L’Europe, symbole de fraternité et de réconciliation
Mgr Jean-Pierre Grallet, archevêque de Strasbourg, nouvellement élu représentant de la Conférence des évêques de France à la COMECE (Commission des Épiscopats de la Communauté Européenne) partage son regard sur l’Europe et ses défis.
Quelle relation entretenez-vous avec l’Europe ?

Quels sont les points d’attention de la COMECE?
Les épiscopats d’Europe s’intéressent à l’Union, car on ne peut pas évangéliser sans prendre en compte les conditions de vie des populations. Les lois européennes influencent notre manière de vivre aujourd’hui. Parmi les questions discutées à la COMECE, nous rappelons, à l’approche des prochaines élections, la centralité de la personne humaine dans toutes les décisions. Nous rappelons également la nécessité d’intégrer la diversité historique, humaine et culturelle de l’Europe occidentale et orientale. Nos autres points d’attention sont : la justice sociale, « l’écologie humaine » selon Benoît XVI, la solidarité et l’aide aux pays les plus pauvres, le dialogue œcuménique. L’un des prochains défis est de permettre le dialogue interreligieux. Les catholiques doivent d’abord être responsables de leur foi et de la fraternité universelle à construire avec tous, avant d’entrer en dialogue avec ceux qui ont une foi différente. Ces domaines sont assez considérables et pris très au sérieux par la COMECE.
Quels signes d’espérance observez-vous ?
La cathédrale de Strasbourg a été annexée par les Nazis et désaffectée au culte. Un camp de concentration a été ouvert sur le sol alsacien. La population a été incorporée dans les troupes hitlériennes. Et voici que les Alsaciens sont les plus fervents acteurs de la réconciliation : c’est un des miracles de l’après-guerre ! Le signe d’espérance, nous le vivons, c’est cette fraternité des peuples. Mais la crise affecte toute l’Europe et nous malmène. Populisme, scepticisme, l’Union serait la cause de tous les maux. Il faut plutôt aider les chrétiens à réaliser que tout progrès pour une entente, pour une entraide, est quand même signe d’espérance. L’Europe doit être force de proposition, symbole de fraternité et de réconciliation. Nous devons en être les acteurs responsables et modestes, face aux égoïsmes et aux défis internes importants. Autre signe majeur : les hordes de touristes sur la place de la cathédrale de Strasbourg. Ils viennent voir un signe de foi et de transcendance. Ils aiment aussi visiter les Institutions européennes. Elles représentent des peuples qui se sont rassemblés pour mieux vivre.
Comment les chrétiens peuvent-ils œuvrer à la construction européenne ?
En s’appuyant les grands principes de la doctrine sociale de l’Église, et en s’attachant aussi bien au respect des personnes qu’au souci du bien commun. L’absolue dignité de la personne humaine doit toujours être équilibrée par l’exigence collective. Il faut tenir les deux, si l’on veut prévenir toute radicalisation ou piétinement. À tous les chrétiens de France et d’ailleurs, je veux dire : soyons des citoyens responsables et solidaires. Évitons les slogans et les replis égoïstes. Ayons la patience des constructions lentes, persévérons ! L’Europe doit aussi se soucier de ses deux dimensions occidentale et orientale, « deux poumons indissociables » pour reprendre les mots de Jean-Paul II. Ouvrons les fenêtres et les portes ! Notre Europe grandira en étant solidaire, soucieuse des uns et des autres au sein de l’Union et en dehors. Dans la maison européenne, nous n’avons qu’une seule terre, qu’un seul sol : c’est pour cela que nous sommes solidaires !

