Collecte nationale des synthèses locales sur le Synode 2021-2024 sur la synodalité
En France, plus de 150 000 personnes se sont mobilisées pour contribuer à la réflexion sur le Synode 2023 sur la synodalité, en se réunissant à des échelles variées : diocèses, paroisses, mouvements, groupes spontanément constitués, congrégations religieuses…Un travail de synthèse et de discernement a été effectué à l’échelle des diocèses. Ensuite, une équipe nationale a réalisé la collecte de toutes ces synthèses. C’est ce que nous vous proposons de découvrir dans cette page. Ce document de synthèse de la « collecte nationale » rend compte, à ce stade du processus synodal, de ce qui caractérise, affecte, mobilise et questionne le peuple de Dieu qui est en France. Il s’agit de l’écoute du peuple de Dieu qui fournit la matière nécessaire pour la suite du processus. Le 15 juin 2022 à Lyon, il a été accueilli par les évêques de France et les référents synodaux de chaque diocèse réunis en Assemblée plénière extraordinaire.
Au mois de mai 2021, le pape François annonçait la tenue d’un synode des évêques avec la mise en route d’un processus synodal destiné à mobiliser l’ensemble des catholiques. Ouvert officiellement à Rome et dans tous les diocèses en octobre 2021, ce synode a débuté par une phase diocésaine de consultation, où toutes celles et ceux qui le souhaitaient ont pu participer.
Comme l’écrit la Commission théologique internationale, « la dimension synodale de l’Église exprime le caractère de sujet actif de tous les baptisés et, en même temps, le rôle spécifique du ministère épiscopal en communion collégiale et hiérarchique avec l’évêque de Rome. » Après avoir pris connaissance des synthèses de la consultation synodale dans les diocèses, puis de la collecte nationale, les évêques de France – accompagnés de leurs invités – auront à effectuer un travail de discernement en assemblée plénière à Lyon, les 14 et 15 juin 2022. En tant que pasteurs, les évêques discerneront des chemins que l’Esprit Saint ouvre pour l’Église en France aujourd’hui. Ce sera une sorte de point d’étape de la manière dont l’Église catholique vit le processus synodal dans notre pays. Le fruit de leur travail s’ajoutera à la collecte nationale ; ces deux documents seront envoyés à Rome pour contribuer à la rédaction d’un instrumentum laboris. Le secrétariat général du
synode va rédiger ce document de travail à partir des synthèses de toutes les conférences épiscopales du monde entier, celles des mouvements et associations de fidèles, celles des instituts de vie consacrée et des communautés religieuses. Cet instrumentum laboris sera la base de la deuxième étape du processus synodal, la démarche au niveau continental.
Mgr Alexandre Joly,
Évêque de Troyes,
Responsable de l’équipe Synode 2023 pour la France
Le processus synodal mis en œuvre à l’appel du pape François a mobilisé plus de 150 000 personnes en France. D’octobre 2021 à avril 2022, des équipes synodales se sont réunies à des échelles variées : diocèses, paroisses, mouvements, groupes spontanément constitués, congrégations religieuses… En fonction de leur contexte, ces équipes ont souvent choisi de traiter quelques-unes des questions envoyées par le secrétariat général du synode. Ensuite, un travail de synthèse et de discernement a été effectué à l’échelle des diocèses.
Le processus synodal a suscité une participation généreuse dans beaucoup de lieux, avec le sentiment de vivre une expérience prometteuse, une démarche communautaire d’écoute et de discernement. Cette consultation a également rencontré des résistances de diverses natures. D’abord, la difficulté à entendre les voix des plus fragiles ; ensuite, la difficulté à rejoindre et mobiliser les jeunes et les jeunes adultes ; la crainte, chez certains catholiques, que ce processus serve à imposer des changements dans l’Église à laquelle ils sont attachés ; enfin, la difficulté pour beaucoup de prêtres à reconnaître l’intérêt de ce synode.
Le dénominateur commun des contributions est sans nul doute la joie de la rencontre : joie d’être sollicités, joie de pouvoir répondre à l’appel du Pape François, joie de pouvoir discuter sur des sujets importants, profonds, autour d’un temps convivial, joie des rencontres fraternelles et parfois priantes soit avec des personnes inconnues soit avec des amis de longue date.
Diocèse de Bordeaux
La présente collecte reprend l’ensemble des synthèses diocésaines de l’Église catholique en France, ainsi que quelques contributions supplémentaires parvenues à la Conférence des évêques de France. Les contributions des congrégations et des mouvements ont également été transmises aux dicastères compétents du Saint-Siège ; dans ce document, elles ne sont donc pas identifiées spécifiquement.
Cette collecte dresse le constat, aussi honnête que possible, des questions abordées dans les synthèses, ainsi que des tensions et des aspirations révélées par ce cheminement. Elle ne porte pas de jugement théologique, mais veut servir le discernement ultérieur à opérer dans l’Église, en laissant apparaître avec transparence les enjeux qui ressortent de cette consultation.
Beaucoup de diocèses notent que la démarche synodale a coïncidé avec la réception du rapport de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église, à travers lequel de nombreux chrétiens ont entendu un appel à la conversion. En parallèle, la pandémie due au Covid-19 a été la cause d’éloignements prolongés ; pour cette raison, elle a rendu plus évidente la nécessité de prendre soin les uns des autres. En effet, les synthèses font entendre massivement l’aspiration profonde à une Église plus fraternelle. Des besoins ont été repérés : l’importance de se ressourcer dans la Parole de Dieu, l’urgence de proposer des signes parlants et crédibles dans la société d’aujourd’hui, la nécessité de lieux de dialogue fraternel. Ce sont eux qui structurent les trois grandes parties de cette collecte, dont chaque section commence par l’écoute d’une « petite voix », ce que permet spécifiquement le cheminement synodal.
La soif est là. Quelles propositions peut faire l’Église pour répondre aux attentes ? La question d’une Église proche du frère, de l’autre en difficulté revient de nombreuses fois, c’est un souci réel car l’image donnée par l’Église actuellement est centrée sur l’annonce et la messe.
Diocèse de Besançon
1. Se ressourcer dans la Parole de Dieu
À chaque fois qu’on se réunit autour de la Parole de Dieu et qu’on cherche ensemble à comprendre, ça fait une communauté d’Église, même si ce sont des gens qui ne viennent jamais à la messe. On avance par ce que chacun apporte. […] Peut-être qu’une base de l’Église c’est les gens qui se réunissent pour lire la Parole de Dieu.
Fraternité de La Pierre d’Angle, Poissy
Ces personnes en grande précarité identifient dans la lecture commune des Écritures un fondement de la vie ecclésiale. En méditant les textes, chaque participant expose sa vie et sa parole à la Parole de Dieu et peut entendre les appels que Dieu adresse à chacun et à l’Église. Ainsi, tous peuvent trouver leur place : personnes très précaires ou non, chrétiens pratiquants ou non…
La phase diocésaine du synode a permis à beaucoup de chrétiens d’exprimer une conviction : la Parole de Dieu est une source à laquelle il est profondément bon de puiser ; par elle, la vie ecclésiale se renouvelle continument. Beaucoup d’équipes synodales ont d’ailleurs placé la méditation biblique au cœur de leurs rencontres. À la suite du concile Vatican II qui avait exhorté les baptisés à s’attacher aux Écritures qui contiennent la Parole de Dieu (Dei Verbum, § 24-25), les synthèses insistent sur la centralité de ce ressourcement dans la Parole, et invitent à en faire davantage l’expérience.
La soif de recevoir la Parole de Dieu se manifeste très fortement dans l’ensemble des contributions, pour nourrir la vie quotidienne ou pour être partagée en groupes de fidèles ainsi que pour mieux fonder l’action de l’Église. C’est une des premières demandes qui ressort de cette démarche sur la synodalité.
Diocèse de Nanterre
Parmi les pratiques spirituelles évoquées, la méditation des Écritures en petites fraternités apparaît centrale. Elle est vue comme un ressourcement personnel, une manière pour l’Église de répondre avec pertinence à la quête de sens de nos contemporains, dans une pratique qui conjugue profondeur et liberté. Elle est également identifiée comme une source de vie communautaire, puisque les appels de Dieu à nos communautés se laissent découvrir dans l’écoute commune de sa Parole. De plus, l’aspect missionnaire est notable : de nombreuses fraternités constituées autour de la méditation de la Bible parviennent à intégrer des personnes qui ne se sentent pas à l’aise dans les assemblées paroissiales.
Par ailleurs, les attentes sont fortes quant aux homélies : nombreuses sont les déceptions exprimées lorsque la prédication ne s’appuie pas suffisamment sur la Parole de Dieu et ne nourrit pas la vie quotidienne des baptisés. Un élargissement de la prédication lors de l’eucharistie aux laïcs, et spécifiquement aux voix féminines, est une demande récurrente. Une meilleure formation biblique des baptisés est souhaitée, ainsi qu’une réelle formation des pasteurs à l’homilétique ; cela concernerait aussi toute personne laïque appelée à la prédication.
Enfin, beaucoup de synthèses invitent à proposer et promouvoir des célébrations de la Parole.
Les « célébrations de la Parole » pourraient être plus souvent proposées en paroisse. En effet, elles permettent de rassembler largement toutes les personnes, indépendamment de l’accès au sacrement eucharistique : elles sont réellement un lieu d’unité. Elles offrent tout à fait la possibilité aux laïcs – hommes et femmes – de pouvoir commenter l’Ecriture et la forme de la prière peut y être plus libre et plus spontané. Diocèse de Marseille
2. Donner des signes crédibles de la bonté de Dieu et de l’égale dignité des baptisés
Les marges, c’est nous. Les piliers de l’Église, c’est nous !
Des personnes handicapées du diocèse de Rodez
Ceux qui sont à la marge peuvent-ils être les piliers de l’Église, c’est-à-dire ceux sur qui s’appuie l’édifice, ceux grâce à qui tous peuvent se réunir, ceux qui nous apprennent à regarder vers le haut tout en nous ancrant dans la terre ? Ce rêve se décline de bien des manières dans les synthèses. Celles-ci montrent combien l’Église a besoin de donner des signes crédibles, qui traduisent vraiment la Parole de Dieu et soient parlants pour nos contemporains. Ces signes n’ont pas leur fin en eux-mêmes : ils sont au service d’une Église plus fraternelle, honorant l’égale dignité de tous les baptisés.
2.1. Poursuivre l’expérience de la synodalité
Marcher au rythme des plus fragiles et des plus abîmés est le meilleur moyen de marcher au rythme de tous, mais surtout celui du Christ.
Diaconie du diocèse de Fréjus-Toulon
Les communautés paroissiales admettent largement l’absence des plus fragiles en leur sein mais peinent à dépasser les seules incantations quant à la place des pauvres et des plus éprouvés. Or, ces derniers – lorsque leurs contributions ont été recherchées et retenues – rappellent souvent qu’ils sont bien là et esquissent une promesse : si les chrétiens veillent à marcher « au rythme des plus fragiles », ils discerneront avec plus de clarté la présence du Christ et ses appels. Cet apprentissage d’une manière de marcher et d’écouter est au centre de l’expérience synodale.
L’expérience synodale à l’échelle diocésaine est massivement identifiée comme un moment de joie et de communion. C’est une expérience heureuse que de parler librement, en vérité, sans recouvrir les désaccords sous des compromis hâtifs. L’espérance grandit lorsque les chrétiens découvrent l’intérêt de prêter attention à des voix qu’on n’écoute pas d’ordinaire.
Les laïcs souhaiteraient plus d’écoute et des relations moins hiérarchiques entre laïcs, et entre laïcs et prêtres. Ainsi, ils acquièrent la liberté d’oser proposer des initiatives à l’ensemble de la paroisse et attendent qu’elles soient accueillies.
Diocèse de Belfort-Montbéliard
La synodalité est un apprentissage, car l’écoute, le dialogue et le discernement s’approfondissent chemin faisant. Il existe déjà des lieux et des cadres de dialogue fraternel dans l’Église, au plan des paroisses, des doyennés ou des diocèses. Lorsque la parole y est reçue avec bienveillance, ce sont les lieux d’un cheminement synodal effectif, reconnu comme tel dans les synthèses. Cet apprentissage de la synodalité invite à des conversions : se laisser instruire par la manière dont la Parole de Dieu est reçue par les baptisés, apprendre à ouvrir des chemins plutôt qu’à donner des réponses.
Accepter de se convertir, « d’être bousculé », est également tout à fait indispensable.
Diocèse d’Évreux
Cette expérience synodale se différencie nettement d’un sondage d’opinion : ceux qui y ont participé disent avec quelle attention ils ont cherché à se mettre sous la conduite de l’Esprit Saint ; dans ce but, ils ont souvent ancré leurs échanges dans la méditation des Écritures. Il a fallu pour cela traverser un scepticisme largement partagé quant à la capacité de l’Église à se réformer réellement, à vivre la synodalité en actes et non seulement en paroles. Une fois l’expérience faite, les synthèses expriment très largement le désir que l’expérience se poursuive, notamment en ce qui concerne l’effort d’écoute mutuelle. Une attente s’exprime, qu’il faut bien prendre garde de ne pas décevoir.
Cette méfiance s’enracine dans des expériences passées, sans lendemain malgré les promesses.
Diocèse de Rouen
2.2. Des ministères au service de la rencontre de Dieu et des personnes
L’Église doit avoir toujours une porte ouverte. Jésus nous y tend les bras avec l’accompagnement des prêtres.
Ce groupe de chrétiens en souffrance psychique rapproche l’accompagnement des prêtres et l’ouverture d’une porte, signe de l’accueil du Christ. De fait, les ministères sont des signes de la manière dont la Parole de Dieu rejoint l’humanité et agit dans l’Église. C’est pourquoi les personnes les plus fragiles évoquent le rôle irremplaçable des ministres, mais aussi les difficultés dans les relations avec eux. Pour ouvrir la porte de la foi et accomplir sa mission dans le monde que nous connaissons, de quels ministères l’Église a-t-elle besoin, et comment améliorer leur mise en œuvre ?
Les diocèses manifestent une réelle reconnaissance à l’égard des prêtres et de leur engagement, dont on lit combien il est un signe précieux. On devine la difficulté de la mission qui incombe aux prêtres tant les attentes exprimées sont plurielles et contradictoires.
De manière spécifique, la charge des curés interroge : on regrette qu’il leur soit difficile de demeurer disponibles dans des paroisses qui s’étendent. Les baptisés semblent les rappeler à leur vocation : ils sont là pour accompagner les personnes plus que pour diriger une paroisse à la manière d’une entreprise. Des problèmes relationnels sont largement évoqués : autoritarisme, difficultés dans les relations avec les femmes, attitude surplombante plus que fraternelle, au point que beaucoup de synthèses évoquent ouvertement de graves inquiétudes pour l’équilibre et la santé des prêtres, ou les difficultés pour que des prêtres venus d’autres cultures réussissent à trouver leur place dans l’Église telle qu’elle existe en France.
La formation des prêtres est souvent évoquée, dans deux directions. D’une part, on trouve à plusieurs reprises la suggestion d’une formation commune aux ministres ordonnés, aux ministres institués et à tous les baptisés. D’autre part, c’est dans la formation humaine des futurs prêtres (les qualités relationnelles, l’équilibre personnel, la capacité à gouverner et à communiquer) que les synthèses marquent la nécessité d’une évolution.
Il est régulièrement souhaité que le célibat des prêtres soit laissé au libre choix de ceux-ci, de sorte que l’ordination presbytérale et le mariage soient compatibles.
Derrière l’exigence clairement exprimée d’un rééquilibrage des responsabilités entre clercs et laïcs, c’est la soif d’un véritable compagnonnage spirituel entre baptisés de différents états de vie qui se manifeste : frustration de ne pas partager assez avec les consacrés, d’avoir des prêtres trop accaparés par les tâches de gestion pour partager des moments gratuits.
Diocèse de Paris
On trouve étonnamment peu de références au ministère diaconal, dont la spécificité n’est pas évoquée dans les synthèses. Par ailleurs, beaucoup de catholiques n’ont pas spontanément parlé des évêques lorsqu’ils ont évoqué l’Église. Lorsque ces mentions arrivent, elles laissent deviner soit une communion de pensée, soit des tensions non résolues – voire seulement sous-entendues – dans certaines Églises diocésaines.
Les ministères institués (ministères de lecteur, acolyte, catéchiste) sont mentionnés avec des invitations pressantes pour que les diocèses s’en saisissent, afin que ces ministères puissent donner, eux aussi, des signes crédibles de la Parole et de la présence de Dieu. Il existe ici une attente urgente à l’égard des évêques : que ces ministères, désormais ouverts aux hommes et aux femmes, fassent l’objet d’une explicitation et d’une véritable mise en œuvre.
2.3. Hommes et femmes : vivre l’égale dignité baptismale
L’Église ça veut dire transformer ton cœur en plus grand.
Shirelle, aumônerie catholique des voyageurs, province du Nord
Comme d’autres, les gens du voyage qui se sont exprimés font ressortir l’image de l’Église comme un lieu qui élargit le cœur de ses membres et qui est infiniment précieux pour cette raison, et simultanément comme un lieu où tant de regrettables étroitesses se manifestent. Pour ce qui est de la place des femmes, cette conjonction apparaît nettement.
Sur la question de la place faite aux femmes dans l’Église, les synthèses perçoivent une urgence ainsi que d’innombrables blessures. Les blessures viennent des difficultés dans les relations avec les prêtres et les évêques, de la criante disproportion entre le nombre de femmes engagées dans l’Église et de femmes qui sont en situation de décider. Si le service des femmes est apprécié, leur voix paraît ignorée. Qu’elles contribuent effectivement aux multiples discernements des Églises locales est l’objet d’une attente criante. C’est ici qu’une urgence est identifiée dans bien des synthèses. La manière dont les femmes sont traitées dans l’Église n’est pas ajustée à la mission de celle-ci, à une époque où l’égalité entre les hommes et les femmes est devenue une évidence commune. Les douleurs sont d’autant plus grandes qu’elles procèdent de cette conviction : l’Église se prive ainsi d’innombrables charismes et de possibilités réelles de sortir de l’entre-soi clérical.
Sur la place des femmes tout le monde bouge sauf l’Église. […] Nous sommes révoltées par l’inégalité entre les femmes et les hommes, et ce dès le plus jeune âge, au sein de l’Église. Nous souhaitons un autre modèle pour nos enfants.
Mission de France (contribution d’un groupe de femmes trentenaires)
On lit aussi de nombreuses demandes pour que les femmes puissent recevoir l’ordination diaconale. Le ministère des diacres n’étant guère identifié dans sa spécificité, cela renvoie à l’attente d’« un premier pas symbolique important » (Promesses d’Église) – et à la requête, déjà évoquée, que la prédication puisse être prononcée par des femmes pendant la messe. Un peu moins souvent, même si elle est largement récurrente, on trouve la demande que les femmes puissent être ordonnées prêtres.
La place des femmes dans la hiérarchie catholique est à repenser complètement, d’urgence et en profondeur, y compris théologiquement, de nombreuses contributions insistent sur ce point.
Diocèse de Périgueux
2.4. La gouvernance : reconnaître et valoriser les charismes
Qu’est-ce qui peut aider dans l’Église ?
Quand je suis accepté et que je peux donner : j’aime apporter quelque chose, tout simple mais j’aime donner.
Communauté du Sappel, diocèse de Chambéry
Ces personnes du Quart Monde expriment leur aspiration à donner et pas seulement à recevoir. Dans cette ligne, ce qui concerne la gouvernance dans l’Église ne renvoie pas d’abord à une bonne administration, mais plutôt à la valorisation des charismes, à l’accueil de ce que chacun peut offrir à la communauté.
À tous les niveaux, les communautés ecclésiales ont intérêt à se constituer à partir des charismes de chacun ; cela permet à chaque baptisé d’exercer la responsabilité qui lui revient et de prendre sa part de la mission dans la société et dans l’Église. Les synthèses expriment de nombreuses tensions à ce sujet, par exemple l’expérience récurrente d’abus de pouvoir, l’aspect « pyramidal » de la gouvernance, la peur du conflit qui invite à cacher les problèmes plutôt qu’à les traiter, l’arrivée d’un nouveau curé qui impose une direction contraire à celle qui prévalait jusqu’alors dans une paroisse…
À ces tensions répondent des aspirations : que les envois en mission soient clairs et explicites, que les mandats soient limités dans le temps, que la relecture des missions et de la vie communautaire soit pratiquée régulièrement et sérieusement. On n’attend pas que tous les baptisés fassent tout, mais plutôt une certaine transparence quant aux processus de décision et aux questions financières.
La coresponsabilité découle du fait que la mission est confiée à tous les baptisés (clercs et laïcs, hommes et femmes). Il faut repartir non pas exclusivement de la charge confiée mais du ministère baptismal de chacune et chacun. Le cléricalisme est un fléau où clercs et laïcs ont une responsabilité conjointe. […] La coresponsabilité est au service de la mission d’évangélisation.
Diocèse de Coutances et Avranches
Bien sûr, certains aspects sont paradoxaux : les chrétiens demandent à participer davantage à la réflexion et aux responsabilités, mais beaucoup de synthèses reconnaissent la difficulté à s’engager dans la durée.
Avoir le souci de la représentativité : diversité des origines socio-culturelles et des générations pour que le discernement soit le plus juste et le plus objectif possible.
Diocèse d’Évry – Corbeil-Essonnes
À l’échelle des diocèses, on trouve trois types de demandes. D’abord, que d’authentiques contre-pouvoirs existent – par exemple avec des conseils composés de baptisés élus –, car la dimension synodale de la gouvernance ne dépend aujourd’hui que de la bonne volonté des évêques. Ensuite, l’existence d’une réelle subsidiarité, qui ne consiste pas à déléguer seulement les tâches, mais aussi à déléguer la prise de décisions au niveau concerné ! Enfin, que les laïcs appelés à des responsabilités se voient proposer une formation appropriée, qui puisse aussi bénéficier à l’ensemble des baptisés. L’enjeu est ici la réception du concile Vatican II et de son enseignement sur l’Église.
2.5. La liturgie : articuler profondeur et fraternité
Dès que je passe les portes de la chapelle, je retrouve mes frères et ma sœur, je ne suis plus qu’un avec les autres, communion puissante. Tout ce qui est difficile dans la semaine va s’effacer comme par magie.
Aumônerie de la maison d’arrêt de Caen
La ferveur du détenu qui parle ici nous renvoie à la liturgie comme signe concret de ce qu’est l’Église. Célébrer Dieu s’avère une expérience de profondeur, capable de transfigurer un quotidien difficile et d’aider à l’habiter ; c’est aussi un temps de fraternité, de communion avec les autres. Cette double aspiration s’exprime largement dans les synthèses.
Beaucoup de synthèses disent combien la liturgie eucharistique est centrale dans la vie de foi des catholiques. Certains – comme ceux qui sont attachés au missel romain de 1962 (forme ancienne du rite) – aspirent à ce que la célébration de la messe réponde davantage à la soif d’intériorité des baptisés. Les synthèses relèvent également que l’eucharistie est essentielle à la constitution même des communautés. Pourtant, la liturgie apparaît largement comme un lieu de tensions, entre souplesse pastorale et attachement aux rituels, entre estime pour la richesse des symboles liturgiques et interrogations devant un langage devenu inintelligible pour beaucoup.
Bien des synthèses notent aussi que la liturgie peut constituer un moment privilégié d’intégration communautaire. Cela se vérifie à l’égard des plus fragiles, avec la question de la prise en compte des handicaps (comme la surdité) ou l’espérance souvent déçue d’être accueilli comme un frère ou une sœur. Cela se vérifie également pour les plus jeunes : ils aspirent fréquemment à s’impliquer dans la préparation et la célébration de la liturgie, mais se sentent peu sollicités par des communautés où dominent d’autres générations.
Pourquoi les églises sont tristes ? La messe est trop longue, trop de paroles. On passe son temps à écouter et on ne comprend pas. La prière au KT c’est plus simple, là on chante, on bouge, on prépare, c’est mieux. Jésus a réussi à célébrer, il priait beaucoup.
Enfants du catéchisme, diocèse d’Autun
Ces mots rejoignent trois aspirations. La première, déjà nommée, concerne la diversification des liturgies au profit de célébrations de la Parole, de temps de prière qui accordent une place centrale à la méditation des Écritures. La seconde, moins fréquente, rappelle l’importance des pèlerinages et de la piété populaire. La troisième envisage une formation liturgique renouvelée, pour faire face à ce que beaucoup de synthèses pointent comme l’irrecevabilité du langage courant dans l’Église.
Enfin, les mentions d’un profond désaccord avec le refus que des filles servent à l’autel ou que des femmes entrent dans le chœur pour un service liturgique sont si nombreuses, qu’on ne peut douter d’une réelle souffrance vécue et d’une attente pressante à ce sujet.
3. Vivre en frères et sœurs dans le Christ
L’Église doit être ouverte, sortir vers les gens, prendre le temps de la rencontre, de l’écoute. Elle doit donner la parole à tous, être une Église qui encourage, ainsi la lumière, la paix, inonderont les cœurs. Une Église qui porte un regard qui ne juge pas.
Groupe Place et parole des pauvres, diocèse d’Arras
L’espérance exprimée par les membres de ce groupe « Place et parole des pauvres » est largement partagée ; sans doute leur situation rend-elle d’autant plus brûlante cette soif d’écoute dans l’Église. Elle est liée au désir de trouver dans les communautés catholiques soutien et absence de jugement. Dans une société saturée d’images et d’activités, mais où les souffrances et inquiétudes sont innombrables, la capacité à accueillir et à encourager apparaît comme le meilleur témoignage rendu au Christ.
3.1. Servir la fraternité
Ne pas avoir peur d’aller chercher les personnes qui ont peur de rentrer, ne pas cesser de rechercher les personnes les plus pauvres et changer le regard pour que l’Église soit plus accueillante envers les plus pauvres.
Fraternité de La Pierre d’Angle
La peur d’accueillir, d’annoncer, de rencontrer, peut paralyser les communautés chrétiennes. Mais les personnes du Quart Monde qui composent cette fraternité signalent combien d’autres ont peur de s’approcher de l’Église, se sentent illégitimes, indésirables. Cette double réalité, largement exprimée, provoque l’Église à cultiver la fraternité.
Les synthèses expriment fréquemment un manque de proximité et une soif de fraternité. Pour bien des diocèses, la proximité fait défaut dans l’actuel modèle paroissial, qui couvre des territoires de plus en plus vastes. La volonté missionnaire d’annoncer et d’accueillir dépend, selon beaucoup de synthèses, de la possibilité de relations proches, avec des acteurs pastoraux identifiés. Plusieurs diocèses ruraux lancent un véritable cri d’alarme, tant l’histoire récente de l’Église y est vécue comme un éloignement progressif qui engendre de la souffrance.
Dès lors, la soif de fraternité génère de multiples propositions à des niveaux autres que les paroisses. Dans ce cadre sont mentionnés les mouvements, qui offrent diverses occasions de rencontre et de partage, et nourrissent la foi et l’engagement des catholiques.
Surtout, beaucoup de synthèses appuient l’idée que la constitution de petites équipes fraternelles est une échelle pertinente pour vivre dans l’Église aujourd’hui. Elles citent en exemples des fraternités de proximité, soit à l’échelle d’un village ou d’un quartier, soit pour méditer la Parole de Dieu, soit autour des plus fragiles, soit en compagnie de ceux qui ne trouvent guère leur place dans les paroisses. Ce sont des espaces de créativité et de compagnonnage dans la durée.
Les joies en Église sont essentiellement liées à un vécu de groupe (de services, de prière…), en petite communauté ou en fraternité. […] La joie est aussi celle d’une écoute inconditionnelle reçue ou partagée. Ces petites fraternités sont des lieux amicaux où se vit la convivialité qui a fait défaut durant la période de la pandémie.
Diocèse de Quimper et Léon
A contrario, résonne souvent la souffrance de ceux qui se sentent exclus des communautés et/ou des sacrements (personnes homosexuelles, divorcées et remariées, etc.), ainsi que de ceux qui sont témoins de telles exclusions. Selon un nombre élevé de synthèses, celles-ci constituent de sérieux contre-témoignage.
Beaucoup de gens ont souligné que l’accueil de l’Église doit être inconditionnel, sans jugement, sans préjugés, respectueux, humble et bienveillant. […] Toute exclusion de sacrements liée à l’état de vie suscite incompréhension et tristesse et paraît opposée à l’accueil de tous qu’a pratiqué le Christ.
Diocèse de Toulouse
Quant aux jeunes générations, elles n’ont rien d’homogène, si bien que de grandes différences de sensibilités apparaissent clairement. Certains adolescents ou jeunes adultes expriment à l’égard de l’Église enthousiasme et confiance. Beaucoup d’autres disent leur attente d’une Église plus accessible et fraternelle, à tous niveaux : avec un langage plus compréhensible, des communautés plus ouvertes et accueillantes, capables de proposer un vrai ressourcement spirituel.
3.2. Cultiver l’écoute et le dialogue
Nos différences ne portent pas que sur des points de détail. […] Que chacun reconnaisse avec humilité que ce qui est important pour l’un l’est peut-être moins pour l’autre, mais que tous sont frères et sœurs en Christ. Il ne s’agit pas de vivre les uns à côté des autres, en créant des clans par affinités qui ne se parleraient pas. Il s’agit de chercher ensemble comment avancer vers le Christ, et d’écouter ce que chacun a à dire pour nous laisser transformer personnellement par le dialogue. Des lieux et des moments d’accueil, d’écoute, de partage, peuvent permettre cette communion.
Communauté de Taizé
La difficulté du dialogue avec ceux qui ne se reconnaissent pas dans l’Église catholique est reconnue, mais le dialogue n’est pas moins difficile entre catholiques. Beaucoup de synthèses mentionnent ces deux niveaux. L’Église est invitée à développer en son sein une véritable culture de l’écoute et du dialogue, pour que les catholiques soient d’autant plus à même d’entrer en dialogue avec d’autres.
Chemin faisant, au cours du processus synodal, l’écoute, le dialogue et le pardon sont apparus essentiels pour que les relations fraternelles s’approfondissent.
Importance du travail en groupe, de vivre une réelle solidarité pour être vraiment frères.
Importance des cafés partagés, des apéros partagés…, de temps festifs en communauté.
Diocèse de Chartres
Beaucoup de synthèses signalent également l’intérêt de « tiers-lieux » : des lieux pensés pour permettre un dialogue avec les non-chrétiens, des lieux où il est possible de rencontrer des personnes qui n’entrent pas d’ordinaire dans les églises. C’est d’autant plus important que le langage de l’Église et de ses pasteurs apparaît largement difficile à comprendre, tant il semble déconnecté de l’expérience quotidienne. Tout ce qui permet à des catholiques de rencontrer des habitants de leur quartier ou de leur village est nettement mis en avant dans les synthèses. Ces mêmes « tiers-lieux » correspondent également aux endroits où s’incarnent les innombrables engagements des catholiques dans la solidarité avec les familles en précarité, avec les personnes malades, dans l’accompagnement des migrants…
L’enseignement catholique apparaît comme une opportunité pour une présence d’Église et une annonce explicite de l’évangile.
Diocèse de Saint-Brieuc et Tréguier
Au-delà de cette question des lieux, les synthèses diocésaines ne remettent pas en question la laïcité des institutions publiques, mais elles notent que la culture laïque de notre pays rend difficile le témoignage explicite des chrétiens, ou même la possibilité d’aborder avec d’autres les enjeux spirituels essentiels à toute vie.
Dans ce contexte, la mission de l’Église est presque toujours conçue sur le mode du dialogue et du partage d’expériences, pour deux raisons. D’abord, il importe d’accueillir ce que la société dans laquelle nous vivons nous apprend de bon ; on trouve ainsi quelques références à la préoccupation écologique partagée par les catholiques. Ensuite, un nombre considérable de synthèses sont habitées par la conscience qu’une profonde humilité conditionne le témoignage que l’Église peut donner et le service qu’elle est en mesure d’offrir. Toute tentative de donner des leçons est désormais irrecevable pour ceux à qui, précisément, on voudrait s’adresser. Les nombreuses demandes de formation à l’écoute et au dialogue attestent une recherche de cet ordre.
Enfin, l’œcuménisme est peu évoqué, sinon sur le mode d’une aspiration insatisfaite. Pourtant, là où il est vécu, il provoque joie et enrichissement mutuel, et constitue un signe heureux pour la société fragmentée dans laquelle nous vivons.
Conclusion
Nous rêvons d’une Église […] où l’Esprit Saint puisse agir et susciter de la nouveauté, prête à accompagner les mutations de nos sociétés, débarrassée d’un certain nombre de lourdeurs dans son fonctionnement, avançant résolument vers l’unité, où la parole soit libre, toujours attentive aux petits et aux laissés pour compte, priante et confiante en son Créateur et en son Sauveur.
Diocèse de Chambéry, Maurienne et Tarentaise
On repère dans les synthèses deux promesses particulièrement stimulantes, étroitement liées l’une à l’autre : elles ont pour objet la Parole de Dieu (partie I) et la fraternité (partie III). La Parole de Dieu est reconnue comme une source de sens, de cheminement spirituel et de communion, que l’Église a pour mission de rendre plus accessible. L’accueil commun de cette Parole engendre une fraternité qui se déploie de différentes manières ; les synthèses insistent pour que le niveau de proximité le plus grand soit aussi le plus cultivé. Cette fraternité passe par l’écoute et le dialogue, en cherchant à répondre fidèlement aux appels de l’Esprit Saint : c’est là le cœur de l’expérience synodale.
Pour annoncer la Parole de Dieu par et dans la fraternité, l’Église a besoin de signes crédibles de la proximité de Dieu (partie II). Ceux-ci n’ont pas leur fin en eux-mêmes, mais participent à faire de l’ensemble du corps ecclésial un « sacrement » de l’appel que Dieu adresse à notre humanité. Les pistes pour que ce « rêve » devienne réalité sont déjà nombreuses : elles nourrissent notre espérance, et nous invitent maintenant à de nouvelles conversions.