul VI introduisit l’expression « dialogue du salut » et interpréta la mission du Fils dans le monde comme l’expression d’une « formidable demande d’amour ». Il ajoutait toutefois que nous sommes « libres d’y répondre ou de la refuser » (cf. Ecclesiam suam, n° 77). Dans cette perspective, l’acte de foi personnel apparaît comme libre et libérateur : il sera le point de départ d’une appropriation graduelle des contenus de la foi. La foi ne constitue donc pas un élément qui s’ajoute presque de l’extérieur à la liberté, mais  elle répond au désir de la conscience qui aspire à la vérité, au bien et au beau, en les accueillant pleinement en Jésus. Le témoignage de nombreux jeunes martyrs du passé et du présent, qui a résonné avec force au Synode, est la preuve la plus convaincante que la foi rend libre par rapport aux puissances du monde, à ses injustices et même face à la mort.

La liberté blessée et rachetée

76. La liberté humaine est marquée par les blessures du péché personnel et par la concupiscence. Mais quand, grâce au pardon et à la miséricorde, la personne prend conscience des obstacles qui l’emprisonnent, elle grandit en maturité et peut s’engager avec davantage de lucidité dans les choix définitifs de la vie. Dans une perspective éducative, il est important d’aider les jeunes à ne pas se décourager face aux erreurs et aux échecs, même humiliants, car ils font partie intégrante du chemin qui mène à une liberté plus mûre, consciente de sa grandeur et de sa faiblesse.

Le mal n’a cependant pas le dernier mot : « Car Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique » (Jn 3, 16). Il nous a aimés jusqu’au bout et a ainsi racheté notre liberté. En mourant pour nous sur la croix, il a répandu l’Esprit et « où est l’Esprit du Seigneur, là est la liberté » (2 Co 3, 17) : une liberté nouvelle, pascale, qui s’accomplit dans le don quotidien de soi.

 

Chapitre II
Le mystère de la vocation

La recherche de la vocation

Vocation, voyage et découverte

77. Le récit de l’appel de Samuel (cf. 1 S 3, 1-21) permet de saisir les éléments fondamentaux du discernement : l’écoute et la reconnaissance de l’initiative divine, une expérience personnelle, une compréhension progressive, un accompagnement patient et respectueux du mystère en acte, une visée communautaire. La vocation ne s’impose pas à Samuel comme un destin à subir ; c’est une proposition d’amour, un envoi missionnaire dans une histoire de confiance quotidienne réciproque.

Comme pour le jeune Samuel, pour tout homme et toute femme, la vocation, bien qu’ayant des moments forts et privilégiés, requiert un long voyage. La Parole du Seigneur exige du temps pour être comprise et interprétée ; la mission à laquelle elle appelle se révèle progressivement. Les jeunes sont fascinés par l’aventure de la découverte progressive de soi. Ils apprennent volontiers à partir des activités qu’ils pratiquent, à partir des rencontres et des relations, en se mettant à l’épreuve au quotidien. Mais ils ont besoin d’être aidés à faire l’unité de ces diverses expériences et à les lire dans une perspective de foi, afin d’éviter le risque de la dispersion et pour reconnaître les signes par lesquels Dieu parle. Dans la découverte de la vocation, tout n’est pas tout de suite clair, car la foi « “ voit ” dans la mesure où (l’on) marche, où (l’on) entre dans l’espace ouvert par la Parole de Dieu » (François, Lumen fidei, 9).

Vocation, grâce et liberté

78. Au cours des siècles, la compréhension théologique du mystère de la vocation a connu des accents divers, selon le contexte social et ecclésial au sein duquel ce thème a été réfléchi. Quoi qu’il en soit, il faut reconnaître le caractère analogique du terme “ vocation ” et les multiples dimensions qui caractérisent la réalité désignée. Cela a pu conduire à mettre en évidence certains aspects, dans des perspectives qui n’ont pas toujours su sauvegarder, avec un même équilibre, la complexité de l’ensemble. Pour saisir en profondeur le mystère de la vocation dont l’origine se trouve en Dieu, nous sommes donc appelés à purifier notre imaginaire et notre langage religieux, en retrouvant la richesse et l’équilibre de la narration biblique. Le lien étroit entre le choix divin et la liberté humaine, en particulier, doit être pensé en dehors de tout déterminisme et de tout extrinsécisme. La vocation n’est ni une partition déjà écrite que l’être humain devrait simplement réciter, ni une improvisation théâtrale sans la moindre piste. Puisque Dieu nous appelle à être ses amis et non ses serviteurs (cf. Jn 15, 13), nos choix concourent de façon réelle au déploiement historique de son projet d’amour. Par ailleurs, l’économie du salut est un Mystère qui nous dépasse infiniment ; c’est pourquoi seule l’écoute du Seigneur peut nous dévoiler quel rôle nous sommes appelés à avoir. Perçue dans cette lumière, la vocation apparaît réellement comme un don de grâce et d’alliance, comme le secret le plus beau et le plus précieux de notre liberté.

Création et vocation

79. Affirmant que toutes les choses ont été créées par le Christ et en vue du Christ (cf. Col 1, 16), l’Écriture nous invite à lire le mystère de la vocation comme une réalité qui caractérise la création de Dieu. Dieu a créé par  sa  Parole  qui  “ appelle ”  à  l’être  et  à  la  vie  et  qui  “ différencie ” dans le chaos de l’indifférenciation, en imprimant au cosmos la beauté de l’ordre et l’harmonie de la diversité. Si saint Paul VI affirmait déjà que  « toute vie est vocation » (cf. Populorum progressio, 15), Benoît XVI a insisté sur le fait que l’être humain est créé comme un être dialogique : la Parole créatrice « appelle chacun en termes personnels, révélant ainsi que la vie elle-même est vocation par rapport à Dieu » (cf. Verbum Domini, 77).

Pour une culture vocationnelle

80. Parler de l’existence humaine en termes de vocation permet de mettre en évidence certains éléments qui sont très importants pour la croissance d’un jeune : cela exclut ainsi que l’existence soit déterminée par le destin ou qu’elle soit le fruit du hasard, de même qu’elle n’est pas un bien privé que l’on peut gérer soi-même. Si, dans le premier cas, il n’y a pas de vocation parce qu’il n’y a pas de reconnaissance d’une destination digne de l’existence, dans le second cas un être humain considéré “ sans liens ” s’avère être “ sans vocation ”. Voilà pourquoi il est important de créer les conditions pour que, dans toutes les communautés chrétiennes, à partir de la conscience baptismale de leurs membres, se développe une véritable culture vocationnelle et un engagement constant de prière pour les vocations.

La vocation à suivre Jésus

La fascination de Jésus

81. Beaucoup de jeunes sont fascinés par la figure de Jésus. Sa vie leur apparaît bonne et belle, parce qu’elle est pauvre et simple, faite d’amitiés sincères et profondes, dépensée généreusement pour les frères, jamais fermée à personne, mais toujours disponible au don. La vie de Jésus reste aujourd’hui encore profondément attrayante et inspiratrice ; pour tous les jeunes, elle constitue une provocation qui interpelle. L’Église sait que cela est dû au fait que Jésus entretient un lien profond avec chaque être humain car « Nouvel Adam, le Christ, dans la révélation même du mystère du Père et de son amour, manifeste pleinement l’homme à lui-même et lui découvre la sublimité de sa vocation » (cf. Gaudium et spes, n° 22).

Foi, vocation et situation de disciple

82. De fait, non seulement Jésus a fasciné par sa vie, mais il aussi appelé explicitement à la foi. Il a rencontré des hommes et des femmes qui ont reconnu dans ses gestes et dans ses mots la juste façon de parler de Dieu et de se rapporter à lui, en accédant à la foi qui ouvre au salut : « Ma fille, ta foi t’a sauvée ; va en paix » (Lc 8, 48). D’autres qui l’ont rencontré ont, en revanche, été appelés à devenir des disciples et des témoins. À celui qui veut être son disciple, il n’a pas caché l’exigence de prendre sa croix chaque jour, et de le suivre sur un chemin pascal de mort et de résurrection. La foi du témoin continue à vivre dans l’Église, signe et instrument de salut pour tous les peuples. L’appartenance à la communauté de Jésus a toujours fait droit à diverses façons de suivre le Christ, à diverses formes de sequela. La plupart des disciples ont vécu la foi dans les conditions ordinaires de la vie quotidienne ; d’autres, en revanche, y compris plusieurs figures féminines, ont partagé l’existence itinérante et prophétique du Maître (cf. Lc 8, 1-3) ; dès le début, les Apôtres ont eu un rôle particulier dans la communauté et ont été associés par le Christ à son ministère de guide et de prédication.

La Vierge Marie

83. Parmi toutes les figures bibliques qui illustrent le mystère de la vocation, Marie occupe une place singulière. Jeune femme qui, par son “ oui ” a rendu possible l’Incarnation en créant les conditions pour que toute autre vocation ecclésiale puisse être générée, elle demeure la première disciple de Jésus et le modèle de toutes les façons d’être disciple. Dans son pèlerinage de foi, Marie a suivi son Fils jusqu’au pied de la croix et, après la Résurrection, elle a accompagné l’Église naissant à la Pentecôte. Comme mère et maîtresse miséricordieuse, elle continue d’accompagner l’Église et d’implorer l’Esprit qui vivifie toute vocation. Il est donc évident que le “ principe marial ” joue un rôle éminent et illumine toute la vie de l’Église dans ses diverses manifestations. À côté de la Vierge, la figure de Joseph, son époux, constitue aussi un modèle exemplaire de réponse vocationnelle.

Vocation et vocations

Vocation et mission de l’Église

84. Il n’est pas possible de comprendre pleinement la signification de la vocation baptismale, si l’on ne considère pas qu’elle constitue pour tous, sans exception, un appel à la sainteté. Cet appel implique nécessairement l’invitation à participer à la mission de l’Église, dont la finalité fondamentale est la communion en Dieu et entre toutes les personnes. Les vocations ecclésiales sont, en effet, des expressions multiples par lesquelles l’Église réalise son appel à être signe réel de l’Évangile accueilli dans une communauté fraternelle. Les diverses formes de sequela Christi expriment, chacune à sa façon, la mission de témoigner de l’événement de Jésus, dans lequel chaque homme et chaque femme trouvent le salut.

La variété des charismes

85. Dans ses lettres, saint Paul revient plusieurs fois sur ce thème, en évoquant l’image de l’Église comme corps constitué de différents membres et en soulignant que chaque membre est nécessaire et, en même temps, toujours relié à l’ensemble, car seul l’unité de tous rend le corps vivant et harmonieux. L’Apôtre trouve l’origine de cette communion dans le mystère même de la Sainte Trinité : « Il y a certes différents charismes, mais c’est le même Esprit ; diversité de ministères, mais c’est le même Esprit ; diversités d’opérations, mais c’est le même Dieu qui opère tout en tous » (1 Co 12, 4-6). Le Concile Vatican II et le Magistère qui a suivi fournissent des indications précieuses pour élaborer une théologie correcte des charismes et des ministères dans l’Église, de façon à accueillir avec reconnaissance et mettre en valeur avec sagesse les dons de grâce que l’Esprit fait continuellement surgir dans l’Église, pour la rajeunir.

Profession et vocation

86. Pour de nombreux jeunes, l’orientation professionnelle est vécue dans un horizon vocationnel. Il n’est pas rare qu’ils refusent des propositions de travail alléchantes mais qui ne s’accordent pas avec les valeurs chrétiennes, et qu’ils choisissent leurs parcours de formation en se demandant comment faire fructifier leurs talents personnels au service du Royaume de Dieu. Le travail est pour beaucoup une occasion de reconnaître et de mettre en valeur les dons reçus : de la sorte, les hommes et les femmes participent activement au mystère trinitaire de la création, de la rédemption et de la sanctification.

La famille

87. Les deux récentes Assemblées synodales sur la famille, suivies de l’Exhortation Apostolique Amoris Laetitia, ont offert une riche contribution quant à la vocation de la famille dans l’Église et à l’apport irremplaçable des familles appelées à témoigner de l’Évangile grâce à l’amour mutuel, l’engendrement et l’éducation des enfants. Tout en renvoyant à la richesse des récents documents, nous rappelons l’importance de reprendre leur message pour redécouvrir et rendre compréhensible aux jeunes la beauté de la vocation nuptiale.

La vie consacrée

88. Le don de la vie consacrée que l’Esprit suscite dans l’Église, sous sa forme aussi bien active que contemplative, revêt une valeur prophétique particulière dans la mesure où elle constitue un témoignage joyeux de la gratuité de l’amour. Quand les communautés religieuses et les nouvelles fondations vivent authentiquement la fraternité, elles deviennent des écoles de communion, des centres de prière et de contemplation, des lieux de témoignage de dialogue intergénérationnel et interculturel et des espaces pour l’évangélisation et la charité. La mission de nombreuses personnes consacrées, hommes et femmes, qui prennent soin des plus petits dans les périphéries du monde, manifeste concrètement le dévouement d’une « Église en sortie ». Si, dans certaines régions, elle subit une réduction numérique et la fatigue du vieillissement, la vie consacrée continue aussi d’être féconde et créative à travers la coresponsabilité des laïcs qui partagent l’esprit et la mission des différents charismes. L’Église et le monde ne peuvent pas se passer de ce don vocationnel, qui constitue une grande ressource pour notre temps.

Le ministère ordonné

89. L’Église a toujours accordé un soin tout particulier au ministère ordonné, consciente que ce dernier est un élément constitutif de son identité et qu’il est nécessaire à la vie chrétienne. Pour cette raison, elle a toujours cultivé une attention spécifique à la formation et à l’accompagnement des candidats au sacerdoce. La préoccupation de nombreuses Églises à cause de leur baisse numérique rend nécessaire une nouvelle réflexion sur la vocation au ministère ordonné et sur une pastorale des vocations qui permette de déployer un véritable attrait pour la personne de Jésus et d’accueillir son appel à devenir pasteurs de son troupeau. La vocation au  diaconat permanent requiert, elle aussi, une plus grande attention, car elle constitue une ressource dont toutes les potentialités n’ont pas encore été développées.

La condition des “ célibataires ”

90. Le Synode a réfléchi à la condition des personnes qui vivent en “ célibataires ”, en reconnaissant que ce terme peut désigner des situations de vie très variées. Cette situation peut dépendre de nombreuses raisons, volontaires ou involontaires, et de facteurs culturels, religieux et sociaux. Elle peut donc exprimer une gamme très vaste de parcours. L’Église reconnaît que cette condition, assumée dans une logique de foi et de don, peut devenir une des nombreuses routes qui permettent à la grâce du baptême de se concrétiser et qui mènent à la sainteté à laquelle nous sommes tous appelés.

 

Chapitre III
La mission d’accompagner

L’Église qui accompagne

Face aux choix

91. Dans le monde contemporain, caractérisé par un pluralisme toujours plus évident et par une disponibilité d’options toujours plus vaste, le thème des choix se pose avec une force particulière et à différents niveaux, surtout face à des itinéraires de vie toujours moins linéaires et caractérisés par une grande précarité. De fait, les jeunes oscillent souvent entre des approches aussi extrêmes qu’ingénues : certains se considèrent pris au piège d’un destin déjà tout écrit et inexorable, quand d’autres se sentent submergés par un idéal d’excellence abstrait, dans le cadre d’une compétition sauvage et violente.

Les accompagner pour les aider à faire des choix valables, stables et basés sur de solides fondations est donc un service dont la nécessité se fait largement sentir. Être présent, soutenir et accompagner l’itinéraire vers des choix authentiques est pour l’Église une façon d’exercer sa fonction maternelle, en engendrant à la liberté des enfants de Dieu. Ce service n’est autre que le prolongement de la façon dont le Dieu de Jésus-Christ agit à l’égard de son peuple : à travers une présence constante et cordiale, une proximité dévouée et aimante et une tendresse sans limites.

Rompre le pain ensemble

92. Comme nous l’enseigne le récit des disciples d’Emmaüs, accompagner exige d’être disposé à faire un bout de chemin ensemble, et donc disponible pour établir une relation significative. L’origine du terme “ accompagner ” renvoie au pain rompu et partagé (cum pane), avec toute la richesse symbolique humaine et sacramentelle de cette référence. La communauté dans son ensemble est donc le premier sujet de l’accompagnement, précisément parce que c’est en son sein que se développe cette trame de relations qui peut soutenir la personne dans son cheminement et lui fournir des points de référence et d’orientation. L’accompagnement au long de la croissance humaine et chrétienne vers la vie adulte est une des formes par lesquelles la communauté se montre capable de se renouveler et de renouveler le monde.

L’Eucharistie est la mémoire vivante de l’événement pascal, le lieu privilégié de l’évangélisation et de la transmission de la foi en vue de la mission. Dans l’assemblée réunie pour la célébration eucharistique, l’expérience d’être personnellement touché, instruit et guéri  par Jésus accompagne chacun dans son parcours de croissance personnelle.

Milieux et rôles

93. En plus des membres de la famille, toutes les personnes importantes dans les différents milieux de vie des jeunes, comme les enseignants, les animateurs, les entraîneurs et d’autres figures de référence, notamment professionnelles, sont appelées à jouer un rôle d’accompagnement. Bien que n’ayant pas le monopole de l’accompagnement, les prêtres, les religieux et les religieuses ont un devoir spécifique qui jaillit de leur vocation et qu’ils doivent redécouvrir, comme l’ont demandé les jeunes présents à l’Assemblée synodale, au nom de beaucoup d’autres. L’expérience de certaines Églises valorise le rôle des catéchistes comme accompagnateurs des communautés chrétiennes et de leurs membres.

Accompagner l’insertion dans la société

94. L’accompagnement ne peut pas se limiter au parcours de croissance spirituelle et aux pratiques de vie chrétienne. L’accompagnement au long du parcours de prise de responsabilité progressive au sein de la société est tout aussi fructueux, par exemple dans le milieu professionnel ou dans l’engagement sociopolitique. En ce sens, l’Assemblée synodale recommande la mise en valeur de la doctrine sociale de l’Église. Dans des sociétés et des communautés ecclésiales toujours plus interculturelles et multireligieuses, un accompagnement spécifique pour bien vivre la diversité est nécessaire, afin de manifester sa valeur d’enrichissement de la société et de possibilité de communion fraternelle, contre la double tentation du repli identitaire et du relativisme.

L’accompagnement communautaire, de groupe et personnel

Une tension féconde

95. Il existe une complémentarité constitutive entre l’accompagnement personnel et l’accompagnement communautaire, que toute spiritualité ou sensibilité ecclésiale est appelée à conjuguer de façon originale. C’est surtout, à certains moments particulièrement délicats, par exemple durant la phase de discernement en vue de choix fondamentaux ou lors de la traversée de moments critiques, que l’accompagnement personnel apparaîtra particulièrement fécond. En tout cas, il demeure important dans la vie quotidienne aussi, comme voie d’approfondissement de la relation avec le Seigneur.

Il faut également souligner l’urgence d’accompagner personnellement les séminaristes et les jeunes prêtres, les religieux en formation, de même que les couples durant leur préparation au mariage et au cours des premiers temps qui suivent la célébration de ce sacrement, en s’inspirant du catéchuménat.

L’accompagnement communautaire et de groupe

96. Jésus a accompagné le groupe de ses disciples en partageant avec eux la vie de tous les jours. L’expérience communautaire met en évidence les qualités et les limites de chaque personne et aide à devenir humblement conscients que, sans le partage des dons reçus pour le bien de tous, il n’est pas possible de suivre le Seigneur.

Cette expérience se poursuit dans la pratique de l’Église, qui voit les jeunes insérés dans des groupes, dans des mouvements et des associations de différents types, où ils font l’expérience d’un milieu chaleureux et accueillant et de rapports intenses dont ils sont désireux. L’insertion dans de telles réalités est d’une importance particulière, une fois achevé le parcours de l’initiation chrétienne, car elle offre aux jeunes un terrain propice pour continuer à faire mûrir leur vocation chrétienne. Dans ces milieux, il faut encourager la présence de pasteurs, afin de garantir un accompagnement approprié.

Dans les groupes, les éducateurs et les animateurs représentent un pôle de référence en termes d’accompagnement, tandis que les rapports d’amitié qui se développent en leur sein constituent le terrain pour un accompagnement entre semblables.

L’accompagnement spirituel personnel

97. L’accompagnement spirituel est un processus qui entend aider la personne à intégrer progressivement les diverses dimensions de la vie pour suivre le Seigneur Jésus. Ce processus comporte trois aspects : l’écoute de la vie, la rencontre avec Jésus et le dialogue mystérieux entre la liberté de Dieu et celle de la personne. Celui qui accompagne accueille avec patience, suscite de vraies questions et reconnaît les signes de l’Esprit dans la réponse des jeunes.

Dans l’accompagnement spirituel personnel, on apprend à reconnaître, à interpréter et à choisir à la lumière de la foi et à l’écoute de ce que l’Esprit suggère dans la vie de tous les jours (cf. François, Evangelii gaudium, nos 169-173). Le charisme de l’accompagnement spirituel, même dans la tradition, n’est pas nécessairement lié au ministère ordonné. Jamais autant qu’aujourd’hui, il n’y a eu besoin de guides spirituels, pères et mères, avec une profonde expérience de foi et d’humanité et pas seulement intellectuellement formés. Le Synode souhaite qu’il y ait une redécouverte, dans ce milieu aussi, de cette grande ressource d’engendrement de la vie consacrée, féminine en particulier, et de laïcs, adultes et jeunes, bien préparés.

Accompagnement et sacrement de la Réconciliation

98. Le sacrement de la Réconciliation joue un rôle indispensable pour avancer dans la vie de foi, qui est caractérisée non seulement par la limite et la fragilité, mais aussi par le péché. Le ministère de la Réconciliation et l’accompagnement spirituel doivent être opportunément distingués, car leurs finalités et leurs formes sont différentes. Une gradualité saine et sage de parcours pénitentiels, auxquels participent une pluralité de figures éducatives, qui aident les jeunes à lire leur vie morale, à faire mûrir un sens correct du péché et surtout à s’ouvrir à la joie libératrice de la miséricorde, est pastoralement opportune.

Un accompagnement intégral

99. Par ailleurs, le Synode reconnaît la nécessité de promouvoir un accompagnement intégral, où les aspects spirituels soient bien intégrés aux différents aspects humains et sociaux. Comme l’explique le Pape François, « le discernement spirituel n’exclut pas les apports des connaissances humaines, existentielles, psychologiques, sociologiques ou morales. Mais il les transcende » (Gaudete et exsultate, n° 170). Il s’agit d’éléments à saisir d’une manière dynamique et dans le respect des diverses spiritualités et cultures, sans exclusions ni confusions.

L’accompagnement psychologique ou psychothérapeutique, s’il est ouvert à la transcendance, peut se révéler fondamental pour un chemin d’intégration de la personnalité, en rendant de nouveau accessible à une croissance vocationnelle possible, certains aspects de la personnalité fermés ou bloqués. Les jeunes vivent toute la richesse et la fragilité d’être un « chantier ouvert ». L’accompagnement psychologique pourrait non seulement les aider à relire patiemment leur histoire personnelle, mais aussi les ouvrir à des questions, afin de leur permettre de parvenir à un équilibre affectif plus stable.

L’accompagnement dans la formation au ministère ordonné et à la vie consacrée

100. En accueillant les jeunes dans les maisons de formation ou dans les séminaires, il est important de vérifier leur enracinement suffisant dans une communauté, leur stabilité dans les relations d’amitié avec leurs semblables, leurs efforts dans les études ou le travail, leurs liens avec la pauvreté et la souffrance. Dans l’accompagnement spirituel, l’initiation à la prière et au travail intérieur sont décisifs, pour apprendre à discerner avant tout dans sa propre vie, notamment à travers des formes de renoncement et d’ascèse. Le célibat pour le Royaume (cf. Mt 19, 12) devrait être compris comme un don à reconnaître et à vérifier, dans la liberté, la joie, la gratuité et l’humilité, avant l’admission aux ordres ou la première profession. La contribution de la psychologie doit être conçue comme une aide pour la maturation affective et l’intégration de la personnalité, et insérer dans l’itinéraire de formation selon la déontologie professionnelle et le respect de la liberté affective de la personne en formation. La figure du recteur ou de celui ou celle qui est responsable de la formation devient toujours plus importante pour unifier le parcours de formation, pour parvenir à un discernement réaliste, grâce à la consultation de toutes les personnes impliquées dans la formation, et, dans certains cas, pour décider de l’éventualité d’interrompre la formation, en orientant vers une autre voie vocationnelle.

Une fois la phase initiale de la formation achevée, il faut assurer la formation permanente et l’accompagnement des prêtres et des personnes consacrées, hommes et femmes, surtout des plus jeunes. Ceux-ci se trouvent souvent confrontés à des défis et à des responsabilités disproportionnées. La tâche de les accompagner revient non seulement à certains délégués, mais elle doit être exercée personnellement par les évêques et les supérieurs.

Accompagnateurs de qualité

Appelés à accompagner

101. De bien des façons, les jeunes nous ont demandé de mettre en relief la figure des accompagnateurs. Le service de l’accompagnement est une mission authentique, qui sollicite la disponibilité apostolique de celui qui l’accomplit. Comme le diacre Philippe, l’accompagnateur est conduit à obéir à l’appel de l’Esprit, en sortant et en abandonnant l’enceinte des murs de Jérusalem, symbole de la communauté chrétienne, pour se diriger dans un lieu désert et inhospitalier, peut-être même dangereux, où il faut peiner pour parvenir jusqu’à un char. Après l’avoir rejoint, il doit trouver la façon d’entrer en relation avec le voyageur étranger, pour susciter une question qui n’aurait peut être pas été formulée spontanément (cf. Ac 8, 26-40). Bref, accompagner exige de se mettre à la disposition de l’Esprit du Seigneur et de celui qui est accompagné, en offrant toutes ses qualités et ses capacités, et en ayant le courage de se mettre de côté avec humilité.

Le profil de l’accompagnateur

102. Le bon accompagnateur est une personne équilibrée, capable d’écouter, portée par la foi et la prière, et qui s’est confrontée à ses propres faiblesses et fragilités. Voilà pourquoi il sait être accueillant envers les jeunes qu’il accompagne, sans moralismes et sans fausses indulgences. Quand c’est nécessaire, il sait offrir aussi la parole de la correction fraternelle.

La conscience que l’accompagnement est une mission qui requiert un enracinement profond dans la vie spirituelle l’aidera à demeurer libre vis-à-vis des jeunes qu’il accompagne : il respectera l’issue de leur parcours, en les soutenant par la prière et en jouissant des fruits que l’Esprit produit chez ceux qui lui ouvrent leur cœur, sans chercher à imposer sa volonté ou ses préférences. Il sera également capable de se mettre au service des autres, plutôt que d’occuper le centre de la scène et d’adopter des attitudes possessives et manipulatrices qui créent des dépendances et font obstacle à la liberté des personnes. Ce profond respect sera aussi la meilleure garantie contre les risques de plagia et d’abus en tout genre.

L’importance de la formation

103. Pour pouvoir accomplir son service, l’accompagnateur aura besoin de cultiver sa vie spirituelle, en nourrissant sa relation à Celui qui lui a confié cette mission. En même temps, il aura besoin de sentir le soutien de la communauté ecclésiale dont il fait partie. Il sera important qu’il reçoive une formation spécifique pour ce ministère particulier et qu’il puisse bénéficier à son tour d’un accompagnement de supervision.

Il faut enfin rappeler que les traits caractéristiques du fait d’être Église, et que les jeunes soulignent positivement, sont la disponibilité et la capacité à travailler en équipe : de cette façon, nous sommes plus significatifs, efficaces et incisifs dans la formation des jeunes. Cette compétence dans le travail communautaire exige que certaines vertus relationnelles spécifiques mûrissent : la discipline de l’écoute et la capacité de faire place à l’autre, la promptitude à pardonner et la disponibilité à se mettre en jeu selon une véritable spiritualité de communion.

 

Chapitre IV
L’art de discerner

L’Église, milieu du discernement

Une constellation de significations dans la diversité des traditions spirituelles

104. L’accompagnement vocationnel est une dimension fondamentale d’un processus de discernement de la part de la personne qui est appelée à choisir. Le terme “ discernement ” est utilisé dans plusieurs sens, bien que liés entre eux. Dans un sens plus général, le discernement indique le processus qui conduit à prendre des décisions importantes ; dans un second sens, plus spécifique à la tradition chrétienne et sur lequel nous nous attarderons plus particulièrement, il correspond à la dynamique spirituelle grâce à laquelle une personne, un groupe ou une communauté cherchent à reconnaître et à accueillir la volonté de Dieu dans le concret de leur situation : « Vérifiez tout : ce qui est bon, retenez-le » (1 Th 5, 21). En tant que disponibilité pour reconnaître la voix de l’Esprit et accueillir son appel, le discernement est une dimension essentielle du style de vie de Jésus, une attitude de fond bien plus qu’un acte ponctuel.

Tout au long de l’histoire de l’Église, les diverses spiritualités ont affronté le thème du discernement, avec des accents différents, notamment en fonction de la diversité des sensibilités charismatiques et des époques historiques. Durant le Synode, nous avons reconnu plusieurs éléments communs qui n’éliminent pas la diversité des langages : la présence de Dieu dans la vie et dans l’histoire de chaque personne ; la possibilité de reconnaître son action ; le rôle de la prière, de la vie sacramentelle et de l’ascèse ; la confrontation permanente avec les exigences de la Parole de Dieu ; la liberté par rapport à des certitudes acquises ; la vérification constante avec la vie quotidienne ; l’importance d’un accompagnement adéquat.

Le renvoi constitutif à la Parole et à l’Église

105. En tant qu’« attitude intérieure qui s’enracine dans un acte de foi » (François, Discours à la Ière Congrégation Générale de la XVème Assemblée Générale Ordinaire du Synode des Évêques, 3 octobre 2018), le discernement renvoie constitutivement à l’Église, dont la mission est de faire en sorte que chaque homme et chaque femme rencontrent le Seigneur qui est déjà à l’œuvre dans leur vie et dans leur cœur.

Le contexte de la communauté ecclésiale favorise un climat de confiance et de liberté pour la recherche de sa vocation dans un environnement de recueillement et de prière ; il offre des opportunités concrètes pour la relecture de sa propre histoire et la découverte de ses dons et de ses vulnérabilités à la lumière de la Parole de Dieu ; il permet de se confronter à des témoins qui incarnent différentes options de vie. La rencontre avec les pauvres sollicite aussi l’approfondissement de ce qui est essentiel dans l’existence, tandis que les Sacrements – en particulier l’Eucharistie et la Réconciliation – alimentent et soutiennent celui qui part à la découverte de la volonté de Dieu.

L’horizon communautaire est toujours impliqué dans tout discernement qui ne peut jamais être réduit à la seule dimension individuelle. En même temps, tout discernement personnel interpelle la communauté, en l’incitant à se mettre à l’écoute de ce que l’Esprit lui suggère à travers l’expérience spirituelle de ses membres : comme tout croyant, l’Église est toujours en discernement.

La conscience en discernement

Dieu parle au cœur 

106. Le discernement attire l’attention sur ce qui se passe dans le cœur de chaque homme et de chaque femme. Dans les textes bibliques, le terme “ cœur ” est employé pour indiquer le point central de l’intériorité de la personne, où l’écoute de la Parole que Dieu lui adresse constamment devient le critère d’évaluation de la vie et de ses choix (cf. Ps139). La Bible considère la dimension personnelle, mais souligne en même temps la dimension communautaire. Même le “ cœur nouveau ” promis par les prophètes n’est pas un don individuel, mais concerne tout Israël, avec sa tradition et son histoire salvifiques dans lesquelles le croyant est inséré (cfr. Ez 36, 26-27). Les  Évangiles  poursuivent dans cette ligne : Jésus insiste sur l’importance de l’intériorité et place le cœur au centre de la vie morale  (cf. Mt 15, 18-20).

L’idée chrétienne de conscience

107. L’apôtre Paul enrichit ce que la tradition biblique a élaboré à propos du cœur, en le mettant en relation avec le terme “ conscience ”, qu’il reprend à la culture de son temps. C’est dans la conscience que l’on saisit le fruit de la rencontre et de la communion avec le Christ : une transformation salvifique et l’accueil d’une liberté nouvelle. La tradition chrétienne insiste sur la conscience comme lieu privilégié d’une intimité spéciale avec Dieu et de rencontre avec lui, où sa voix se fait présente : « La conscience est le centre le plus secret de l’homme, le sanctuaire où il est seul avec Dieu et où sa voix se fait entendre » (Gaudium et spes, n° 16). Cette conscience ne coïncide pas avec le ressenti immédiat et superficiel, ni avec une “ conscience de soi ” : elle atteste d’une présence transcendante que chacun retrouve dans son intériorité, mais dont il n’est pas propriétaire.

La formation de la conscience

108. Former la conscience est le cheminement de toute la vie, où l’on apprend à nourrir les mêmes sentiments que Jésus-Christ, en adoptant les critères de ses choix et les intentions de son action (cf. Ph 2, 5). Pour atteindre la dimension la plus profonde de la conscience, selon la vision chrétienne, il est important d’accorder une grande attention à l’intériorité qui comporte, avant tout, des temps de silence, de contemplation orante et d’écoute de la Parole, avec le soutien de la pratique sacramentelle et de l’enseignement de l’Église. En outre, il faut une pratique habituelle du bien, vérifiée dans l’examen de conscience : un exercice où il ne s’agit pas seulement d’identifier ses péchés, mais aussi de reconnaître l’œuvre de Dieu dans sa propre expérience quotidienne, dans les événements de l’histoire et des cultures au sein desquelles nous vivons, dans le témoignage de tant d’hommes et de femmes qui nous ont précédés ou qui nous accompagnent par leur sagesse. Tout cela aide à grandir dans la vertu de prudence, en articulant l’orientation globale de l’existence avec les choix concrets, avec une lucidité sereine de ses dons et de ses limites. Le jeune Salomon a demandé ce don plus que toute autre chose (cf. 1 3, 9).

La conscience ecclésiale

109. La conscience de tout croyant dans sa dimension la plus personnelle est toujours liée à la conscience ecclésiale. Ce n’est que par la médiation de l’Église et de sa tradition de foi que nous pouvons accéder à l’authentique visage de Dieu qui se révèle en Jésus-Christ. Le discernement spirituel se présente donc comme le travail sincère de la conscience, dans sa volonté de connaître le bien réalisable, à partir duquel il devient possible de prendre des décisions responsables, en mettant en œuvre de manière adéquate la raison pratique, et en se laissant éclairer par la relation personnelle avec le Seigneur Jésus.

La pratique du discernement

La familiarité avec le Seigneur

110. En tant que rencontre avec le Seigneur qui se rend présent dans l’intimité du cœur, le discernement peut être compris comme une forme authentique de prière. C’est pourquoi il exige des temps appropriés de recueillement, aussi bien dans la régularité de la vie quotidienne que dans moments privilégiés, comme des retraites, des exercices spirituels, des pèlerinages, etc. Un discernement sérieux se nourrit de toutes les occasions de rencontre avec le Seigneur et d’approfondissement de la familiarité avec lui, dans les diverses réalités par lesquelles il se rend présent : les sacrements, en particulier l’Eucharistie et la Réconciliation, l’écoute et la méditation de la Parole de Dieu, la Lectio divina en communauté, l’expérience fraternelle de la vie commune, la rencontre avec les pauvres avec lesquels Jésus s’identifie.

Les dispositions du cœur 

111. S’ouvrir à l’écoute de la voix de l’Esprit requiert des dispositions intérieures précises : la première est l’attention du cœur, favorisée par le silence et la capacité à faire le vide qui exigent une ascèse. Tout aussi fondamentaux sont la lucidité, l’acceptation de soi et le repentir, unis à la volonté de mettre de l’ordre dans sa vie, en abandonnant ce qui pourrait se révéler être un obstacle, afin de réacquérir la liberté intérieure nécessaire pour faire des choix uniquement guidés par l’Esprit Saint. Un bon discernement requiert aussi de prêter attention aux mouvements de son cœur, en devenant toujours plus capable de les reconnaître et de leur donner un nom. Enfin, le discernement exige le courage de s’engager dans la lutte spirituelle, car des tentations et des obstacles, placés par le Malin sur notre chemin, ne manqueront pas de surgir.

Le dialogue d’accompagnement

112. Les diverses traditions spirituelles s’accordent sur le fait qu’un bon discernement a besoin d’être confronté régulièrement à un guide spirituel. Exprimer de manière authentique et personnelle son vécu aide à le clarifier. En même temps, l’accompagnateur assume une fonction essentielle de confrontation externe, en devenant le médiateur de la présence maternelle de l’Église. Il s’agit d’une fonction délicate, traitée au chapitre précédent.

La décision et la confirmation

113. Le discernement comme dimension du style de vie de Jésus et de ses disciples permet des processus concrets visant à sortir de l’indétermination, pour assumer la responsabilité des décisions. Les processus de discernement ne peuvent donc pas durer indéfiniment, aussi bien dans le cas de parcours personnels que de parcours communautaires et institutionnels. La décision est suivie d’une phase toute aussi fondamentale de mise en œuvre et de vérification dans la vie quotidienne. Il sera donc indispensable de poursuivre par une phase d’écoute attentive des ressentis intérieurs, afin de saisir la voix de l’Esprit. La confrontation avec des réalités concrètes revêt une importance spécifique dans cette perspective. En particulier, diverses traditions spirituelles signalent la valeur de la vie fraternelle et du service des pauvres comme temps de mise à l’épreuve des décisions prises et comme lieu où la personne se révèle pleinement.

 

IIIème PARTIE
« À CETTE HEURE MÊME, ILS PARTIRENT »

114. « Et ils se dirent l’un à l’autre : “ Notre cœur n’était-il pas tout brûlant au-dedans de nous, quand il nous parlait en chemin, quand il nous expliquait les Écritures ? ”. À cette heure même, ils partirent et s’en retournèrent à Jérusalem. Ils trouvèrent réunis les Onze et leurs compagnons, qui dirent : “ C’est bien vrai ! le Seigneur est ressuscité et il est apparu à Simon ! ”. Et eux de raconter ce qui s’était passé en chemin, et comment ils l’avaient reconnu à la fraction du pain » (Lc 24, 32-35).

De l’écoute de la Parole, on passe à la joie d’une rencontre qui remplit le cœur, donne un sens à l’existence et insuffle une énergie nouvelle. Les visages s’illuminent et le chemin reprend sens : c’est la lumière et la force de la réponse vocationnelle qui se fait mission vers la communauté et le monde entier. Sans tarder et sans peur, les disciples retournent sur leurs pas pour rejoindre les frères et témoigner de leur rencontre avec Jésus ressuscité.

Une Église jeune

Une icône de résurrection

115. En continuité avec l’inspiration pascale d’Emmaüs, l’image de Marie-Madeleine (cf. Jn 20, 1-18) éclaire le chemin que l’Église veut parcourir avec et pour les jeunes comme fruit de ce Synode : un chemin de résurrection qui conduit à l’annonce et à la mission. Habitée par un profond désir du Seigneur, défiant les ténèbres de la nuit, Marie-Madeleine court chez Pierre et chez l’autre disciple ; son mouvement déclenche le leur, son dévouement féminin anticipe le chemin des apôtres et leur ouvre la voie. À l’aube de ce jour, le premier de la semaine, arrive la surprise de la rencontre : Marie a cherché parce qu’elle aimait, mais elle trouve parce qu’elle est aimée. Le Ressuscité se fait reconnaître en l’appelant par son nom et lui demande de ne pas le retenir, car son Corps ressuscité n’est pas un trésor à emprisonner, mais un Mystère à partager. Aussi devient-elle la première disciple missionnaire, l’apôtre des apôtres. Guérie de ses blessures (cf. Lc 8, 2) et témoin de la résurrection, elle est l’image de l’Église jeune dont nous rêvons.

Cheminer avec les jeunes

116. La passion pour la quête de la vérité, l’étonnement devant la beauté du Seigneur, la capacité à partager et la joie de l’annonce sont aussi présents aujourd’hui au cœur de beaucoup de jeunes, membres vivants de l’Église. Il ne s’agit donc pas seulement de faire quelque chose “ pour eux ”, mais de vivre en communion “ avec eux ”, en progressant ensemble dans la compréhension de l’Évangile et dans la recherche des formes les plus authentiques pour le vivre et en témoigner. La participation responsable des jeunes à la vie de l’Église n’est pas une option, mais une exigence de la vie baptismale, ainsi qu’un élément indispensable pour la vie de toute communauté. Les difficultés et les fragilités des jeunes nous aident à être meilleurs, leurs questions nous défient, leurs doutes nous interpellent sur la qualité de notre foi. Leurs critiques aussi nous sont nécessaires, car bien souvent, à travers elles, nous écoutons la voix du Seigneur qui nous demande de convertir notre cœur et de renouveler nos structures.

Le désir d’atteindre tous les jeunes

117. Au Synode, nous nous sommes interrogés sur les jeunes, en ayant présent à l’esprit non seulement ceux qui font partie de l’Église et qui sont actifs en son sein, mais aussi tous ceux qui ont d’autres conceptions de la vie, professent une foi différente ou se déclarent étrangers à l’horizon religieux. Tous les jeunes, sans aucune exception, sont dans le cœur de Dieu et donc dans le cœur de l’Église. Mais nous reconnaissons franchement que cette affirmation qui résonne sur nos lèvres ne trouve pas toujours une expression réelle dans notre action pastorale : souvent, nous restons enfermés dans nos milieux, où leur voix n’arrive pas, ou bien nous nous consacrons à des activités moins exigeantes et plus gratifiantes, en étouffant cette saine inquiétude pastorale qui nous fait sortir de nos sécurités présumées. Pourtant l’Évangile nous demande d’oser et nous voulons le faire sans présomption, sans prosélytisme, mais en témoignant de l’amour du Seigneur et en tendant la main à tous les jeunes du monde.

Conversion spirituelle, pastorale et missionnaire

118. Le Pape François nous rappelle souvent que cela n’est pas possible sans un sérieux chemin de conversion. Nous sommes conscients qu’il ne s’agit pas seulement de faire naître de nouvelles activités et nous ne voulons pas écrire des « plans apostoliques, expansionnistes, méticuleux et bien dessinés, typiques des généraux défaits » (François, Evangelii gaudium, n° 96). Nous savons que, pour être crédibles, nous devons vivre une réforme de l’Église, qui implique une purification du cœur et des changements de style. L’Église doit réellement se laisser modeler par l’Eucharistie qu’elle célèbre comme sommet et source de sa vie : la forme d’un pain composé de nombreux épis et rompu pour la vie du monde. Le fruit de ce Synode, le choix que l’Esprit nous a inspiré par l’écoute et le discernement, est de cheminer avec les jeunes en allant vers tous, pour témoigner de l’amour de Dieu. Nous pouvons décrire ce processus en parlant de synodalité de la mission ou de synodalité missionnaire : « La mise en œuvre d’une Église synodale est un présupposé indispensable pour un nouvel élan missionnaire qui implique l’ensemble du Peuple de Dieu »[1]. Il s’agit de la prophétie du Concile Vatican II, que nous n’avons encore jamais assumée dans toute sa profondeur et développée dans ses implications quotidiennes, et sur laquelle le Pape François a attiré notre attention en affirmant : « Le chemin de la synodalité est le chemin que Dieu attend de l’Église du IIIème millénnaire » (François, Discours pour la Commémoration du 50ème anniversaire de l’institution du Synode des Évêques, 17 octobre 2015). Nous sommes convaincus que ce choix, fruit de la prière et de la confrontation, permettra à l’Église, par la grâce de Dieu, d’être et d’apparaître plus clairement comme la “ jeunesse du monde ”.

 

Chapitre I
La synodalité missionnaire de l’Église

Un dynamisme constitutif

Les jeunes nous demandent de cheminer ensemble

119. L’Église dans son ensemble, au moment où elle a choisi de s’occuper des jeunes dans ce Synode, a fait une option bien précise : elle considère cette mission comme une priorité pastorale de notre époque sur laquelle elle doit investir du temps, des énergies et des ressources. Dès le commencement du chemin de préparation, les jeunes ont exprimé le désir d’être impliqués, appréciés et de se sentir co-artisans de la vie et de la mission de l’Église. Dans ce Synode, nous avons expérimenté que la coresponsabilité vécue avec les jeunes chrétiens est source de profonde joie aussi pour les évêques. Nous reconnaissons dans cette expérience un fruit de l’Esprit qui renouvelle continuellement l’Église et l’appelle à pratiquer la synodalité comme façon d’être et d’agir, en encourageant la participation de tous les baptisés et des personnes de bonne volonté, chacun selon son âge, son état de vie et sa vocation. Dans ce Synode, nous avons constaté que la collégialité qui unit les évêques cum Petro et sub Petro, dans la sollicitude pour le Peuple de Dieu est appelée à s’articuler à la pratique de la synodalité à tous les niveaux et à s’en enrichir.

Le processus synodal continue

120. La fin des travaux de l’assemblée et le document qui en recueille les fruits ne mettent pas un point final au processus synodal, mais ils en constituent une étape. Étant donné que les conditions concrètes, les possibilités réelles et les nécessités urgentes des jeunes sont très différentes entre les pays et les continents, bien que partageant une unique foi, nous invitons les Conférences épiscopales et les Églises particulières à poursuivre ce parcours, en s’engageant dans des processus communautaires de discernement qui incluent aussi ceux qui ne sont pas évêques dans les délibérations, comme l’a fait ce Synode. Le style de ces parcours ecclésiaux devrait comporter l’écoute fraternelle et le dialogue intergénérationnel, dans le but d’élaborer des orientations pastorales particulièrement attentives aux jeunes marginalisés et à ceux qui n’ont que peu ou aucun contact avec les communautés ecclésiales. Nous souhaitons que les familles, les instituts religieux, les associations, les mouvements et les jeunes eux-mêmes participent à ces parcours, de sorte que la “ flamme ” de ce dont nous avons fait l’expérience ces jours-ci se diffuse.

La forme synodale de l’Église

121. L’expérience vécue a rendu les participants au Synode conscients de l’importance d’une forme synodale de l’Église pour l’annonce et la transmission de la foi. La participation des jeunes a contribué à “ réveiller ” la synodalité, qui est une « dimension constitutive de l’Église. […] Comme dit saint Jean Chrysostome, “ Église et Synode sont synonymes ” – parce que l’Église n’est autre que le “ marcher ensemble ” du troupeau de Dieu sur les sentiers de l’histoire à la rencontre du Christ Seigneur » (François, Discours pour la Commémoration du 50ème anniversaire de l’institution du Synode des Évêques, 17 octobre 2015). La synodalité caractérise tant la vie que la mission de l’Église, qui est le Peuple de Dieu formé de jeunes et d’anciens, d’hommes et de femmes de toutes cultures et de tous horizons, et le Corps du Christ dans lequel nous sommes membres les uns des autres, reliés en particulier à ceux qui sont marginalisés et bafoués. Au cours des échanges et à travers les témoignages, le Synode a fait émerger plusieurs traits fondamentaux d’un style synodal, auquel nous sommes appelés à nous convertir.

122. C’est dans les relations – avec le Christ, avec les autres, dans la communauté – que se transmet la foi. En vue de la mission aujourd’hui, l’Église est appelée à prendre un visage relationnel qui place au centre l’écoute, l’accueil, le dialogue et le discernement commun dans un parcours qui transforme la vie de ceux qui y participent. « Une Église synodale est une Église de l’écoute, avec la conscience qu’écouter “ est plus qu’entendre ”. C’est une écoute réciproque dans laquelle chacun a quelque chose à apprendre. Le peuple fidèle, le Collège épiscopal, l’Évêque de Rome, chacun à l’écoute des autres ; et tous à l’écoute de l’Esprit Saint, l’“ Esprit de la vérité ” (Jn 14,17), pour savoir ce qu’il “ dit aux Églises ” (Ap 2, 7) » (François, Discours pour la Commémoration du 50ème anniversaire de l’institution du Synode des Évêques, 17 octobre 2015). De cette façon, l’Église se présente comme une “tente” où est conservée l’arche d’Alliance (cf. Ex 25) : une Église dynamique et en mouvement, qui accompagne en cheminant, renforcée par de nombreux charismes et ministères. Ainsi Dieu se fait présent en ce monde.

Une Église participative et coresponsable

123. Un trait caractéristique de ce style d’Église est la mise en valeur des charismes que l’Esprit donne selon la vocation et le rôle de chacun de ses membres, à travers un dynamisme de coresponsabilité. Pour l’activer, une conversion du cœur est nécessaire, ainsi qu’une disponibilité à l’écoute réciproque, qui permette d’entendre effectivement ensemble. Animés par cet esprit, nous pourrons avancer vers une Église participative et coresponsable, capable de mettre en valeur la richesse de la diversité dont elle se compose, en accueillant aussi avec gratitude l’apport des fidèles laïcs, notamment des jeunes et des femmes, celui de la vie consacrée féminine et masculine, et celui de groupes, d’associations et de mouvements. Personne ne doit être mis ou ne doit pouvoir se mettre à l’écart. C’est la façon d’éviter aussi le cléricalisme, qui exclut beaucoup de gens des processus décisionnels, que la cléricalisation des laïcs, qui les enferme au lieu de les tourner vers l’engagement missionnaire dans le monde.

Le Synode demande de rendre effective et ordinaire la participation active des jeunes dans les lieux de coresponsabilité des Églises particulières, comme dans les organismes des Conférences épiscopales et de l’Église universelle. Par ailleurs, il demande que soit renforcée l’activité du Bureau jeunes du Dicastère pour les Laïcs, la Famille et la Vie, notamment par la constitution d’un organisme de représentation des jeunes au niveau international.

Processus de discernement communautaire

124. L’expérience de “ cheminer ensemble ” comme Peuple de Dieu aide à comprendre toujours mieux le sens de l’autorité dans une optique de service. La capacité à faire progresser la collaboration dans le témoignage et dans la mission est requise des pasteurs, tout comme est nécessaire la capacité à accompagner des processus de discernement communautaire pour interpréter les signes des temps à la lumière de la foi et sous la conduite de l’Esprit, avec la contribution de tous les membres de la communauté, à commencer par ceux qui se trouvent en marge de celle-ci. Les responsables ecclésiaux, ayant ces capacités, ont besoin d’une formation spécifique à la synodalité. De ce point de vue, il apparaît prometteur de structurer des parcours de formation communs entre jeunes laïcs, jeunes religieux et séminaristes, en particulier en ce qui concerne des thèmes comme l’exercice de l’autorité ou le travail en équipe.

Un style pour la mission

La communion missionnaire

125. La vie synodale de l’Église est essentiellement orientée vers la mission : elle est « le signe et l’instrument de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain » (Lumen Gentium, n° 1), jusqu’au jour où Dieu sera « tout en tous » (1 Co 15, 28). Les jeunes, ouverts à l’Esprit, peuvent aider l’Église à effectuer le passage pascal de sortie « du “ je ” entendu de façon individualiste au “ nous ” ecclésial, où chaque “ je ”, étant revêu du Christ (cf. Ga 2, 20), vit et chemine avec les frères et les sœurs comme sujet responsable et actif dans l’unique mission du Peuple de Dieu » (Commission Théologique Internationale, La synodalité dans la vie et dans la mission de l’Église, 2 mars 2018, n° 107). Ce passage, sous l’impulsion de l’Esprit et sous la conduite des Pasteurs, doit advenir pour la communauté chrétienne, appelée à sortir du repli de son “ moi ” qui cherche à se protéger, pour aller vers la construction d’un “ nous ” incluant toute la famille humaine et la création tout entière.

Une mission en dialogue

126. Cette dynamique fondamentale a des conséquences précises sur la façon d’accomplir la mission avec les jeunes, qui requiert d’entreprendre, avec franchise et sans compromis, un dialogue avec tous les hommes et toutes les femmes de bonne volonté. Comme l’a affirmé saint Paul VI : « L’Église se fait parole ; l’Église se fait message ; l’Église se fait conversation » (Ecclesiam suam, n° 67). Dans un monde marqué par la diversité des peuples et par la variété des cultures, “ cheminer ensemble ” est fondamental pour donner une crédibilité et une efficacité aux initiatives de solidarité, d’intégration, de promotion de la justice, et pour montrer ce qu’est une culture de la rencontre et de la gratuité.

Les jeunes, précisément parce qu’ils sont quotidiennement au contact des jeunes de leur âge, d’autres confessions chrétiennes, d’autres religions, d’autres convictions et cultures, incitent toute la communauté chrétienne à vivre l’œcuménisme et le dialogue interreligieux. Cela requiert le courage de la parresia pour parler, et celui de l’humilité pour écouter, en assumant l’ascèse – et parfois le martyre – que cela implique.

Vers les périphéries du monde

127. La pratique du dialogue et la recherche de solutions communes représentent une nette priorité à une époque où les systèmes démocratiques connaissent de bas niveaux de participation et subissent une influence disproportionnée de groupes d’intérêt qui ne représentent qu’une petite partie de la population, avec le danger de dérives réductionnistes, technocratiques et autoritaristes. La fidélité à l’Évangile orientera ce dialogue pour trouver comment apporter une réponse au double cri des pauvres et de la terre (cf. François, Laudato si’, n° 49), envers lesquels les jeunes affichent une sensibilité particulière, en insérant dans les processus sociaux l’inspiration des principes de la doctrine sociale : la dignité de la personne, la destination universelle des biens, l’option préférentielle pour les pauvres, la primauté de la solidarité, l’attention à la subsidiarité, le soin de la maison commune. Aucune vocation à l’intérieur de l’Église ne peut se situer en dehors de ce dynamisme communautaire de sortie et de dialogue, et c’est pourquoi tout effort d’accompagnement est appelé à se mesurer à cet horizon, en consacrant une attention privilégiée aux plus pauvres et aux plus vulnérables.

 

Chapitre II
Cheminer ensemble au quotidien

Des structures aux relations

De la délégation à l’implication directe

128. La synodalité missionnaire ne concerne pas seulement l’Église au niveau universel. L’exigence de cheminer ensemble, en rendant un réel témoignage de fraternité dans une vie communautaire renouvelée et plus évidente, concerne avant tout les diverses communautés. Il faut donc réveiller, dans chaque réalité locale, la conscience que nous sommes le Peuple de Dieu, appelé à incarner l’Évangile dans les différents milieux et dans toutes les situations quotidiennes. Cela nécessite de sortir de la logique de la délégation qui conditionne tant l’action pastorale.

Nous pouvons prendre comme exemple les parcours de catéchèse pour la préparation aux sacrements, une tâche que de nombreuses familles délèguent totalement à la paroisse. Cette mentalité fait que les enfants risquent de ne pas percevoir la foi comme une réalité qui illumine la vie quotidienne, mais comme un ensemble de notions et de règles qui appartiennent à un milieu séparé de leur existence. Il est nécessaire, en revanche, de cheminer avec eux : la paroisse a besoin de la famille pour faire expérimenter aux jeunes le réalisme quotidien de la foi ; et inversement, la famille a besoin du ministère des catéchistes et de la structure paroissiale, pour offrir aux enfants une vision plus organique du christianisme, pour les introduire dans la communauté et les ouvrir à de plus vastes horizons. Il ne suffit donc pas de disposer de structures, si on ne se développe pas en leur sein d’authentiques relations ; c’est, de fait, la qualité de ces relations qui évangélise.

Le renouveau de la paroisse

129. La paroisse est nécessairement impliquée dans ce processus, pour adopter la forme d’une communauté qui engendre davantage, pour être un milieu d’où rayonne la mission vers les plus petits. Dans la période historique particulière que nous vivons, différents signaux émergent et témoignent que, dans différents cas, elle ne parvient pas à correspondre aux exigences spirituelles des hommes de notre temps, surtout à cause de certains facteurs qui ont totalement modifié les styles de vie des personnes. Nous vivons, en effet, dans une culture “sans frontières”, marquée par une nouvelle relation espace-temps, notamment en raison de la communication digitale, et caractérisée par une mobilité permanente. Dans ce contexte, une vision de l’action paroissiale délimitée par les seules frontières territoriales et incapable de mobiliser les fidèles, avec des propositions diversifiées, surtout les jeunes, emprisonnerait la paroisse dans un immobilisme inacceptable et dans une répétitivité pastorale préoccupante. Il faut donc repenser la paroisse du point de vue pastoral, dans une logique de coresponsabilité ecclésiale et d’élan missionnaire, en développant des synergies sur le territoire. Elle pourra ainsi apparaître comme un environnement significatif qui intéresse la vie des jeunes.

Structures ouvertes et indéchiffrables

130. Toujours dans le sens d’une plus grande ouverture et d’un plus grand partage, il est important que chaque communauté s’interroge pour vérifier si les styles de vie et l’utilisation des structures transmettent aux jeunes un témoignage lisible de l’Évangile. La vie privée de nombreux prêtres, sœurs, religieux et évêques est certes sobre et au service des gens ; mais elle est pratiquement invisible à la plupart d’entre eux, surtout aux jeunes. Beaucoup trouvent que notre monde ecclésial est complexe à déchiffrer ; ils sont tenus à distance par les rôles que nous remplissons et par les stéréotypes qui les accompagnent. Employons-nous à faire en sorte que notre vie ordinaire, dans toutes ses expressions, soit plus accessible. Être effectivement proche d’eux et partager avec eux des espaces et des activités créent les conditions d’une communication authentique, libre de préjugés. C’est de cette façon que Jésus a apporté l’annonce du Royaume et c’est dans cette voie que nous pousse, aujourd’hui encore, son Esprit.

La vie de la communauté

Une mosaïque de visages

131. Une Église synodale et missionnaire se manifeste à travers des communautés locales habitées par de nombreux visages. Dès le commencement, l’Église n’a pas pris une forme rigide et uniformisée, mais elle s’est développée comme un polyèdre de personnes avec des sensibilités, des provenances et des cultures différentes. C’est précisément ainsi qu’elle a montré qu’elle portait dans les vases d’argile de la fragilité humaine le trésor incomparable de la vie trinitaire. L’harmonie, qui est un don de l’Esprit, n’abolit pas les différences, mais elle les accorde, en générant une richesse symphonique. Cette rencontre dans l’unique foi entre des personnes différentes constitue la condition fondamentale pour le renouveau pastoral de nos communautés. Elle a une incidence sur l’annonce, sur la célébration et sur le service, c’est-à-dire sur les domaines fondamentaux de la pastorale ordinaire. La sagesse populaire dit que « pour élever un enfant, il faut un village » : ce principe est valable aujourd’hui pour tous les domaines de la pastorale.

La communauté sur le territoire

132. La réalisation effective d’une communauté aux multiples visages exerce aussi une influence sur l’insertion dans le territoire, sur l’ouverture au tissu social et sur la rencontre avec les institutions civiles. Seule une communauté unie et plurielle sait se proposer de façon ouverte et apporter la lumière de l’Évangile dans les milieux de la vie sociale qui constituent aujourd’hui pour nous un défi : la question écologique, le travail, le soutien à la famille, la marginalisation, le renouvellement de la politique, le pluralisme culturel et religieux, le chemin vers la justice et la paix, le monde digital. Cela se fait déjà dans les associations et dans les mouvements ecclésiaux. Les jeunes nous demandent de ne pas devoir affronter ces défis tout seuls et de dialoguer avec tous, non pas pour obtenir une part de pouvoir, mais pour contribuer au bien commun.

Kérygme et catéchèse

133. L’annonce de Jésus-Christ, mort et ressuscité, qui nous a révélé le Père et donné l’Esprit, est la vocation fondamentale de la communauté chrétienne. L’invitation aux jeunes à reconnaître dans leurs vies les signes de l’amour de Dieu et à découvrir la communauté comme lieu de rencontre avec le Christ fait partie de cette annonce. Celle-ci constitue le fondement, toujours à raviver, de la catéchèse des jeunes et lui confère une qualité kérygmatique (cf. François, Evangelii gaudium, n° 164). Il faut préserver la pertinence de l’engagement à offrir des parcours permanents et organiques qui sachent intégrer une connaissance vivante de Jésus-Christ et de son Évangile, la capacité à lire sa propre expérience dans la foi et les évènements de l’histoire, ainsi qu’un accompagnement à la prière et à la célébration de la liturgie, l’introduction à la Lectio divina et le soutien au témoignage de la charité et à la promotion de la justice, en proposant ainsi une authentique spiritualité de la jeunesse.

Les itinéraires catéchétiques montrent la connexion intime de la foi avec l’expérience concrète de chaque jour, avec le monde des sentiments et des relations, avec les joies et les déceptions qui sont expérimentées dans les études et le travail ; ils doivent savoir intégrer la doctrine sociale de l’Église et être ouvert aux langages de la beauté, de la musique et des diverses expressions artistiques, et aux formes de la communication digitale. Il faut tenir justement compte des dimensions de la corporeité, de l’affectivité et de la sexualité, car il existe une imbrication profonde entre éducation à la foi et éducation à l’amour. La foi, en somme, doit être comprise comme une pratique, c’est-à-dire comme une façon d’habiter le monde.

Il est urgent que les efforts de langages et de méthodologies soit renouvelés, dans la catéchèse des jeunes, sans jamais perdre de vue l’essentiel, c’est-à-dire la rencontre avec le Christ, qui est le cœur de la catéchèseYouCatDoCatet d’autres instruments semblables ont été appréciés, sans négliger les catéchismes produits par les diverses Conférences épiscopales. Un engagement nouveau pour les catéchistes est également nécessaire, car ceux-ci sont souvent des jeunes au service d’autres jeunes, qui ont presque leur âge. Il est important de veiller soigneusement à leur formation et de faire en sorte que leur ministère soit davantage reconnu par la communauté.

La centralité de la liturgie

134. La célébration eucharistique engendre la vie de la communauté et de la synodalité de l’Église. Elle est un lieu de transmission de la foi et de formation à la mission, où il apparaît évident que la communauté vit de la grâce et non de l’œuvre de ses mains. Nous pouvons affirmer, en reprenant les paroles de la tradition orientale, que la liturgie est la rencontre avec le Divin Serviteur qui panse nos blessures et prépare pour nous le banquet pascal, en nous envoyant faire de même pour nos frères et sœurs. Il faut donc réaffirmer que l’engagement à célébrer, avec une noble simplicité et avec l’implication des différents ministères laïcs, constitue un moment essentiel de la conversion missionnaire de l’Église. Les jeunes ont montré qu’ils savent apprécier et vivre intensément des célébrations authentiques où la beauté des signes, l’attention apportée à la prédication et la participation communautaire active parlent réellement de Dieu. Il faut donc favoriser cette participation active des jeunes, tout en gardant vif l’étonnement devant le Mystère ; chercher à approcher leurs sensibilités musicales et artistiques, mais les aider à comprendre aussi que la liturgie n’est pas purement une expression de soi, mais une action du Christ et de l’Église. Il est également important d’accompagner les jeunes pour leur permettre de découvrir la valeur de l’adoration eucharistique comme prolongement de la célébration, et comme espace de contemplation et de prière silencieuse.

135. La pratique du sacrement de la Réconciliation revêt aussi une grande importance dans les parcours de foi. Les jeunes ont besoin de se sentir aimés, pardonnés, réconciliés et ont une nostalgie secrète de l’étreinte miséricordieuse du Père. C’est pourquoi il est fondamental que les prêtres soit extrêmement disponibles pour la célébration de ce sacrement. Les célébrations pénitentielles communautaires aident les jeunes à s’approcher de la confession individuelle et rendent la dimension ecclésiale du sacrement plus explicite.

136. Dans bien des milieux, la piété populaire joue un rôle important pour l’accès des jeunes à la vie de foi de façon pratique, sensible et immédiate. En mettant en valeur le langage du corps et la participation affective, la piété populaire porte en elle le désir d’entrer en contact avec le Dieu qui sauve, souvent grâce à la médiation de la Mère de Dieu et des saints.

Le pèlerinage est pour les jeunes une expérience de cheminement qui devient une métaphore de la vie et de l’Église : contempler la beauté de la création et de l’art, vivre la fraternité et s’unir au Seigneur dans la prière créent les conditions les meilleures du discernement.

La générosité de la diakonia

137. Les jeunes peuvent contribuer à renouveler le style des communautés paroissiales et à construire une communauté fraternelle et proche des pauvres. Les pauvres, les jeunes exclus, les plus souffrants, peuvent être à l’origine d’un renouveau de la communauté. Dans tous les cas, ils doivent être reconnus comme des sujets de l’évangélisation et nous aider à nous libérer de la mondanité spirituelle. Souvent, les jeunes sont sensibles à la dimension de la diakonia, du service. Beaucoup sont activement engagés dans le volontariat et trouvent, dans le service, la voie pour rencontrer le Seigneur. Le dévouement envers les plus petits devient ainsi réellement une pratique de la foi, où l’on apprend cet amour “ en pure perte ” qui se trouve au cœur de l’Évangile et qui est le fondement de toute la vie chrétienne. Les pauvres, les petits, les malades, les personnes âgées sont la chair du Christ souffrant : voilà pourquoi se mettre à leur service est une façon de rencontrer le Seigneur et, dans le même temps, un lieu privilégié pour le discernement de son appel personnel. Dans certains contextes, une ouverture particulière est demandée à l’égard des migrants et des réfugiés. Avec eux, il faut œuvrer dans le sens de l’accueil, de la protection, de la promotion et de l’intégration. L’inclusion sociale des pauvres établit et manifeste l’Église comme la maison de la charité.

Pastorale des jeunes dans une optique vocationnelle

L’Église, une maison pour les jeunes

138. Seule une pastorale capable de se renouveler à partir de l’attention accordée aux relations et de la qualité de la communauté chrétienne, sera significative et attrayante pour les jeunes. L’Église pourra ainsi se présenter à eux comme une maison qui accueille, caractérisée par un climat de famille, fait de confiance et d’intimité. L’ardent désir de fraternité, qui est ressorti tant de fois de l’écoute des jeunes au Synode, demande à l’Église d’être « mère pour tous et maison pour beaucoup » (François, Evangelii gaudium, n° 288) : la pastorale a pour tâche de réaliser dans l’histoire la maternité universelle de l’Église, grâce à des gestes concrets et prophétiques d’accueil joyeux et quotidien qui font d’elle une maison pour les jeunes.

L’animation vocationnelle de la pastorale

139. La vocation est le creuset autour duquel s’intègrent toutes les dimensions de la personne. Ce principe ne concerne pas seulement le croyant individuel, mais la pastorale dans son ensemble. Il est donc très important de clarifier que ce n’est que dans la dimension vocationnelle que toute la pastorale peut trouver un principe unificateur, car elle est à la fois son origine et son accomplissement. Dans les itinéraires actuels de conversion pastorale, la question n’est donc pas de renforcer la pastorale des vocations comme secteur séparé et indépendant, mais d’accomplir toute la pastorale de l’Église en présentant efficacement la multiplicité des vocations. L’objectif de la pastorale est, de fait, d’aider chacun, à travers un chemin de discernement, à parvenir à la « mesure de la plénitude du Christ » (Ep 4, 13).

Une pastorale des vocations pour les jeunes

140. Dès le commencement du chemin synodal, il est apparu clairement que la pastorale des jeunes devait être caractérisée par l’aspect vocationnel. De cette façon, deux éléments indispensables d’une pastorale destinée aux jeunes générations ressortent : ce doit être une pastorale “ des jeunes ”, car ses destinataires se trouvent à cet âge de la vie qu’est  la  jeunesse ; et elle doit être “ vocationnelle ”, car la jeunesse est la saison privilégiée des choix de vie et de la réponse à l’appel de Dieu. La “ nature vocationnelle ” de la pastorale de la jeunesse ne doit pas être entendue d’une manière exclusive, mais intensive. Dieu appelle à tous les âges de la vie – du sein maternel à la vieillesse –, mais la jeunesse est le moment privilégié de l’écoute, de la disponibilité et de l’accueil de la volonté de Dieu.

Le  Synode  avance  la  proposition  que chaque Conférence épiscopale nationale instaure un  “Directoire de pastorale de la jeunesse”, dans une optique vocationnelle, afin d’aider les responsables diocésains et les agents pastoraux locaux à développer leurs formations et leurs actions avec et pour les jeunes.

De la fragmentation à l’intégration

141. Bien que reconnaissant la nécessité d’une programmation par secteurs pastoraux pour éviter l’improvisation, en diverses occasions, les Pères synodaux ont fait part de leur malaise à cause d’une certaine fragmentation de la pastorale de l’Église. En particulier, ils ont fait référence aux diverses pastorales qui concernent les jeunes : pastorale de la jeunesse, familiale, des vocations, scolaire et universitaire, sociale, culturelle, caritative, du temps libre, etc. La multiplication de secteurs très spécialisés, mais parfois cloisonnés, empêche la proposition chrétienne d’être plus significative. Dans un monde fragmenté qui produit la dispersion et multiplie les appartenances, les jeunes ont besoin d’être aidés à unifier leur vie, en lisant en profondeur les expériences quotidiennes et en discernant. Si telle est la priorité, il faut développer davantage de coordination et d’intégration, parmi les divers domaines, en passant d’un travail par “ secteur ” à un travail par “ projets ”.

Le rapport fructueux entre événements et vie quotidienne

142. Durant le Synode, il a été question à plusieurs reprises de la Journée Mondiale de la Jeunesse et de beaucoup d’autres événements qui se déroulent aux niveaux continental, national et diocésain, en plus de ceux qui sont organisés par des associations, des mouvements, des congrégations religieuses et d’autres acteurs ecclésiaux. Ces moments de rencontre et de partage sont appréciés pratiquement partout, car ils offrent la possibilité de cheminer dans la dynamique du pèlerinage, d’expérimenter la fraternité avec tous, de vivre ensemble joyeusement la foi et de grandir dans l’appartenance à l’Église. Pour de nombreux jeunes, ils ont constitué une expérience de transfiguration, dans laquelle ils ont été saisis par la beauté du visage du Seigneur et fait des choix de vie importants. Les meilleurs fruits de ces expériences sont recueillis dans la vie quotidienne. Il devient donc important de projeter et de réaliser ces convocations comme des étapes significatives d’un processus vertueux plus vaste.

Centres de jeunesse

143. Des espaces spécifiques dédiés aux jeunes par la communauté chrétienne, comme les patronages, les centres de jeunesse et d’autres structures semblables, manifestent la passion éducative de l’Église. Ils se déclinent de multiples façons, mais ils demeurent des milieux privilégiés où l’Église se fait maison accueillante pour les adolescents et les jeunes, qui peuvent découvrir leurs talents et les mettre à la disposition des autres dans le service. Ils transmettent un patrimoine éducatif très riche, à partager à large échelle, pour soutenir les familles et la société civile elle-même.

Dans le dynamisme d’une « Église en sortie », il est toutefois nécessaire de penser à un renouveau créatif et flexible de ces réalités, en passant de l’idée de centres statiques, où les jeunes puissent venir, à l’idée de sujets pastoraux en mouvement avec et vers les jeunes, c’est-à-dire capables de les rencontrer dans leurs lieux de vie ordinaires – l’école, l’environnement digital, les périphéries existentielles, le monde rural et celui du travail, l’expression musicale et artistique, etc. – , en générant ainsi un nouveau type d’apostolat plus dynamique et actif.

 

Chapitre III
Un nouvel élan missionnaire

Quelques défis urgents

144. La synodalité est la méthode par laquelle l’Église peut affronter d’anciens et de nouveaux défis, en recueillant et en faisant dialoguer les dons de tous ses membres, à partir des jeunes. Grâce aux travaux du Synode, dans la première partie de ce Document, nous avons indiqué plusieurs milieux, où il est urgent de lancer ou de renouveler l’élan de l’Église pour accomplir la mission que le Christ lui a confiée, et que nous cherchons ici à affronter d’une manière plus concrète.

La mission dans l’environnement digital

145. L’environnement digital représente pour l’Église un défi à de multiples niveaux ; il est donc indispensable d’approfondir la connaissance de ses dynamiques et sa portée du point de vue anthropologique et éthique. Il requiert non seulement de l’habiter et de promouvoir ses potentialités de communication en vue de l’annonce chrétienne, mais aussi d’imprégner d’Évangile ses cultures et ses dynamiques. Plusieurs expériences en ce sens sont déjà en cours et doivent être encouragées, approfondies et partagées. La priorité que beaucoup assignent à l’image comme moyen de communication ne pourra pas ne pas interroger les modalités de transmission d’une foi qui se base sur l’écoute de la Parole de Dieu et sur la lecture de l’Écriture Sainte. Les jeunes chrétiens, nés dans cet environnement digital comme les jeunes de leur âge, trouvent ici une mission authentique, où certains sont déjà engagés. Ce sont d’ailleurs les jeunes eux-mêmes qui demandent à être accompagnés dans un discernement des modalités porteuses de vie, dans un milieu aujourd’hui fortement digitalisé, pour leur permettre d’en saisir les opportunités en conjurant les risques.

146. Le Synode souhaite que soient institués dans l’Église, aux niveaux appropriés, des Bureaux et des organismes pour la culture et l’évangélisation digitale qui, avec l’indispensable contribution de jeunes, encouragent l’action et la réflexion ecclésiales dans ce milieu. Parmi leurs fonctions, en plus de favoriser l’échange et la diffusion de bonnes pratiques au niveau personnel et communautaire, et de développer des instruments adéquats d’éducation digitale et d’évangélisation, ils pourraient également gérer des systèmes de certification des sites catholiques, pour freiner la diffusion de fake news concernant l’Église, ou chercher des voies pour persuader les autorités publiques de promouvoir des politiques et des instruments toujours plus exigeants pour la protection des mineurs sur internet.

Migrants : abattre des murs et jeter des ponts

147. Beaucoup de migrants sont des jeunes. La diffusion universelle de l’Église lui offre la grande opportunité de faire dialoguer les communautés d’où ils partent avec celles où ils arrivent, en contribuant à surmonter les peurs et les méfiances et à renforcer les liens que les migrations risquent de briser. “ Accueillir, protéger, promouvoir et intégrer ”, les quatre verbes par lesquels le Pape François résume les lignes d’action en faveur des migrants sont les verbes synodaux. Les mettre en pratique requiert l’action de l’Église, à tous les niveaux, et concerne tous les membres des communautés chrétiennes. De leur côté, les migrants, opportunément accompagnés, pourront offrir des ressources spirituelles, pastorales et missionnaires aux communautés qui les accueillent. L’engagement culturel et politique est particulièrement important ; il faut le mener par le biais de structures adaptées, pour lutter contre la diffusion de la xénophobie, du racisme et du refus des migrants. Les ressources de l’Église catholique sont un élément vital dans la lutte contre le trafic d’êtres humains, comme le soulignent clairement l’engagement et l’action de nombreuses religieuses. Le rôle du Santa Marta Group, qui unit les responsables religieux et des forces de l’ordre, est crucial et représente une bonne pratique, dont il est possible de s’inspirer. Il ne faut pas négliger non plus les efforts pour garantir le droit effectif à rester dans son pays pour les personnes qui ne voudraient pas migrer mais qui sont contraintes de le faire, ni le soutien à apporter aux communautés chrétiennes que les migrations menacent de dépeupler.

Les femmes dans l’Église synodale

148. Une Église qui cherche à vivre un style synodal ne pourra pas faire l’économie d’une réflexion sur la condition et sur le rôle des femmes en son sein et, par conséquent, dans la société aussi. Les jeunes femmes et les jeunes hommes le demandent avec force. Les réflexions développées exigent d’être mises en pratique par une œuvre de conversion culturelle courageuse et de changement dans la pratique pastorale quotidienne. Un domaine d’une importance particulière à cet égard est celui de la présence féminine dans les organes ecclésiaux à tous les niveaux, notamment dans des fonctions de responsabilité, et de la participation féminine aux processus décisionnels ecclésiaux, dans le respect du rôle du ministère ordonné. Il s’agit d’un devoir de justice, qui s’inspire à la fois de la façon dont Jésus s’est rapporté aux hommes et aux femmes de son temps, et de l’importance du rôle de certaines figures féminines dans la Bible, dans l’histoire du salut et dans la vie de l’Église.

Sexualité : une parole claire, libre, authentique

149. Dans le contexte culturel actuel, l’Église peine à transmettre la beauté de la vision chrétienne de la corporéité et de la sexualité, telle qu’elle ressort de l’Écriture Sainte, de la Tradition et du Magistère des derniers Papes. Une recherche de moyens plus adaptés apparaît donc urgent, en se traduisant concrètement par l’élaboration de nouveaux chemins de formation. Il faut proposer aux jeunes une anthropologie de l’affectivité et de la sexualité capable également de donner sa juste valeur à la chasteté, en montrant, avec une sagesse pédagogique, sa signification la plus authentique pour la croissance de la personne dans tous les états de vie. Il s’agit de miser sur l’écoute empathique, sur l’accompagnement et sur le discernement, dans la ligne indiquée par le Magistère récent. Pour cela, il faut veiller soigneusement à la formation d’agents pastoraux qui soient crédibles, à partir de la maturation de leurs propres dimensions affectives et sexuelles.

150. Il existe des questions relatives au corps, à l’affectivité et à la sexualité qui ont besoin d’une élaboration anthropologique plus approfondie, au plan théologique et pastoral, qui doit être réalisée selon les modalités adéquates et aux niveaux les plus adaptés (du local à l’universel). Parmi celles-ci, il y a celle de la différence et de l’harmonie entre l’identité masculine et féminine et celle des inclinations sexuelles. À cet égard,  le Synode réaffirme que Dieu aime chaque personne et que l’Église fait de même, en renouvelant son engagement contre toute discrimination et toute violence liées à l’orientation sexuelle. Elle réaffirme également l’importance anthropologique déterminante de la différence et de la réciprocité entre l’homme et la femme et considère comme réducteur de définir l’identité des personnes uniquement à partir de leur « orientation sexuelle » (Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Lettre aux Évêques de l’Église catholique sur la pastorale à l’égard des personnes homosexuelles, 1er octobre 1986, n° 16).

Il existe déjà, dans de nombreuses communautés chrétiennes, des chemins d’accompagnement dans la foi des personnes homosexuelles : le Synode recommande d’encourager ces parcours. Au long de ces chemins, les personnes sont aidées à relire leur histoire, à adhérer avec liberté et responsabilité à leur vocation baptismale, à reconnaître le désir d’appartenir et de contribuer à la vie de la communauté, à discerner les meilleurs formes pour le réaliser. De la sorte, il faut permettre à chaque jeune, sans exception, d’intégrer toujours plus la dimension sexuelle dans sa personnalité, en grandissant dans la qualité des relations et en cheminant vers le don de soi.

Économie, politique, travail, maison commune

151. L’Église s’engage dans la promotion d’une vie sociale, économique et politique sous le signe de la justice, de la solidarité et de la paix, comme les jeunes le demandent aussi avec force. Cela exige le courage de devenir la voix de ceux qui n’en ont pas auprès des responsables du monde, en dénonçant la corruption, les guerres, le commerce d’armes, les trafics de drogue et l’exploitation des ressources naturelles, et en invitant à la conversion ceux qui en sont responsables. Dans une perspective intégrale, cela ne peut pas être séparé de l’engagement en faveur de l’inclusion des plus fragiles, au moyen de parcours qui leur permettent, non seulement de trouver une réponse à leurs besoins, mais aussi d’apporter leurs contributions à l’édification de la société.

152. Conscient que « le travail constitue une dimension fondamentale de l’existence de l’homme sur la terre » (saint Jean-Paul II, Laborem exercens, n° 4) et que le manque de travail est humiliant pour de nombreux jeunes, le Synode recommande aux Églises locales de favoriser et d’accompagner l’insertion des jeunes dans ce monde, notamment en soutenant des initiatives professionnelles pour les jeunes. Des expériences en ce sens existent largement dans de nombreuses Églises locales et doivent être soutenues et renforcées.

153. La promotion de la justice interpelle aussi la gestion des biens de l’Église. Les jeunes se sentent chez eux dans une Église où l’économie et la finance sont vécues dans la transparence et dans la cohérence. Des choix courageux dans la perspective du développement durable, comme cela est indiqué par l’encyclique Laudato si’, sont nécessaires, dans la mesure où le manque de respect de l’environnement engendre de nouvelles pauvretés, dont les jeunes sont les premières victimes. Les systèmes peuvent aussi être changés en montrant qu’il est possible de vivre de façon différente la dimension économique et financière. Les jeunes poussent l’Église à être prophétique dans ce domaine, par des mots mais surtout à travers des choix qui manifestent qu’une économie amie de la personne et de l’environnement est possible. Avec eux, nous pouvons le faire.

154. Par rapport aux questions écologiques, il sera important d’offrir des lignes directrices pour la mise en pratique concrète de l’Encyclique Laudato si’ dans les réalités ecclésiales. Bon nombre d’interventions ont souligné l’importance d’offrir aux jeunes une formation à l’engagement sociopolitique et à la doctrine sociale de l’Église qui représente une excellente ressource à cet égard. Les jeunes engagés en politique doivent être soutenus et encouragés à œuvrer pour un changement réel des structures sociales injustes.

Dans les contextes interculturels et interreligieux

155. Le pluralisme culturel et religieux est une réalité croissante dans la vie sociale des jeunes. Les jeunes chrétiens offrent un beau témoignage de l’Évangile, quand ils vivent leur foi d’une façon qui transforme leur vie et leurs actions quotidiennes. Ils sont appelés à s’ouvrir aux jeunes d’autres traditions religieuses et spirituelles, et à entretenir avec eux des rapports authentiques qui favorisent la connaissance réciproque et guérissent des préjugés et des stéréotypes. Ils sont ainsi les pionniers d’une nouvelle forme de dialogue interreligieux et interculturel, qui contribue à libérer nos sociétés de l’exclusion, de l’extrémisme, du fondamentalisme, ainsi que de la manipulation de la religion à des fins sectaires ou populistes. Témoins de l’Évangile, ces jeunes deviennent, avec les jeunes de leur âge, des artisans d’une citoyenneté inclusive de la diversité et d’un engagement religieux socialement responsable et promoteur de lien social et de paix.

Récemment, précisément sur proposition des jeunes, des initiatives ont été lancées pour offrir l’opportunité d’expérimenter la coexistence entre personnes appartenant à des religions et à des cultures différentes, afin que tous, dans un climat de convivialité et dans le respect des croyances respectives, soient des acteurs d’un engagement commun et partagé dans la société.

Les jeunes pour le dialogue œcuménique

156. En ce qui concerne le chemin de réconciliation entre tous les chrétiens, le Synode est reconnaissant pour le désir de nombreux jeunes de faire grandir l’unité entre les communautés chrétiennes séparées. En s’engageant dans cette ligne, très souvent, les jeunes approfondissent les racines de leur foi et expérimentent une réelle ouverture à ce que les autres peuvent donner. Ils comprennent que le Christ nous unit déjà, même si certaines différences demeurent. Comme l’a affirmé le Pape François à l’occasion de la visite au Patriarche Bartholomée en 2014, ce sont les jeunes « qui aujourd’hui nous demandent de faire des pas en avant vers la pleine communion. Et cela non parce qu’ils ignorent la signification des différences qui nous séparent encore, mais parce qu’ils savent voir au-delà, ils sont capables de recueillir l’essentiel qui déjà nous unit » (François, Intervention à l’occasion de la Divine Liturgie, église patriarcale Saint-GeorgesIstanbul, 30 novembre 2014).

 

Chapitre IV
Formation intégrale

Concrétude, complexité et intégralité

157. La condition actuelle est caractérisée par une complexité croissante des phénomènes sociaux et de l’expérience individuelle. Dans le concret de la vie, les changements en acte s’influencent mutuellement et ne peuvent pas être affrontés avec un regard sélectif. Dans le réel, tout est lié : la vie familiale et l’engagement professionnel, l’utilisation des technologies et la façon d’expérimenter la communauté, la défense de l’embryon et celle du migrant. Le concret de l’existence nous parle d’une vision anthropologique de la personne comme totalité et d’une façon de connaître qui ne sépare pas mais saisit les liens, apprend de l’expérience en la relisant à la lumière de la Parole, se laisse inspirer par les témoignages exemplaires plus que par les modèles abstraits. Cela exige une nouvelle approche de formation qui tende à l’intégration des perspectives, rende capable de saisir l’imbrication des problèmes et sache unifier les diverses dimensions de la personne. Cette approche est en profonde harmonie avec la vision chrétienne qui contemple dans l’incarnation du Fils la rencontre inséparable du divin et de l’humain, de la terre et du ciel.

Éducation, école et université

158. Durant le Synode, une insistance particulière a été mise sur la tâche décisive et irremplaçable de la formation professionnelle, de l’école et de l’université, notamment parce qu’il s’agit des lieux où la plupart des jeunes passent beaucoup de leur temps. Dans certains endroits du monde, l’éducation de base est la première question et la plus importante aussi que les jeunes adressent à l’Église. Pour la communauté chrétienne, il est donc nécessaire d’exprimer une présence éloquente dans ces milieux, avec des enseignants qualifiés, des aumôneries significatives et un engagement culturel adéquat.

Les institutions éducatives catholiques méritent une réflexion particulière car elles expriment la sollicitude de l’Église pour la formation intégrale des jeunes. Il s’agit d’espaces précieux pour la rencontre de l’Évangile avec la culture d’un peuple et pour le développement de la recherche. Elles sont appelées à proposer un modèle de formation qui soit capable de faire dialoguer la foi avec les questions du monde contemporain, avec les diverses perspectives anthropologiques, avec les défis de la science et de la technique, avec les changements des mœurs sociales et avec l’engagement pour la justice.

Dans ces milieux, il faut particulièrement encourager la créativité des jeunes dans les domaines de la science et de l’art, de la poésie et de la littérature, de la musique et du sport, du digital et des médias, etc. De la sorte, les jeunes pourront découvrir leurs talents et les mettre à la disposition de la société en vue du bien de tous.

Préparer de nouveaux formateurs

159. La récente Constitution Apostolique Veritatis gaudium sur les universités et les facultés ecclésiastiques a proposé plusieurs critères fondamentaux pour un projet de formation qui soit à la hauteur des défis du présent : la contemplation spirituelle, intellectuelle et existentielle du kérygme, le dialogue très vaste et très ouvert, la trans-disciplinarité exercée avec sagesse et créativité et la nécessité urgente de “ faire réseau ” (cf. Veritatis gaudium, n° 4, d). Ces principes peuvent inspirer tous les milieux éducatifs et formateurs ; leur adoption profitera surtout à la formation des nouveaux éducateurs, en les aidant à s’ouvrir à une vision sapientielle, capable d’intégrer expérience et vérité. Les Universités Pontificales et les centres d’études jouent un rôle fondamental aux niveaux mondial, continental et national. La vérification périodique, la qualification exigeante et le renouveau constant de ces institutions représentent un grand investissement stratégique pour le bien des jeunes et de l’Église entière.

Former des disciples missionnaires

160. Le chemin synodal a insisté sur le désir croissant de donner corps et de faire place au rôle des jeunes. Il est évident que l’apostolat des jeunes envers d’autres jeunes ne peut pas être improvisé, mais doit être le fruit d’un chemin de formation sérieux et approprié : comment accompagner ce processus ? Comment offrir des meilleurs instruments aux jeunes pour qu’ils soient d’authentiques témoins de l’Évangile ? Ces questions coïncident aussi avec le désir de nombreux jeunes de mieux connaître leur foi : découvrir ses racines bibliques, comprendre le développement historique de la doctrine, le sens des dogmes et la richesse de la liturgie. Cela permet aux jeunes de réfléchir aux questions actuelles où la foi est mise à l’épreuve, pour savoir rendre raison de l’espérance qui est en eux (cf. 1 3, 15).

C’est pourquoi le Synode propose la mise en valeur des expériences de mission des jeunes à travers l’institution de centres de formation pour l’évangélisation destinés aux jeunes et aux jeunes couples, par la mise en œuvre d’une expérience intégrale qui se conclura par l’envoi en mission. Il existe déjà des initiatives de ce type sur différents territoires, mais l’on demande à chaque Conférence épiscopale d’étudier la possibilité d’en instituer dans leurs contextes respectifs.

Un temps pour accompagner le discernement

161. Très souvent a résonné dans la salle synodale un pressant appel à investir avec générosité, à la fois la passion éducative, un temps prolongé et des ressources économiques. En rassemblant diverses interventions et différents désirs apparus durant le débat synodal, en plus de l’écoute d’expériences qualifiées déjà mises en œuvre, le Synode propose avec conviction à toutes les Églises particulières, aux congrégations religieuses, aux mouvements, aux associations et à d’autres acteurs ecclésiaux, d’offrir aux jeunes une expérience d’accompagnement en vue du discernement. Cette expérience – dont la durée doit être fixée selon les contextes et les opportunités – peut être qualifiée de temps destiné à la maturation de la vie chrétienne adulte. Elle devrait prévoir un éloignement prolongé par rapport aux relations et aux milieux habituels et être construite autour d’au moins trois piliers indispensables : une expérience de vie fraternelle commune avec des éducateurs adultes qui soit centrale, sobre et respectueuse de la maison commune ; une proposition apostolique forte et significative à vivre ensemble ; une offre de spiritualité enracinée dans la prière et dans la vie sacramentelle. De la sorte, on trouve tous les ingrédients nécessaires pour que l’Église puisse offrir aux jeunes qui le voudront une profonde expérience de discernement vocationnel.

Accompagnement au mariage

162. Il faut rappeler l’importance d’accompagner les couples au long de leur parcours de préparation au mariage, en tenant compte qu’il existe différentes façons d’organiser ces parcours. Comme l’affirme Amoris laetitia au n° 207 : « Il ne s’agit pas de leur exposer tout le Catéchisme ni de les saturer avec trop de thèmes. […] Il s’agit d’une sorte d’“ initiation ” au sacrement du mariage qui leur apporte les éléments nécessaires pour pouvoir le recevoir dans les meilleures dispositions et commencer avec une certaine détermination la vie familiale ». Il est important de poursuivre l’accompagnement des jeunes familles, surtout dans les premières années de mariage, en les aidant aussi à devenir une partie active de la communauté chrétienne.

La formation des séminaristes et des personnes consacrées

163. La tâche spécifique de la formation intégrale des candidats au ministère ordonné et à la vie consacrée masculine et féminine demeure un défi important pour l’Église. Il faut également rappeler l’importance d’une solide formation culturelle et théologique pour les personnes consacrées. En ce qui concerne les séminaires, le premier devoir est évidemment l’adoption et la mise en œuvre concrète de la nouvelle Ratio fundamentalis institutionis sacerdotalis.Durant le Synode, plusieurs aspects importants ont émergé et il convient ici de les mentionner.

En premier lieu, le choix des formateurs : il ne suffit pas qu’ils soient culturellement bien formés, mais ils doivent être capables aussi de relations fraternelles, d’une écoute empathique et d’une profonde liberté intérieure. En deuxième lieu, pour un accompagnement approprié, un travail sérieux et compétent est nécessaire, en équipes éducatives différenciées qui incluent des figures féminines. La constitution de ces équipes de formation, au sein desquelles interagissent des vocations diverses, est une petite mais précieuse forme de synodalité, qui a une incidence sur la mentalité des jeunes dans la formation initiale. En troisième lieu, la formation doit tendre à développer, chez les futurs pasteurs et les personnes consacrées, la capacité à exercer leur rôle de guide de façon qualifiée et non autoritaire, en éduquant les jeunes candidats à se donner pour la communauté. Une attention particulière doit être accordée à certains critères de formation comme : dépasser les tendances au cléricalisme, la capacité de travail en équipe, l’attention aux pauvres, la transparence de vie, la disponibilité à se laisser accompagner. En quatrième lieu, le sérieux du discernement initial est décisif, car trop souvent les jeunes qui se présentent aux séminaires ou dans les maisons de formation sont accueillis sans avoir une connaissance correcte ni une relecture approfondie de leur histoire. La question devient particulièrement délicate dans le cas de “ séminaristes errants ”: l’instabilité relationnelle et affective et le manque d’enracinement ecclésial sont des signaux dangereux. Négliger les normes ecclésiales à cet égard constitue un comportement irresponsable, qui peut avoir des conséquences très graves pour la communauté chrétienne. Un cinquième point concerne l’importance numérique des communautés de formation : dans les communautés trop grandes, on court le risque de la dépersonnalisation du parcours et d’une connaissance non appropriée des jeunes en cheminement, tandis que les communautés trop petites risquent d’être étouffantes et soumises à des logiques de dépendance ; dans ces cas, la meilleure solution est de constituer des séminaires interdiocésains ou des maisons de formation pour plusieurs provinces religieuses, avec des projets de formation clairs et des responsabilités bien définies.

164. Le Synode formule trois propositions pour favoriser le renouveau.

La première concerne la formation conjointe de laïcs, de personnes consacrées et de prêtres. Il est important que les jeunes hommes et les jeunes filles en formation demeurent en contact permanent avec la vie quotidienne des familles et des communautés, en accordant une attention particulière à la présence de figures féminines et de couples chrétiens, et de faire en sorte que la formation soit enracinée dans le concret de la vie et caractérisée par une dimension relationnelle capable d’interagir avec le contexte social et culturel.

La deuxième proposition implique l’insertion dans le cursus de préparation au ministère ordonné et à la vie consacrée d’éléments spécifiques concernant la pastorale des jeunes, grâce à des cours de formation ciblés et à des expériences vécues d’apostolat et d’évangélisation.

La troisième proposition demande que l’on évalue, dans le cadre d’un discernement authentique des personnes et des situations selon la vision et l’esprit de la Ratio fundamentalis institutionis sacerdotalis, la possibilité de vérifier le chemin de formation sur le plan de l’expérience et sur le plan communautaire. Ceci vaut particulièrement pour la dernière étape du parcours qui prévoit l’insertion progressive dans la responsabilité pastorale. Les formules et les modalités pourront être indiquées par les Conférences épiscopales de chaque pays, à travers leurs Ratio nationalis.

 

Conclusion

Appelés à devenir des saints

165. Toutes les diversités vocationnelles se rassemblent en un appel unique et universel à la sainteté qui, au fond, ne peut être rien d’autre que l’accomplissement de cet appel à la joie de l’amour qui résonne dans le cœur de tout jeune. Effectivement, ce n’est qu’à partir de l’unique vocation à la sainteté que peuvent s’articuler les différentes formes de vie, en sachant que Dieu « veut que nous soyons saints et il n’attend pas de nous que nous nous contentions d’une existence médiocre, édulcorée, sans consistance » (François, Gaudete et exsultate, n° 1). La sainteté trouve sa source inépuisable dans le Père qui, par son Esprit, nous envoie Jésus, « le saint de Dieu » (Mc 1, 24) venu parmi nous pour nous rendre saints grâce à l’amitié avec lui, qui apporte la joie et la paix dans notre vie. Retrouver, dans toute la pastorale ordinaire de l’Église, le contact vivant avec l’existence heureuse de Jésus est la condition fondamentale de tout renouveau.

Réveiller le monde par la sainteté

166. Nous devons être saints pour pouvoir inviter les jeunes à le devenir. Les jeunes ont reclamé avec insistance une Église authentique, lumineuse, transparente et joyeuse : seule une Église des saints peut être à la hauteur de ces requêtes ! Beaucoup d’entre eux l’ont quittée parce qu’ils n’y ont pas trouvé la sainteté, mais la médiocrité, la présomption, la division et la corruption. Malheureusement, le monde est plus indigné par les abus de certaines personnes de l’Église que ravivé par la sainteté de ses membres : voilà pourquoi l’Église dans son ensemble doit accomplir un changement de perspective ferme, immédiat et radical ! Les jeunes ont besoin de saints qui forment d’autres saints, en montrant ainsi que « la sainteté est le visage le plus beau de l’Église » (François, Gaudete et exsultate, n° 9). Il existe un langage que tous les hommes et les femmes de tous temps, lieux et cultures peuvent comprendre, parce qu’il est immédiat et lumineux : c’est le langage de la sainteté.

Entraînés par la sainteté des jeunes

167. Il est apparu clairement, dès le début du parcours synodal, que les jeunes sont partie intégrante de l’Église. Leur sainteté l’est donc aussi et, au cours des dernières décennies, elle a produit une floraison multiforme dans toutes les parties du monde : contempler et méditer durant le Synode le courage de nombreux jeunes qui ont renoncé à leur vie pour demeurer fidèles à l’Évangile a été pour nous émouvant ; écouter les témoignages des jeunes présents au Synode qui, au milieu des persécutions, ont choisi de partager la passion du Seigneur Jésus, a été régénérateur. À travers la sainteté des jeunes, l’Église peut relancer son ardeur spirituelle et sa vigueur apostolique. Le baume de la sainteté engendrée par la bonté de la vie de tant de jeunes peut soigner les blessures de l’Église et du monde, en nous ramenant à la plénitude de l’amour à laquelle nous sommes appelés depuis toujours : les jeunes saints nous poussent à revenir à notre premier amour (cf. Ap 2, 4).

 
[1] Commission Théologique Internationale, La synodalité dans la vie et dans la mission de l’Église, 2 mars 2018, n° 9. En outre, ce document illustre la nature de la synodalité en ces termes : « La dimension synodale de l’Église exprime le caractère de sujet actif de tous les Baptisés et, en même temps, le rôle spécifique du ministère épiscopal en communion collégiale et hiérarchique avec l’Évêque de Rome. Cette vision ecclésiologique invite à promouvoir le déploiement de la communion synodale entre “ tous ”, “ plusieurs ” et “ un ”. À différents niveaux et sous diverses formes, sur le plan des Églises particulières, sur celui de leurs regroupements au niveau régional et sur celui de l’Église universelle, la synodalité implique l’exercice du sensus fidei de l’universitas fidelium (tous), le ministère de guide du collège des Évêques, chacun avec ses presbyteriums (plusieurs), et le ministère d’unité de l’Évêque et du Pape (un). Sont ainsi conjugués, dans la dynamique synodale, l’aspect communautaire qui inclut tout le Peuple de Dieu, la dimension collégiale relative à l’exercice du ministère épiscopal et le ministère primatial de l’Évêque de Rome. Cette corrélation encourage la singularis conspiratio entre les fidèles et les Pasteurs, qui est l’image de la conspiratio éternelle vécue dans la Sainte Trinité » (n° 64).