Rapport des cercles mineurs sur la troisième partie de l’Instrumentum laboris
Relatio – Circulus Gallicus A
Modérateur : Mgr David Macaire, dominicain, archevêque de Fort-de-France
Rapporteur : Mgr Laurent Percerou, évêque de Moulins, président du Conseil pour la Pastorale des Enfants et des Jeunes
«CHOISIR»
Le n° 137 qui ouvre la troisième partie de l’Instrumentum laboris nous rappelle son ambition : « Il s’agit de déterminer les moyens les plus indiqués pour permettre à l’Eglise de remplir sa mission auprès des jeunes : les aider à rencontrer le Seigneur, à faire l’expérience qu’Il les aime et à répondre à son appel à la joie de l’amour. » Cet appel à la joie de l’amour, si nous avons bien compris l’Instrumentum laboris, n’est rien d’autre que l’appel à la sainteté que l’Eglise veut adresser aux jeunes par ce Synode : « vous donc, soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait. » (Matthieu 5, 48)
Ces deux derniers jours, nous avons découvert la sainteté en actes : des témoignages émouvants nous ont relaté la détermination de jeunes, en de nombreux pays, à rester fidèles au Christ et à prendre au sérieux son Evangile : « Si quelqu’un veut marcher derrière moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive. » (Matthieu 16, 24) Certains, dans la persécution, refusent de renier leur foi et vont jusqu’au don de leur vie. D’autres ne supportent plus la corruption, les atteintes aux droits de l’homme et à la création, et s’engagent, concrètement, pour que les choses changent et que le Royaume se construise.
Ces témoignages nous encouragent : Quand les jeunes rencontrent le Seigneur, font l’expérience de son amour pour eux et répondent à son appel, alors ils sont prêts à mettre à son service leur désir de vérité et de justice qui les caractérise. Nous sommes ici au coeur de ce Synode et de cette troisième partie : que faire concrètement pour que les jeunes se mettent en route à la suite du Christ ?
1. Cela a déjà été signalé dans bon nombre de prises de paroles et des jeunes en ont témoigné récemment : la famille est le point de départ du chemin qui conduit à la rencontre du Christ. La pastorale des jeunes ne peut donc être pensée indépendamment de la pastorale familiale. Selon les pays, les familles rencontrent toutes des difficultés. Elles ne sont pas de même nature et sont souvent les conséquences du contexte social et politique mais nous estimons qu’il y a là un défi important pour la croissance humaine et spirituelle des enfants et des jeunes. Il aurait d’ailleurs été intéressant que soient invités au Synode des familles (parents et enfants) et des jeunes couples qui auraient pu témoigner de la manière dont ils cherchaient à vivre leur sacrement de mariage et l’éducation de leurs enfants.
2. Nous devons favoriser l’insertion des jeunes dans des communautés fraternelles, joyeuses et rayonnantes dans lesquelles ils rencontrent des témoins du Christ, capables de leur faire confiance. Dans ces communautés (communautés de base, paroisses, mouvements, etc.), il s’agit de les intégrer en leur confiant de vraies responsabilités, au sein d’équipes diversifiées. Ils y feront parfois l’expérience de l’échec mais celui-ci, lorsqu’il est accompagné, est toujours source de progrès. Les jeunes ont de nombreux talents qui sont indispensables pour les communautés : ils maitrisent le numérique et sont capables d’en faire le lieu d’une nouvelle inculturation de la Parole de Dieu, ils ont les mots pour rejoindre leurs pairs et leur annoncer le Christ. Ils ont le goût des défis et l’énergie pour conduire des projets.
3. Les jeunes doivent pouvoir être partenaires de la mission d’une Eglise qui est leur famille et dans laquelle ils sont attendus, espérés même, pour participer à sa vie et à sa mission! Une « Eglise-famille » dans laquelle, également, leurs ainés sont capables de les orienter sur leur chemin de vie, en témoignant de leur propre itinéraire humain et spirituel, en relisant avec eux, à la lumière de la foi, leur itinéraire, et en les invitant à placer en Dieu leur confiance. A ce propos l’histoire de la pirogue qui nous a été racontée est très intéressante: les plus jeunes pagaient parce qu’ils ont la force et l’ancien guide la navigation parce qu’il a la sagesse. Sur le terrain, cette Eglise-communion dans laquelle les jeunes veulent être partie prenante, et où chaque membre apporte ses dons et ses talents pour l’annonce du Règne de Dieu, rencontre bien des résistances. C’est sans doute un des points sur lequel nous autres, les pasteurs, aurons à nous engager. L’un d’entre nous disait: « Il s’agit de mettre en oeuvre le concile Vatican II, en redonnant aux laïcs, tout particulièrement aux jeunes, leurs places dans l’Eglise. Si nous leur donnons toute leur place, alors nous retrouverons la nôtre. »
4. L’engagement pour la justice: Nous avons beaucoup parlé depuis le début de ce Synode d’une « option préférentielle pour les pauvres et les jeunes. » Pourquoi mettre dans une même option préférentielle « pauvres et jeunes»? Il serait intéressant d’y réfléchir en regardant comment il engage toute l’Eglise à se mobiliser pour la justice: de nombreux jeunes sont en effet des pauvres, parce qu’ils sont souvent les premières victimes de l’injustice. Mais également, ce binôme établit les jeunes aux avants postes de l’engagement social aux côtés des pauvres. Alors, ils sont appelés à y entrainer toute l’Eglise avec eux, et cela n’est pas sans conséquence pour la pastorale des jeunes.
5. La rencontre du Christ ne peut pas faire l’économie d’une éducation intégrale des jeunes.
Il a déjà été évoqué dans des précédents rapports, la nécessité de faire entrer les jeunes dans l’intelligence de la foi par la découverte et l’approfondissement du kérygme et de la Parole de Dieu. Nous voudrions ici insister sur trois autres points :
a) La dimension spirituelle: la vie d’un jeune de 16 à 30 ans n’est pas linéaire. Elle est marquée par des réussites, des échecs, et des étapes décisives et heureuses comme la réussite à un examen, un premier emploi, la fondation d’un couple et d’une famille… Il est important de permettre aux jeunes de vivre spirituellement tous ces moments, c’est-à-dire de discerner dans l’Esprit Saint le chemin que Dieu leur ouvre. Aussi, il est nécessaire qu’ils trouvent des accompagnateurs compétents pour les y aider et qu’ils disposent des ressources spirituelles nécessaires.
b) Les exigences évangéliques : La rencontre du Christ et le désir de se mettre à sa suite invitent à partager son mode de vie : pauvreté, chasteté et obéissance à la volonté du Père, et ce quel que soit notre état de vie. Cela touche au rapport aux biens matériels, à ce qui guide nos choix de vie, aux relations humaines… Il n’est pas évident pour des jeunes, même passionnés par le Christ et son Evangile, d’entrer dans un tel style de vie alors que nos sociétés inviteraient plutôt à faire l’inverse. Comment aider les jeunes à découvrir la beauté d’une vie donnée dans le dessaisissement de soi-même et l’ouverture à Dieu et aux frères ?
c) La formation à la Doctrine Sociale de l’Eglise : la vocation des baptisés est d’être, au cœur du monde, comme le « levain dans la pâte » (Matthieu 13, 33). Nous avons entendu le désir des jeunes de s’engager dans les structures politiques, économiques et sociales pour faire reculer la corruption, les injustices et préserver « notre Maison Commune ». La Doctrine Sociale (présentée aux jeunes dans le « DOCAT ») et la récente encyclique « Laudato Si » constituent un trésor mais restent largement méconnues, elles sont à promouvoir.
Pour conclure, nous ferons trois remarques :
1. La troisième partie énumère, un peu comme un catalogue, des orientations, des moyens pour accompagner les jeunes. Afin de mieux organiser ce chapitre et de l’inscrire dans une perspective ecclésiologique, ces orientations et moyens pourraient être classés selon les trois grandes missions de l’Eglise: le témoignage de foi (kerygma-martyria), la célébration de la foi (liturgia), le service des frères (diakonia).
2. Afin de rendre le document final plus concret, il semble nécessaire que soit repris quelques propositions pratiques comme, par exemple, l’idée d’une plate-forme d’échanges de programmes produits par les médias catholiques.
3. La dimension digitale.
Relatio – Circulus Gallicus B
Modérateur : Monseigneur Bertrand Lacombe, évêque auxiliaire de Bordeaux,
Rapporteur : Monseigneur Gaspard Béby Gnéba, évêque de Man (Côte d’Ivoire)
Les réflexions et échanges des membres du carrefour francophone « B » ont porté sur les points suivants :
1. Proposition d’un cheminement ecclésial à la suite du Seigneur Jésus
Le numéro 137 de L’Instrumentum laboris précise les objectifs de la troisième partie du document. Il s’agit de déterminer les orientations, de définir le style et de proposer les moyens pouvant permettre à l’Eglise d’aider les jeunes à rencontrer le Seigneur Jésus, à expérimenter son amour et à répondre à son appel dans la joie du don gratuit d’eux-mêmes.
Pour atteindre ces objectifs, L’Instrumentum laboris propose comme voie la conversion pastorale et missionnaire.
Mais nous nous demandons si cette conversion pastorale et missionnaire est possible sans une conversion intérieure et profonde dans l’Esprit ? Autrement dit la conversion structurelle ou institutionnelle est-elle possible sans une vie d’union plus intense avec le Seigneur Jésus dans l’Esprit?
En effet, il nous semble que le préalable à la réussite de la conversion pastorale et missionnaire est la croissance dans la vie intérieure et la perfection de la liberté dans l’Esprit. La conversion pastorale et missionnaire n’est pas un exercice purement technique et opérationnel. Elle est avant tout une nouveauté à engendrer et à accueillir dans l’Esprit.
Par ailleurs, la conversion pastorale et missionnaire apparaît comme une exigence de la suite commune du Christ. C’est pour mieux suivre ensemble le Seigneur Jésus et témoigner de sa résurrection que cette conversion pastorale et missionnaire est nécessaire et urgente.
De même, les jeunes ne sont pas les seuls bénéficiaires de cette conversion pastorale et missionnaire qui vise le renouvellement de toute l’Eglise. C’est pourquoi, avant de s’adresser aux jeunes ne serait-il pas nécessaire de montrer que tous les membres de l’Eglise sont appelés à marcher ensemble à suite du Seigneur Jésus et à progresser dans la vie de la grâce? Le terme synode ne signifie-t-il pas marcher ensemble?
2. Proposition de la spiritualité missionnaire de l’Eglise « en sortie »
Au numéro 138 et 139, L’Instrumentum laboris, se fondant sur le Magister du Saint-Père François, propose le concept de l’Eglise « en sortie », comme nouvelle vision ecclésiologique. Nous nous en réjouissons. Toutefois, nous suggérons qu’on élabore la spiritualité de l’Eglise « en sortie » et définisse la méthode missionnaire d’une telle Eglise. En outre, il paraît urgent et nécessaire d’éduquer toute l’Eglise et surtout les agents pastoraux à cette nouvelle spiritualité missionnaire et de les aider à maîtriser la méthode missionnaire de l’Eglise « en sortie ». Sinon, le beau concept de l’Eglise « en sortie », risque de rester purement intellectuel.
Car comme l’affirme Saint Jean-Paul II dans la Lette Encyclique Redemptoris Missio : « L’activité missionnaire exige une spiritualité spécifique qui concerne, en particulier, ceux que Dieu appelle à être missionnaires » (RM 87).
3. Proposition d’une spiritualité propre aux jeunes
Dans le chapitre III, intitulé : « Une communauté évangélisée et évangélisatrice », L’Instrumentum laboris présente un ensemble de moyens pour accompagner les jeunes. En fait, il reprend les moyens traditionnels de sanctification dans l’Eglise sans préciser comment cela devra se faire désormais pour les jeunes. En outre, ce chapitre III regroupe à la fois des moyens de sanctification concernant les jeunes (du numéro 183 au numéro 194) et des points pastoraux qui ne s’adressent pas directement aux jeunes mais aux autres membres de l’Eglise (« les numéros 179, 180, 181, 182, 196, 197). On ne perçoit donc pas clairement la spiritualité propre aux jeunes.
De même, le titre de la troisième partie de L’Instrumentum laboris : « Choisir : Chemins d’une conversion pastorale et missionnaire », semble s’’adresser plus aux pasteurs qu’aux jeunes. Dans cette partie, aucun point n’a comme acteurs les jeunes. Cela pourrait faire penser que les jeunes ne sont que des cibles et non des sujets de la conversion pastorale et missionnaire.
C’est pourquoi, nous suggérons qu’un style de vie chrétienne propre aux jeunes soit élaboré, que les aspects essentiels d’une spiritualité de la jeunesse soient définis, par exemple concevoir une méthode de prière pour les jeunes, une lectio divina qui s’appliquerait aux jeunes, proposer un rituel de célébration eucharistique pour les jeunes, etc.
4. Proposition d’un numéro intitulé : « Le don du corps, la grâce de l’affectivité et de la sexualité »
Aux numéros 52 et 53 de la première partie, L’Instrumentum laboris traite du corps, de l’affectivité et de la sexualité. Dans la troisième partie ces thématiques ne sont plus abordées clairement. Dans le numéro 197 du chapitre III, on se contente de présenter le cas de certaines catégories et on les joint à des thèmes comme l’oecuménisme et le dialogue interreligieux.
Nous voudrions qu’il y ait un paragraphe avec un titre intitulé : « le don du corps, la grâce de l’affectivité et de la sexualité » et que dans ce numéro soit clarifiée et actualisée la doctrine de l’Eglise sur le corps, l’affectivité et la sexualité pour éviter la confusion.
Il apparaît également important d’approfondir la question de la pastorale et de la mission de l’Eglise à l’égard de certaines catégories avant de les introduire dans le document.
5. Proposition d’un projet pastoral à deux volets: une pastorale impliquant les jeunes qui sont déjà dans l’Eglise et une pastorale orientée vers les jeunes qui sont loin de l’Eglise. Car la pastorale et la mission dans les périphéries exigent une préparation particulière, une méthode contextualisée et actualisée.
6. Appeler aux vocations spécifiques dans l’Eglise
Au numéro 72 et au numéro 211, L’Instrumentum laboris semble situer sur le même niveau la préparation au ministère ordonné et la formation à la vie consacrée. Il serait donc important de faire deux paragraphes : l’un consacré au futurs prêtres et l’autre à la vocation à la vie consacrée.
7. Autres propositions: institution de conseils pour les jeunes, au niveau de l’Eglise universelle, au niveau des Conférences Episcopales et au niveau des Diocèses ; promotion et valorisation des charismes, des compétences et du leadership des jeunes femmes dans l’Eglise : l’Esprit Saint accorde les charismes aussi bien aux hommes qu’aux femmes dans l’Eglise (1 Co 12, 1-11). Pourquoi ne pas appeler les jeunes filles qui ont des charismes à les exercer pour le bien commun ?
Relatio – Circulus Gallicus C
Modérateur : Cardinal Dieudonné Nzapalainga (République Centrafricaine)
Rapporteur : Frère Bruno Cadoré, maître général de l’Ordre des Frères prêcheurs (Dominicains)
Notre groupe voudrait proposer cinq orientations pour que le chemin de conversion pastorale et missionnaire de l’Église dans sa mission avec les jeunes renforce la joie de vivre avec le Christ dans la communion ecclésiale.
1. Notre première orientation est de méthode
En effet, il nous semble que deux critères doivent être pris en considération pour répondre à la tâche assignée à ce troisième temps de la réflexion synodale : la participation des jeunes à l’élaboration du sensus fidei fidelium devant les perplexités contemporaines et, pour cela, il faut tenir compte de la diversité de la jeunesse du monde et de l’Église elle-même comme de la diversité des contextes sociaux, culturels et ecclésiaux ; l’appel lancé à toutes les Églises particulières de poursuivre à leur tour, en conversation rigoureuse et continue avec les jeunes de l’Église ou hors d’elle, le processus engagé dans le présent synode, et de poser des jalons concrets pour progresser comme communauté ecclésiale dans la mission, de laquelle les jeunes seront clairement invités à être protagonistes.
Nous souhaitons donc que les conclusions de ce synode soient l’occasion d’associer chaque évêque et, à travers chacun, chaque diocèse de l’Église universelle à la démarche que nous avons eu la grâce de faire. Nous souhaitons qu’ainsi se prolonge cette démarche que l’on peut désigner d’une manière assez simple :
1. considérer les jeunes comme le présent de l’Église, parce que, vivant eux-mêmes cette période transitoire de la jeunesse, ils sont confrontés avec une sensibilité sans égale à la complexité des mutations culturelles qui sont autant de défis à l’articulation de la dignité de chaque individu avec la dignité des sociétés humaines : pour cela, ils ont besoin d’entendre le témoignage de la proximité du Christ pour chacun et d’apprendre à vivre eux-mêmes la joie de cette rencontre personnelle avec le Christ ;
2. les écouter parce que ce sont les expériences de vie et les questions de la plus jeune génération qui rendent le corps entier capable de transmission : or, la question qu’ils portent est de savoir comment, dans ce contexte, l’Église peut donner le témoignage de l’amitié de Dieu pour le monde, à commencer par celles et ceux qui sont loin ;
3. identifier les changements d’attitude, d’orientation, de pratiques et de fonctionnement des institutions, qui permettront de se lancer avec eux les jeunes dans l’aventure d’une conversion pastorale et missionnaire qui rajeunira le visage de l’Église parce qu’elle libérera l’énergie d’une créativité renouvelée du témoignage et de l’annonce de l’Évangile du Christ.
Nous suggérons qu’un mode de suivi et d’évaluation d’un tel processus soit mis en place, auquel participeront des jeunes, pendant les trois années qui viennent.
2. Accorder un soin particulier des jeunes dans les communautés ecclésiales
Au cours de ce temps de prolongation de la démarche synodale, nous suggérons que chaque diocèse ait à coeur de marquer concrètement cette option pour les jeunes en promouvant un soin particulier pour la qualité humaine, la foi et la joie des communautés ecclésiales. C’est à cette condition que la foi ne sera pas limitée à sa seule dimension individuelle, mais fera grandir la capacité de chacun à être acteur de la communion ecclésiale.
– Les communautés ecclésiales locales doivent être invitées à développer leur identité de «famille de Dieu», y accueillant les plus jeunes comme membres à part entière de sorte que les uns et les autres soient heureux et fiers d’appartenir à cette communauté et d’y trouver comme un «écosystème» de leur maturation humaine, croyante et missionnaire.
– Les communautés ecclésiales sont d’abord des communautés de foi. C’est pourquoi cet accueil des jeunes donnera une large place au partage des expériences de foi, dans la confrontation à des réalités appréhendées de manière souvent différente par des jeunes et des moins jeunes. C’est aussi la raison pour laquelle on développera des propositions de formation de la foi, en particulier de type catéchuménal, impliquant des membres de la communauté et privilégiant l’amitié dans la foi partagée, à l’occasion de la préparation aux sacrements, y compris du mariage et de son accompagnement.
– Mais une communauté ecclésiale est également communauté évangélisatrice. C’est pourquoi il ne faut pas hésiter à appeler concrètement les jeunes à prendre leur part de coresponsabilité dans des projets apostoliques de leur communauté d’appartenance, privilégiant la rencontre des plus pauvres et des plus éloignés, à commencer par les jeunes hors de l’Église dont cette dernière veut apprendre à se faire proche et amie. La part missionnaire de la vie de foi doit être partie intégrante de la transmission de la foi. De même, l’apprentissage de la synergie entre les différents groupes et mouvements est indispensable pour découvrir que de la mission d’évangélisation assumée ensemble naît la communion. Au moment de leur vie où les jeunes ont besoin d’expérimenter l’appui à une identité croyante solide, ils doivent aussi être accompagnés pour le faire, à partir de leur diversité, en contribuant à cette communion. En ce sens, il est recommandé de mettre en oeuvre, de manière systématique, l’accompagnement pastoral des groupes et mouvements de jeunes par des équipes pluralistes.
– Impliquer chaque fois que c’est possible, des jeunes, comme réellement co-responsables, dans le fonctionnement des institutions de la communauté, de la paroisse ou du diocèse ; à ce propos, concernant l’Église universelle, nous ne recommandons pas la création d’un nouveau Dicastère qui serait consacré aux jeunes et risquerait d’accentuer leur isolement, mais plutôt une pratique plus transversale par l’implication de jeunes dans tous les Dicastères qui ont à traiter de sujets sur lesquels leur expérience doit être écoutée, et peut être féconde.
– Inscrire cette priorité en faveur des jeunes dans les choix budgétaires qui seront faits, au niveau paroissial ou diocésain.
3. Dans la communion de l’Église reconnaître vraiment la place de la femme
Les jeunes sont aujourd’hui particulièrement sensibles au fait que l’Église n’accorde pas toute l’attention qu’elle devrait à la problématique de la femme dans le monde. D’une part, dans certains contextes culturels, la femme est réduite à une condition minorisée. D’autre part, dans l’Église elle-même, bien qu’on valorise souvent les figures maternelles, il semble qu’on n’ait pas encore pris pleinement la mesure que le moment était venu pour que femmes et hommes dans l’Église soient considérés vraiment également en matière de responsabilité. Nous pensons que la gravité et l’urgence de cette question justifie la mise en œuvre dans l’Église, sans plus tarder, d’une réflexion large et approfondie qui puisse fonder les changements profonds et radicaux qui s’imposent en ce domaine.
4. Affirmer l’urgence de l’éducation, ferment de communion
L’Instrumentum laboris souligne de plusieurs manières l’importance du monde de l’éducation pour toute réflexion sur la mission de l’Église avec les jeunes. Nous voudrions ici quelques traits de la « sensibilité éducative de l’Église » à laquelle invite l’option pour les jeunes:
– Le monde de l’éducation est un lieu d’évangélisation privilégié. Au-delà de tout ce qui est souvent mis en valeur à ce propos (compétence et excellence, formation intégrale de la personne, formation des futurs acteurs des sociétés dans l’inspiration des valeurs chrétiennes), les lieux éducatifs doivent être des lieux privilégiés de témoignage de la vie avec le Christ et de la proposition de goûter cette expérience de la joie unique d’une rencontre avec Lui.
– Ces lieux sont, de plus, une opportunité inégalée pour apporter une contribution à la mission de l’Église de « prolonger la familiarité du Christ » avec les hommes. En ce sens, la mission éducative doit toujours s’inscrire en synergie avec la vie des familles et le témoignage de foi de l’Église, et cela doit inspirer les programmes de formation des enseignants, les propositions de formation humaine faites aux élèves, le dialogue des institutions éducatives avec d’autres institutions ou mouvements ecclésiaux. Ils doivent être des lieux d’intégration par chacun de son humanité croyante.
– Nous pensons que la formation à la vie affective et à la sexualité doit trouver une place de choix dans les programmes.
– Certaines thématiques, qui sont citées de manière récurrente comme déterminant les mutations profondes des mondes contemporains, comme la réalité du continent digital, la question écologique, la politique dans la cité, le pluralisme culturel et religieux, devraient faire l’objet d’une attention particulière dans l’élaboration des programmes spécifiques des lieux éducatifs de l’Église du point de vue du dialogue de la foi avec ces nouveaux contextes.
5. Promouvoir l’engagement des laïcs dans «l’inculturation de la Doctrine sociale de l’Église», pour servir la communion humaine
Les communautés ecclésiales doivent être des lieux où s’articulent l’expérience de la vie de foi, individuelle et communautaire, et la manière dont chacun éprouve les tensions éventuelles entre foi et pratiques de nouveaux savoirs. A ce titre, elles doivent être des lieux où est promue la « conversation » entre les membres de la communauté, pour enraciner, stimuler, l’élucidation théologique des nouveaux savoirs. Dans cette perspective, ici encore, les jeunes ont une place privilégiée dans la communauté, qu’ils soient porteurs eux-mêmes des savoirs innovants, ou qu’ils soient témoins des « périphéries » de ces courants dominants (jeunes ruraux, sous-éducation, exclus…).
Or, l’écoute des jeunes a mis en évidence combien il était important pour eux de discerner comment puiser dans leur expérience de foi pour établir un dialogue avec les réalités culturelles qui sont les leurs, et tout particulièrement dans les domaines où s’opèrent de profondes mutations des repères pour agir, des systèmes de valeurs pour inspirer ses choix, et des représentations de l’humain et du monde pour s’identifier et contribuer au bien de tous. Il nous semble donc que les jeunes appellent à deux changements d’attitude. Le premier est de ne pas d’abord énoncer des règles et des repères, mais de toujours donner la priorité à l’invitation à ancrer sa vie dans l’expérience personnelle et communautaire de foi. Le second est de développer autant que c’est possible le dialogue de la foi de l’Église avec ces nouveaux paradigmes culturels, non pas en privilégiant la prise de parole des clercs de l’Église sur ces sujets, mais en formant les jeunes de l’Église qui en sont des acteurs à savoir et oser y rendre compte de l’espérance qui est en eux. C’est ainsi que, progressivement, changera l’image de l’Église du Christ amie du monde.
Concernant la doctrine sociale de l’Église, nous voudrions souligner une fois encore la sensibilité de beaucoup de jeunes à des situations de graves injustices, déséquilibres sociaux, fractures culturelles, exploitation de l’humain. Certains en sont eux-mêmes victimes. Un très grand nombre portent la vive aspiration que l’annonce de l’Évangile soit réellement intrinsèquement liée au combat pour la justice, la paix et la transformation du monde. Ici encore, donner aux jeunes une place de choix au coeur de l’Église revient à offrir à cette dernière la chance d’un renouvellement de son zèle pour l’évangélisation.