Témoins au plus proche des familles en deuil
Au nom de leur baptême et de leur espérance, des laïcs, hommes et femmes accompagnent les familles en deuil et conduisent la célébration des funérailles. À l’occasion de la fête de la Toussaint et du jour des défunts, rencontre avec ceux qui sont appelés à cette mission de compassion. Par Florence de Maistre.
“C’est le Christ qui vient vers les familles”
Carmen, 69 ans, est mariée. Mère de trois enfants, elle a six petits-enfants. Directrice à la retraite d’une maison familiale, elle habite à Brétignolles-sur-mer (Vendée).
“Avec mon mari André, nous avons été appelés par le diacre et l’équipe des officiants laïcs pour les funérailles de notre paroisse. Nous avons tous les deux suivis la formation proposée à La Roche-sur-Yon. J’ai réalisé là, que je souhaitais approfondir davantage. Je me suis impliquée jusqu’à la conduite des sépultures ! Il s’agit avant tout de se mettre à l’écoute des familles endeuillées, avec humilité et empathie. C’est pour certaines personnes le seul moment où nous pouvons les rejoindre, leur proposer le Christ. Et c’est Lui qui vient vers eux en réponse à leur demande de sépulture religieuse. Nous écoutons leurs vies, leurs souffrances, leurs déchirures, leur foi ou pas, leurs colères. Nous essayons de les accueillir en humanité avant de leur partager les mots d’une prière ou d’un chant qui semblent répondre à leur recherche. Il arrive, les familles étant très éclatées, que nous préparions la célébration par téléphone, c’est plus délicat et désagréable. Nous reprenons contact avec chacun pour la fête de la Toussaint et le jour des Défunts. Les familles sont invitées à s’unir ou à participer à la célébration du 2 novembre. Mais comme elles sont nombreuses en congé le 1er, nous citons aussi ce jour-là tous les défunts de l’année et remettons une votive aux familles qui pourront aller la déposer au cimetière, si souhaité. La messe du dimanche me permet de me ressourcer, j’y présente toutes les intentions recueillies. J’écoute aussi beaucoup RCF, en particulier les lectures du matin, qui me nourrissent d’autant plus que je dois préparer les commentaires d’Évangile ! C’est une grande richesse de vivre ce service de la communauté avec mon époux. Nous sommes parfois démunis, mais souvent entre son mot d’accueil et mon commentaire se trouve une belle communion.”
“Ensemble sur le chemin de la Résurrection”
Anne, 63 ans, est mariée. Mère de quatre enfants, elle a trois petits-enfants. Ancienne aumônière de l’hôpital de Douarnenez et de deux maisons de retraite, elle habite près de la pointe du Raz (Finistère).
“Le Seigneur m’a saisie depuis toujours pour l’accompagnement ! Il m’a donné de bonnes oreilles pour écouter et aimer les gens quelles que soient les circonstances. Comme le Christ avec les disciples d’Emmaüs, nous sommes appelés à nous mettre à l’écoute, laisser parler les personnes, discerner ce que l’on peut aborder comme chemin de deuil et de consolation. Nous sommes ensemble sur le chemin de la Résurrection ! Il y a toujours dans le vécu de la personne partie un lien avec la Parole de Dieu. On essaie de proposer un choix pour que chacun s’y retrouve dans sa foi. Le plus délicat ? Les morts brutales ! Lorsque certains ont suivi un long parcours de soin, que les aidants sont épuisés, on entend que la fin est salutaire pour tous. Mais quand on n’a pas le temps de vivre ce chemin… Les familles se posent avec nous. Elles prennent le temps de penser à celui qui est parti. Nous prenons en charge le comment faire pour être pleinement avec elles. Parfois le silence dure un moment, je prie l’Esprit saint. Parfois les familles viennent sans conviction. Elles voient des voisins, des amis se signer devant le cercueil, rendre hommage au défunt. Elles sont surprises par le nombre de relations : c’est un signe de l’amour de Dieu pour chacun de nous ! Et s’il n’y a pas de chemin de conversion, il est des étincelles de réflexion ! Nous rappelons les familles le jour de la Toussaint dans l’après-midi, pour faire mémoire de leurs parents. Un cierge est allumé au cierge pascal. Il y a aussi la messe de funérailles, l’un des dimanches qui suit l’enterrement. Cette mission affermit ma foi. Je me souviens aussi de ces gens qui avaient déjà tout préparé et qui m’ont accueillie dans leur chemin de foi. Je partage les évènements douloureux avec mon équipe de CMR. Le soir, j’allume une bougie pour accompagner les personnes décédées sur l’autre rive. Je les espère apaisées et je reviens aux vivants. Je rends grâce pour cette belle mission !”
“Apporter une Parole de vie”
Bernard, 75 ans, est marié et diacre. Père de deux enfants, il a quatre petits-enfants. Professeur d’éducation musicale à la retraite, il habite près des Sables d’Olonne (Vendée).
“Je suis venu à ce service par le diaconat, au moment de la retraite. J’ai toujours aimé accompagner les personnes en difficulté, élèves ou autres. Le temps du deuil et la célébration des funérailles demandent un accompagnement très nécessaire. La paroisse avait également besoin de renouveler ses équipes : je me suis investi de plus en plus dans cette pastorale. Il s’agit de manifester la compassion de l’Église, la Miséricorde. D’être un soutien, un réconfort, une écoute pour les gens qui sont dans la peine. D’avoir une parole d’Espérance et de se saisir de ce moment d’évangélisation : les deux s’allient avec bonheur ! Je suis toujours surpris de constater que les gens, qui ont souvent pris leurs distances avec l’Église, sont à la fois demandeurs de cette écoute et sont en attente d’une Parole de vie ! Je passe beaucoup de temps à choisir, dans le rituel, l’oraison la plus en résonance avec le défunt et la famille elle-même. J’insiste pour que l’on considère véritablement le défunt et son corps. Il va disparaître, mais il est appelé à ressusciter. On le dit dans le credo et je le redis de plus en plus surtout lors de crémation. Je suis également organiste. J’ai beaucoup appris au début, en écoutant les commentaires d’Évangile lorsque c’est une femme qui guide la prière. Elles ont une approche sensible, différente de la nôtre. Nous invitons toutes les familles en deuil à participer à la messe du 2 novembre, au cours de laquelle nous proposons le geste de la lumière. Chez nous, nombreux sont ceux qui demandent une messe du souvenir avec ce même geste, dans les deux mois qui suivent le décès ou à la date anniversaire, c’est l’occasion pour la famille de se rassembler. Mon ressourcement : c’est l’Évangile de chaque jour ! Cette mission me rend heureux : je suis totalement au service des gens et au service de la Parole !”
“Un service missionnaire”
Brigitte, 76 ans, est mariée. Mère de trois enfants, elle a huit petits-enfants. Épouse de médecin, elle a accompagné son mari tout au long de sa vie active et réside au Mayet-de-Montagne (Allier).
“Après avoir été responsable de la confirmation pour les jeunes, mon curé m’a appelée au service pour l’accompagnement des familles en deuil et très vite aussi pour guider les célébrations. J’y suis allée un peu à reculons, mais dans la confiance. J’ai suivi la formation pendant trois ans. Nous rencontrons des personnes qui ne sont pas du tout à l’aise, ni pratiquantes, ni très croyantes. Je considère que c’est un service missionnaire pour les gens loin de l’Église. Face à la mort, les gens sont désemparés. Ils ont besoin d’un lieu pour se réunir et rendre hommage à leur défunt : l’Église propose les deux. Ce n’est pas la foi qui les amène, mais une forme de tradition qui a du sens. Nous ne les jugeons pas : nous partageons notre Espérance. Dans les discussions, les questions existentielles arrivent très vite. C’est touchant de voir à quel point l’Évangile les interpelle. Je parle simplement de l’amour de Dieu et je me sens très utile sur le plan de la charité. Je recrée un lien de proximité entre l’Église et tous ceux qui ne savent plus qu’elle est capable d’accueillir et d’écouter : ils en font l’expérience. J’ai le sentiment de vraiment accomplir la mission que l’évêque m’a confiée. Des liens amicaux se tissent aussi avec ceux que l’on revoit dans nos campagnes. Pour moi, l’accompagnement est le plus important. La célébration est toujours soignée. L’église est toujours pleine, à la différence des dimanches. Nous faisons bien attention à ne heurter personne, à ne pas esquiver non plus notre identité chrétienne. Je suis assez raide sur la question des chants profanes : un autre moment et lieu est préférable. On invite chaque famille à prier avec nous pour la fête de la Toussaint, tout du moins nous leur disons que l’on va prier pour elles. Le jour de la Toussaint et le jour des défunts la liste des décédés de l’année est lue. Les familles viennent, assez fidèles. Elles sont touchées par la démarche.”
“Des moments de lumière”
Pierre, 77 ans, est marié. Père de quatre enfants, il a neuf petits-enfants et deux arrières-petits-enfants. Professeur d’Italien à la retraite, il vit à Bellerive-sur-Allier (Allier).
“J’ai récemment senti un besoin assez fort pour accompagner les personnes et présider les obsèques : il s’agit de donner aux familles un temps de rencontre avec la Parole. Après avoir suivi la formation, j’ai secondé quelques collègues, avant d’être très vite automne. Puis, notre vicaire général m’a sollicité pour participer à l’encadrement de la formation. J’ai accepté, c’est une façon d’être au service et d’épauler les copains. J’ai également eu la chance de suivre au service national de la pastorale liturgique et sacramentelle (SNPLS) à Paris une rencontre sur la conduite des obsèques et l’utilisation du chant. Ce qui me touche le plus ? La rencontre avec les familles ! J’aime beaucoup ce temps, parfois long, de dialogue et de choix des textes. Une réflexion débute. Des mots sont trouvés pour évoquer, remercier, célébrer ce temps partagé avec le défunt. Quant à la célébration, je soigne particulièrement le geste de la lumière. J’en propose même une répétition pour rassurer les familles qui sont mal à l’aise avec le rituel. Du coup, il n’y a pas d’hésitation, c’est beau. J’explique que, de tous temps depuis que le feu existe, l’homme a utilisé la lumière pour rendre hommage ou pour manifester la foi et l’espérance de ceux qui croient. L’assemblée, toujours très diverse, est muette, observatrice. Et je vois des moments de lumière la traverser. Nous sommes présents pour accueillir une famille en deuil, parler d’un défunt, mais aussi retrouver ensemble des chemins d’espérance. Je pense à ces familles divisées et ces mains tendues. Je reçois de nombreux témoignages de reconnaissance. Je suis aussi reconnaissant envers ces personnes qui me font confiance. Il n’est pas rare que des sourires s’échangent au cours de la célébration. Les familles sont invitées pour la fête de la Toussaint, où nous évoquons tous ceux qui sont disparus dans l’année. C’est une bonne initiative prise à la suite de la période Covid.”
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