Des églises pour aujourd’hui et pour demain

la construction de nouvelles églises en 2025 comme ici à Montigny-Voisins-le-Bretonneux

À l’heure où de nombreux diocèses en France se restructurent et réunissent leurs paroisses en de plus grands pôles, certains ont l’audace de se lancer dans des chantiers de construction de nouvelles églises : les défis sont de taille, les enjeux porteurs d’espérance ! Par Florence de Maistre.

“Avec la construction de l’église Bienheureux-Marcel-Callo, nous voulons être au cœur de la plaine de Baud-Chardonnet qui, en pleine ébullition, est marquée par l’anonymat et une densification énorme. Nous souhaitons donner une âme à ce quartier et manifester une présence chrétienne, un visage de l’Église vivant et ouvert. Nous désirons offrir aux personnes un lieu où elles puissent se ressourcer. Nous avons ici toute notre place ! Il nous tient à cœur de bâtir aussi cette communauté chrétienne dans le temps avec les habitants du quartier”, indique le P. Gaël de Bouteiller, curé de la paroisse Saint-Hélier à Rennes. Dans la capitale bretonne, comme à Toulouse ou en Île-de-France, plusieurs chantiers de construction de nouvelles églises voient le jour et connaissent différentes étapes d’avancement. Certains sont tout juste achevés. L’église Saint-Jean-XXIII à Clichy-sous-Bois a été consacrée il y a un an et demi par Mgr Pascal Delannoy, alors évêque de Saint-Denis-en-France. De même, Mgr Guy de Kerimel a consacré l’église Saint-Sauveur de Borderouge, au nord de la ville de Toulouse, le 15 décembre 2024. Ce même dimanche, la messe fondatrice de l’église Saint-Joseph-le-Bienveillant, à Montigny-Voisins-le-Bretonneux, a été célébrée par Mgr Luc Crepy, évêque de Versailles, même si les travaux d’embellissement ne sont pas encore terminés. La dédicace officielle est prévue en 2026. À Rennes, après un temps d’interruption, le chantier va bon train. Les différents corps de métier du bâtiment s’activent. Dans le diocèse de Meaux, les premières pierres de l’église Sainte-Bathilde à Chelles ont été posées en janvier dernier et bénies par Mgr Jean-Yves Nahmias, accompagné du nonce apostolique Mgr Celestino Migliore et de Mgr Guillaume de Lisle, évêque auxiliaire de Meaux. Le même geste symbolique est prévu cet automne pour la future église Saint-Colomban du Val d’Europe.

vue d'architecte du centre ecclesial Saint Colomban

Un élan missionnaire

Le point commun de la construction de ces nouvelles églises ? « La volonté des diocèses concernés de mieux servir la population catholique, en bâtissant des églises plus grandes et plus belles. Il y a une réponse à un besoin des habitants. Je crois aussi qu’il y a une réponse aux besoins de l’Église, à sa vocation pastorale, en construisant des églises visibles, attractives qui donnent envie à tous, catholiques ou non, d’y entrer”, commence Jean-Pierre Gaspard, directeur général bénévole des Chantiers du Cardinal, l’œuvre qui soutient la construction, la rénovation et l’embellissement du patrimoine religieux à la charge des huit diocèses d’Île-de-France. Effectivement, les nouvelles constructions s’inscrivent dans des territoires en pleine expansion. Chelles est la deuxième plus grande ville de Seine-et-Marne, son agglomération compte 227 000 habitants, dont 80 % ont moins de 60 ans.

Mgr Jean-Yves Nahmias béni la première pierre de l'église Sainte Bathilde, à ChellesQuant à l’ancienne zone de maraîchage de Borderouge à Toulouse, c’est le quartier qui affiche la plus forte progression en population de toute la ville ces dernières années, selon l’observatoire Toulouse Métropole. “C’est aussi un quartier où vit une population multiculturelle qui vient des cinq continents. Elle a besoin de célébrer, d’avoir un lieu pour se recueillir, pour déposer ce qu’elle vit, ses joies, ses peines, ses tristesses, ses défis. C’est important que cette communauté ait un lieu, que j’appellerais comme un tremplin pour cette lancée missionnaire”, partage le P. Norbert Mwishabongo, curé de l’ensemble paroissial des Minimes, dans un reportage réalisé par KTO TV en décembre dernier.

À dynamique démographique, dynamique évangélisatrice ! À Clichy-sous-Bois, la construction de l’église Saint-Jean-XXIII est sans commune mesure avec la petite chapelle détruite à une centaine de mètres pour laisser passer le tramway. “Comme lors de la création des Chantiers du Cardinal dans les années 30, il s’agit de suivre ce mouvement du développement urbain et d’accompagner la population existante, de façon à ce qu’elle se rassemble pour célébrer… ailleurs que dans des gymnases ! À Clichy-sous-Bois, l’évêque s’est aussi saisi de l’occasion pour créer un pôle spirituel diocésain, relancer le pèlerinage marial du XIIIe siècle à Notre-Dame-des-Anges, et manifester cette présence d’Église dans la ville”, poursuit Alice Fabre, directrice des Chantiers du Cardinal. De même, avec ses 800 places, l’église Saint-Joseph-le-Bienveillant peut désormais, à son tour, rassembler toute la communauté chrétienne en un seul lieu de proximité, à la place de trois églises non remarquables et éloignées. “Dans ces projets d’envergure, je vois un acte pastoral volontaire, non de un pour un, mais une véritable impulsion de un pour trois”, souligne Jean-Pierre Gaspard. À noter, chaque nouvel édifice dédié au culte est compris dans un ensemble conçu au service de la communauté élargie à tout le quartier : logements pour les prêtres ou pour des religieux, salles paroissiales modulables, espaces de convivialité, patronages, etc. Ou comment favoriser la vie fraternelle, accueillir les enfants, les aînés et toutes les personnes en quête de sens.

Relever les défis

Parmi les nombreux défis, le volet financier est sans doute le plus lourd pour les diocèses qui décident de bâtir une nouvelle église. Un tel projet se chiffre dès le départ en dizaines de millions d’euros. Et c’est sans compter qu’au fil de l’avancement des travaux, les budgets initiaux peuvent s’envoler, pour cause de crise sanitaire, choc des prix de l’énergie, conflits, etc. Par l’intermédiaire des paroisses, des diocèses ou de l’œuvre des Chantiers du Cardinal : 100 % des financements sont liés à l’extraordinaire générosité des donateurs, particuliers ou mécénat d’entreprises, qu’il faut saluer. Néanmoins, toutes les églises précitées ont aujourd’hui encore un besoin de financement qui reste significatif. Des pages de souscription sont développées sur chaque site diocésain, appelant le donateur à devenir bâtisseur et à apporter sa pierre à l’édification d’une Église pleinement missionnaire. L’équipe des Chantiers du Cardinal souligne en particulier la qualité du site Internet “Des racines vers le ciel” du diocèse de Meaux. Elles permettent de suivre au jour le jour l’évolution des projets, les montants déjà financés et ceux encore nécessaires. Rappelons qu’en la matière, les diocèses ne perçoivent aucune subvention ni de l’État, ni du Vatican.

Autre défi majeur pour les équipes engagées dans ces initiatives : la temporalité. C’est en 2003 que Mgr Éric Aumônier, alors évêque de Versailles, décide d’unifier les trois paroisses de Montigny-Voisins-Bretonneux. Deux ans plus tard, il lance les différentes études du projet. “Il aura fallu vingt ans pour que l’idée soit retenue, reprise et travaillée jusqu’à la célébration de la première messe à Saint-Joseph-le-Bienveillant. Certes, les chantiers couraient sur cinq générations au Moyen-Âge. Ils s’inscrivent tout de même aujourd’hui dans un temps long. Les équipes œuvrent dans un souci de démarche synodale : il faut s’entendre sur la durée entre catholiques et avec les parties civiles. C’est à contre-courant de tout ce qu’on peut lire sur l’Église. C’est le défi de l’espérance : les chrétiens d’aujourd’hui pensent à ceux de demain !”, relève la directrice des Chantiers du Cardinal.

mgr crepy, évêque de Versailles bénit les cloches

S’implanter dans la ville

Aller à la rencontre des jeunes qui tiennent le café “Le Désordre” juste en face de l’église Bienheureux-Marcel-Callo, présenter le projet en faisant du porte-à-porte, créer une association de quartier, etc. L’objectif de l’équipe mobilisée autour de la nouvelle église rennaise : rejoindre les habitants. “Nous voulons non seulement leur proposer le culte, la messe, mais aussi servir la vie des familles, avec un patronage pour l’aide aux devoirs, des conférences ou des expositions. Nous avons dialogué avec les libraires de “La Rencontre” à deux pas et imaginons divers évènements dans la future église. Cela a du sens : il s’agit de créer du lien et d’élever l’âme”, développe le P. Gaël. Toutes les nouvelles églises s’efforcent de s’inscrire dans le tissu humain qu’elles veulent habiter, selon des modes opératoires différents en fonction des lieux. Elles peuvent développer des usages caritatifs et solidaires, culturels et éducatifs, etc. de façon à rayonner au-delà des catholiques pratiquants et créer du lien social. Dans ce même mouvement, le projet de l’église Saint-Colomban, aux portes de Disneyland Paris, est adossé à la construction d’un centre écclésial à commencer par un ensemble scolaire ouvert en 2023. “C’était le point d’entrée de la démarche pour répondre aux besoins du territoire et des familles. Avec cet établissement de l’enseignement catholique diocésain, c’est un message d’accueil, de paix et d’ouverture qui est apporté”, pointe Alice Fabre.

Outre cette dimension anthropologique, l’intégration des projets se joue aussi dans un rapport à l’histoire de chaque site. Le nom du Bienheureux Marcel Callo, martyr de la Seconde guerre mondiale et originaire de Rennes, a été choisi en raison de l’histoire du quartier Baud-Chardonnet. Le 17 juin 1940, un bombardement allemand, le plus meurtrier de Bretagne, détruit la gare de triage voisine. Plus de 1000 personnes sont décédées ici. La figure rennaise de “résistance spirituelle”, proposée comme modèle pour les jeunes par le pape François, est plus qu’évocatrice en ce lieu. Dans le diocèse de Meaux, retour à l’époque médiévale.

À Chelles, l’église Sainte-Bathilde succède à une petite chapelle enclavée. Elle sera résolument ouverte sur une place rénovée par la municipalité et située sur les axes principaux de la ville entre grande rue commerçante, hôtel de ville et gares. En face de l’ancien domaine de l’abbaye royale fondé par la reine Bathilde, aujourd’hui parc du Souvenir, le centre ecclésial, qui comprend un sanctuaire avec les reliques de la sainte, sera un lieu de mémoire. Il s’agit d’honorer la reine des Francs, épouse de Clovis II, ancienne esclave née vers 630. Les premières pierres de la construction de l’église sont des pierres de l’ancien monastère, où la reine se retira à la fin de sa vie, malheureusement détruit lors de la Révolution française. Quant à saint Colomban, il s’agit de ce moine Irlandais du VIe siècle, évangélisateur de la Brie, qui traversa toute l’Europe jusqu’en Italie. Un grand témoin, un pionnier et un pèlerin pour inspirer chacun dans son chemin de foi.

église Sainte Bathilde, à ChellesDésirer le beau

En chaque lieu, la dimension architecturale et artistique signe encore les liens aux hommes, à l’histoire et aux territoires. Le projet de l’église Saint-Colomban est typique du néoclassique gothique, cohérent avec l’imagerie de Disney, le parc d’attractions ayant droit de regard sur ce secteur géographique. Sainte-Bathilde, elle, s’inspire des formes originales des vestiges de l’abbaye royale. L’architecture de l’église Saint-Joseph-le-Bienveillant évoque une grande tente. Celle des nomades de l’Ancien Testament, celle des pèlerins d’aujourd’hui qui s’installent dans ces nouveaux quartiers. “L’église Saint-Jean-XXIII est complètement ancrée dans l’histoire du sanctuaire Notre-Dame-des-Anges du XIIIe siècle. Il y a toujours des racines à ces constructions”, assure Jean-Pierre Gaspard. La forme de cette église à Clichy-sous-Bois ressemble à une grange, avec son toit en pente douce, couvert d’ardoises de bois. Ses grandes baies vitrées donnent à voir la forêt et la rue. C’est un refuge accueillant, ouvert aux hommes et aux femmes de passage, qui laisse aussi entrer la lumière naturelle. À Rennes, très contraints par l’espace, l’église Marcel-Callo prend place dans un cube de béton. Mais le sujet de l’eau qui traverse l’Ancien et le Nouveau Testament a été choisi pour habiller la façade et les espaces intérieurs. “C’est difficile de se l’imaginer aujourd’hui, mais dans les années 40, on venait se baigner ici à la plage de Baud ! La mairie surfe sur la thématique aquatique, nous nous en sommes saisis aussi”, sourit le P. Gaël. Enfin à Toulouse, l’apparence particulière, ronde, de l’église Saint-Sauveur tient au cahier des charges paroissial confié aux architectes. La communauté s’est exprimée sur ses désirs : une forme ronde pour plus de participation de chacun de ses membres, plus de chaleur humaine et de générosité. Le tout revêtu de briques, la touche locale ! “Dans la manière de travailler, l’écologie intégrale est assez systématiquement prise en compte. Il ne s’agit pas seulement des questions de matériaux ou de de normes, mais surtout de rendre les ensembles accessibles à toutes les situations de handicap. La démarche relève d’une attention globale. Ce qui prime ? L’accueil des personnes !”, ponctue Alice Fabre.

Si, dans les années 30 à l’époque de la création des Chantiers du Cardinal, les nouvelles églises étaient construites à la chaîne, le double enjeu étant alors de donner des églises au chrétiens et du travail aux habitants, les projets d’aujourd’hui sont conçus avec le souci d’élever l’âme et la foi dans la beauté. Il faut voir par exemple le travail d’orfèvrerie du tabernacle de l’église Saint-Joseph-le-Bienveillant ou encore la fresque monumentale, en cours d’exécution, de sa voûte commandée à l’artiste Augustin Frison-Roche ! Outre ces recherches artistiques, l’autre dimension de la beauté, l’autre trésor de ces églises réside dans la communauté chrétienne en elle-même, qui s’y rassemble. Les banlieues ont mauvaise presse, mais “c’est étonnant de voir à quel point elles sont des lieux de vitalité de la foi catholique, touchantes de fraternité et véritables foyers de charité. Il y a des régions entières où les églises sont vides et l’on se demande que faire. En Île-de-France, nos églises sont archi-pleines. Les communautés sont vivantes et multiculturelles, lieux de ressourcement et de paix intérieure, très joyeuses, lumineuses. Je suis émerveillée par cette dynamique des banlieues”, confie Véronique Tête, responsable de la communication des Chantiers du Cardinal.

Bâtir une nouvelle église reste un geste rare, à part dans la vie d’un évêque, d’un architecte, d’un artisan, d’un donateur. Chacun assume sa charge dans la mission et “tous portent haut et fort l’Église catholique en France”, affirme le directeur adjoint. La joie des paroissiens, celle des enfants des patronages, celle des prêtres, celle des catéchumènes toujours plus nombreux rayonne déjà. Elle est le plus bel encouragement de toutes les équipes à pied d’œuvre. Dans le quartier de Baud-Chardonnet, le P. Gaël révèle : “il y a déjà quelques demandes de baptême d’adultes et de mariage. On voit les prémices de cette communauté chrétienne. L’Esprit saint travaille” !

Olivier Bertrand devant la future église les Amis de Marcel Callo

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