Saint-Denis-en-France : porter la flamme aux diocésains
Depuis le 8 octobre 2023, le diocèse de Saint-Denis-en-France s’est engagé dans une année inédite Sport et foi. 200 jours avant les Jeux Olympiques à Paris, paroisses, mouvements et services d’Église, établissements scolaires : toutes les composantes du diocèse relèvent joyeusement le défi ! Par Florence de Maistre.
“Pour notre évêque, Mgr Pascal Delannoy, il était hors de question que nous restions sans rien faire, alors que notre territoire accueillera les jeux olympiques et paralympiques l’été prochain, notamment le village des médias, celui des athlètes, et un certain nombre d’épreuves au stade de France et au centre aquatique olympique. Lorsque le projet a été présenté en octobre 2022, ça a tout de suite résonné très fort en moi”, lance Cécile Chuzel, chef d’établissement du collège Saint-Joseph à Aubervilliers et déléguée diocésaine à l’année Sport et foi 2023-2024. En même temps que la Seine-Saint-Denis communique abondamment sur ces Jeux comme un accélérateur d’histoire du côté de la transformation du département, de l’aménagement et de l’équipement et en valorisant les habitants, l’Église diocésaine s’inscrit, elle aussi, dans cette dynamique résolument positive, en créant des occasions de rencontres, pour « donner le meilleur de soi-même, ensemble, pour le bien de tous ! » selon les mots de Mgr Delannoy dans sa lettre pastorale pour l’année Sport et foi publiée le 8 octobre 2023. “Les familles ne pourront vraisemblablement pas assister aux épreuves des JO, vu le prix des billets. Elles en subiront en revanche tous les désagréments. Nous voulons leur montrer autre chose, n’oublier personne, créer une dynamique centrée sur le sport”, poursuit Cécile Chuzel. D’autant qu’avec les jeux paralympiques, le handicap et l’inclusion s’invitent aussi dans la réflexion.
“C’est vraiment une idée personnelle de notre évêque. Il a voulu cette année. Il tient à son nom et il tient à faire ce lien entre ces deux termes, sport et foi. Dans les lettres des confirmands, il remarque la place importante du sport dans la vie de chacun. Le moment était tout trouvé pour marquer le coup !”, précise le P. Grégoire Meunier, membre de la Fraternité missionnaire des prêtres pour la ville (FMPV) à Montfermeil et délégué diocésain à l’année Sport et foi 2023-2024. Tout au long des mois à venir, paroisses, écoles, groupes de partage, équipes de prière sont invités à mettre en œuvre au moins une action en lien avec le thème, avant le grand rassemblement diocésain déjà prévu le samedi 25 mai à Vaujours. Le relais sera ensuite transmis aux acteurs d’Holy games (Les Jeux saints – programme de mobilisation de l’Église catholique pour accompagner le monde du sport), pour l’accueil des touristes dans les paroisses.
“J’ai toujours fait beaucoup de sport, en particulier de l’athlétisme à un niveau national, et je participe encore à des compétitions de natation. Il m’a semblé important de saisir cette opportunité. Avec l’accord de notre directeur diocésain, j’ai rejoint l’équipe autour du P. Grégoire. Nous avons fait connaissance et nous avons jeté des idées dans tous les sens”, indique Cécile Chuzel. L’équipe de pilotage Sport et foi 2023-2024 du diocèse de Saint-Denis compte sept membres. Outre les deux délégués diocésains, Cécile Chuzel et le P. Grégoire Meunier, elle rassemble d’autres chefs d’établissement de l’enseignement catholique diocésain dont un ancien champion de France d’athlétisme, une religieuse et une laïque investie. Chacun apporte son énergie dans le grand projet commun. Chacun s’enrichit du regard de l’autre et se laisse toucher. “Certains sont très sportifs, dirigent des clubs. Moi-même, je pratique la course à pied. J’ai éclaté de rire quand un membre a évoqué la marche ! Or, c’est l’activité physique la plus répandue en France… L’équipe et les expériences des uns et des autres nous déplacent. Faire du sport, c’est bouger son corps. N’oublions pas que notre foi, dans sa dimension de prière, nous met aussi en mouvement”, sourit le P. Grégoire. La mission de l’équipe ? Donner des outils pour réfléchir et prier avec le thème et surtout encourager les initiatives de chaque unité pastorale. Et c’est plutôt bien parti : rallyes, tournois, parcours autour de saint Paul et des vertus du sport, etc. se déploient dans tout le diocèse. “L’idée : être inventif et se faire du bien les uns les autres”, souligne le P. Grégoire.
Les Jeux sont ouverts
Les olympiades du diocèse de Saint-Denis ont été ouvertes le 8 octobre 2023 et cette journée a été de l’avis de tous un franc succès. “Ce dimanche a été le grand temps fort de la rentrée, en termes de participants et d’ambiance, avec une jolie résonance”, relève Cécile Chuzel. Il s’agissait de parcourir le chemin de saint Denis lui-même entre la basilique du Sacré-Coeur de Montmartre et celle de Saint-Denis. Les 10 km de la course, initialement prévue, se sont transformés en marche-footing sur les trottoirs faute d’avoir obtenu les autorisations préfectorales. Qu’à cela ne tienne, plus de 650 jeunes et aînés, du diocèse et de quelques paroisses parisiennes, coureurs, marcheurs et bénévoles ont participé à l’événement, coup d’envoi de l’année diocésaine dans un esprit de fête et d’ouverture. Plus de 1400 personnes se sont rassemblées pour célébrer ensemble la messe autour l’évêque de Saint-Denis. Au-delà des chiffres, le P. Grégoire reste touché par ces rencontres improbables. Celle de cette paroissienne qui souhaitait relever le défi sportif mais s’inquiétait de ne parvenir qu’à courir sur 4 km, avec ce passionné d’art contemporain, hyper au courant des politiques culturelles de la ville. “Il y a une différence abyssale entre ces deux personnes qui ont fait la course ensemble. Leur petit lien, connaître Montfermeil. Leur grand lien : connaître Jésus. C’est merveilleux ! Cette journée a été très joyeuse, très belle, très populaire dans le sens du peuple de Dieu”, confie le P. Grégoire.
Les paroissiens ont bien intégré la dimension sportive de cette année et ils se prennent au jeu
Depuis, plusieurs manifestations ont été organisées. Le cross de la foi inter-établissements scolaires est un championnat qui rassemble une dizaine d’établissements participants. Deux rendez-vous ont déjà été marquants : le premier au moment de la Toussaint, le deuxième pendant le temps de l’Avent. Deux autres rencontres sont attendues à Pâques et la grande finale du 25 mai. “Ce sont des établissements de l’enseignement catholique, mais tous sont multiconfessionnels, nous comptons 60 à 70 % de musulmans. Un tournoi de tennis de table est également prévu, tout comme deux jours de natation à la piscine de Drancy. Les mairies de Seine-Saint-Denis jouent bien le jeu”, assure la responsable du collège Saint-Joseph à Aubervilliers. Un rallye pédestre proposé fin octobre à Neuilly-sur-Marne et Neuilly-Plaisance a permis aux paroissiens de l’unité pastorale de mieux se connaître, de s’intéresser les uns aux autres. Quarante-cinq jeunes des paroisses du Plateau se sont retrouvés pour le camp de la Toussaint, à l’école de saint Jean-Paul II, le plus athlétique de tous les papes ! “Les initiatives sont modestes, mais réelles. Les paroissiens ont bien intégré la dimension sportive de cette année et ils se prennent au jeu. Lors de la bénédiction des cartables à la rentrée, certains ont également apporté leurs affaires de sport : vélo, ballons, maillots de foot, etc.”, rapporte le P. Grégoire. En novembre, le P. Georges Lumen, curé des paroisses Saint-Yves et Saint-Lucien de La Courneuve, a organisé un baby-foot interreligieux.
Focus à La Courneuve
“Je ne suis pas un grand sportif, mais j’aime ça ! J’ai souvent organisé des rallyes, j’ai installé un panier de basket pour les enfants du catéchisme dans la cour du presbytère, mais je n’avais jamais fait plus de lien que ça avec la foi : pour moi le sport fait partie de notre humanité. Mais en tant que religieux, Fils de la charité [prêtres et frères, consacrés pour l’évangélisation des milieux populaires], je trouve la proposition diocésaine très intéressante. Les JO 2024, le Grand Paris Express, la gare qui se construit à La Courneuve du côté des Six-Routes : ça me parle ! J’ai accueilli cette année avec enthousiasme !”, commence le P. Georges Lumen. Début novembre, l’unité pastorale Aubervilliers-La Courneuve a organisé un petit tournoi de foot. Les jeunes du caté, les équipes du Rosaire, les joueurs et les supporters aussi : tout le monde était impliqué. “Ça dit quelque chose de l’Église”, souligne le curé de La Courneuve, en évoquant les qualités et les termes communs entre sport et foi. Le 10 novembre dernier, à la pizzeria l’Etna à La Courneuve, il a organisé un baby-foot interreligieux. Trente-cinq participants ont répondu à son invitation, dont l’Imam Chedli Meskini. Les parties ont rassemblé les jeunes et les plus âgés, les chrétiens et les musulmans. Le maire n’a pu se déplacer, mais son photographe était présent. “C’était un beau moment. D’autres personnes faisaient des jeux de société à côté de nous. Nous avons bien joué ensemble sur ce terrain neutre. Nous avons montré que c’est possible !”, poursuit le P. Georges.
Les musulmans ont remporté le tournoi, mais les fruits sont pour tous : respect et dialogue. Des barrières tombent. Même dans la rue, le prêtre observe cette chaleur et entend ces chuchotements : “C’est l’ami de l’Imam !” Tous en redemandent et ce type de rencontres amicales autour d’un baby-foot pourrait ponctuer l’année. “Nous courons ensemble, la course de la foi, comme le dit saint Paul. Nous savons que Dieu accompagne chacun à partir de là où il est. Nous jouons ensemble comme les fils et les filles d’un même Père. Nous traversons des épreuves et réussissons à en sortir grâce à l’entraide et au partage. Nous faisons tomber l’esprit de compétition. Les vertus développées dans le sport, endurance et persévérance, peuvent aider à tenir bon celles de la foi, dans cette contagion vertueuse”, développe le curé de la Courneuve. Il reprend : “Cet été, je serai attentif aux sportifs et disponible pour eux, si besoin. La foi n’est pas enfermée dans le tabernacle ! J’ai un seul but : tirer les gens vers le haut ! Ce rapprochement avec le sport renouvelle notre joie, réveille notre sommeil dogmatique. Oui, c’est une façon d’annoncer et de vivre la fraternité.” Inattendue, fédératrice, gratuite, l’idée du tournoi de baby-foot est en plein dans le sujet : inventer quelque chose à partir de l’existant. “Dans nos réunions, on se lamente souvent : il faudrait faire venir Kylian Mbappé ! Posons-nous la question autrement : comment mettre plus de vie dans nos rencontres d’aumônerie ?”, interpelle le P. Grégoire.
Saint Paul lui-même fait cette expérience d’être habité par la Parole de Dieu dans son corps
En route vers le podium
Parmi les grands évènements de l’année, un pèlerinage diocésain en Grèce, terre originelle des jeux olympiques, sur les pas de saint Paul, est organisé du 6 au 14 avril 2024. Traverser le pays du Nord au Sud, lire la Bible in situ sur les lieux antiques et spirituels, honorer chaque dimension de la personne humaine : la démarche proposée s’intègre pleinement dans l’année Sport et foi. “Nous rappellerons la vocation à laquelle nous sommes tous appelés et tous capables, grâce à notre esprit, notre âme c’est-à-dire l’intelligence et le cœur, et notre corps. Saint Paul lui-même fait cette expérience d’être habité par la Parole de Dieu dans son corps. Aux Corinthiens, il compare foi et sport. Il sait de quoi il parle. Il a une profonde estime du corps, même si elle est empreinte de culture juive, cela rend crédible son propos”, détaille le P. Grégoire. Le prêtre reste frappé par la grande attention, notamment de ses confrères pour la piété et le désintérêt pour le sport. Il évoque le sens profond de l’exercice de son propre corps et le risque pour ses frères prêtres qui ne pratiquent aucune activité physique de passer à côté d’une réalité humaine bonne, équilibrante, naturelle. Il estime encore que comme il existe une théologie du corps par rapport à la sexualité, celle du sport serait à valoriser.
Un autre pèlerinage est également prévu en Grèce dans le même esprit pour les 10 – 13 ans en février prochain. “Nous emmenons les enfants sur les traces de l’olympisme. Nous craignions que les prix freinent les inscriptions, mais contre toute attente la proposition a bien fonctionné. Des parents se sacrifient. Certains quittent rarement le département. Ce sera pour de nombreux enfants, la première fois dans un autre pays européen. Nous évoquerons le cœur de l’élan fraternel des Jeux, la cité grecque, les compétitions, mais aussi les valeurs sportives de solidarité et de fraternité. Sans oublier d’évoquer les dangers liés au sport : miroir aux alouettes et dopage”, expose Cécile Chuzel.
Des propositions plus ponctuelles sont également déjà programmées. Le 27 janvier 2024 à Montreuil, l’ACO (Action catholique ouvrière) en lien avec la JOC (Jeunesse ouvrière chrétienne) et le CCFD-Terre Solidaire animeront un après-midi débat, avec la participation de Marie-Georges Buffet, ancienne ministre des sports : les JO, les deux côtés de la médaille. Le 4 février une marche interreligieuse, dans le cadre de l’anniversaire du document sur la fraternité humaine signé par le pape François et le grand imam d’Al-Azhar, reliera les différents lieux de cultes, mosquées, églises, synagogues de Saint-Ouen à l’Île-Saint-Denis. Le 17 mars, à Bondy, une conférence conçue par la déléguée épiscopale aux relations avec le judaïsme, reviendra sur les grandes figures des sportifs juifs hier et aujourd’hui. “La diversité des initiatives, le fait que chacun se lance et que chaque service ajoute une petite touche Sport et foi dans ses activités habituelles me conforte dans la démarche proposée. Chacun aborde le thème avec sa sensibilité. Tous ces petits pains font une belle multiplication”, ponctue le P. Grégoire. Toutes les dates à venir, outils de réflexion et retours d’évènement figurent sur le blog créé pour l’occasion : https://sportetfoi93.blogspot.com.
Médaille d’or : la fraternité
“Quand on œuvre en Seine-Saint-Denis, on sait ce qu’on est appelé à vivre : le partage, la solidarité, le multiculturalisme, l’ouverture, le respect. Ce projet amène justement de la cohésion et de la fraternité. La participation des différents groupes du diocèse montre une certaine attente des gens en ce sens, même s’ils ne le savaient pas ! À travers le sport, tout le monde se retrouve dans des valeurs très similaires, c’est un signal donné important”, reprend Cécile Chuzel. L’année Sport et foi n’a pas d’autre ambition que d’inviter les habitants à se retrouver en commun lors de temps simples, conviviaux, accessibles à tous, au-delà des différences culturelles. Nulle dynamique stratégique ne l’anime. Elle montre, de fait, une Église diocésaine bien vivante, pleine de ressources, qui appelle chacun à faire un pas de côté. Elle donne à ceux qui osent sortir de leur cadre de goûter la fraternité, de partager la Parole. Le P. Grégoire ponctue : “C’est une année spirituelle, fraternelle et missionnaire, la dimension fraternelle étant la plus importante. C’est déjà une année qui rend heureux, fait du bien aux paroisses et aux personnes.”