Le pape François et l’unité des chrétiens

pape François et l'unité des chrétiens

Tout au long de son pontificat, le Pape François a fait de l’unité des chrétiens une priorité, appelant constamment à surmonter les divisions entre les différentes confessions chrétiennes. Il a multiplié les rencontres avec les dirigeants lors des audiences ou des visites apostoliques, notamment en Suisse (juin 2018) ou au Soudan du Sud (2023). Nous vous proposons de découvrir divers éclairages dans cet article.

portrait du P. Miguel Desjardins

La priorité de la rencontre : les subtils contours de l’engagement œcuménique du pape François

Le pontificat du pape François marque l’histoire de l’unité des chrétiens. Incontestablement, l’un des plus hauts moments aura été la veillée de prière œcuménique « Together » du 30 septembre 2023 sur la place Saint-Pierre, rassemblant dix-neuf responsables chrétiens de confessions diverses, image forte de l’oecuménisme en marche.

Le 266ᵉ pape a fait preuve d’un zèle inlassable pour l’unité du Corps du Christ en faisant valoir la dimension irrémédiablement œcuménique de la mission de l’Église. L’œcuménisme est un sujet si important pour le pape François qu’il lui a consacré une section spécifique dans le document qui fixe l’agenda de son pontificat, Evangelii Gaudium [1], publié dès sa première année sur le Siège de Pierre. Dans cette exhortation apostolique, il rappelle aux catholiques que tous les chrétiens sont des pèlerins qui cheminent les uns à côté des autres. « Cela signifie que nous devons avoir une confiance sincère dans nos compagnons de pèlerinage, en écartant tout soupçon ou méfiance, et tourner notre regard vers ce que nous recherchons tous : la paix rayonnante du visage de Dieu. Faire confiance aux autres est un art et la paix est un art »[2].

À l’autre bout de son pontificat, l’audacieux Synode sur la synodalité a conclu que « L’intensité de l’élan œcuménique est l’un des fruits les plus significatifs du Synode 2021-2024 »[3]. Le document final promulgué par le pape François a réaffirmé « l’engagement de l’Église catholique à poursuivre et à intensifier le cheminement œcuménique avec les autres chrétiens, en vertu de notre baptême commun, et en réponse à l’appel à vivre ensemble la communion et l’unité entre les disciples, pour lesquelles le Christ a prié lors de la dernière Cène (cf. Jn 17, 20-26) »[4]. Commentant le synode, le pape déclarait que « Le chemin de la synodalité, que l’Église catholique est en train de parcourir, est et doit être œcuménique, de même que le chemin œcuménique est synodal »[5]. La présence active lors du Synode de « délégués fraternels » issus de diverses confessions chrétiennes en est une manifestation emblématique.

La veille de l’Année sainte 2025, le pape François attirait l’attention sur la recherche avec les autres Églises d’une date de Pâques qui soit commune et pérenne [6], et sur les possibilités œcuméniques de la célébration. D’autant plus que le jubilé coïncide avec les célébrations du 1700e anniversaire du Concile de Nicée. Une croyance partagée dans les déclarations de foi du Credo et un baptême commun sont à la base des efforts visant à restaurer l’unité des chrétiens. Cela a conduit à l’ « œcuménisme des martyrs » – une référence à l’assassinat de chrétiens sans tenir compte de la confession à laquelle ils appartiennent : « Ces martyrs appartenant aux différentes traditions chrétiennes sont aussi des semences d’unité, car ils expriment l’œcuménisme du sang. C’est pourquoi je souhaite ardemment qu’il y ait au cours du Jubilé une célébration œcuménique, afin que la richesse du témoignage de ces martyrs soit mise en évidence » [7]. Dans ce sens, rappelons la décision du pape François de reconnaître des saints d’une confession chrétienne autre que catholique, tel que les vingt-et-un martyrs – dont vingt coptes-orthodoxes – assassinés par Daech, inscrits sur le martyrologe romain en 2023. S’ajoute à cela la proclamation en 2015 de Saint Grégoire de Narek – de l’Église apostolique arménienne – comme docteur de l’Église, dans le prolongement de son introduction dans le martyrologe romain en 2001. Tout cela témoigne du fruit des rencontres et dialogues qui se poursuivent avec les autres Églises et communautés chrétiennes sous le pontificat de François.

Mais pour le pape François, l’œcuménisme doit aller au-delà des accords et des discussions théologiques, qui demeurent importants. Il a toujours opté pour une culture de la rencontre basée sur des gestes de proximité et d’amitié personnelle avec les responsables des différentes confessions chrétiennes en multipliant présents (don ou prêt de reliques, pièces de musée…) et voyages dans des pays à majorité orthodoxe ou protestante (comme en Suède en 2016 pour commémorer les 500 ans de la Réforme). Autant de signes forts, mais délicats, comme le fait de restaurer à l’évêque de Rome le titre de « Patriarche de l’Occident ». Il rappelle ainsi le lien qui unissait les cinq Sièges (Rome, Constantinople, Alexandrie, Antioche et Jérusalem) lors du premier millénaire et l’expérience de la synodalité et de l’unité vécues dans la Tradition apostolique.

De maintes manières, le pape François a insisté sur le caractère essentiel des rencontres et de la prière les uns pour les autres dans notre cheminement vers la pleine communion. En 2016 il disait déjà, « C’est pourquoi j’aime répéter que l’unité se fait en marchant, pour rappeler que quand nous marchons ensemble – c’est-à-dire quand nous nous rencontrons comme des frères, nous prions ensemble, nous collaborons ensemble dans l’annonce de l’Évangile et dans le service aux derniers – nous sommes déjà unis » [8].

Le pape François encourage les chrétiens, en particulier ceux qui participent aux efforts œcuméniques, à s’efforcer de parvenir à une « diversité réconciliée » [9]. Son Pontificat témoigne de sa confiance dans l’action de l’Esprit Saint « pour éclairer la voie vers un ministère d’unité acceptable pour la communion des Églises, comme le veut le Christ » [10]. Il s’agit de se disposer pour recevoir un don venant de Dieu. « L’unité ne viendra pas comme un miracle à la fin : l’unité vient dans le cheminement, c’est l’Esprit Saint qui la fait dans le cheminement. Si nous, nous ne marchons pas ensemble, si nous ne prions pas les uns pour les autres, si nous ne collaborons pas dans beaucoup de choses que nous pouvons faire ensemble dans ce monde pour le Peuple de Dieu, l’unité ne viendra pas ! Elle se fait dans ce cheminement, à chaque pas, et nous ne la faisons pas nous : c’est l’Esprit Saint qui la fait, qui voit notre bonne volonté » [11].

P. Miguel Desjardins, ccn,
Délégué national pour l’unité des chrétiens,
Conférence des évêques de France,

[1] Pape François, Evangelii Gaudium. Sur l’annonce de l’Évangile dans le monde d’aujourd’hui, 24 novembre 2013.

[2]  Op. cit., n.244.

[3] XVIe Assemblée générale ordinaire du Synode des évêques, Pour une Église synodale : communion, participation, mission. Document final, n.137.

[4]  Op. cit., n.40.

[5]  Pape François, Discours à Sa Sainteté Mar Awa III, 19 novembre 2022.

[6] Pape François, Spes non confundit. Bulle d’indiction du Jubilé ordinaire de l’année 2025, 19 mai 2024, n.17.

[7] Op. cit., n.20.

[8]  Pape François, Aux Participants à l’Assemblée plénière du Conseil pontifical pour la promotion de l’Unité des chrétiens, le 10 novembre 2016.

[9]  Pape François, Veillée de Pentecôte, Cirque Maxime, le 3 juin 2017.

[10] Dicastère pour la promotion de l’unité des chrétiens, L’évêque de Rome. Primauté et synodalité dans les dialogues œcuméniques et réponses à l’encyclique Ut Unum Sint, 13 juin 2024.

[11] Pape François, Homélie lors de la célébration des vêpres en la solennité de la conversion de Saint-Paul apôtre, le 25 janvier 2014.

Événements majeurs pour le pape François et l’œcuménisme

Le Patriarche œcuménique à la messe d’installation du pape François, un signe historique d’unité

Fait œcuménique très marquant ! Pour la première fois depuis le Grand schisme de 1054 entre catholiques et orthodoxes, le Patriarche œcuménique de Constantinople, Bartholomée Ier, assiste à la messe d’installation le 19 mars 2013 du pape François. La participation de Bartholomée Ier à l’intronisation du pape François illustre la volonté de dialogue et de rapprochement entre les Églises catholique et orthodoxe, poursuivant ainsi les efforts œcuméniques initiés par leurs prédécesseurs.

patriarche Batholomée Ier

La rencontre historique entre le pape François et le patriarche orthodoxe russe, Kirill

En escale à l’aéroport de La Havane (Cuba), le pape François a rencontré en tête-à-tête le patriarche orthodoxe russe Kirill, le 12 février 2016, franchissant un pas historique. Dans une déclaration commune, les deux dirigeants de confessions chrétiennes ont regretté : « les blessures causées par des conflits d’un passé lointain ou récent. » Cette rencontre était la première entre un pape de Rome et un patriarche orthodoxe russe depuis le schisme de 1054 entre les Églises d’Orient et d’Occident. Cette rencontre historique a marqué un pas important vers le rapprochement entre l’Église catholique et l’Église orthodoxe russe, ouvrant la voie à une coopération accrue entre les deux confessions.

Patriarche Kirill de Moscou et le pape François à Cuba

Le voyage du Pape en Arménie sous le signe de l’œcuménisme et de la paix

En juin 2016, le pape François a rencontré Karekine II (Garéguine II), patriarche suprême et Catholicos de tous les Arméniens, lors de sa visite à Etchmiazdin, le «Saint-Siège» de l’Église apostolique arménienne. Le pape a condamné le génocide arménien, qu’il avait qualifié en 2015 de « premier génocide du XXe siècle ». Dans le livre des visiteurs du Mémorial du Génocide, il a écrit un message appelant à la paix et à la préservation de la mémoire du peuple arménien. Ce voyage a renforcé les liens entre l’Église catholique romaine et l’Église apostolique arménienne, s’inscrivant dans une démarche de fraternité et de coopération œcuménique

le Pape et Karekine en Arménie

Le Pape accueilli en Suède pour le 500ᵉ anniversaire de la réforme de Martin Luther

Le pape François s’est rendu en Suède le 31 octobre 2016 pour commémorer les 500 ans de la Réforme protestante. Cette visite historique a eu lieu à Lund, où le Pape a participé à une cérémonie œcuménique à la cathédrale luthérienne et signé une déclaration commune avec la Fédération luthérienne mondiale. Lors de cette commémoration, le pape François a reconnu avec gratitude la contribution de la Réforme dans l’histoire de l’Église, a loué l’expérience spirituelle de Martin Luther et a souligné l’importance de demander pardon pour les erreurs du passé.

le pape et la 500e réforme luthérienne

Pèlerinage à Genève pour les 70 ans du Conseil œcuménique des églises (COE)

Le 21 juin 2018, le Conseil œcuménique des églises (COE) qui regroupe les protestants et les orthodoxes, fête ses 70 ans. Le Pape a participé à une « prière œcuménique » montrant son engagement pour promouvoir l’unité des chrétiens.

70 ans en 2018 du COE

Le pape en Grèce et à Chypre à la rencontre des chrétiens orthodoxes

En décembre 2021, le Pape se rend dans deux pays méditerranéens, la Grèce et Chypre. Le volet œcuménique du voyage du pape François en Grèce et à Chypre revêt une importance capitale. Dans ces pays à majorité orthodoxe, le Pape cherche à faire progresser la cause de l’unité entre chrétien. Ce voyage s’inscrivait dans la continuité des efforts œcuméniques du Vatican, marquant des progrès depuis la visite de Jean-Paul II en 2001.

Grèce