Denis, la joie de la conversion écologique

Diacre permanent pour le diocèse de Nîmes, Denis Ode est aussi référent à l’écologie intégrale. Il co-anime l’observatoire diocésain des réalités écologiques de Nîmes, Alès et Uzès. Portrait. Par Florence de Maistre.
“L’arrivée de l’encyclique Laudato si’, tout en répondant aux attentes du diocèse, nous a beaucoup secoué ! C’est le chapitre 6, Éducation et spiritualité écologiques, qui me parle le plus. Animateurs d’aumônerie, chefs scout, parents, avec mon épouse, nous sommes très sensibles à tout ce qui touche à l’éducation, à l’écologie, entre humilité et sobriété. La question des crises me porte aussi beaucoup. Elles ne sont pas à voir comme un problème à résoudre, mais comme quelque chose de nouveau à découvrir”, lance Denis Ode, 60 ans, référent à l’écologie intégrale pour le diocèse de Nîmes. Marié depuis 38 ans avec Anne et père de deux grands enfants, Denis est chercheur au CEA, le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives. En 2011, il est ordonné diacre permanent par Mgr Robert Wattebled, alors évêque de Nîmes, Uzès et Alès. Sa mission ? Sensibiliser les communautés chrétiennes aux questions de l’écologie et de l’énergie, ainsi qu’aux rapports entre science et foi. Un appel ambitieux pour un seul homme ! Il réfléchit alors à la manière d’aborder les sujets et propose quelques interventions en lien avec le service diocésain de la formation. “La publication de Laudato si’ le 24 mai 2015 a été un véritable booster ! Auparavant, je cherchais sur quels textes de la doctrine sociale de l’Église m’appuyer : l’encyclique est arrivée à point nommé”, indique le diacre du diocèse de Nîmes.
À Lourdes, en novembre 2019, Denis fait partie des invités à l’assemblée plénière de la conférence des évêques consacrée à l’écologie intégrale. Un évènement qu’il retient comme “un grand catalyseur de la demande globale”. Il apprend là l’existence du réseau des référents diocésains à l’écologie intégrale et rencontre Elena Lasida, économiste, alors chargée de mission Église et écologie, qui le coordonne. Il accepte d’y participer et d’être ainsi référent au service de son diocèse, à condition de créer un groupe diocésain. “Je ne sais pas travailler tout seul, c’est impossible dans ma vie professionnelle. C’est naturellement impossible dans mes engagements associatifs et paroissiaux, en particulier pour les questions d’écologie, qui est la science du lien”, souligne le référent du diocèse de Nîmes. Grâce aux contacts transmis par certains curés de paroisse, des personnes déjà sensibilisées aux enjeux environnementaux ont été repérées et appelées à former ce groupe : l’observatoire diocésain des réalités écologiques de Nîmes, Alès et Uzès (Odrenau). “Nous nous sommes inspirés des initiatives menées dans le diocèse de la Drôme, qui est très en avance sur nous. Nous nous laissons entraîner dans son sillage !”, sourit le diacre permanent.
Observer les réalités locales
Depuis cinq ans, l’Odrenau rassemble une vingtaine de catholiques des quatre coins et des différents services du diocèse. Il est co-animé par Denis et par Bruno Lorthiois, également diacre permanent, responsable d’un écolieu d’accueil et de formation près de Vauvert. “Dans le cadre de son activité professionnelle, Bruno a un vrai rapport à la nature, à la culture des fruits et des légumes, mais aussi dans les basses technologies (low-tech), alors que je me situe davantage du côté des métiers de la recherche et de la haute technologie (high-tech). Nous nous complétons bien”, assure Denis. Le diocèse comprend effectivement une dimension très agricole. Le milieu viticole y est en pleine crise. Les enjeux de la culture des primeurs sont également importants. Avec le CEA et la recherche situés sur son territoire, le diocèse touche à cet aspect technologique du recyclage du combustible nucléaire usé, mais aussi de tous les éléments (batteries, panneaux solaires, etc.) issus des énergies bas-carbone. Enfin, proche des bords de la mer Méditerranée et des zones de transit, le diocèse connaît nombre de lieux de pauvreté. “Les acteurs du Secours catholique sont au centre d’un travail fabuleux d’écologie humaine. Les membres de l’Odrenau ont des profils très divers et sont capables de rendre compte de ce qui se vit ici dans les différents domaines de l’écologie intégrale”, complète le co-animateur du groupe.
Comme son nom l’indique, l’Odrenau est un lieu d’observation pour connaitre et faire connaitre ce qui se vit en matière d’écologie dans le diocèse. “C’est une initiative simple, d’autres diocèses sont beaucoup plus dynamiques dans ce domaine et portés par des équipes plus importantes, parfois même animées par des salariés. Mais notre groupe existe”, confie Denis. La présence de l’évêque y est fortement souhaitée. Le groupe réussit à se rassembler en général deux fois par an : un rendez-vous d’une demi-journée et un rendez-vous d’une journée complète à la rencontre d’une réalité locale. La prochaine visite est ainsi prévue le 17 mai au sein du monastère des sœurs orthodoxes de Solan, converties à l’agroécologie. “Leur cheminement a été accompagné par Pierre Rabhi ! Ces rencontres nous permettent toujours de mieux connaître les personnes et d’approcher les réalités qu’elles vivent”, ponctue Denis. La mission du diacre s’incarne pleinement dans l’Odrenau, et également dans “tout ce qui fait l’épaisseur de nos vies : travail, famille, Église, associatif”.
S’engager pour le soin de la Création
Le référent diocésain à l’écologie intégrale essaye d’insuffler l’esprit de la lettre Laudato si’ dans sa vie paroissiale, à Bagnols-sur-Cèze, et d’impliquer ses membres dans des actions pour le bien de la maison commune. Sa paroisse est ainsi en train de rejoindre la démarche Église verte. D’autres lieux du diocèse y sont déjà engagés. L’ensemble paroissial de Nîmes grand centre, tout comme la maison diocésaine ont depuis quatre ans obtenu le niveau “lis des champs”. Des initiatives se développent aussi autour de Saint-Gilles-du-Gard au sud-est du département, ou encore du côté des cisterciennes du monastère de la Paix-Dieux à Anduze, communément appelé “Cabanoule” aux portes des Cévennes.
“L’écologie intégrale consiste à prendre soin de tous nos liens. Avec nous-même, les autres, le cosmos tout entier, et Dieu. Elle est appelée à guider nos choix individuels et collectifs et infuser tous les domaines de notre vie. Sans oublier l’action pastorale. Même si cela est difficile, ce devrait être un souci naturel. Nous devrions nous poser la question systématiquement. L’enjeu du soin de la Création, l’aspect écologique s’il est pris en compte, se traduit en actes”, insiste Denis en évoquant par exemple le jubilé, pèlerins de l’Espérance, et les manières de voyager jusqu’à Rome. Ces dernières années, le diacre relève trois grandes évolutions. Il y a d’abord, pour le diocèse de Nîmes, l’arrivée de Mgr Nicolas Brouwet en 2021. “Il a une appétence pour le sujet, et participe à tous les réunions de l’Odrenau, tout en étant très investi dans la conversion missionnaire du diocèse, chantier qu’il a initié depuis 2 ans”, remarque le diacre. Autre évolution, auprès des jeunes qu’il rencontre dans le scoutisme, ou auprès des étudiants et des doctorants qu’il encadre dans son activité d’enseignant-chercheur, Denis assure que le changement est à l’œuvre : « ils sont de plus en plus fortement sensibilisés aux questions écologiques. Ils ont quasiment déjà tous participé à une fresque pour le climat et à un atelier 2 tonnes. Ils connaissent exactement l’état de la planète. Et agissent en conséquence, font du covoiturage, développent l’économie du partage, limitent leur consommation en général, favorisent les transports bas carbone, s’alimentent différemment, etc.”. Enfin, le diacre observe le développement du réseau des référents à l’écologie intégrale et son utilisation du numérique. Même s’il a du mal à être à l’heure au rendez-vous vidéo mensuel, le mardi à 18 h, il suit assidûment les échanges en replay et sur le groupe WhatsApp du réseau. “Je suis assez émerveillé par la diversité de ce qui est proposé, cela m’aide et me nourrit beaucoup. Il y a de nombreuses ressources qui permettent de préparer des temps de prière de qualité. La prière est un moyen efficace d’agir pour le changement et la conversion. Elle permet de bien rythmer la démarche globale”, partage-t-il. Il salue encore les rencontres annuelles en présentiel comme de “vrais bons moments de respiration et de partage”, auxquelles il essaie toujours de participer.
Prier avec la Création
Tous les vendredis de Carême, mais aussi ceux de la semaine Laudato si’, ceux du Temps de la Création ou encore de l’Avent, Denis propose un temps de prière co-animé par une petite équipe. Paroissiens et collègues sont invités entre 12 h 15 et 12 h 45 à rejoindre l’église de Chusclan toute proche du site de recherche de Marcoule. Basée sur l’office de sexte, la prière comprend un temps de louange, la lecture de l’évangile du dimanche qui suit, un temps de méditation en silence, avant de partager la Prière chrétienne avec la Création, qui conclut l’encyclique du pape François Laudato si’. “Le refrain Loué sois-tu, est dit ensemble. Il y a un vrai mouvement, un peu comme un psaume”, confie le diacre, qui se réjouit de savoir qu’à l’autre bout du diocèse d’autres prient aux mêmes intentions. Comme Bruno avec les pèlerins du chemin de Saint-Gilles accueillis à Vauvert. C’est tout simple, humble et cela apporte la joie. Bien entendu, cela n’empêche pas chacun de s’investir dans des associations issues des mouvements écologiques “qui nous précèdent”, promeuvent le vélo, plantent des arbres ou donnent une seconde vie aux objets du quotidien. “Nous avons à nous insérer dans la vie civile et y porter le message de Laudato si’. J’ai beaucoup d’amis qui ont lu l’encyclique sans jamais mettre les pieds à l’église !”, pointe Denis.
Ce qui encourage le référent diocésain à l’écologie intégrale ? La joie comme moteur du changement ! Il cite nombre de personnes qui évoluaient dans un certain marasme avant de se convertir au bio. Des témoins qui ne gagnent pas mieux leur vie, mais qui vivent mieux leur métier en y trouvant plus de cohérence, plus de sens, et plus de joie. Le tout rejaillissant avec des signes visibles dans leur foyer et tout autour d’eux. “Un des slogans de la conversion écologique pourrait être moins de bien, plus de liens. La mise en œuvre de cette petite règle peut vraiment modifier nos vies”, s’enthousiasme Denis. Le diacre reprend : “Et puis, l’écologie humaine, ça parle à tout le monde ! On est tous confronté aux questions du début et de la fin de vie, à la façon de gagner sa vie, aux choix qui font sens. Est-ce plus important de garder ses petits-enfants, de s’occuper de ses vieux parents ou de partir en vacances à l’autre bout de la terre ? Nous rejoignons les personnes qui font de vrais choix, les pesant, les mesurant aux capteurs de la joie et de la paix qu’ils produisent” !
Prière chrétienne avec la Création, par le pape François, Laudato si’ (2015)
Nous te louons, Père, avec toutes tes créatures,
qui sont sorties de ta main puissante.
Elles sont tiennes, et sont remplies de ta présence
comme de ta tendresse.
Loué sois-tu.
Fils de Dieu, Jésus,
toutes choses ont été créées par toi.
Tu t’es formé dans le sein maternel de Marie,
tu as fait partie de cette terre,
et tu as regardé ce monde avec des yeux humains.
Aujourd’hui tu es vivant en chaque créature
avec ta gloire de ressuscité.
Loué sois-tu.
Esprit-Saint, qui par ta lumière
orientes ce monde vers l’amour du Père
et accompagnes le gémissement de la création,
tu vis aussi dans nos cœurs
pour nous inciter au bien.
Loué sois-tu.
Ô Dieu, Un et Trine,
communauté sublime d’amour infini,
apprends-nous à te contempler
dans la beauté de l’univers,
où tout nous parle de toi.
Éveille notre louange et notre gratitude
pour chaque être que tu as créé.
Donne-nous la grâce
de nous sentir intimement unis à tout ce qui existe.
Dieu d’amour, montre-nous
notre place dans ce monde
comme instruments de ton affection
pour tous les êtres de cette terre,
parce qu’aucun n’est oublié de toi.
Illumine les détenteurs du pouvoir et de l’argent
pour qu’ils se gardent du péché de l’indifférence,
aiment le bien commun, promeuvent les faibles,
et prennent soin de ce monde que nous habitons.
Les pauvres et la terre implorent :
Seigneur, saisis-nous
par ta puissance et ta lumière
pour protéger toute vie,
pour préparer un avenir meilleur,
pour que vienne
ton Règne de justice, de paix, d’amour et de beauté.
Loué sois-tu.
Amen
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