Visiter Orcival et choisir un chemin de vie

nouveau tronçon entre Orcival et Rocamadour

Et si cet été, à la croisée des chemins, une halte dans une église offrait d’être vraiment touché au cœur ? Ici et là, dans tous les diocèses, le patrimoine religieux participe, divers et riche, à l’annonce de la Bonne Nouvelle. Focus sur Notre-Dame d’Orcival dans le diocèse de Clermont-Ferrand, point de départ d’un nouveau tronçon vers Saint-Jacques de Compostelle. Par Florence de Maistre.

“Ami visiteur, bienvenue à Orcival, et belle visite dans ce haut lieu d’art et de foi ! Les paroissiens de Notre-Dame d’Orcival sont heureux de vous accueillir et vous souhaitent de vivre une halte de paix dans cette basilique qui leur est si chère ! (…) Vous inscrivez vos pas dans ceux des amis de la beauté, des chercheurs de sens, des assoiffés de bonheur et de vie qui viennent ici depuis des siècles”. Les premiers mots du livret de la visite de la basilique donnent la note : ouverte et pleine de promesses. À une trentaine de kilomètres à l’ouest de Clermont-Ferrand, le village d’Orcival est niché dans un écrin de verdure, à mi-chemin entre le puy de Dôme et les Thermes du Mont Dore. Son église reçoit près de 50 000 personnes par an : randonneurs et pèlerins, amateurs d’art et curieux de tous ordres. “C’est une basilique romane qui date du XIIe siècle et qui est pratiquement restée intacte. C’est un lieu de pèlerinage marial depuis le Moyen-Âge, attesté par Grégoire de Tours au VIe siècle, qui perdure aujourd’hui encore. Dans un cadre naturel magnifique, ce lieu est un lieu d’avenir pour l’Église”, lance le P. Jean-Luc Varnas, recteur de la basilique d’Orcival. Depuis le 12 juin et jusqu’au 13 septembre, une équipe de bénévoles de la paroisse accueille et accompagne le public. Des visites gratuites sont organisées tous les mercredis et vendredis, également à la demande.

basilique romane d'Orcival en Auvergne

“Notre mission est de mettre des petites pierres sur le chemin des visiteurs qui veulent entrer dans une église, de porter témoignage en étant présent et à l’écoute. Le temps des vacances, où l’on a l’esprit libre, est l’occasion de se poser de vraies questions de vie”, relève Anne Lhospitalier, déléguée diocésaine à la pastorale du tourisme et des loisirs. Le 1er juin 2024, elle a organisé une journée de rencontre pour toutes les personnes du diocèse de Clermont-Ferrand investies dans ce service ou qui souhaitent s’y engager. Le P. Paul Destable, recteur de la basilique Saint-Amable de Riom et du sanctuaire Saint-Bénilde à Saugues, est intervenu sur le thème : le patrimoine de mon église, quel témoignage de foi aujourd’hui ? “La première œuvre d’art sacré, c’est la Création ! Dieu l’accomplit en plusieurs jours et voit que cela est bon, et beau dans certaines traductions. L’accueil dans les églises et le patrimoine religieux permet de faire cette expérience de la beauté. Une expérience humaine fondamentale, dans laquelle chacun peut découvrir sa propre beauté devant Dieu”, commence-t-il. Il évoque ensuite la diversité des publics. Il y a les pratiquants réguliers et les visiteurs, mais aussi ceux qui viennent simplement poser un acte de dévotion et ceux qui, sans forcément partager la foi chrétienne, viennent chercher un lieu de paix suite à une épreuve. “Il est important que chacun trouve sa nourriture. Je rencontre souvent des personnes qui n’avaient pas la moindre idée de venir discuter avec un prêtre ! À nous de nous rendre disponibles et de rendre parlant ce patrimoine : l’architecture, les vitraux, la statuaire, le mobilier liturgique, etc., n’ont pas d’autres raisons d’être que de traduire la foi”, poursuit le P. Destable. Il s’agit, pour lui, d’expliquer les symboles ou plutôt de les interpréter à la manière d’un musicien fidèle à sa partition : en faisant mémoire, de façon habitée et vivante. Dernier point d’attention : la disposition des lieux, les documents vus en premier, tout doit concourir à se tourner vers le Christ et à annoncer sa Bonne Nouvelle. Le P. Destable rappelle : “L’Église ne doit pas s’annoncer elle-même, son denier, ses chantiers, etc., mais annoncer le Christ ” !

J’essaie de faire comprendre que l’on visite différemment un musée et une église

Élever le regard

Au plus fort de l’été, Orcival reçoit également des bénévoles de l’association CASA (Communautés d’accueil sur les sites artistiques). À deux ou trois, ils viennent partager la vie des habitants du village et se mettre à la disposition des visiteurs de la basilique pour les guider dans leurs découvertes. Le principe de CASA ? Ouvrir l’intelligence et le cœur du visiteur à la Parole de Dieu. “L’idée est d’accompagner les personnes à partir de là où elles en sont. Je suis attentif à ce qui résonne chez elles. J’adapte mon approche. Chaque famille, chaque groupe est différent. Un dialogue se noue, je me tiens à l’écoute de leurs questions. Je ne fais pas de catéchisme, mais je suis clair et précis dans mes explications. Je peux rappeler que la Trinité n’est pas le Père, le Fils et la Vierge Marie, comme je l’ai déjà entendu ! J’essaie de faire comprendre que l’on visite différemment un musée et une église. Il y a là un côté spirituel, un investissement humain dans la construction : c’est un patrimoine vivant”, explique Emmanuel Garland, ancien guide CASA à Orcival.

L’architecture de la basilique Notre-Dame d’Orcival est, en elle-même, un premier étonnement pour le visiteur. Caractéristique des grandes églises romanes d’Auvergne, son chevet est particulièrement beau. Très harmonieux, il est construit comme une pyramide et débouche sur une tour qui est l’une des rares de la région à avoir survécu à la tourmente révolutionnaire. “L’élévation visuelle et l’inscription dans le paysage sont très fortes. Oui, c’est une invitation à tourner le regard vers le ciel, tout en étant solidement ancré sur le sol”, indique le guide bénévole. L’entrée dans l’édifice se fait par la porte saint Jean, en cèdre du XIIIe siècle avec ses ferrures. Tout de suite, la statue de Notre-Dame d’Orcival apparaît. “Elle nous présente son fils qui tient le livre de la Parole”, précise le recteur du sanctuaire. C’est une vierge en majesté du XIIe siècle, en noyer plaqué de feuilles d’argent et d’or. “Elle est vraiment l’objet d’un culte important. On est amené à expliquer ici ce qu’est un trône de Sagesse et d’évoquer la double nature du Christ. Marie porte l’enfant-Dieu sans que ses mains ne le touchent. La relation n’est pas naturelle, la représentation est purement symbolique”, reprend Emmanuel Garland. Placée derrière l’autel, elle reçoit différents jeux de lumière conçus par les moines bâtisseurs. Le 6 août, en la fête de la Transfiguration, seul le Christ est éclairé par les rayons du soleil à travers les minces ouvertures de l’église romane. Le 15 août, en la fête de l’Assomption, c’est l’ensemble de la statue, qui à midi heure solaire, est entièrement illuminée. Dans ce haut-lieu de piété mariale, tout le parcours, du narthex au chœur, invite le visiteur à devenir un pèlerin : à passer de l’ombre à la lumière, à marcher vers la Jérusalem céleste évoquée dans le livre de l’Apocalypse comme l’indique de nombreux signes notamment sculptés dans les pierres des chapiteaux. En suivant ce chemin de lumière, chacun est appelé à se convertir.

Se confier en la Vierge Marie

“Tout de suite, on est saisi par la beauté. On a du mal à imaginer cet équilibre architectural. C’est comme une respiration. L’arc plein cintre de la nef en est le diaphragme : il nous offre du souffle. Les visiteurs poussent des Ah ! en entrant. C’est la respiration dont nous avons tant besoin dans nos vies stressées d’aujourd’hui. D’ailleurs, la paix est le mot qui revient le plus souvent dans le livre d’or. Évangéliser par la beauté est essentiel”, partage le P. Jean-Luc Varnas. Autre particularité et sujet d’intérêt des vacanciers : le transept sud extérieur avec des chaînes de prisonniers offertes en remerciement à la Vierge d’Orcival. Au-dessus de ces ex-votos, un bas-relief de la fin du XVe siècle représente Notre-Dame des Fers et un détenu en prière. “Là, nous sommes vraiment en dialogue avec le public. Cette sculpture permet de comprendre l’autre nom d’Orcival : Notre-Dame des Fers. Cette Vierge de la fin du gothique est ici reine et plus maternelle avec l’enfant Jésus. Il y a aussi une connexion avec la phrase du Notre Père : Délivre-nous du mal”, relève le bénévole de CASA. Des prisonniers d’hier aux personnes souffrant d’addiction aujourd’hui, quel que soit l’enfermement, nombreux sont ceux qui continuent d’implorer Notre-Dame en vue d’une libération y compris intérieure. Le recteur d’Orcival pense encore plus particulièrement à la libération des 4000 personnes de retour des camps de la mort avec Mgr Gabriel Piguet alors évêque de Clermont en août 1945. Une grande croix blanche a été érigée pour remercier Notre-Dame des Fers sur la colline dite du Tombeau de la Vierge, près de la chapelle de la Source. À l’endroit même où chaque année, à la fête de l’Ascension, Notre-Dame d’Orcival, alors couronnée par l’évêque de Clermont, est portée en procession.

Cette année, à l’occasion du pèlerinage diocésain et du 130e anniversaire du couronnement de la Vierge et de l’Enfant, ce jeudi 9 mai 2024, Mgr François Kalist a béni le nouveau tronçon du chemin de Compostelle Orcival-Rocamadour. L’idée, audacieuse, est née d’une conjonction de petits signes et de l’ardeur d’une équipe. La démarche, placée sous le regard de Marie, a été pleinement confiée à l’Esprit saint . Il y a, tout d’abord, cette découverte en juillet 2022, près du col de la Vierge d’Orisson dans les Pyrénées sur le chemin de Saint-Jacques de Compostelle : des Témoins de Jéhovah distribuent des tracts à tous les pèlerins, très nombreux à cet endroit. “Quand on sait que nombre de pèlerins se lancent sur les chemins de Compostelle pour faire le point dans leur vie, tourner une page difficile d’un deuil, d’un échec, c’est-à-dire vivent des  situations de vulnérabilité : ça interpelle ! Où sont les chrétiens pour accompagner ces pèlerins ?”, s’interroge Loïse Poizat, présidente de l’association Orcival-Rocamadour. Et puis, à Rambouillet, l’accueil du jeune Victor, étudiant en école d’ingénieur, qui a pris le chemin vers Saint-Jacques en plein mois de novembre. La rencontre est forte, le dialogue profond et fructueux. Il a pris la route pour se défaire du blocage de sa vie depuis la séparation de ses parents quatorze ans auparavant. Loïse lui propose de commencer par rencontrer un prêtre pour  se confesser, “de faire le ménage de son cœur, d’ouvrir les volets et les fenêtres pour laisser passer la lumière”. Les mots de la conversation font mouche. Le lendemain, il est heureux d’avoir trouvé un compagnon pour sa route : Jésus.

Mgr Kalist bénissant le tronçon Orcival-Rocamadour

Marcher ensemble

À la paroisse Sainte-Bernadette des Dores, le P. Pascal Thomas, curé, appelle régulièrement les fidèles à prier des neuvaines pour les vocations et pour les conversions. C’est au cours de l’une d’elles que Loïse a cette intuition : “ouvrir un passage pour permettre aux habitants du territoire de Sancy de rejoindre le chemin de Compostelle, puisqu’on dit que le chemin apporte à chacun ce dont il a besoin”. Ni grande sportive, ni expérimentée au sujet de ce grand pèlerinage, elle s’étonne de cet appel, y trouve du sens en relisant les temps forts vécus et confie le projet à la Sainte Vierge “dans cette aventure, il faut une équipe avec des compétences complémentaires”. Déjà Orcival s’impose comme point de départ et Rocamadour comme lien vers Saint-Jacques-de-Compostelle pour une route “de Marie à Marie”. Avec un groupe de paroissiens, Loïse organise depuis deux ans des randonnées méditatives : entre marche, contemplation des monts, rencontres et lectio divina. C’est le fruit du travail du synode sur la synodalité. Nous avons pris la question du Saint-Père au pied de la lettre : Comment marchez-vous en paroisse ? Près de 200 personnes ont déjà été touchées. C’est une autre façon de faire Église”, souligne Loïse.

C’est aux membres de l’équipe organisatrice des randonnées méditatives qu’elle partage son idée. Bien qu’elle leur ait proposé un temps de réflexion, les réponses ne se sont pas faites attendre ! François et Marie sont des randonneurs expérimentés et enthousiastes. Quant à Bernadette, elle fait confiance aux moments de fraternité partagés au cours des randonnées méditatives, s’investit et assure le secrétariat. Reste pour Loïse un indicible doute. En juin 2023, une équipe du diocèse de Clermont-Ferrand, avec la participation de Mgr Kalist, organise en l’église Notre-Dame d’Orcival une veillée de louange et de guérison. Loïse se trouve là inondée de paix et reçoit cette Parole : “Faites tout ce qu’il vous dira” (Jn 2, 5). Qu’elle traduit en : foncer et faire de son mieux ! La nouvelle association est créée le 13 juin 2023. Orcival-Rocamadour rejoint la fédération Compostelle France.

Porter du fruit

“Le chemin a été balisé à une vitesse incroyable”, rapporte le P. Jean-Luc Varnas. L’équipe se rend vite compte de la cohérence du tracé géographique le long de la Dordogne et des liens sont notamment noués avec l’association La Dordogne de Villages en Barrages, dont les bénévoles désenclavent et entretiennent une belle partie du chemin. Au fil des rencontres inédites, le projet prend forme rapidement guidé par la Providence : les 330 km sont ponctués de 21 étapes et haltes familiales. “Comme dans les noces de Cana, nous n’avons qu’à remplir les jarres ! Nous avons œuvré comme des titans, mis en place le topo guide, ouvert le site Internet et eu l’idée de proposer à ceux qui le souhaitent ce Chemin d’intériorité”, précise Loïse. Sur le site Internet entre les onglets En route et Échos, le Chemin d’intériorité est à portée de clic de tous les pèlerins et internautes. Publié avec l’aval des recteurs des basiliques d’Orcival et de Rocamadour, il propose des questions et suggestions auxquelles seul le pèlerin peut répondre. Loïse évoque la simple mise en place d’un outil et ponctue : “seul Jésus peut transformer l’eau en vin” !

Prière de bénédiction du tronçon vers Compostelle d’Orcival à Rocamadour

Dieu, Créateur du Ciel et de la Terre, bénis ce tronçon d’Orcival à Rocamadour qui permet de prendre humblement à pied le chemin vers Compostelle, au cœur des merveilles de Ta nature.

Jésus-Christ, fils de Dieu, qui est venu sur terre pour nous montrer comment pèleriner vers la Jérusalem céleste, accorde à ce tronçon d’Orcival-Rocamadour de voir grandir dans chaque pèlerin qui l’empruntera : la Foi dans son esprit, l’Espérance dans son cœur et la Charité pour mieux aimer.

Esprit Saint, troisième personne de la Trinité, souffle dans les voiles déployées de tous les pèlerins de ce tronçon Orcival-Rocamadour pour les faire avancer, eux qui prennent avec courage ce chemin vers Compostelle.

Vierge Marie accorde à tous les pèlerins de ce tronçon d’Orcival à Rocamadour ta protection maternelle en les accompagnant dans leur démarche personnelle.

Saint Jacques le Majeur, de Compostelle invite tous les pèlerins de ce tronçon d’Orcival-Rocamadour à faire de ce voyage un temps de joie, d’amicales rencontres et de

silence pour trouver ce qu’ils cherchent.

Au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit.

Amen

par Mgr François Kalist, évêque de Clermont-Ferrand, en la solennité du jeudi de l’Ascension 2024

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