A-Dieu, Père Louis Jousseaume
Je salue parmi nous Monsieur le Maire d’Egletons et les Maires des communes dans lesquelles, l’abbé Louis Jousseaume a exercé son ministère.
Je veux évoquer toutes celles et ceux qui nous ont manifesté leur peine et leur amitié et qui nous soutiennent de leur prière : la conseillère du canton de Corrèze, Madame Bernadette Chirac et son mari le Président Jacques Chirac, mes frères évêques et prêtres de Vendée, de Poitiers, de Limoges, de Clermont, de Saint-Flour, de Périgueux, de Cahors, de Nantes, de Paris.
Je salue très amicalement le Père Patrick Le Gal, mon prédécesseur comme évêque de Tulle.
Un salut très fraternel à Monsieur le Pasteur Christophe Jacon de l’Eglise Réformée de France.
La peine, l’amitié, la reconnaissance, le respect, la prière, dépassent nos appartenances sociales, politiques ou religieuses. Telle était d’ailleurs la conviction de l’abbé Louis Jousseaume, telle était sa pratique. Et nous autour de lui en ce moment, nous le vivons et le donnons à voir.
Quel réconfort pour vous, membres de sa famille, pour vous Michel, son frère, prêtre vous aussi en Corrèze ! Quel réconfort pour nous tous ici ! Quel réconfort pour les prêtres et pour les chrétiens de ce diocèse et pour moi !
L’émotion nous a tous saisis. Cette mort sauvagement provoquée nous a tous bouleversés. Le malheur a frappé lourdement, brutalement. Malheur que cette mort violente, sans raison. Malheur aussi que cet acte de folie irréparable et insensé. Aujourd’hui, nous partageons la même tristesse. Nous pleurons l’ami et chacun ici veut rendre au prêtre Louis l’amitié qu’il donnait si largement et si généreusement. Nous pleurons le prêtre qui a accompagné de nombreux jeunes lorsqu’il était aumônier des lycées à Brive, aumônier de la JEC, puis du MRJC, celui qui s’est fait proche des uns et des autres aux grands moments heureux ou douloureux de leur vie, celui qui partageait les préoccupations et les difficultés du monde agricole comme aumônier du mouvement Chrétiens dans le Monde Rural.
Son amitié et sa joie étaient sans doute traits de tempérament. Mais au-delà, elles exprimaient sa foi de chrétien et l’idée qu’il avait de sa mission de prêtre. Prêtre il l’était pour les chrétiens et avec eux, bien évidemment. Prêtre il l’était aussi pour tous les autres. Il accueillait sans distinction, avec humanité et simplicité. Mais ceux qu’il accueillait, il les portait au cœur de sa prière et des liturgies qu’il préparait et présidait avec soin.
Au cœur de notre tristesse, nous venons d’entendre une parole de sagesse, une parole prophétique, déconcertante, un enseignement de Jésus rapportée dans l’évangile de Saint Matthieu. Un mot s’y répète, comme les coups frappés à une porte : Heureux les pauvres de cœur… Heureux les doux… Heureux ceux qui pleurent… Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice… Heureux les miséricordieux…Heureux les cœurs purs… Heureux les artisans de paix… Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice.
Cette proclamation de Jésus nous invite à ouvrir la porte du cœur pour reconnaître le visage que ces mots nous dessinent. C’est celui de Jésus lui-même, visage qui éclaire le monde, et nos joies et nos souffrances les plus grandes. Visage de l’innocent, du juste rejeté et mis à mort, visage de l’amour de Dieu dont rien ne pourra nous séparer.
Cherchant à comprendre moi aussi ce qui nous arrivait, j’ai évoqué l’assassinat des 7 moines de l’Atlas, au petit village de Tibhirine en terre d’Algérie. C’était en 1996. D’autres parmi vous m’ont rappelé l’assassinat de Frère Roger, la belle et haute figure de Taizé. Les uns et les autres étaient des hommes de bonté, des artisans de paix, à la suite de Jésus. Ecoutez ce qu’écrivait dans son testament deux ans avant son assassinat Christian de Chergé, le prieur de Tibhirine : S’il m’arrivait un jour d’être victime du terrorisme, (…) j’aimerais que ma communauté, mon Eglise, ma famille, se souviennent que ma vie était DONNEE à Dieu et à ce pays. Qu’ils acceptent que le Maître unique de toute vie ne saurait être étranger à ce départ brutal. Qu’ils prient pour moi : comment serais-je trouvé digne d’une telle offrande ? Qu’ils sachent associer cette mort à tant d’autres aussi violentes laissées dans l’indifférence de l’anonymat (…) J’aimerais, le moment venu, avoir ce laps de lucidité qui me permettrait de solliciter le pardon de Dieu et celui de mes frères en humanité, en même que de pardonner de tout cœur à qui m’aurait atteint.
Heureux les miséricordieux : ils obtiendront miséricorde ! Heureux les artisans de paix : ils seront appelés fils de Dieu ! Nous sommes à la veille de la fête de la Toussaint. L’Eglise fête tous ceux et toutes celles qui, à travers l’histoire, ont laissé la lumière du Christ dessiner leur vrai visage d’humanité et de fils de Dieu. « Il y a encore beaucoup d’amour à donner aux hommes et aux femmes de notre temps. Le chemin est encore long, mais l’espérance ne doit pas nous faire baisser les bras. A la suite d’autres, Louis a tracé un chemin et creusé un sillon où des hommes et des femmes se sont risqués pour un mieux vivre dans l’espace rural, donnant du sens à leur vie, découvrant le message de l’Evangile au cœur de leurs engagements. Il nous appartient de continuer ».
Ici et maintenant, nous allons redire les paroles et refaire les gestes de Jésus offrant sa vie. C’était au cours du dernier repas. La fraction du pain est pour nous annonce de la résurrection, présence du ressuscité. Ces paroles et ces gestes sont au cœur d’une vie de prêtre, Eucharistie des jours de fête, des jours ordinaires, des jours de peine, lieu de sa prédication, source de sa vie de prêtre, sommet d’une vie apostolique.
+ Bernard CHARRIER
Evêque de Tulle