L’Europe en 12 questions
1. Pourquoi l’Europe fait-elle rêver à Kiev et pas à Paris ?
2. Quel était le rêve des pères fondateurs de l’Europe et qui étaient-ils ?
3. Le rêve européen a-t-il été abandonné au profit d’une Europe purement économique ?
L’économie a toujours fait partie du projet européen. Cependant l’objectif du projet européen était bien politique ; l’économie n’était pas le but mais le chemin et l’instrument du projet politique de réconciliation et de paix. En ce sens, le pari a été gagné.Il s’agissait aussi, dans une Europe en ruines, de permettre d’augmenter le niveau de vie le plus vite possible et de partager un certain niveau de prospérité. Il s’agissait encore, comme le précisa Robert Schuman, dans sa déclaration du 9 mai 1950, de partager ce développement et cette prospérité au-delà des seules frontières de l’Europe, notamment au bénéfice de l’Afrique.Mais avec le refus de la France de signer le traité instaurant la communauté européenne de défense (CED) en 1954, l’économie prend quasi exclusivement les commandes du processus qui va conduire au Marché commun et finalement à l’euro. Il faudra attendre le Traité de Maastricht en 1992 pour que la dimension politique regagne du terrain.Aujourd’hui les compétences de l’Union, exclusives ou partagées, ont été élargies : justice, sécurité, environnement, transports, santé publique, aide au développement, éducation et formation, recherche, politique extérieure et de sécurité commune… Certes, pour beaucoup, elles demandent à être approfondies. Mais elles existent. Trop souvent sans doute, nous ne le savons pas. Mais prenons la peine de voir combien l’Europe est présente dans la réalisation de nos équipements régionaux à travers les fonds structurels, combien le Parlement s’est battu pour pérenniser le plan « grande pauvreté ». Qui en parle ?De même, la citoyenneté européenne a pris des couleurs même si elle demande également à être développée : protection consulaire réciproque, droit de vote dans le pays de résidence pour tout ressortissant de l’Union aux élections locales et européennes, droit d’initiative qui, soit dit en passant, n’existe pas en France…L’avenir de l’Europe passe par le renforcement de sa dimension politique. Mais le voulons-nous vraiment ?
4. Quelles sont les valeurs européennes aujourd’hui ?
Un point particulier à souligner : l’arsenal juridique visant à protéger les droits de l’homme a été considérablement développé grâce à l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne en 2009.
Ainsi, la Charte des droits fondamentaux adoptée en l’an 2000 a aujourd’hui la même valeur juridique que les traités et revêt donc un caractère obligatoire pour les Etats membres (art. 6 du TUE). De même, l’Union européenne en tant que telle adhèrera à la Convention européenne de sauvegarde de droits de l’homme et des libertés fondamentales de 1950 (art. 6 TUE), le processus est en cours.
5. Quels exemples concrets permettent de dire que ces valeurs guident l’action de l’UE ?
Les exemples sont nombreux. Sans être exhaustifs, voici quelques domaines politiques qui illustrent la mise en oeuvre de ces valeurs :- L’importance de la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale qui est au coeur de la stratégie Europe 2020 ;- La solidarité entre générations qui se traduit dans l’importance accordée à la formation et à l’insertion des jeunes ;- L’existence des fonds structurels européens et du fonds de cohésion qui traduit concrètement la solidarité entre Etats membres et qui représentent plus de 35% du budget communautaire. Ils ont pour but de réduire les inégalités de développement entre régions européennes, dans le domaine des équipements et des investissements créateurs d’emploi (Fonds européen de développement régional, FEDER) ou en favorisant l’insertion professionnelle des populations les plus en difficultés (Fonds social européen, FSE) ; regardez bien, il y a forcément un projet près de chez vous financé en partenariat avec l’Union européenne !- La politique de développement qui fait de l’Union européenne et des Etats membres le plus gros contributeur mondial en matière d’aide au développement avec plus de 50%des fonds mondiaux.Nous ne saurions bien sûr nous satisfaire de ce qui est déjà en place. De nombreux chrétiens sont ainsi engagés pour faire évoluer les politiques de migrations et d’asile, les accords avec les pays d’Afrique-Caraïbes-pacifiques…
A nous d’exercer notre citoyenneté en étant vigilants et en utilisant les moyens d’action et de proposition qui sont les nôtres.
6. Comment l’Europe change-t-elle mon quotidien en tant que jeune ?
7. En quoi mon vote pour le Parlement européen peut-il avoir un poids dans l’action de l’UE ?
Le fonctionnement de l’Union européenne est fondé sur ce qu’il est convenu d’appeler le triangle institutionnel formé de la Commission, du Conseil et du Parlement. Le Conseil, qui représente les Etats membres, impulse les grandes orientations et vote la législation européenne. La Commission, composée de commissaires ne pouvant avoir de fonctions politiques dans leur pays d’origine, veille à l’intérêt général de l’Union et a le monopole de l’initiative législative. Elle garantit l’application des Traités. Quant au Parlement, élu au suffrage universel direct depuis 1979, il représente les citoyens des Etats membres. Son rôle s’est progressivement renforcé à travers les différents traités et notamment par les nouvelles dispositions de Traité de Lisbonne entré en vigueur en 2009.Aujourd’hui il vote le budget de l’Union et la quasi-totalité de la législation européenne conjointement avec le Conseil (à l’exception de la politique fiscale, de l’adhésion d’un nouvel Etat membre ou de la conclusion d’accords internationaux).Par ailleurs, pour la première fois cette année, il aura un rôle déterminant dans la désignation du Président de la Commission. En effet, le candidat présenté devra être issu de la majorité élue et il ne sera nommé qu’après avoir obtenu le vote favorable de la majorité des députés européens. De même, le Parlement doit approuver la composition du collège des commissaires.Il a également, tout au long du mandat, un pouvoir de contrôle sur la Commission à l’encontre de laquelle il peut adopter une motion de censure entraînant ipso facto la démission de cette dernière.Enfin, le Parlement a la possibilité de constituer des commissions d’enquête et dispose d’un droit de recours en annulation concernant les actes qu’il considérerait comme non conformes aux traités. Il peut alors saisir la Cour de justice de l’Union européenne.
Voter aux élections européennes du 25 mai, c’est donc participer activement aux choix qui seront faits dans les 5 ans à venir. Chaque voix compte.
8. Pourquoi l’Eglise a-t-elle choisi des saints patrons pour l’Europe ? Qui sont-ils et qu’ont-ils fait pour l’Europe ?
Les Saints sont ceux qui ont, pendant leur vie terrestre, noué une telle amitié avec Dieu qu’ils ont réussi à donner à voir quelque chose de l’amour de Dieu autour d’eux. En ce sens, ils sont un exemple et une source d’inspiration pour beaucoup d’autres personnes. Il est dans la grande tradition de l’Eglise catholique de mettre certaines activités ou territoires sous la protection particulière d’un(e) Saint(e). Cela permet aux chrétiens de s’appuyer sur son exemple concret et sa prière d’intercession dans leurs efforts pour construire un monde plus juste et plus digne. C’est en ce sens que l’Eglise a choisi des saints patrons européens, dont la sainteté s’est exprimée dans des circonstances historiques et dans un contexte géographique qui les rendent particulièrement significatifs pour le continent européen.Les co-patrons de l’Europe sont aujourd’hui au nombre de six : Saint Benoît, proclamé patron de l’Europe par Paul VI en 1964, saint Cyrille et Méthode proclamés co-patrons en 1980 par Jean-Paul II et trois saintes proclamées co-patronnes de l’Europe en 1999 par Jean-Paul II : sainte Brigitte de Suède, sainte Catherine de Sienne et sainte Thérèse-Bénédicte de la Croix (Edith Stein).Paul VI présentera ainsi les raisons du choix de Benoît : « Messager de paix, fondateur de la vie monastique en Occident… Lui et ses fils avec la Croix, le livre et la charrue, apporteront le progrès chrétien aux populations s’étendant de la Méditerranée à la Scandinavie, de l’Irlande aux plaines de Pologne ».Soucieux de l’unification de ce qu’il appelait les deux poumons de l’Europe, Jean-Paul II proposa comme co-patrons de l’Europe, Cyrille et Méthode, pionniers de l’évangélisation de l’Orient. Inventeurs de l’alphabet cyrillique, ils traduiront la Bible en slavon et seront les acteurs de l’inculturation de l’Evangile au monde slave.Jean-Paul II a aussi voulu que soit reconnue la contribution des femmes à l’Europe. Avec sainte Brigitte de Suède (1303-1373), cette femme du Nord qui fut mère de famille avant de fonder l’Ordre du Très Saint Sauveur, c’est l’importance du lien oecuménique qui est soulignée.En sainte Catherine de Sienne (1347-1380), tertiaire dominicaine, c’est son engagement inlassable dans la résolution de multiples conflits qui déchiraient tant la société que l’Eglise de son temps qui est mis en valeur. Servir la communion fut l’idéal qui inspira sa vie.Enfin, avec sainte Thérèse-Bénédicte de la Croix (1891-1942), carmélite d’origine juive qui mourut à Auschwitz, c’est « d’une part, la protestation élevée contre toutes les violations des droits fondamentaux de la personne ; d’autre part, le gage de la rencontre renouvelée entre juifs et chrétiens » qui sont ainsi mis en lumière. « Déclarer Edith Stein co-patronne de l’Europe signifie déployer sur l’horizon du vieux continent un étendard de respect, de tolérance, d’accueil, qui invite hommes et femmes à se comprendre et à s’accepter au-delà des diversités de race, de culture et de religion, afin de former une société vraiment fraternelle ». (Jean-Paul II).
9. Pourquoi et comment l’Eglise soutient-elle la construction européenne ?
Dès l’origine, l’Eglise porte un intérêt particulier au projet européen qui est un projet de paix et de réconciliation. Sur un continent qui a connu dans son histoire tant de conflits, qui sort exsangue de la deuxième guerre mondiale et marqué par une profonde crise morale, l’objectif est de dépasser les nationalismes antagonistes, pour assurer à la fois la paix, la croissance économique et la prospérité partagée (voir déclaration Schuman du 9 mai 1950).En 1950, Le Pape Pie XII accueille la déclaration Schuman avec enthousiasme et en 1957, il célèbre la signature des traités de Rome comme « l’évènement le plus important et le plus significatif de l’histoire moderne de la ville éternelle ».Les valeurs sur lesquelles est fondée l’Union européenne et qui sont désormais définies dans le Traité de l’Union européenne (cf. question n°4) sont également partagées par l’Eglise.C’est la raison pour laquelle, les conférences épiscopales des Etats membres ont créé dès 1980 la COMECE (commission des épiscopats de la communauté européenne) chargée de suivre et d’accompagner les politiques européennes à la lumière de la doctrine sociale de l’Eglise.Dotée d’un secrétariat permanent, la COMECE est composée d’un représentant de chaque conférence épiscopale des pays membres de l’Union.Très tôt, des contacts se sont noués avec les élus, les fonctionnaires, les commissaires, de façon informelle. Mais après la chute du Mur de Berlin, Jacques Delors, alors Président de la Commission, appelle les Eglises, entre autres instances porteuses de sens, à prendre part aux débats européens. Aujourd’hui, cette participation est officiellement reconnue et inscrite dans le Traité sur l’Union européenne qui instaure « un dialogue ouvert, transparent et régulier avec les Eglises » (art. 17 du Traité sur le Fonctionnement de l’UE).
10. La devise de l’Europe est « L’unité dans la diversité ». Est-ce que ce n’est pas une utopie ?
11. La crise actuelle de l’Europe : une crise de croissance ?
De multiples facteurs expliquent sans doute cette crise de confiance.Il est d’abord plus difficile pour les dernières générations qui n’ont jamais connu la guerre de mesurer le chemin parcouru et d’envisager ce qu’a apporté l’Europe. Il est aujourd’hui naturel de vivre en paix, de se déplacer sans difficulté au sein de l’Union, d’aller faire des études ou d’aller travailler dans un autre Etat membre. Ce n’était pas le cas il y a 50 ans.Il est aussi difficile d’imaginer ce qu’aurait été notre pays sans l’Europe. Y compris dans la crise qui sévit depuis 2008, il est plus facile de pointer les insuffisances des politiques, l’inertie de « Bruxelles », de dénoncer l’Euro que de mesurer ce que nous avons évité grâce à l’Europe, grâce à l’Euro. Et pourtant… Les responsables politiques n’aident d’ailleurs guère à cette prise de conscience, eux qui ne cessent de charger l’Europe de tous les maux et mesures impopulaires pour se réserver le beau rôle.Pourtant, bien des sujets ne peuvent être traités qu’à ce niveau. Aucun Etat membre ne peut à lui seul sauver et faire valoir le modèle social européen, peser dans les négociations sur le climat, espérer avoir une influence dans le règlement des grands conflits, influer sur les grands enjeux du moment.Nous ne souffrons pas de trop d’Europe mais de pas assez d’Europe.Sans doute l’Europe est-elle à un tournant. Parce qu’elle n’apparaît plus aux yeux de beaucoup comme une évidence, il faut impliquer davantage les citoyens dans les choix, dans les projets que nous souhaitons porter ensemble, dans ce que nous voulons dessiner pour l’avenir, dans le type d’Europe que nous souhaitons construire. La participation est un principe défendu par la doctrine sociale de l’Eglise : avoir non seulement la possibilité de participer, mais aussi le devoir de participer.Les élections qui approchent renforceront le pouvoir des citoyens dont le vote déterminera le choix du prochain président de la Commission : c’est une première ! Sommes-nous prêts à nous investir et à travailler avec d’autres, au-delà de nos frontières, pour travailler au bien commun des Européens ?
12. Comment les jeunes générations peuvent-elles s’approprier le projet européen ?
Monique Baujard
Marie-Laure Dénès
Service national Famille et Société