Rome : Sainte-Marie-Majeure, chère au pape François
Retour sur l’histoire de la plus ancienne église romaine consacrée à la Vierge Marie et au mystère de l’Incarnation : la basilique Sainte-Marie-Majeure. Le pape François aime s’y recueillir. Il a aussi choisi cette basilique, dans le centre de Rome, pour son repos éternel. Par Florence de Maistre.
“Ici, en la basilique Sainte-Marie-Majeure à Rome, nous sommes pèlerins avec Marie. La mère de Jésus a une présence discrète dans les Évangiles, tout en y occupant un rôle formidable. Elle y est présentée comme une pèlerine. Marie conduit au Christ. Elle donne au monde son Fils. À nous aussi elle dit, comme aux Noces de Cana, Faîtes tout ce qu’il vous dira. Nous pouvons lui demander de soutenir notre démarche de foi”, indique le P. François Cristin, ancien directeur du service des pèlerinages pour le diocèse de Lyon et spécialiste de Rome. Construite à la demande du pape Sixte III (432 – 440), la basilique Sainte-Marie-Majeure est l’une des quatre basiliques pontificales de Rome. C’est la première église dédiée à Marie, Mère de Dieu, telle que le concile d’Ephèse la définie en 431 et en réaffirmant le caractère pleinement divin de Jésus. “Elle est aussi l’église où l’on fait mémoire du mystère de l’Incarnation”, poursuit le prêtre du diocèse de Lyon. Située au sommet de la colline de l’Esquilin, elle est proche de la gare de Termini. Bien que son architecture extérieure date du XVIIIe siècle, elle est la plus ancienne basilique de Rome dans sa forme paléochrétienne primitive. Elle a été agrandie et remaniée à plusieurs reprises à partir du XIIe siècle, notamment à la Renaissance pour ouvrir les chapelles Pauline et Sixtine, en déposant au passage nombre de petites mosaïques de scènes bibliques.
L’icône Salus populi romani
À gauche de la nef, la chapelle Pauline ou Borghèse abrite la fameuse icône de la Vierge Marie et de l’Enfant Jésus, de style byzantin, vénérée sous le titre : Salus populi romani (Salut du peuple romain). Sa datation oscille entre le Ve et le XIIe siècle. La tradition l’attribue à saint Luc, évangéliste et saint patron des peintres. Elle est exposée au-dessus de l’autel de la chapelle depuis le 27 janvier 1613. “Notre pape François vient régulièrement se recueillir ici. Le lendemain de son élection, il est venu prier dans cette basilique et offrir un bouquet de fleurs à la Vierge Marie. Il lui confie aussi chacun de ses déplacements”, précise le P. Crispin. Il rappelle : “Jean-Paul II au début de son pontificat a voulu qu’une lampe à huile brille jour et nuit devant cette icône. C’est devant elle que le 6 juin 1987, il inaugure par la récitation du rosaire l’année Mariale.” L’image sacrée serait celle de la Vierge révérée par les Romains comme leur protectrice depuis saint Grégoire le Grand (540 – 604), et l’objet de diverses processions, implorant la fin d’épidémies et de guerres. Elle peut aussi être rapprochée de la prière de Denys l’Aréopagite, mystique grec du Ve, qui écrit : “Je désire que ton icône, Mère de Dieu, se reflète sans cesse dans le miroir de l’âme et la conserve intacte jusqu’à la fin des siècles. Redresse ceux qui sont penchés vers la terre et donne l’espérance à celui qui contemple la beauté éternelle”.
Le bois du berceau de Jésus
Autre sujet de vénération présent en cette basilique : les reliques de la crèche. Au VIIe siècle, une crypte est aménagée pour recevoir les reliques de la grotte de la Nativité provenant de Bethléem. Il s’agit de fragments : cinq morceaux du bois de ce que la tradition estime avoir été la mangeoire, berceau de l’Enfant Jésus. La basilique est alors connue sous le nom de Sainte-Marie-de-la-Crèche. “À cette époque, les Perses occupent la Terre sainte et détruisent les églises. La basilique de la Nativité à Bethléem échappe au saccage, car une fresque y représente les mages sous des traits perses”, relate le P. Crispin. Aujourd’hui, dans le chœur, sous l’autel papal, un escalier conduit à la Confession. La châsse se trouve exposée là. Il s’agit d’une œuvre du XIXe siècle, en cristal et en argent, réalisée par Luigi Valadier. “Nous perdons notre temps si nous cherchons à discuter de l’authenticité de la relique. Son but ? Conduire à la réalité du mystère de l’Incarnation et inviter à le méditer”, souligne l’ancien directeur des pèlerinages du diocèse de Lyon. En face du reliquaire, une statue de 1883 montre le pape Pie IX en prière. C’est lui qui a promulgué le dogme de l’Immaculée Conception le 8 décembre 1854.
La crèche d’Arnolfo di Cambio
Nombreuses sont les évocations de la Nativité au sein de la basilique. Parmi elles, celle en bronze d’Arnolfo di Cambio (1245-1302/10), connu entre autres pour sa représentation de saint Pierre en chaire dans la nef de la basilique du Vatican. Pour y accéder, il faut d’abord pénétrer dans la chapelle à droite, Sixtine ou du Saint Sacrement, réalisée pour le pape Sixte V, grand rénovateur de la ville éternelle, dont le tombeau se trouve sur l’un des murs de ladite chapelle. Là, des fresques manifestent la gloire de la Vierge, la maternité divine. Au-dessous de l’autel, un escalier dérobé mène à l’oratoire de la crèche, rénové par le sculpteur en 1289 et transporté à cet endroit en 1590 à partir de la crypte primitive. “L’ensemble entend évoquer la grotte de Bethléem. À l’intérieur, sur les panaches de l’arc d’entrée, les prophètes David et Isaïe sont attribués à Arnolfo di Cambio, de même que les personnages qui composent la nativité, les trois mages, saint Joseph, le bœuf et l’âne, à l’exception de la statue de la Vierge à l’Enfant située dans une niche”, détaille le P. Crispin. C’est en ce lieu que saint Ignace de Loyola célèbre sa première messe, le 25 décembre 1538. Dans l’oratoire, face à la crèche, le guide lyonnais des pèlerinages aime reprendre avec les visiteurs la prière du Card. Martini en la fête de Noël 1989, “Donne-nous, Père, d’accueillir ton Fils qui naît pour nous”.
Notre-Dame des neiges
À la suite de la première messe célébrée en la basilique la veille de Noël, les pontifes ont continué à présider cet office pendant des siècles. La coutume rappelle que l’édifice fut également un temps appelé Sainte-Marie-de-la-Neige, en lien avec la légende de sa fondation. La voici : durant la nuit du 4 août 356 la Vierge apparaît au pape Libère et lui demande de bâtir une église à l’endroit où il trouverait de la neige. Cette nuit-là un riche patricien romain nommé Giovanni fait le même rêve. Le lendemain, il se rend auprès du pape et lui partage sa vision. Ensemble, ils montent au sommet de l’Esquilin où des flocons sont, en effet, miraculeusement au cœur de l’été romain, tombés. Le pape trace alors dans la neige toute fraîche le plan d’une nouvelle basilique : Notre-Dame des Neiges. Chaque année, ce miracle est commémoré pendant la messe du 5 août, fête de la dédicace de la basilique papale. Des cascades de pétales blancs, que les fidèles aiment recueillir et s’offrir, tombent depuis le dôme au-dessus du maître-autel.
“Un symbole de la grâce”
Ce 5 août dernier, le pape François a participé à la célébration des secondes vêpres à sainte-Marie-Majeure et partagé sa réflexion. Pour lui, l’interprétation du signe de la chute de neige peut “être comprise comme un symbole de la grâce, c’est-à-dire d’une réalité qui unit beauté et gratuité. C’est quelque chose qui ne se mérite pas, qui ne s’achète pas, elle peut seulement être reçue en don (…) En tant que tel, elle est totalement imprévisible, comme une chute de neige à Rome en plein été. La grâce suscite l’admiration et l’étonnement”, a souligné le souverain pontife. Puis il a poursuivi sa méditation en évoquant l’icône de la Salus populi romani : “la Femme est pleine de grâce, conçue sans péché, immaculée comme la neige qui vient de tomber. Dieu l’a regardée avec admiration et émerveillement et l’a choisie comme Mère parce qu’elle est la fille de son Fils : engendrée en Lui avant le temps, elle est devenue sa Mère dans la plénitude des temps (…) L’Enfant tient le Livre saint de son bras gauche et de son bras droit il bénit ; et c’est elle la première bénie, la Bienheureuse entre toutes les femmes. Son manteau noir fait ressortir le vêtement d’or de son Fils : en Lui seul réside toute la plénitude de la divinité ; elle, à visage découvert, reflète sa gloire”. En choisissant Sainte-Marie-Majeure comme dernière demeure, le pape François étonne et se démarque de ses prédécesseurs enterrés dans la crypte de la basilique Saint-Pierre de Rome. Néanmoins sept papes reposent déjà dans la basilique dédiée à la Mère de Dieu. De nombreuses autres sépultures papales se retrouvent en la basilique majeure Saint-Jean-de-Latran, la cathédrale de Rome. “Avec ce choix, le pape François manifeste sa dévotion mariale particulière. Comme évêque de Rome, il s’adresse à la Vierge vers laquelle se tournent tous les Romains”, relève le P. Cristin.
Des mosaïques remarquables
Encore remarquables sont les mosaïques de la basilique. Celles de la nef et de l’arc central, également appelé arc d’Éphèse, datent du pontificat de Sixte III (432-440). Les scènes de l’Ancien Testament laissent place à celles de la vie de la Vierge et de l’enfance de Jésus qui sont valorisées dans l’arc. À son sommet, le trône vide du Christ évoque l’attente de la seconde venue du Sauveur, le jour du Jugement. Embellie au fil des siècles, la basilique recèle du sol au plafond et des portes au chœur, de trésors d’art, d’histoire et de spiritualité. Dans l’abside, la mosaïque de Jacopo Torriti (1288-1292) figure le couronnement de la Vierge par le Christ dans un médaillon d’azur étoilé, devant une foule d’anges. Saint François d’Assise se trouve parmi les personnages qui assistent à la scène. Le spécialiste de Rome confie : “N’oublions pas que c’est en 1223 à Greccio que le Poverello représente la crèche pour la première fois la nuit de Noël. Dans la partie inférieure est évoquée la scène de la Dormition. C’est très intéressant de voir Jésus, au bord du lit de mort de sa mère, l’entraîner vers le Ciel”.
À noter
Ce 1er janvier 2025, en la solennité de Marie, Mère de Dieu, la porte sainte de la basilique Sainte-Marie-Majeure de Rome sera ouverte.
À lire
Pèlerins à Rome – Guides Prions en Église
Ce guide, conçu par le P. François Cristin, propose de découvrir les hauts-lieux de Rome et du Vatican dans une démarche toute spirituelle. En chaque lieu des gestes concrets, des prières et textes de référence, sont précisés de façon à en goûter l’essentiel. Éd. Bayard (2013), 162 p. 8,50 euros.
Basilique papale Sainte-Marie-Majeure :
Prière du Cardinal Martini, Noël 1989
Donne-nous, Père, d’accueillir ton Fils qui naît pour nous ;
Donne-nous de l’accueillir avec la simplicité des bergers, avec la joie de Marie, avec l’humilité de Joseph, avec l’attention persévérante des mages ;
Donne-nous de l’accueillir dans l’amour avec lequel les premiers croyants et les premières croyantes l’ont reçu ;
Et qu’ainsi se renouvelle dans nos vies le miracle de Noël, que brille sur nous l’étoile de l’espérance de l’immortalité bienheureuse qui nous a été révélée aujourd’hui et qui se manifestera un jour au terme de notre histoire quand tout prendra son sens et quand toute chose trouvera sa place et sa plénitude dans la joie du règne de Dieu.
Prière du pape François qui conclut l’encyclique Lumen fidéi (29 juin 2013)
Tournons-nous vers Marie, Mère de l’Église et Mère de notre foi en priant :
O Mère, aide notre foi !
Ouvre notre écoute à la Parole pour que nous reconnaissions la voix de Dieu et son appel.
Éveille en nous le désir de suivre ses pas, en sortant de notre terre et en accueillant sa promesse.
Aide-nous à nous laisser toucher par son amour, pour que nous puissions le toucher par la foi.
Aide-nous à nous confier pleinement à Lui, à croire en son amour, surtout dans les moments de tribulation et de croix, quand notre foi est appelée à mûrir.
Sème dans notre foi la joie du Ressuscité.
Rappelle-nous que celui qui croit n’est jamais seul.
Enseigne-nous à regarder avec les yeux de Jésus, pour qu’il soit lumière sur notre chemin. Et que cette lumière de la foi grandisse toujours en nous jusqu’à ce qu’arrive ce jour sans couchant qui est le Christ lui-même, ton Fils, Notre Seigneur !
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