Trois jeunes diocèses dans la joie pour leur jubilé
Il y a 50 ans, le 8 octobre était promulguée officiellement la nouvelle organisation pastorale de la province de Paris. Trois diocèses de sa couronne sont déjà entrés ou s’apprêtent à entrer en jubilé : Évry le 31 janvier dernier, Saint-Denis le 11 octobre et Pontoise le 29 novembre. Coup de projecteur sur ces laboratoires d’une Église jeune, multiculturelle et missionnaire. Par Chantal Joly.
Lorsqu’il retourne l’été dans sa Charente natale, le Père Pierre Machenaud, curé de Pontoise et ancien délégué épiscopal à la communication, doit souvent corriger quelques clichés : non, Pontoise n’est pas Paris et vraiment, « il y a une vie extraordinaire » dans les banlieues. Dernier exemple en date : «Malgré les orages, le dernier pèlerinage Notre-Dame de Pontoise n’a jamais rassemblé autant de monde – 1500 personnes – et il avait été préparé par l’ensemble des pastorales (Santé, Famille, Catéchèse…) car on n’est pas, explique-t-il, dans une pastorale de tuyaux d’orgue. Les différentes pastorales travaillent ensemble ».
Au cours des grands rassemblements des diocèses d’Île-de-France, il a pu mesurer combien les jeunes catholiques du Val d’Oise sont attachés au diocèse « où s’est faite leur conversion » et à qui ses évêques successifs ont donné une identité.
La jeunesse, c’est l’atout n°1 des trois diocèses, autant qu’une priorité pastorale partagée : 20.000 étudiants avec « une belle aumônerie » sur le site de Cergy-Pontoise et, sur l’ensemble du 95, des chiffres de catéchumènes (plus d’une centaine) et de confirmands (plus de 200) qui ne cessent de croître. Dans l’Essonne (91), 39, 5% de la population a moins de 30 ans. Quant au diocèse du 93, la jeunesse (43, 3/ de moins de 30 ans) sera l’une de ses orientations missionnaires pour les 5 ans à venir.
Des visages du monde entier
Autre marque distinctive globale : le multiculturalisme. « Un prêtre d’Aulnay sous-Bois me racontait dernièrement qu’il a plus de 30 nationalités à la messe », rapporte le Père Bertrand Collignon, délégué diocésain pour le Jubilé de Saint-Denis. Lui-même ayant vécu au milieu des cités se félicite de cette « Église multicolore qui donne des communautés bien vivantes avec des églises pleines et qui chantent ».
La présence sur le sol de nombreux migrants s’accompagne, bien sûr, d’une forte présence du monde musulman qui amène à inventer des pistes de fraternité. C’est la participation de curés aux fêtes de l’Aïd-el-Kébir ou de rupture du jeûne et des visites aux responsables de mosquée. C’est la présence d’un imam à l’installation du curé recteur de la basilique d’Argenteuil (95). C’est une multitude de rencontres inter-religieuses à Saint-Denis, c’est l’élaboration d’un calendrier inter-religieux à Évry, etc.
L’Église mosaïque dans ses assemblées l’est dans son clergé également. « Récemment, un paroissien s’est exclamé : « Voilà les mages ! » en me voyant arriver avec un prêtre vietnamien et un prêtre haïtien. Dans notre regroupement paroissial de 7 prêtres, tous les continents sont représentés et nos rassemblements regroupent des visages du monde entier. j’y lis la beauté de la catholicité de l’Église universelle », témoigne le Père Machenaud. À Évry où la majorité des prêtres viennent d’autres diocèses ou d’autres pays, « nous sommes à l’image de la population, sans histoire commune mais avec l’avantage de bénéficier de sang neuf. Ainsi les prêtres étudiants et les prêtres africains nous stimulent » commente le Père Jean-Luc Guilbert, originaire d’Orléans, responsable sur Brétigny d’un des 22 secteurs pastoraux et membre de l’équipe diocésaine du Jubilé.
Problématiques communes, réalités socio-économiques spécifiques
Dans le diocèse d’Évry, 1/3 de la population se renouvelle tous les 5 ans. Les deux autres membres de l’équipe Jubilé sont elles aussi des expatriées. Luce Renaud, Laïque en Mission Ecclésiale depuis 21 ans est nordiste et Cora Deruette, LME également depuis 4 ans, vient de l’Yonne. De ce fait et aussi parce que les axes routiers sont « terriblement et irrégulièrement encombrés et les transports en commun compliqués », l’identité diocésaine reste à construire. Ainsi Cora rapporte que sur son secteur de 5 clochers, des paroissiens situaient la paroisse deVarennes-Jarcy où s’est tenue la messe de rentrée de secteur… dans le Val-de-Marne. Défi que de réussir l’unité dans un département fait de très grandes agglomérations, du pôle scientifique et technologique du plateau de Saclay, de terrains agricoles et forestiers…
Pour mesurer la diversité du Val d’Oise, il suffit de prendre le train ou le RER Paris-Pontoise. « Deux tiers de campagne, la ville nouvelle de Cergy, les cités de Sarcelles, Roissy, des villes très bourgeoises, le Vexin avec ses châteaux et ses néo-ruraux en précarité… Un mélange extraordinaire », s’émerveille le Père Machenaud.
« Lorsque je suis arrivé à l’âge de huit ans à Villetaneuse, il y avait encore des champs de poiriers. Aujourd’hui nous avons très peu de rural. Or sur ce territoire qui a énormément changé en 50 ans, nous avons pris la désindustrialisation de plein fouet. Aujourd’hui, nous sommes un des diocèses les plus pauvres de France avec le taux de chômage le plus élevé et peu de classes moyennes », explique de son côté le Père Collignon.
Tout ceci a des répercussions sur l’Église. Ainsi Saint-Denis souffre d’un manque de ressources financières et humaines. « À Bondy, mon ancienne paroisse, les gens étaient très généreux mais souvent dans des situations fragiles », rapporte le Père Collignon. Le taux de chômage du département est de 18,2%, le plus élevé d’Ile-de-France. Autres conséquences : « C’est difficile de trouver des encadrants, par exemple, pour une fête de la catéchèse. La formation doit partir souvent de la base comme, en exégèse, expliquer les chiffres et les lettres des références bibliques. Et les personnes sortant peu le soir, les réunions doivent se tenir de 19h à 20h30 ». « Par contre, ajoute-t-il, le week-end, ils répondent présents et sont heureux de se retrouver ensemble, notamment pour des repas partagés et on sent une réelle demande de formations locales ». Près de 100 personnes se forment sur un cycle de deux ans.
Des chrétiens en marche
Mgr Pascal Delannoy, évêque de St-Denis, a ce souhait : créer une Église de proximité via des communautés ecclésiales en quartiers où les habitants se retrouvent pour lire la Bible et partager leur vie. La même démarche est lancée par Mgr Stanislas Lalanne, évêque de Pontoise, dont l’une des priorités pastorale est de dialoguer avec le monde. Pendant le Jubilé du diocèse, trois rencontres sont ainsi fixées autour de l’évangile de St Luc. Pour manifester le service de la Diaconie, les 50.000 livrets sont distribués par des « blessés de la vie » (personnes handicapées ou en précarité). Les groupes de partage sont conviés à y inviter des personnes de leur réseau de relations (amis, voisins, collègues..), catholiques du seuil ou voisins musulmans. « Cela va sûrement nous donner un élan extraordinaire. Ici nous ne sommes pas dans une pastorale du rétroviseur -sinon à regarder en arrière on a un accident- mais dans une Église en marche. Des demandes se font jour partout. L’Esprit Saint nous pousse », déclare le Père Machenaud. Même volonté missionnaire à Saint-Denis où, en décembre, une journée missionnaire se vivra dans chaque paroisse pour réinvestir l’Histoire et regarder l’avenir et où tout chrétien va recevoir un un carnet de pèlerin, signe de son cheminement intérieur, les paroissiens étant appelés à faire une démarche de pèlerinage vers la cathédrale que beaucoup ne connaissent pas. De même à Évry où, outre l’émission de timbres, de livres et d’un hymne pour le Jubilé, un carnet de route invite à prier pour les vocations spécifiques dans 8 églises jubilaires. 8 occasions de revisiter un riche passé en participant à des conférences, expositions, concerts, spectacles, etc.
Paroles d’évêques
Mgr Michel Dubost, évêque d’Évry-Corbeil-Essonnes. » Un Jubilé est fait pour être dans la joie. Ce qui est central, c’est de marquer ces 50 ans avec notre joie chrétienne qui est celle de la sobriété. C’est l’action de grâce pour ce qui s’est déjà vécu avec des choses qui avancent, d’autres qui n’avancent pas. C’est surtout regarder l’avenir avec optimisme ».
Mgr Stanislas Lalanne, évêque de Pontoise. « L’histoire riche de notre département s’écrit dans la diversité et les rencontres de peuples venues de tant de lieux ![…] Que nous ayons à ce point besoin les uns des autres ne me semble pas, bien au contraire, décourageant. Le dialogue et le partage dans le respect resserreront, j’en suis sûr, nos liens fraternels. Ces liens sont précieux et indispensables à l’avenir de notre monde.» Extrait de sa « Lettre aux catholiques, et aux hommes et aux femmes de bonne volonté du Val d’Oise ».
Mgr Pascal Delannoy, évêque de Saint-Denis. « Dans l’Évangile, le Christ nous propose la parabole du semeur qui sort de chez lui pour semer (Cf. Luc 8,48). […] Aujourd’hui encore, à la suite de saint Denis et de tant d’autres, nous entendons cet appel à sortir avec le Christ, à nous risquer aux périphéries géographiques et existentielles pour y vivre et y annoncer une parole d’espérance, de vie et de miséricorde ! Nous sommes appelés à annoncer la joie de l’Évangile par nos paroles et nos actes afin que le monde s’ouvre à Dieu ! » Extrait des orientations missionnaires 2015-2020.