Sanctuaire d’Ars : jubilez avec saint Jean-Marie Vianney !

sculpture représentant Saint Jean-Marie Vianney

Différents temps forts rythment cette année jubilaire, double pour le sanctuaire d’Ars qui célèbre le centenaire de la canonisation de son saint Curé. L’occasion de redécouvrir avec les pèlerins la figure de cet homme simple, prêtre, entièrement donné à Dieu et à ses paroissiens, et de se laisser rejoindre avec lui par la Miséricorde. Par Florence de Maistre.

“Le Curé d’Ars n’a aucun charisme particulier. C’est dans l’ordinaire de sa vie sacerdotale, de sa mission de prêtre qu’il vit l’universel. Il vit radicalement tout dans un face à face avec Dieu. Il est plongé en Dieu. Ce petit homme, ordinaire, vit l’extraordinaire de Dieu dans sa vie. Il ne s’agit pas d’être simplement cohérent entre le fait d’être prêtre et d’être fidèle à Dieu, mais il est aussi un ami de Dieu : tout ce qu’il peut vivre dans son ministère, il le vit”, commence le P. Rémi Griveaux, recteur du sanctuaire d’Ars. Jean-Marie Vianney, né le 8 mai 1786 à Dardilly près de Lyon, ordonné prêtre en 1815, et envoyé à Ars dans la Dombes en 1818, a la simplicité et l’humilité des grands saints qui n’ont d’autres faits d’exploits que d’aimer Dieu et le faire aimer. Il meurt en réputation de sainteté le 4 août 1859. Béatifié le 8 janvier 1905, il est déclaré peu après “patron des prêtres de France”, avant d’être canonisé le 31 mai 1925 par Pie XI. Quatre ans plus tard, il est proclamé “patron de tous les curés de l’univers”.

Les festivités du centenaire de la canonisation du saint Curé ont été ouvertes au sein du sanctuaire d’Ars le 1er novembre dernier. Jusqu’en novembre prochain, tous les pèlerins sont invités à vivre la démarche jubilaire sur les pas de saint Jean-Marie Vianney. Plusieurs grands temps forts ont déjà rassemblé les consacrés et les jeunes en novembre, les diacres et les catéchistes en janvier, les servants d’autels, les artisans et les artistes en février et en mars. Le jubilé des évêques, présidé par Mgr Jean-Luc Garin, évêque de Saint-Claude, s’est tenu le 9 février dernier. Une dizaine d’entre eux a participé à l’évènement en célébrant la fête de l’arrivée du saint Curé à Ars. “D’autres évêques passés peu avant s’étaient mis en prière devant la châsse : ils ont prié à genoux, en silence. Ils ont manifesté la présence de tout leur diocèse et de leurs prêtres auprès du saint Curé pour qu’il les présente à Dieu. Certains m’ont remercié pour cette plongée, cette redécouverte de l’intérieur, de l’humilité du sacerdoce où Dieu se dit”, confie le recteur du sanctuaire d’Ars. Parmi les autres rendez-vous, notons ce 8 mai, le jubilé des familles, des Vianney et des Jean-Marie. Le 27 mai, celui du monde agricole. La fête du centenaire de la canonisation sera présidée ce 31 mai par le card. Christophe Pierre, nonce apostolique aux États-Unis. Sans oublier les 3 et 4 août, la fête patronale du saint Curé et le jubilé des prêtres et des curés !

Tout donner par amour

“Le saint Curé d’Ars nous montre, aujourd’hui encore, l’essentiel. Il nous remet devant l’union à Dieu, la foi, la mission. Il nous parle de la manière de vivre le ministère sacerdotal, avec en premier l’amour de ses paroissiens. C’est ce qu’il manifeste dès son arrivée à Ars en embrassant le sol. Un geste repris notamment par Jean-Paul II et Mgr Pascal Roland, évêque de Belley-Ars. Il était prêtre, il a tout donné pour ceux qui lui ont été confiés”, indique le P. Patrick Clément, membre de la Société Jean-Marie Vianney et supérieur du séminaire international d’Ars. En février 1818, le prêtre de 32 ans arrive à pied sur son lieu de mission. Dans la brume hivernale, il demande son chemin à un jeune berger. L’épisode est bien connu. La phrase de l’abbé Vianney aussi : “Tu m’as montré le chemin d’Ars, je te montrerai le chemin du Ciel”. Avec cette simplicité désarmante, le nouveau curé d’Ars partage le cœur de sa vocation : la quête du bonheur pour tous ou pour reprendre ses mots “gagner des âmes au Bon Dieu”.

“Quand j’ai été nommée ici, j’ai pensé : pomme-de-terre, pénitence et austérité. Puis, j’ai découvert un homme qui a du cœur, un passionné pour Dieu et pour les âmes, qui se donne à fond dans sa mission”, relate sœur Marie Macaire, BSCM, au service du sanctuaire d’Ars. L’homme est profondément marqué dans sa jeunesse par l’exemple des prêtres réfractaires qui, dans la période troublée de la Révolution française, risquent leur vie. Les circonstances dans lesquelles sa vocation naît ne sont pas favorables. “Mais ce n’est pas la fonction qui est attirante. C’est le Bon Dieu qui appelle : l’appel est premier”, précise sœur Marie. Il ne ménage alors pas ses efforts pour y répondre. S’il souffre d’un certain retard scolaire, d’où l’étiquette persistante de sa pauvreté intellectuelle, il s’en remet à l’abbé Balley auprès duquel il étudie assidûment. Plus tard, il ne craint pas non plus ni la fatigue, ni ne compte ses heures pour rejoindre ses ouailles et ouvrir les cœurs. Il commence par restaurer et embellir son église. Il remplace le clocher de façon à réorienter toute la vie du village autour de Dieu.

“On pourrait dire qu’il est un prêtre tout-terrain : s’il appelle à venir honorer le Seigneur le dimanche, il demande autant aux patrons de libérer les ouvriers pour cela, ce qui fera des jaloux dans les villages environnants. L’amour de Dieu et l’amour des pauvres sont menés de front à chaque instant de sa vie : confessant des heures, puis catéchisant à l’orphelinat fondé par lui, puis apportant nuitamment du bois au vieillard aveugle, ou achetant le pain noir du pauvre auquel il vient de donner son pain blanc quand ce ne sont pas ses chaussures ou sa chemise neuve”, poursuit le recteur du sanctuaire d’Ars. Dans son élan apostolique, il s’intéresse d’abord à l’éducation des jeunes filles, quand Ars avec ses 258 paroissiens ne compte pas moins de quatre cabarets. Il lutte contre les méfaits de l’alcool et les salaires ainsi gaspillés, sollicite aussi les personnes à de nouveaux postes. Femmes, hommes, enfants : il s’agit de permettre à chacun de vivre en présence de Dieu. “On dirait aujourd’hui qu’il les reclasse. C’est la doctrine sociale de l’Église avant l’heure ! Cette bonté en acte traduit l’amour de Dieu à travers le Curé d’Ars. Vingt ans après son arrivée ici, son rayonnement est tel qu’il confesse jusqu’à dix-sept heures par jour ! C’est cette bonté dans la vérité que les gens venaient chercher. Il avait un discernement des âmes très fin”, ponctue sœur Marie. Sa soif de transmission ne s’arrête pas à ses catéchèses quotidiennes pour petits et grands. Il ne dort que trois heures par nuit et consacre chaque soir une heure de lecture d’ouvrages de patriastique, de théologie ou de vie de saints, puisés dans la bibliothèque de l’abbé Balley dont il a hérité, pour toujours mieux continuer à partager la flamme.

Tout recevoir dans la prière

“Le Curé a ceci d’actuel : il vit face à face avec Dieu toute sa vie. Il est ajusté à sa présence et vit avec lui. Il agit selon ce que Dieu veut, il est disponible et avance ainsi. Cette relation à Dieu est le sens de sa vie, sa nourriture et son but. S’il la perd, il devient un fonctionnaire, un prestataire. Comment conduire les âmes à Dieu s’il ne lui est pas lui-même tout donné ? Il est véritablement un bon pasteur, un pasteur selon le cœur de Dieu, c’est là le plus grand trésor que le Bon Dieu puisse accorder à une paroisse, et un des plus précieux dons de la miséricorde divine [Nodet, 47/139], reprend le P. Rémi Griveaux. Sa vie de prière se caractérise au quotidien par trois heures d’oraison au pied du tabernacle, suivie d’une heure d’adoration, le tout avant de célébrer la messe à 7 heures le matin. Plus d’un paroissien a été étonné de voir de la lumière dans l’église bien avant 4 heures du matin : le témoignage de ce lieu habité et l’attitude du prêtre zélé sont plus qu’éloquents. “L’eucharistie et l’adoration sont ses piliers. Il disait que le seul moment du jour où il se repose, c’est quand il célèbre la messe. Elle était vécu comme un ressourcement intense !”, souligne sœur Marie. Même les dernières années, alors qu’il était submergé par les confessions, il conserve ce temps de prière avant la messe. Une démarche que les séminaristes à Ars poursuivent. “Nous aussi nous prenons un quart d’heure d’oraison, que l’on appelle le quart d’heure du Curé d’Ars avant la messe, de façon à bien se préparer à vivre l’eucharistie et d’éviter de l’enchainer, comme une activité parmi d’autres”, rapporte le P. Patrick Clément.

Porte à porte et mission d’évangélisation font aussi partie de l’intuition du P. Jean-Marie Vianney. Il choisit toujours l’heure de midi pour visiter ses paroissiens : c’est le moment où ils reviennent des champs. Alors qu’à table, ses hôtes lui offrent un verre de vin, il a cette réponse vertigineuse : “oui, j’accepterais bien ce verre de vin par charité, mais je me couperais de ce que Dieu prépare pour moi” ! Une disposition du cœur du moment présent et de tous les instants passés et à venir. Soeur Marie relève : “Il est marquant de noter que son désir de prière est présent dès son enfance. Il arrive qu’il confie à sa sœur les moutons qu’il doit garder pour s’isoler un peu. Il a ce besoin de silence et de solitude, qui montre un grand désir de coeur à coeur, de se donner à Dieu dans sa pauvreté”.

Vivre de l’Esprit de Dieu

Son prédécesseur dira des habitants d’Ars que seul le baptême les distingue de leurs bêtes. Le Curé d’Ars de son côté assure que son cimétière est ensemmencé de saints. Un Lyonnais invité à Ars est reparti déçu de ne voir qu’un petit homme mesurant 1,54 m et pesant environ 45 kg, quand un autre témoigne avoir vu Dieu dans un homme ! “Tout est une question de regard. Mais lorsque l’on s’interroge sur l’énergie de Jean-Marie Vianney qui confesse pendant des heures, en même temps que sur son ascèse, sur le fait qu’à cause d’elle il tombe trois fois sur les 4 m qui séparent le presbytère de l’église, on comprend que debout et disponible, il s’offre lui-même à Dieu pour faire sa volonté. Et Dieu s’occupe de lui. Cela lui est donné : il convertit des cœurs tous les jours. Ses réactions sont celles de quelqu’un pétri par Dieu. On voit ce que ça fait d’être un instrument de Dieu”, révèle le recteur du sanctuaire.

Qu’importe de plaire ou déplaire aux hommes, puisque “on est ce qu’on est devant Dieu ; Dieu qui seul peut combler les désirs du cœur” [Nodet 22/139], répond le saint Curé à Catherine Lassagne en charge de l’orphelinat La Providence, lorsque effondrée elle découvre des lettres d’insultes à l’encontre du curé. Le feu de l’esprit habite aussi le saint Curé qui en est prophète. À l’encontre de ses confrères qui doutaient de ses compétences, l’évêque a ces mots efficaces : “Monsieur Vianney n’est peut-être pas très instruit, mais il est très éclairé”. Quant au P. Lacordaire, o.p., grand prédicateur à Notre-Dame de Paris, reconnaît avoir découvert, grâce au Curé d’Ars, le Saint Esprit et vu sa puissance à l’œuvre. Il remarque plus tard : “moi j’attire les gens sur les confessionnaux [une fois les gens étaient montés sur un confessionnal pour l’écouter], lui il les attire dedans”. Enfin, à ceux qui interrogent le saint confesseur sur la prière, il répond avec cette image qu’il expérimente lui-même : “Dans cette union intime Dieu et l’âme sont comme deux morceaux de cire fondus ensemble” [Nodet 34/139]. Il vit encore la puissance de l’amour de Dieu, notamment lorsqu’il indique prier pour celui qui avait mal parlé de lui. “Il faut avoir une vie nouvelle en soi pour pouvoir dire ça”, insiste le P. Griveaux.

Pour les prêtres et tous les baptisés

Le saint du petit village de l’Ain est donné régulièrement en exemple pour toute l’Église par les papes successifs depuis Jean XXIII. “Pour moi saint Jean-Marie Vianney est vraiment un modèle qui nous rappelle le cœur de notre sacerdoce. La joie de notre vie de prêtre, c’est d’être toujours en union avec le Seigneur. C’est un saint auprès de Dieu qui intercède pour nous, pour que nous trouvions la joie de vivre notre ministère avec le Seigneur. C’est un ami du Seigneur”, partage le supérieur du séminaire international à Ars. Il reprend : “le Curé d’Ars nous appelle à tout donner à la suite du Christ : c’est dans le don que se trouve la joie. C’est vrai pour les séminaristes et pour tous les chrétiens. Nous sommes tous appelés à vivre cette joie du jubilé. C’est très beau de voir la façon dont cette année de grâce rejoint chacun : artistes, diacres, évêques, personnes seules, etc.” Les pèlerins du sanctuaire d’Ars viennent en ce lieu comme dans toute oasis pour chercher la paix. Nombreux sont ceux qui confient ici des prêtres, discernent une vocation personnelle, demandent une grâce, déposent leurs blessures. “Les chrétiens en s’appuyant sur la prière vivent ici, à travers la figure du saint Curé, l’expérience d’un père de miséricorde dans un monde en perte de repères”, remarque le P. Rémi Griveaux.

La démarche jubilaire invite à réveiller le désir de sainteté dans le cœur des chrétiens. Le parcours propose une réflexion en plusieurs étapes et gestes qui conduit chacun à se découvrir pleinement aimé de Dieu, à devenir pèlerin d’espérance, à grandir dans la fidélité. “Il y a déjà de très beaux fruits de communion. C’est un moment particulier que Dieu nous donne et nous le saisissons. Nous avons sollicité de l’aide et voyons revenir des personnes heureuses, plus apaisées. Des liens se tissent dans la paroisse du saint Curé, dans son village. Nous sommes dans l’action de grâce. Notre but ? Que les coeurs s’ouvrent à l’amour du Seigneur”, s’exclame soeur Marie. Le recteur du sanctuaire formule les mêmes vœux : “j’attends de cette année jubilaire que les gens découvrent la joie avec Dieu, qu’ils découvrent les prêtres comme un instrument aussi façonné par Dieu, qu’ils s’émerveillent de l’œuvre de Dieu” !

 À noter

Du 2 au 4 juillet, la rencontre annuelle des formateurs de séminaire se tiendra à Ars. Une centaine de personnes est attendue.

Du 12 au 18 octobre, la retraite sacerdotale nationale “Joyeux dans l’espérance, patients dans la détresse, persévérants dans la prière” (Rm 12, 12) sera prêchée par le card. Jean-Marc Aveline, archevêque de Marseille.

Contact

Acte d’amour du saint Curé d’Ars

Je vous aime, ô mon Dieu,
et mon seul désir est de vous aimer jusqu’au dernier soupir de ma vie.
Je vous aime, ô Dieu infiniment aimable,
et j’aime mieux mourir en vous aimant que de vivre un seul instant sans vous aimer.

Je vous aime, ô mon Dieu,

et je ne désire le Ciel que pour avoir le bonheur de vous aimer parfaitement.
Je vous aime, ô mon Dieu, et je n’appréhende l’enfer que parce qu’on n’y aura jamais la douce consolation de vous aimer.

Ô mon Dieu, si ma langue ne peut dire à tout moment que je vous aime,

du moins, je veux que mon cœur vous le répète autant de fois que je respire.

Ah ! Faites-moi la grâce de souffrir en vous aimant, de vous aimer en souffrant, et d’expirer un jour en vous aimant et en sentant que je vous aime.
Et plus j’approche de ma fin, plus je vous conjure d’accroître mon amour et de le perfectionner. Amen.

Prière au saint Curé (Mgr Guy-Marie Bagnard et Mgr Pascal Roland)

Saint Curé d’Ars, tu as fait de ta vie une offrande sans partage à Dieu pour le service des hommes ; que l’Esprit saint, par ton intercession, nous conduise aujourd’hui à répondre, sans défaillance, à notre vocation personnelle.

Tu as été nourri de la Parole du Christ. Apprends-nous à la recevoir chaque jour dans les Saintes Écritures, à la porter fidèlement et inlassablement aux hommes dans l’annonce de la Bonne Nouvelle.

Tu as été un adorateur assidu du Christ au tabernacle. Apprends-nous à nous approcher avec foi et respect de l’Eucharistie, à goûter la présence silencieuse dans le Saint- Sacrement.

Tu as été l’ami des pécheurs. Tu leur disais : « Vos fautes sont comme un grain de sable en comparaison de la grande montagne de la miséricorde de Dieu. » Dénoue les liens de la peur qui nous retiennent parfois loin du pardon de Dieu. Découvre-nous le vrai visage du Père qui attend inlassablement le retour du fils prodigue. Fais grandir notre reconnaissance et augmente en nous le repentir de nos fautes.

Tu as été le soutien des pauvres : « Mon secret est bien simple, c’est de tout donner et de ne rien garder. » Apprends-nous à partager avec ceux qui sont dans le besoin ; rends-nous libres vis-à-vis de l’argent et de toutes les fausses richesses.

Tu as été un fils aimant de la Vierge Marie, « ta plus vieille affection ». Apprends-nous à nous tourner vers Marie, notre Mère, avec la simplicité et la confiance de l’enfant.

Tu es devenu le témoin exemplaire des curés de l’univers dans ta personne et dans ton ministère. Que ta charité pastorale conduise les pasteurs à rechercher la proximité avec tous, sans acception de personnes. Donne-leur l’amour de l’Église, l’élan apostolique, le courage dans les épreuves. Inspire aux jeunes la grandeur du ministère sacerdotal et la joie de répondre à l’appel du Bon Berger.

Saint Curé d’Ars, sois notre intercesseur auprès de Dieu. Obtiens-nous ce que nous te demandons [préciser ici telle demande particulière], toi le pasteur humble et fidèle, infatigable dans le service de Dieu et des hommes. Amen.

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