Appelés à tout donner dans la vie consacrée

Élodie, Marie-Madeleine, Neil et Anne-Catherine ont été consacrés au cours de l’année 2021. Chacun dans une famille spirituelle différente, chacun selon son parcours, son appel. À l’occasion de la journée mondiale de la vie consacrée, ce 2 février, ils témoignent ! Par Florence de Maistre.

“Donner le Seigneur aux autres et en témoigner”

Élodie Soulard, 35 ans, vit à Châtillon (92). Musicienne, concertiste, elle a fait de sa passion de l’accordéon son métier. Elle a été consacrée dans l’Ordre des vierges pour le diocèse de Nanterre par Mgr Matthieu Rougé le 2 octobre 2021.

“Du plus loin que je me souvienne, j’ai toujours su que la musique serait toute ma vie. C’est un peu ma première vocation. Mes parents, qui ne sont ni musiciens ni chrétiens, m’ont raconté comment dès l’âge de 3 ans, j’ai flashé sur l’accordéon et demandé à jouer de cet instrument. Il y a une dizaine d’années, j’ai ressenti l’appel à la vie consacrée, un appel à tout donner. J’étais d’abord très attirée par la vie monastique. Mais le temps du discernement m’a permis de voir où le Seigneur me voulait : en ce monde, en gardant mon métier. Ma consécration vient sur une vie déjà ancrée au sein de l’Église et au sein du monde. J’ai désormais une double mission.

Du côté de la paroisse, j’ai divers engagements : entretien de la sacristie, équipe d’accompagnement des catéchumènes, équipe de préparation au baptême, accompagnement des néophytes. J’ai surtout une présence de prière. Ma vie radicale, donnée au Seigneur, interpelle. Je sens une grande fécondité pour la paroisse dans l’altérité entre la vierge consacrée et le prêtre. C’est le mystère du cœur de Dieu, toujours à découvrir. Du côté de la société, mon ancrage est très beau. Pour les concerts, je voyage beaucoup avec mes collègues. Ils se livrent facilement. Nos échanges sont forts. Je suis surprise par l’Esprit saint, je n’aurais jamais imaginé témoigner dans ces endroits tellement improbables ! Pour la célébration de ma consécration, alors qu’ils ne mettent jamais les pieds à l’église, ils étaient tous réunis. Ils ont joué une pièce de Bach avec tout leur cœur. C’était une belle Église élargie avec l’assemblée des paroissiens, ma famille et mes amis loin de l’Église.Tous sont venus, ont compris l’importance de mon choix. Je suis très heureuse de ce témoignage en ce lieu. Ma marraine de consécration est violoniste.

La consécration change tout et en même temps extérieurement ma vie est la même. J’ai prononcé des vœux privés il y a 5 ans, renouvelé deux fois, comme une sorte de noviciat. Le vrai grand changement s’est trouvé là pour moi. J’ai alors vécu un grand chamboulement intérieur, en me laissant surprendre par le Seigneur. Je lui donne toute ma vie et il me la redonne, mais différemment. Ma manière de vivre la musique, de faire mon métier, de converser a radicalement changé. La musique est désormais un prétexte pour donner le Seigneur aux autres et en témoigner. J’ai vécu le 2 octobre comme un couronnement de mes vœux privés. Mon oui a été entendu par tous ! J’ai ressenti une grande liberté comme, j’imagine, au sortir des fiançailles pour vivre pleinement les épousailles.

J’attends la fête du 2 février avec impatience ! J’espère la vivre en paroisse, où il y a plusieurs visages de la vie consacrée. D’ordinaire notre curé nous rassemble et nous sommes heureux de vivre ce temps de prière ensemble. Je rends grâce au Seigneur pour toutes ses merveilles ! Je suis très touchée de témoigner auprès des personnes loin de l’Église. Ma consécration en a été une manifestation précieuse. Un mariage sans époux étant impossible, certains ont réalisé que Jésus était forcément présent ! La consécration offre de transformer des vies, bien au-delà de tout ce que je peux imaginer.”

“Plus près de mon Créateur”

Sœur Marie-Madeleine a 66 ans. Camerounaise, elle s’est engagée définitivement chez les Bénédictines de l’adoration perpétuelle à Rouen (76) en faisant sa profession perpétuelle le 17 avril 2021 au sein du monastère de l’Immaculée Conception. La chorale camerounaise de l’agglomération rouennaise a joyeusement coloré la célébration présidée par Mgr Dominique Lebrun, évêque de Rouen.

“Après des études dans mon diocèse de Nkongsamba au Cameroun, j’ai suivi des sœurs apostoliques. En 1973, avec notre évêque, nous avons formé un petit groupe de réflexion sur la vie religieuse. Trois ans après, j’ai fait une première profession chez les Sœurs servantes de Marie Immaculée, toujours dans le diocèse de Nkongsamba. Et j’ai encadré le groupe de réflexion pendant vingt ans. Puis des problèmes sont survenus dans le pays et le diocèse. L’évêque a changé. J’ai été parmi les premières personnes écartées après 20 ans de service ! Je suis retournée dans ma famille, j’ai beaucoup prié pour que le Seigneur m’ouvre une autre voie. J’ai accompagné ma mère, puis mon père jusqu’à leur dernier jour, en formulant toujours cette prière : “ouvrez-moi un autre chemin !” Il y a neuf ans, j’ai rencontré les Bénédictines par l’intermédiaire d’un prêtre de Rouen et j’ai été mise en contact avec Mère Prieure. Oui ! Je suis prête à continuer ma route, à suivre Jésus Christ sur son chemin et dans la vie religieuse.” [Le monastère de l’Immaculée Conception à Rouen n’a pas de vocation missionnaire. Mais il tisse des liens privilégiés avec l’Afrique, depuis les années 1930.]

“Depuis ma profession perpétuelle, je me sens plus près de mon Créateur. J’étais une regardante, une espérée, et il m’a appelée ! Il m’a accordé la grâce de prononcer mes vœux perpétuels dans les mains de Mgr Dominique Lebrun. Je suis dans la reconnaissance de son amour ! Par la prière, toute la communauté m’aide à devenir ce que je souhaite : une religieuse bénédictine. Désormais ma vie se passe entièrement avec le Christ. Je reçois Jésus renouvelé en mon âme. Je suis tout le temps en sa présence, je peux causer avec lui continuellement. Au monastère, nous nous occupons de tout : la biscuiterie, l’entretien de la maison. Toutes les activités se vivent dans le silence, la solitude absolue et la prière ! Nous prions pour le monde entier. Notre prière est ouverte à tous ceux qui en ont besoin. Notre spécificité est de porter dans la prière ce qui se vit dans tous les domaines du monde pour que rien ne soit perdu. Nous l’offrons au Seigneur pour que cela devienne le corps et le sang du Christ. Je demande au Seigneur de donner sa lumière à tous ceux qui ne le connaissent pas.

La fête du 2 février est une très grande journée pour nous ! Le monde entier reconnaît notre présence. Cette année, une grande procession partira de la cathédrale de Rouen et la messe sera célébrée chez nous, au monastère. Quelle joie ! Nous ne sommes pas rejetées, nous vivons pour et avec les autres ! Nous prierons aussi pour les vocations : la vie monastique est une vie comme les autres !”

“S’unir à Jésus, devenir son ami intime”

Neil Recudo, 32 ans, est né à Kalibo aux Philippines. Après des études de biologie, il choisit l’enseignement. Puis il prépare un Master of Arts in Religious Education, avant d’être envoyé en mission pendant sept ans comme catéchiste dans une école près de Manille. Ce 14 août 2021, il a fait sa profession temporaire comme laïc consacré de la branche masculine de l’Institut Notre-Dame de Vie à Venasque (84).

“Ce n’est pas moi qui ai choisi la vie consacrée pour donner ma vie au Seigneur. C’est lui qui m’a appelé et m’a choisi pour lui donner ma vie. Personne n’est jamais digne de son appel mais il m’a montré sa miséricorde. Même pour lui dire “oui”, il m’a aidé en me laissant la liberté de m’offrir à lui. La vie consacrée peut être regardée sous cette perspective : c’est Dieu qui appelle et choisit. Ainsi la vie consacrée prend tout son sens : elle est un don gratuit à recevoir. Elle exige discernement, préparation et disponibilité. Ces trois conditions sont difficiles à rassembler dans le monde actuel. Nous sommes tellement sollicités que l’écoute de Dieu en est toute brouillée. Mais donner sa vie au Christ, vivre en lui et avec lui, apporte la joie et la paix. Cette joie et cette paix sont contagieuses, comme le virus, elles se propagent à l’Église et au monde entier !

En 2018, je suis venu en France pour entrer au postulat de l’Institut Notre-Dame de Vie à Venasque. En même temps, j’ai appris le français dans une école du diocèse d’Avignon. Après deux années de formation au centre de solitude de Notre-Dame de Vie, j’ai prononcé mes premiers vœux au cours de la vigile de l’Assomption, la veille du 15 août 2021. Maintenant, j’étudie la philosophie, l’Écriture sainte et la théologie au Studium de Notre-Dame de Vie, institut théologique et séminaire. À l’issue de ces cours, je serai envoyé vivre mon apostolat dans mon pays natal : les Philippines.

Je reste la même personne depuis ma consécration. Néanmoins, mon regard sur la vie et ma relation avec Dieu se sont approfondis. Prononcer les vœux d’obéissance, de chasteté et de pauvreté, me donne une direction à suivre. Le but : c’est de s’unir à Jésus et de devenir son ami intime. Vivre cette consécration dans le monde comme un laïc consacré exige d’être en communion avec Jésus sous la conduite de l’Esprit saint. L’action et la contemplation vont toujours ensemble. Nos constitutions disent que nous devons “agir dans la masse humaine à la manière du ferment dans la pâte par leur présence active auprès de ceux qu’ils doivent évangéliser”. Notre témoignage doit être caché et silencieux, mais efficace, profond et surabondant d’amour. L’image de Marthe et Marie dans les Évangiles me touche particulièrement sur la manière de vivre notre consécration. Il y a cette présence du service et cette contemplation de notre Seigneur. Lui qui contemple son Père et qui sert ses frères. Cette attitude est fondamentale dans l’esprit de notre fondateur, le Bienheureux Père Marie-Eugène de l’Enfant-Jésus et de notre co-fondatrice Marie Pila.

La fête du 2 février invite à redire notre “oui” et “me voici” au Seigneur qui nous a choisis. On laisse Jésus nous prendre dans ses bras pour nous présenter au sein de la Trinité. L’hymne de l’office du 2 février nous invite à préparer nos cœurs pour l’accueillir : “Lumière du Christ, Lumière née de la lumière, Joie éternelle dans nos cœurs, Nous t’acclamons.” Cette lumière sera notre joie, une vraie joie que le monde ne peut pas nous donner. Elle vient de la joie éternelle elle-même : Jésus notre Sauveur, notre frère et notre ami. Dans notre communauté, cette fête sera célébrée avec tous les membres qui pourront venir. Pour moi, ce sera une première comme laïc consacré. Je porterai un regard spécial sur la consécration et sur la façon dont elle prend racine, va grandir et porter des fruits. Pas seulement pour moi et pour notre Institut, mais aussi pour l’Église et pour le monde.”

“Mon cœur de métier : annoncer le Christ !”

Sœur Anne-Catherine Simon, 38 ans, vit en communauté avec cinq autres sœurs du Cénacle au Kremlin-Bicêtre (94). Après des études de gestion et une expérience professionnelle de cinq ans au sein d’une agence de voyage, elle choisit d’entrer dans la congrégation ignatienne Notre-Dame du Cénacle. Elle a fait sa profession perpétuelle le 26 juin 2021, en l’église Saint-Ignace (Paris), en présence de nombreux autres religieux et religieuses. La célébration était présidée par le P. Manuel Grandin, s.j.

“J’ai été très marquée par le scoutisme, dès mes 8 ans jusqu’à ma vie professionnelle. Je sens avec le recul combien cela m’a façonnée : l’importance du service comme manière de se faire proche, l’éducation des jeunes par les jeunes, le sens de l’engagement et l’importance de la parole donnée. La question de la vocation est venue au cours de mes études. J’ai poursuivi mon discernement tout en continuant à travailler. J’étais habitée par cette question : quelle place donner à Dieu ? Était-ce vraiment toute la place ? Au regard de ma soif de radicalité, quelque chose d’une entièreté s’est fait ressentir : pas de demi-mesure ! Cela m’a quand même bousculée, mais je ne regrette pas de mettre le Seigneur au cœur de ma vie. En discernant la congrégation du Cénacle, j’ai aussi choisi une des seules congrégations ignatiennes qui appellent à quitter son métier pour l’apostolat. Désormais mon cœur de métier est d’annoncer le Christ ! Pour moi, le sens de la vocation apostolique c’est de vraiment mettre le Seigneur au centre. En lui donnant tout, je me donne à ceux et celles qui sont sur mon chemin. Aimer Dieu et son prochain ne font qu’un, de manière très concrète, au quotidien. J’ai été appelée à mettre Dieu au centre de ma vie, à poser ce choix radical. Par là, je peux être un signe qui interpelle ceux que je croise, quant à la place qu’ils donnent au Seigneur dans leurs propres vies.

J’ai prononcé mes vœux définitifs, le 26 juin 2021. C’est une date symbolique dans la congrégation : le jour où l’on fait mémoire du texte “Se livrer sans réserve à la conduite de l’Esprit saint” écrit par la Fondatrice. Il a été important dans mon parcours et il a coloré la célébration. Depuis septembre dernier, j’ai débuté une nouvelle mission et j’agis dans une nouvelle perspective : je me suis engagée pour toujours ! Ce n’est plus le temps des vœux temporaires où l’on a le temps de se reposer la question. Pour la première fois, je suis envoyée sur un lieu de mission pour une durée indéterminée ! Je travaille au service de la pastorale des jeunes du diocèse de Créteil et au sein du réseau Magis (réseau ignatien pour les 18-35 ans) à Paris. Depuis ma consécration, mes sœurs me demandent aussi quelques nouveaux services. Très concrètement, par exemple, j’étais éligible lors de notre chapitre provincial en septembre ! Je suis vraiment intégrée à la famille du Cénacle, membre à part entière !

Oui, la fête du 2 février est importante : c’est celle de la vie consacrée ! Nous allons la marquer en communauté. Je souhaite la célébrer non seulement avec mes sœurs de communauté mais aussi avec d’autres. Un temps fort est prévu avec tous les consacrés du diocèse à la cathédrale de Créteil. Nous sommes plusieurs centaines ! J’espère que des moniales seront aussi autorisées à sortir. C’est l’occasion de rendre grâce pour la diversité de la vie consacrée et son témoignage pour l’Église et monde. C’est une occasion de prier pour les vocations. De manière plus personnelle, je demanderai la grâce de renouveler l’offrande de ma vie.”

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