Jubilé de Belley-Ars : “Prendre à bras le corps les défis d’aujourd’hui”

Le diocèse de Belley-Ars a célébré tout au long de cette année 2022-2023 le bicentenaire de sa création sur le territoire actuel des Pays de l’Ain. En amont des fêtes de clôture de cette grande année jubilaire les 24, 25 et 26 juin, rencontre avec le P. Frédéric Pelletier, vicaire général du diocèse de Belley-Ars. Par Florence de Maistre.

Pourquoi est-ce important de célébrer ce jubilé ?

Père Frédéric PelletierIl y a 200 ans, il y avait de nombreux enjeux autour de la refondation de notre diocèse. Dans le contexte de la sortie de la Révolution française, il s’agissait de constituer un nouveau diocèse en prenant sur les territoires de cinq autres existants : celui de Belley [qui se limitait au Bugey-Sud, à une partie du Dauphiné et de la Savoie] celui de Lyon, de Mâcon, de Saint-Claude et de Genève. Avec cet espèce de patchwork, il y avait une unité à réaliser. Elle est toujours à renouveler ! Il y avait aussi beaucoup à reconstruire dans ce monde déchristianisé qui avait subi la Terreur, les prêtres étaient divisés, etc. Ces défis d’alors sont toujours les nôtres, même s’ils prennent d’autres formes. En cette année jubilaire, nous faisons mémoire du passé et nous nous en saisissons pour voir comment prendre à bras le corps les défis d’aujourd’hui.

Quels évènements, quelles figures marquantes de votre diocèse retenez-vous ?

Ars

Il y a trois grandes figures bien connues dans notre diocèse. Saint Jean-Marie Vianney, curé d’Ars, dont nous avons bénéficié justement parce que le diocèse a été refondé sur le département de l’Ain, sinon il aurait été un saint du diocèse de Lyon ! Sœur Rosalie Rendu, est née la même année que lui (1786) à Confort. Entrée chez les Filles de la charité de Saint-Vincent-de-Paul, elle a quitté l’Ain pour rejoindre Paris et a passé sa vie au service des pauvres et des blessés. Elle est morte sur les barricades de la rue Mouffetard. C’est une très belle figure béatifiée en 2003. Je pense aussi à saint Pierre Chanel né à Cuet (Montrevel-en-Bresse). Ordonné prêtre, il rejoint les pères maristes, avant de partir en mission sur l’île de Futuna, où il meurt martyr au bout de trois ans en 1831. Il est le saint patron de l’Océanie. Toujours à la même époque, une fraternité de prêtres du diocèse est créée : la fondation des missionnaires d’Ars. Elle a développé de nombreuses missions locales, a aidé à organiser et dynamiser la vie paroissiale. Parmi les autres moments importants de ces 200 dernières années, on peut se rappeler de la communauté des moines cisterciens de l’abbaye des Dombes, engagée dès 1940 dans la Résistance. Le monastère de la Trappe de Notre-Dame des Dombes, qui accueille depuis 2001 la communauté du Chemin neuf, a reçu la légion d’honneur et la croix de guerre avec palme. Citons à la même époque, l’histoire dramatique de la maison d’Izieu, aujourd’hui mémorial des enfants juifs exterminés. En 1986, le pèlerinage du pape Jean-Paul II à Ars est un grand évènement pour tout le diocèse. En 1990, Mgr Guy Bagnard fonde la Société Jean-Marie Vianney pour promouvoir le sacerdoce et constituer des fraternités de prêtres diocésains. Le séminaire international d’Ars est également ouvert. Il compte aujourd’hui une trentaine de séminaristes dont la moitié vient du monde entier. Enfin, en 2012, nous avons fêté le 1600e anniversaire du premier évêque à Belley en 412, avec notamment un rassemblement de Pentecôte au cours duquel plus de 600 adultes ont reçu le sacrement de confirmation. C’est un temps fort qui a marqué les diocésains !

Nous avons souhaité une démarche de type synodale

Comment le programme du jubilé 2022-2023 a-t-il été conçu ?

Dès le départ, nous avons souhaité une démarche de type synodale, et pas un gâteau avec 200 bougies que l’on souffle avant de repartir chacun chez soi. À partir de chaque défi identifié, comme le diocèse est vaste et qu’il s’agit de rappeler sa nouvelle géographie, nous avons essayé d’être présent en chaque lieu.

Tout au long de l’année nous avons proposé neuf évènements, dans neuf sites différents du diocèse et sur un thème particulier. En novembre dernier, par exemple, une journée à Oyonnax a été proposée sur la sainteté des laïcs et la vie paroissiale. Tout le doyenné a réussi à travailler ensemble et permis d’approfondir à l’aide d’une exposition, de conférences et d’un forum des mouvements et services d’évangélisation. C’était un très beau moment. Le 2 février, nous avons célébré la fête de la vie consacrée à Bourg-en-Bresse en prenant conscience de l’évolution, des nouveaux modes de vies religieuses et des manières de les faire connaître. À la fin de ce mois, la journée éducation et vocation a permis la rencontre de l’enseignement catholique avec les mouvements et services de jeunes, lors d’ateliers. En mars, la rencontre s’est tenue à Ferney-Voltaire autour de l’architecture, de l’art sacré et de la beauté de la foi. Cette grande journée a aussi été l’occasion d’évoquer également les questions immobilières quant aux églises qui ne sont plus fréquentées, les presbytères qui deviennent des maisons paroissiales, etc., et de réfléchir aux incidences entre fonctionnement et financement.

Jubilé Belley-ArsLe 29 avril au sanctuaire de Cuet, en la fête de saint Pierre Chanel, le défi de la mission ici et dans le monde, a été une rencontre forte en présence de Mgr Georges Colomb, évêque de La Rochelle et directeur de Œuvres pontificales missionnaires (OPM). Dans chaque lieu, une équipe s’est constituée et elle avait carte blanche pour mettre en œuvre le thème : conférences, tables rondes, ateliers, etc. Dernièrement à Jujurieux le P. Grégoire Catta s.j. (directeur du service national famille et société) est intervenu autour de la doctrine sociale de l’Église. Un spectacle théâtral interprété par des bénévoles du village a montré comment les grandes figures du diocèse ont été travaillées par l’enseignement de l’Église, sous forme de tableaux historiques et en costumes d’époque !

Qu’est-il prévu pour clore ce jubilé ?

Bourg-en-BresseLe thème retenu reprend l’idée qu’un diocèse, c’est : un évêque et un presbyterium qui en fait l’unité et le dynamise. L’évêque est nommé. Il s’entoure de prêtres au service du peuple de Dieu. La messe d’ouverture a été célébrée au monastère royal de Brou, ancien grand séminaire, à Bourg-en-Bresse. La clôture sera à Belley, dont la cathédrale Saint-Jean-Baptiste est le siège historique du diocèse mais qui est à plus d’une heure de route de Bourg et éloigné des principaux axes. Entre le 24 juin, fête de saint Jean-Baptiste, patron du diocèse, et le 26 juin, fête de saint Anthelme, chartreux, patron de Belley, nous avons là une belle concordance. Tous les diocésains sont invités le week-end du 24 et 25 juin pour redécouvrir la ville de Belley, que finalement peu connaissent. Des visites guidées de la cathédrale et de l’ancien palais épiscopal sont prévues, ainsi qu’une exposition de tous les temps forts vécus pendant le jubilé. Outre les temps liturgiques et de prières, les participants auront aussi l’occasion de rencontrer deux communautés religieuses, les Frères de la sainte famille de Belley et les Sœurs maristes qui ont encore ici leur maison mère. La fête de saint Anthelme est réservée aux prêtres du diocèse. Ils pourront effectuer plusieurs visites de ce qui était l’ancien évêché. Le Card. canadien Marc Ouellet, ancien préfet du Dicastère pour les évêques, évoquera la figure de l’évêque comme pont d’unité du diocèse. Unis autour de l’évêque, nous pouvons vivre un beau ministère qui porte du fruit. Le Card. présidera la messe de clôture en la cathédrale Saint-Jean-Baptiste de Belley.

Nous sommes en train de recueillir ce qui s’est vécu en chaque lieu

Quels premiers fruits observez-vous ?

Je vois un dynamisme, des personnes se mobiliser, des laïcs s’impliquer et prendre davantage conscience de la situation dans laquelle nous évoluons et réfléchir à de nouvelles manières de vivre ensemble. Des équipes ont dû être stimulées, avec finalement une impatience et des moments partagés avec une certaine intensité. Nous sommes en train de recueillir ce qui s’est vécu en chaque lieu de façon à proposer un petit ouvrage qui servira de base de travail. À chaque fois le thème du défi a été présenté avec des intervenants de qualité qui ont permis que l’on se pose les bonnes questions. Des portes s’ouvrent. Des pistes sont à approfondir.

Quel a été le soutien spirituel de la démarche ?

Un livret de prière quotidienne à l’Esprit saint a été proposé l’an dernier entre Pâques et Pentecôte, pour préparer ce jubilé. J’ai également sollicité les communautés religieuses. Nous avons la chance d’avoir une chartreuse et un carmel : je sais qu’ils prient chaque jour à notre intention. Pendant tout le jubilé, la relique du cœur du saint curé d’Ars a visité chaque paroisse, chaque communauté, les écoles catholiques, les hôpitaux et les ehpad. À chaque étape, des paroissiens ont eu à cœur d’organiser des temps de prière, de vénération et de rencontre. Nous avons eu ce soutien spirituel-là : dans notre démarche, c’est le curé d’Ars lui-même qui est venu à notre rencontre. Le chancelier est en train de rassembler les témoignages de cette visitation dans tout le diocèse. Et déjà, nous avons quelques échos étonnants et très heureux. Des personnes ont été touchées. C’est très émouvant de se retrouver devant ce cœur qui a battu. Certaines, très réticentes à ce type de dévotion, ont participé à un temps de prière et sont même allées se confesser, alors que ce sacrement n’est pas dans leurs habitudes ! L’étole du saint Curé accompagnant la relique, des prêtres s’en sont effectivement saisis pour proposer le sacrement de réconciliation. Ces petites conversions m’encouragent et me mettent dans la joie ! Je reste surpris par le nombre de personnes qui n’ont jamais entendu parler du curé d’Ars, voilà un nouvel élan donner pour se rendre en son sanctuaire. D’autant que dans deux ans nous fêterons le jubilé du centenaire de sa canonisation !

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Focus sur la journée Architecture et art sacré – Beauté de la foi

Dans le cadre du jubilé de Belley-Ars, une journée a été consacrée aux églises, aux bâtiments paroissiaux et aux œuvres d’art sacré. Elle s’est tenue le samedi 11 mars 2023 à Ferney-Voltaire à la frontière suisse, près de Genève. Quatre conférences ont été données le matin devant une quarantaine d’auditeurs. Elles ont d’abord permis de resituer le contexte historique et l’architecture sacrée sous l’épiscopat de Mgr Devie, premier évêque du nouveau diocèse de Belley-Ars, puis de partager des réflexions sur l’immobilier diocésain aujourd’hui. L’art pictural religieux au XIXe a ensuite été abordé avant d’évoquer l’art sacré et la création contemporaine de mobilier liturgique. L’après-midi les jeunes de l’aumônerie ont organisé des visites commentées de leur église paroissiale reconstruite entre 1823 et 1826. “Pendant un an, avec leurs responsables, ils ont redécouvert le lieu où ils vivent des temps forts. Ils ont étudié l’édifice et préparé leur visite pour les groupes qui le souhaitaient”, indique Annick Domeraki, responsable de la commission diocésaine d’art sacré du diocèse de Belley-Ars. Parmi les visiteurs, leur évêque : Mgr Pascal Roland !

Parallèlement, l’exposition itinérante “Jean-François Ferraton, la lumière apprivoisée” était proposée au grand public dans une salle paroissiale voisine et a permis de découvrir le travail de cet artiste Lyonnais qui entre gravure sur bois, sculpture et verrerie développe une œuvre contemporaine au service de la liturgie. Une centaine de personnes a répondu au rendez-vous : certaines proches de l’Église comme d’autres plus éloignées, mais attirées par la dimension artistique. Annick Domeraki ponctue : “Cette journée donne de nouvelles idées et des perspectives d’avenir sur nos problématiques actuelles. Concrètement, nous voyons aussi comment, à partir du travail réalisé par les jeunes, apporter des fiches pratiques pour que les groupes paroissiaux fassent mieux connaître leur église du point de vue du tourisme pastoral. Et pourquoi pas s’en saisir dès maintenant pour se mobiliser autour de la Nuit des églises !”

 

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