L’enjeu spirituel des rencontres méditerranéennes

Le Père Xavier Manzano est vicaire général de l’archevêché de Marseille et coordinateur des rencontres méditerranéennes (MED23) organisées du 17 au 24 septembre 2023, à Marseille. Pendant une semaine, une soixantaine de représentants d’Églises du pourtour méditerranéen échangeront sur les défis que connaît cette zone. Et le pape François viendra pour une visite historique le 23 septembre.

Quel est l’objectif de ces rencontres méditerranéennes qui se tiendront du 17 au 24 septembre ? Comment va se décliner ce pèlerinage méditerranéen ?

Père ManzanoLa Méditerranée est une région du monde très particulière. Elle baigne trois continents et sa position géographique a certainement déterminé la place unique que cette aire a joué dans l’histoire de l’humanité. C’est une position à la fois difficile et heureuse : difficile parce que cette position a suscité de nombreux conflits qui sont encore à l’œuvre aujourd’hui mais heureuse car une telle situation ne peut être que propice aux échanges profonds et aux « métissages » féconds, souvent bien plus qu’on ne veut le dire. L’objectif des Rencontres Méditerranéennes est donc d’abord de prendre conscience de cela et de permettre à l’Église, d’une manière totalement reliée aux préoccupations des sociétés civiles, d’apporter une contribution née de son histoire, de sa foi, de sa réflexion. Nous espérons que ce processus pourra continuer dans d’autres villes méditerranéennes et, comme vous le dites, de créer suffisamment de liens d’amitié pour qu’il devienne, au propre comme au figuré, un véritable « pèlerinage » de la paix.

Pourquoi l’Église s’investit-elle sur ce sujet ?

Le Concile Vatican II est clair : l’Église est au service de l’unité des êtres humains avec Dieu et entre eux. En Méditerranée, ce service, qu’elle n’est pas la seule à favoriser, est des plus urgents : les menaces sont réelles et il y a peu de pays riverains qui soient en très bonne posture. L’Église vit au milieu de ces sociétés éprouvées et a le devoir d’obéir à sa vocation en mettant l’espérance, née de sa foi mais aussi de son expérience, à la portée de tous. Il y a des prophètes de malheur qui ne voient que le mal et pourraient nous déterminer à nous résigner. Mais l’Église a le devoir de s’insurger, non pas violemment, mais en contribuant à révéler les ressources de bien et d’espérance qui habitent tant de cœurs humains. Elles sont aussi réelles que les dangers.

Quels sont les défis (communs) que rencontrent les 5 rives de la Méditerranée (Afrique du Nord, Balkans, Europe latine, Mer Noire et Moyen-Orient) ? Comment relever les défis du pourtour méditerranéen ? Les 5 rives ont-elles une vision commune ?

Être riverain de la Méditerranée ne signifie pas qu’on a la même vie, c’est vrai. Mais on peut toutefois reconnaître que des défis nous rassemblent et nous invitent à prendre conscience d’un destin commun. Ces défis nous semblent être géopolitiques, socio-économiques, migratoires et environnementaux. Ils concernent tout le monde, ce d’autant plus que les mouvements de population à l’intérieur de l’aire méditerranéenne font que nous nous échangeons à la fois les problèmes et, je l’espère, les ressources : on peut, par exemple, difficilement comprendre certaines difficultés rencontrées avec des jeunes issus de banlieues du nord de la Méditerranée sans prendre en compte la perception qu’ils ont du conflit israélo-palestinien. Relever ces défis est une tâche difficile et je crains que nous ne puissions pas parler d’une vision réellement commune. Mais nous avons incontestablement des trésors historiques, culturels, spirituels en commun et, que nous le voulions ou non, les défis que j’énumérais touchent tous les peuples méditerranéens et même au-delà.

Cette troisième rencontre méditerranéenne s’inscrit dans le sillon des deux premières « Méditerranée, frontière de paix » à Bari en Italie en février 2020 puis « Méditerranée, frontière de paix 2 » à Florence en février 2022. Quelle est la particularité de cette édition ? Comment vous démarquez-vous ?

Les deux rencontres de Bari et de Florence étaient organisées par la Conférence des Évêques Italiens et celle de Florence avait eu l’originalité de rassembler à la fois des évêques et des maires de villes méditerranéennes. En plein accord avec la Conférence italienne, la rencontre de Marseille est donc la première qui a lieu hors d’Italie et elle vise donc à bien affirmer ce caractère international du processus engagé : nous espérons que d’autres rencontres auront lieu dans d’autres régions de la Méditerranée par la suite. Par ailleurs, le choix a été fait d’inviter cette fois-ci non pas des maires mais des jeunes, de toutes confessions, provenant de tous les pays méditerranéens : ils seront invités à travailler directement avec les évêques et tous produiront, nous l’espérons, une synthèse qui puisse éclairer la mission de l’Église dans cette partie du monde en l’ouvrant, comme il se doit, aux joies et aux peines, aux attentes et aux désirs, de toutes les sociétés civiles. Avec l’acuité du regard des jeunes et l’expérience des évêques, c’est prometteur !

Je pense que l’amour manifeste que le cardinal a pour Marseille et son diocèse a touché le cœur de pasteur du Pape

La rencontre est historique car le Pape François viendra le 23 septembre. Pourquoi le Pape a-t-il choisi, selon vous, le choix de la ville de Marseille ? Quelle est sa particularité ? Les relations interpersonnelles entre le Cardinal et le Pape François ont-elles joué un rôle dans la venue du pape dans la cité phocéenne ?

Lampedusa

Le Saint-Père, comme on sait, a beaucoup voyagé en Méditerranée, depuis son tout premier déplacement, en 2013, à Lampedusa. On peut dire qu’il connaît bien cette région du monde et qu’elle l’intéresse au plus haut point. A ce titre, Marseille, pourrait-on dire, l’intrigue et l’attire : il semble avoir joie à rencontrer son peuple dont la spontanéité, la dévotion, les difficultés aussi, suscitent en lui intérêt et sollicitude. Marseille constitue l’une des dernières villes cosmopolites de la Méditerranée qui en comptait beaucoup plus auparavant (je pense à Smyrne, Alexandrie, Istanbul, etc.) et ce cosmopolitisme, malgré d’indéniables difficultés et de réelles menaces, continue d’être fondamentalement « heureux », sans doute parce qu’il est viscéral et historique. Marseille a la particularité de donner à ceux qui arrivent et qui l’aiment une « identité » et une fierté qui sont autant de racines sans lesquelles une personne, surtout quand elle est exilée, a du mal à vivre. C’est cela qui fait la richesse de la ville, me semble-t-il : on ne s’ennuie jamais à Marseille ! Le cardinal Aveline a su décrire au Saint-Père aussi bien les blessures que les joies de cette ville si particulière : je pense que l’amour manifeste que le cardinal a pour Marseille et son diocèse a touché le cœur de pasteur du Pape.

On peut dire que tout Marseille
se mobilise pour recevoir le Saint-Père

Comment appréhendez-vous cette visite ? Comment s’organise le diocèse pour accueillir les 60 évêques et les jeunes issus du pourtour méditerranéen ? D’où viennent les jeunes ? A quel titre seront-ils invités ?

Je dois le dire, c’est un gros travail d’organisation et de coordination. Une équipe, dont je salue le dévouement, s’y donne corps et âme et de nombreux bénévoles sont en train de nous rejoindre. Le concours des autorités publiques est également sans faille. On peut dire que tout Marseille se mobilise pour recevoir le Saint-Père mais aussi pour préparer les Rencontres qu’il viendra conclure. Une équipe est dédiée pour l’accueil des jeunes et des évêques et, là aussi, de nombreuses institutions, publiques et privées, permettent d’assurer avec le diocèse non seulement la logistique d’une telle réunion mais aussi les ingrédients nécessaires à la découverte de la ville et au bon déroulement des réflexions et des travaux. Les jeunes sont issus de tout le pourtour méditerranéen, sans distinction de confession, et sont soit des étudiants soit de jeunes professionnels. Ils peuvent être invités au titre d’associations ou d’institutions auxquels ils participent ou bien de l’intérêt personnel qu’ils ont pour les questions qu’ils seront amenés à aborder lors des Rencontres Méditerranéennes : nous avons notamment fait un appel à candidatures et effectué une sélection à partir des réponses.

Quelles sont les animations importantes (festival et villages, banquet, veillées, session des jeunes…etc) qu’il faut retenir ?

MarseilleL’assemblée des évêques et la session des jeunes, même si leurs débats ne sont pas ouverts au public, sont le cœur de l’événement. Arrivés dès le 17 septembre et préparés par trois jours de session à la rencontre d’acteurs méditerranéens mais aussi de réflexion entre eux, les jeunes se joindront aux évêques qui arriveront, quant à eux, le 20. Ils pourront, ensemble, réfléchir aux défis qui marquent l’aire méditerranéenne, ainsi qu’aux signes d’espérance dont elle est porteuse. Ils pourront présenter la synthèse de leurs travaux au Saint-Père qui donnera l’orientation à la poursuite du processus ainsi engagé. Mais cela ne peut rester l’affaire d’experts ou de personnes particulièrement engagées : la conscience méditerranéenne et de ce qui unit les peuples qui habitent cette région du monde est loin d’être partagée par tous ! C’est le sens du festival. Il vise à faire goûter à tous, par toutes les ressources de l’art, du débat, de la culture, ce qui se joue dans les Rencontres Méditerranéennes et, notamment, dans les travaux des évêques et des jeunes invités. Ceux-ci partiront, par petits groupes, à la rencontre de différentes paroisses du diocèse de Marseille. Le vendredi, un village, avec près de 90 stands, sera ouvert, permettant à des associations, des mouvements, des entreprises, de faire découvrir ce qu’elles développent en Méditerranée. Et c’est une vingtaine de veillées de prière, de partage et de réflexion qui seront également organisées dans tout le centre-ville. Les associations d’aide aux plus démunis proposeront également un banquet « méditerranéen ». Je n’ai pas besoin de souligner les rendez-vous du 23 avec le Saint-Père, même si je fais une mention spéciale de sa montée, en pèlerin, à Notre-Dame-de-la-Garde où il déposera notamment une gerbe à la mémoire des migrants disparus en mer, en présence des responsables religieux de la ville. Il rencontrera également au Pharo les évêques et les jeunes en présence de nombreuses délégations d’associations et de responsables religieux et politiques, avant de célébrer la messe pour tous au Stade Orange Vélodrome. N’oublions pas le dimanche, journée mondiale du migrant et du réfugié, qui sera marqué par la célébration d’une grande messe à la cathédrale, présidée par le cardinal Czerny, préfet du dicastère pour le développement intégral, suivie d’un verre de l’amitié.

Combien de pèlerins assisteront à la messe au stade Orange Vélodrome ?

60000 places environ sont disponibles : nos équipes travaillent actuellement aux inscriptions nominatives et au placement des différents groupes. Mais il y a fort à parier qu’un nombre plus important de personnes voudront participer à l’événement. Nous sommes donc en train d’étudier les meilleures solutions, en partenariat avec les pouvoirs publics et le Saint-Siège, pour permettre à tous ceux qui le souhaitent d’accueillir le Saint-Père et de vivre cette Eucharistie qui a toutes les chances d’être mémorable ! J’ajoute que la messe sera bien sûr retransmise à la télévision.

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