Jean-Paul II et la Miséricorde
Lorsque, dans son ouvrage Mémoire et identité (Flammarion, 2005), Jean-Paul II jette un regard en arrière sur son expérience pastorale en Pologne au sortir de la guerre et tout spécialement à Cracovie, il se réfère immédiatement à sainte Faustine Kowalska et à ses révélations centrées sur le mystère de la Divine Miséricorde (cf. p. 16-17). Confronté aux idéologies du mal que furent le nazisme et le communisme, Karol Wojtyla comprend que « l’unique vérité capable de contrebalancer le mal de ces idéologies est le fait que Dieu est Miséricorde – c’était la vérité du Christ miséricordieux. C’est pour cela que, lorsque je fus appelé sur le Siège de Pierre, j’ai ressenti fortement la nécessité de transmettre les expériences faites dans mon pays natal, mais appartenant au trésor de l’Eglise universelle » (p. 17).
Depuis l’encyclique Dieu riche en Miséricorde (1980) Jean-Paul II est revenu sans cesse sur la miséricorde comme espérance pour notre temps. Dans son dernier message pour le dimanche de la miséricorde il disait : « Combien l’humanité a besoin de ressentir l’efficacité de la miséricorde de Dieu en ces temps marqués par une incertitude croissante et de violents conflits » (18 avril 2004).
Jean-Paul II, homme de miséricorde
Mais qu’est donc, pour Jean-Paul II, la miséricorde, cette miséricorde dont saint Augustin dit qu’elle est « une compassion du cœur (cor en latin) pour la misère d’autrui qui nous pousse à le secourir, si nous le pouvons » ? Elle est la force de la vérité et de l’amour qui s’oppose au mal et cherche à le vaincre par le bien (cf. Romains 12, 17.21). La miséricorde n’est, en aucun cas, un laisser faire devant l’injustice ou la violence et encore moins une vague compassion sentimentale devant la souffrance ou la blessure d’autrui. Ce n’est pas vivre, disait Benoît XVI, « comme si le bien et le mal était égaux sous prétexte que Dieu ne peut être que miséricordieux. Ce serait là une tromperie » (Audience du 12 novembre 2008). Pour Jean-Paul II, » La miséricorde est nécessaire pour faire en sorte que chaque injustice du monde trouve son terme dans la splendeur de la vérité » (Lagiewniki, 17 août 2002).
C’est pourquoi nous ne devons pas avoir peur du mot miséricorde. « Si, parfois, l’homme contemporain n’a pas le courage de prononcer le mot « miséricorde », ou si, dans sa conscience dépouillée de tout sens religieux, il n’en trouve pas l’équivalent, il est d’autant plus nécessaire que l’Eglise prononce ce mot, pas seulement en son propre nom, mais aussi au nom de tous les hommes de notre temps » (Dieu riche en miséricorde, 15).
En œuvrant pour la miséricorde, l’homme participe à cette limite que Dieu impose au mal selon la puissante expression de Jean-Paul II : « La limite imposée au mal, dont l’homme est l’auteur et la victime, est en définitive la Divine Miséricorde. » (Mémoire et identité, p.71) Même si, précise-t-il dans Dieu riche en miséricorde, « c’est lors du renouvellement définitif du monde, qu’en tous les élus, l’amour vaincra le mal en ses sources les plus profondes. » (8)
La Miséricorde, retour de l’homme vers Dieu
La Miséricorde divine, dont l’Ecriture est remplie, est la fidélité inlassable de Dieu à son amour pour l’homme, malgré tout le péché dont celui-ci se rend coupable. La Croix, comme accomplissement de la Rédemption de l’homme, est à la fois la manifestation de l’abîme du mal et du péché et « une révélation radicale de la miséricorde… La Croix est comme un toucher de l’amour éternel sur les blessures les plus douloureuses de l’existence terrestre de l’homme » (Dieu riche en miséricorde, 8). C’est pourquoi, la miséricorde resplendit-elle particulièrement sur le visage du Christ en sa Passion :
« Tu t’es épuisé mortellement.
Ils t’ont mortellement détruit.
Cela s’appelle la Miséricorde.
Et pourtant tu es resté beau.
Le plus beau des enfants de l’homme.
Une telle beauté ne s’est plus jamais reproduite.
Oh, quelle beauté difficile !
Cette beauté s’appelle Miséricorde. »
(Poème de Karol Wojtyla, jeune prêtre, devant un Christ aux outrages.)
Dans Mémoire et identité, Jean-Paul II souligne : « Il est significatif que sœur Faustine ait vu le Fils comme Dieu miséricordieux, le contemplant cependant, non pas tant sur la Croix que dans sa condition ultérieure de ressuscité dans la gloire » (p. 70). C’est dans le mystère de Pâques et dans le témoignage de la Résurrection du Seigneur que se manifeste, au plus haut point, la Miséricorde divine.
Jésus ressuscité répand sur les Apôtres l’Esprit Saint dans un souffle de paix et de pardon. Le recours, dans une grande confiance, à Jésus Miséricordieux est une rencontre avec Jésus ressuscité.
Mgr Albert-Marie de Monléon
Evêque de Meaux
Coordinateur national du Congrès de la Miséricorde