Témoignage de Nicole Deglise, responsable de l’ACMSS de la Martinique
Dans les pas de Marie, le monde de la santé s’ouvre un chemin de vie, un chemin d’espérance.
Ces premières Assises Nationales se sont déroulées à Lourdes du 13 au 15 Novembre 2008. D’un pas ferme et enthousiaste, tous les participants sont venus de leurs provinces, proches ou lointaines, pour faire le point ensemble sur les réalités humaines du monde de la santé, pour se projeter dans l’avenir à travers une vision partagée, et surtout se recentrer sur le Christ, chemin de vie pour les hommes, nos frères, révélant le véritable dynamisme de la Pastorale de la Santé.
Cette réunion des Assises est une grande première qui a demandé 18 mois de préparation pour le comité de pilotage composé des principaux partenaires de la santé, autour du thème « Dignité de l’homme, chemin de vie ». Ce sont 2000 participants qui ont été accueillis dans la salle Sainte Bernadette du sanctuaire de Lourdes, représentant 15 provinces : Besançon, Bordeaux, Clermont, Dijon Lille, Lyon, Marseille, Montpellier, Paris, Poitiers, Reims, rennes, Rouen, Toulouse, Tours et la Martinique, seule diocèse d’outre-mer. Parmi eux, un cardinal, Monseigneur Ricard, archevêque de Bordeaux, quatre évêques, Monseigneur Guyard, Monseigneur Lebrun, Monseigneur Legall, et Monseigneur Perrier, 183 prêtres et diacres, 4 invités appelés à témoigner : l’aumônier général des prisons, le pasteur délégué de la fédération protestante de France, le responsable de la Pastorale de la Santé et des personnes handicapées de Belgique et l’aumônier national hospitalier du Portugal.
Tous les mouvements et associations engagés dans la santé étaient représentés ; nous pouvons en citer quelques uns : ACMSS, Foi et Lumière, Voir ensemble, Chrétiens sida, Fraternité Chrétienne des Malades et Handicapées, Lourdes cancer espérance, REPSA, Relais amitié prière, etc…
C’est Monseigneur Guyard, évêque du Havre et membre du Conseil pour les questions familiales et sociales qui a ouvert la séance matinale de la première journée de ces Assises en déclarant : « Heureuse ouverture au monde pour une pastorale de la santé voulant œuvrer pour la dignité de l’homme et s’invitant au débat portant sur la quête de vérité dans une réalité complexe et remplie de paradoxes ». Il a encore souligné dans sa prière d’introduction que chacun devait veiller à mettre ses pas dans les pas du Christ « notre chemin intérieur et chemin de Vie ».
Pour Monseigneur Perrier, évêque de Tarbes et de Lourdes, deuxième intervenant de la matinée, ces Assises sont inscrites dans le patrimoine de l’année jubilaire. Sainte Bernadette vient rejoindre le souci de la pastorale de santé dans la reconnaissance du respect de la personne car Marie l’a immédiatement considérée comme une personne, elle qui était méprisée dans la société de Lourdes et qui a retrouvé toute sa dignité dans le dialogue de confiance à la Grotte de Massabielle. Il faut également se rappeler qu’elle fut, elle aussi, une soignante manifestant un grand amour pour les malades et les pauvres. Monseigneur Perrier a souligné que la mission du service des malades commence toujours par un regard, ouvrant le chemin vers l’autre, l’enjeu essentiel étant celui de la rencontre. Il faut servir toujours en premier le plus souffrant.
Après ces deux interventions, les 15 provinces ont été présentées à l’assemblée. Quelques chants régionaux ont été interprétés à cette occasion par les délégations, et un accueil particulier a été réservé à la Martinique, représentée à ces Assises par la responsable diocésaine de l’ACMSS qui a projeté un court diaporama sur les activités de la Pastorale de la Santé dans l’île. L’histoire de la Pastorale Nationale de la Santé a ensuite été mise en scène de manière originale par le comité de pilotage retraçant 60 ans de l’aumônerie catholique des établissements de santé, 50 ans de la Pastorale des personnes handicapées et 25 ans de la Pastorale de la Santé.
Le Père Turck, directeur du Service National pour les questions familiales et sociales, a rapporté à l’ensemble des participants la synthèse de l’enquête menée dans les diocèses en septembre 2007.
– Première préoccupation affirmée : la personne humaine ne doit jamais être réduite à un simple objet à réparer, un numéro de chambre, une maladie. Cette personne malade a un nom, une histoire, une pensée. Elle est un sanctuaire d’humanité dans lequel réside l’Esprit. La santé, comme la maladie d’ailleurs, nous concerne tous, à tous les âges de la vie, englobant toute l’existence humaine.
– Deuxième remarque : des progrès fantastiques ont été réalisés dans le domaine des sciences et des techniques médicales, mais leurs effets ne sont pas tous positifs ; le vieillissement de la population, la solitude, la souffrance à travers ses multiples visages (physiques, spirituels, matériels, professionnels, sociaux, etc…) posent de nouveaux problèmes. Les exigences de réussite, de résultats, de performance créent des tensions de plus en plus fortes dans les milieux de la santé où l’échec n’est plus toléré.
– Troisième remarque : la pastorale de la santé est enracinée dans la Parole de Dieu, la prière et les sacrements. La formation, spirituelle et aussi concernant la connaissance du monde de la santé, est nécessaire pour accompagner la personne malade sur son difficile chemin de vie et tous les états de vie doivent être présents dans la pastorale pour répondre aux différents besoins de cet accompagnement. La pastorale est vécue comme une action communautaire en lien avec les forces vives de l’Eglise et en communion avec l’évêque et ses délégués.
En fin de matinée, une projection vidéo « A petits pas », réalisée par Claude Hiblot, a retracé le journal de stage de Marie, une Aide Soignante, exerçant dans une unité de soins palliatifs. Tous les soignants présents se sont reconnus à travers ce témoignage. Plusieurs réflexions ont retenu leur attention, notamment : la différence entre soigner et prendre soin, aider à rester vivant ou aider à mourir, identifier les véritables demandes du malade, développer le savoir être, trouver la bonne distance dans la relation de soin.
La séance de l’après-midi de cette première journée a été consacrée à une conférence : « Santé, société, dignité », par Monsieur Jean-Louis Bonnet, directeur de l’Agence Régionale de l’Hospitalisation de Rhône-Alpes. Les textes législatifs actuellement en vigueur ont été présentés par le conférencier. Nous en retiendrons que la personne malade a droit au respect de sa dignité dans toutes les étapes de la maladie jusqu’à sa mort, la loi Léonetti définissant la conduite à tenir dans l’accompagnement des malades en fin de vie et les limites à ne pas franchir.
Il a ensuite indiqué les dispositifs sanitaires et sociaux équipant la France, analysé l’évolution des dépenses de santé, les orientations 2009-2012 retenues par le gouvernement pour terminer son intervention par la présentation des enjeux de la nouvelle politique de santé pour l’avenir. Si les difficultés financières ne peuvent être ignorées, la dignité de la personne malade doit être maintenue au premier rang des préoccupations des personnels soignants.
Cette première journée s’est terminée par une veillée mariale animée par Patrick Richard, chargé de l’animation musicale de ces premières Assises nationales de la Pastorale de la Santé. Il a été le fil rouge spirituel de ces 3 journées au long desquelles il a puisé dans son répertoire les plus beaux chants nous invitant à prier et à rendre grâce à Dieu, Père de tous les hommes.
La matinée de la deuxième journée des Assises a commencé par la célébration de l’Eucharistie, Dieu aimant chacun de ses enfants et les invitant à s’aimer les uns les autres comme lui-même les aime. Concélébrée par les évêques et les prêtres présents en l’église de l’Immaculée Conception, cette eucharistie a été le temps fort spirituel des Assises. Elle a été suivie par la présentation des dix propositions d’orientations pastorales retenues à la suite de l’enquête faite dans les diocèses.
L’après-midi a été consacré au travail en forum, 30 groupes de 65 personnes s’étant réunis pour dégager les priorités. 3 propositions d’orientations ont ainsi été retenues pour les années à venir :
– La place de la pastorale de la santé dans l’Eglise et dans la société
– Le développement de la personne dans toutes ses dimensions
– L’équipe, point d’appui majeur
Dans chaque province, ces orientations seront proposées à l’évêque qui définira les axes de travail retenus pour les années à venir.
En fin d’après-midi, un temps de rencontre a permis aux différents mouvements et associations d’échanger leurs expériences et de présenter leurs réalisations (revues, livres, CD, films, etc…).
Cette deuxième journée s’est terminée par une soirée festive animée par la troupe des « Clownanalystes du bataclown » parodiant un café philosophique portant sur le bénévolat, le travail en équipe et le projet collectif présentés comme utopiques et un chanteur au talent certain, François-Jean Simon. Cette soirée de détente a été la bienvenue pour les 2000 participants à ces Assises très riches en réflexions et analyses complexes !
La matinée de la dernière journée a été consacrée à une conférence du Père Patrice Paulat, théologien à l’Université Catholique de l’Ouest, portant sur « La conscience comme reconnaissance d’une dignité humaine et naissance d’une relation humanisante ».
La conscience est d’emblée définie comme lieu de choix, de liberté du sujet. Il s’agit de passer d’une conscience émergée à une conscience émergente, notre jugement ne devenant adulte que si nous comprenons et acceptons l’idée que la vérité ne s’exprime pas de soi. La conscience n’existe en effet qu’en « germination », en acte et il s’agit donc de naître à la conscience, de l’acquérir, de nous tenir en éveil avec cette question : est-ce que dans ma vie, je laisse advenir ma conscience ? Qu’est-ce qui guide mon existence ? Mes coups de cœur, mes passions ou bien le travail intérieur de l’être de pensée que je suis ?
La conscience chrétienne s’enracine d’abord en tout ce qui appartient à l’humain. C’est en effet une conscience pleinement humaine que chaque personne doit développer pour pouvoir accéder à ce qu’il y a de plus profond en elle, à savoir Dieu : c’est le mystère de l’Incarnation qui révèle comment Dieu épouse notre humanité et l’ouvre à la dimension transcendante de la divinité. Dieu ne divinisera en définitive que ce que nous aurons préalablement humanisé.
Il existe des lumières pour éclairer une conscience chrétienne et lui permettre d’entrer dans le projet de Dieu. L’Eglise nous offre des moyens privilégiés pour développer notre conscience morale :
– Prier : par la prière, l’Esprit-Saint fait connaître l’amour de Dieu et percevoir la souffrance des autres en nous dotant d’un « tact évangélique ».
– Préparer son cœur à aimer : par l’amour, nous atteignons la seule puissance de discernement permettant à la volonté d’entrer en solidarité avec ceux qui ont besoin de nous.
– Vivre en Eglise : en Eglise, Jésus se donne pleinement à tous. Nous apprenons à ne faire qu’un avec nos frères, à nous donner à l’Eglise et à nos frères comme Jésus lui-même se donne.
– Réfléchir : par la réflexion, nous apprenons à nous méfier des idées toutes faites et à dépasser les apparences pour tendre vers la Vérité.
En développant ainsi notre conscience morale, nous devenons une personne humaine pleinement responsable de nos choix et de nos actes. Nous serons alors véritablement à l’image de Dieu, comme le dit le récit de la Genèse.
On n’est pas homme tout seul ; pour être pleinement homme, il faut être en relation avec l’autre, avec les autres. Nous devons donc développer une vie de relation éclairée par l’amour pour donner du sens à nos actes et faire jaillir la joie autour de nous. A travers l’amour que nous manifesterons aux autres, c’est l’amour de Dieu qui agira ! Travaillons donc à bien servir nos frères, comme nous y invite le Christ Jésus tout au long de l’Evangile.
A la fin de cette dernière matinée, la parole a été donnée aux invités qui ont témoigné de leur expérience dans leurs divers champs d’apostolat révélant à la fois les joies et les difficultés rencontrées dans leur vie quotidienne au service des autres.
C’est Monseigneur Guyard qui a clôturé ces premières Assises Nationales de la Pastorale de la Santé en remerciant et félicitant le comité de pilotage et les commissions de préparation pour leur travail et leur engagement. Il retiendra de ces échanges riches et denses une grande joie partagée, un beau visage d’Eglise, une Eglise qui n’a pas toujours la solution à tous les problèmes rencontrés sur le terrain, mais une Eglise qui sait se faire conversation, recherche, ouverture, échanges…
Comme moi, les 2000 participants ont quitté Lourdes enrichis par les échanges fraternels de ces trois journées et bien décidés à avancer pas après pas sur le chemin de vie proposé par Jésus. Comme lui, qui a su nouer son tablier, se lever chaque jour, et servir par amour, les groupes de la Pastorale de la Santé sauront trouver la force de se mettre au service de leurs frères souffrants partout où ils les rencontreront.
Fort de France, le 23 Novembre 2008