« Et maintenant ? » par Mgr Di Falco Leandri
Expliquer les raisons d’une décision est une preuve de respect pour celles et ceux qui d’une manière ou d’une autre sont concernés ; ce qui est le cas de tous les catholiques. L’absence d’explication a produit le résultat que l’on sait : l’incompréhension, l’indignation et surtout de profondes blessures qui mettront longtemps à se cicatriser.
C’est parce que j’ai posé ces questions que les auteurs des lettres que j’ai reçues ont pu laisser libre cours à leurs fantasmes.
Voici quelques extraits d’une lettre parmi d’autres. L’auteur écrit : « Je ne m’étendrai par sur votre prise de position à cet égard, nous sommes habitués à votre acharnement peu chrétien à salir les fidèles de la tradition, l’on ne connait que trop votre fielleuse ritournelle par cœur. Vous êtes irrécupérable à cet égard, et c’est pathétique. »
Question : Le décret qui annule l’excommunication est-il un premier pas vers la pleine communion ?
V. M. : Je ne sais pas si on n’arrivera jamais à la pleine communion. Les difficultés, à mon avis, plus que théologiques sont politiques.
Question : C’est-à-dire ?
V. M. : Les lefebvristes sont un phénomène purement français. Derrière les lefebvristes il y a un mélange de religion et de politique que Ratzinger connaît bien mais qu’on a du mal à comprendre pleinement en Italie. Derrière, il y a la révolution française, la nostalgie monarchique, le gallicanisme et le jansénisme. Il y a la législation religieuse de Pétain, point de référence des lefebvristes. En somme, c’est un enchevêtrement auquel on ne peut faire face uniquement au niveau théologique mais aussi et surtout au niveau de la philosophie de l’histoire. De la part des lefebvristes c’est une vision des choses, une Veltanschaung, qui a peu de rapport avec celle des catholiques.
Faire l’amalgame entre le politique et le religieux, voilà le problème des intégristes, dit en somme Vittorio Messori.
Mais le meilleur est pour le dessert : « Je me sens en conséquence obligé d’avertir la nonciature ainsi que d’envoyer un courrier à Rome. » Nous y voilà ! Les bonnes vieilles méthodes n’ont pas été oubliées. Celles à propos desquelles j’écrivais dans « l’Amour crucifié », le précédent communiqué : « Je me suis demandé ce qu’aurait éprouvé le Cardinal Jean-Marie Lustiger. Sa mère, femme juive, à qui il devait lui-même d’être juif est morte à Auschwitz après avoir été dénoncée par un Français sans doute de la même famille de pensée que Mgr Williamson. » Si le Christ avait vécu sous le régime nazi, sa vie se serait-elle achevée cloué sur deux morceaux de bois ou avec ses frères juifs dans une chambre à gaz ?
C’est des mamelles de la délation et de la calomnie que coule le venin dont se repaissent les dénonciateurs. Certes, ici, les conséquences n’ont rien de comparable avec les dénonciations qui conduisaient les juifs aux camps d’extermination. Cependant, les refrains de la délation que certains fredonnent autour des bureaux de responsables de l’Eglise ne permettent pas toujours d’avoir une vue objective des situations.
Les quelques lettres d’injures qui me sont parvenues sont enfouies sous celles de tous ceux qui disent leur souffrance avec dignité, qui ne comprennent pas. Elles sont recouvertes par les lettres de celles et ceux qui se sentent rejetés, jugés et condamnés et se retirent sur la pointe des pieds tournant le dos à une Eglise qui, pensent-ils, leur a tourné le sien.
Jamais je n’oublierai ce que m’a dit un jour quelqu’un dont la vie était loin d’être celle d’un saint : « Je n’attends pas que l’Eglise me dise que ce que je fais est bien, mais j’attends qu’elle m’aime ».
L’amour est l’avenir que Dieu nous donne.
Mgr Jean-Michel di FALCO LEANDRI
Evêque de GAP et d’EMBRUN
16 février 2009