« Le Fou de Dieu au bout du monde » de Javier Cercas
Fiche de l’Observatoire Foi et Culture du15 octobre 2025, OFC 2025, n°30 sur Le Fou de Dieu au bout du monde de Javier Cercas, Actes Sud
Au premier abord, voilà un projet éditorial bien curieux : demander à un célèbre écrivain athée de suivre le voyage du pape en Mongolie pour en écrire un livre… Cette demande émane pourtant du dicastère pour la communication du Vatican. Et Javier Cercas, qui confesse « je suis écrivain parce que j’ai perdu la foi », finit par accepter à une condition : obtenir quelques minutes de tête à tête avec François pour lui parler de la résurrection de la chair et de la vie éternelle, et lui demander s’il est vrai que sa mère reverrait son père. Ce sera le fil rouge de ce livre…
On pourrait en suggérer la lecture rien que pour le plaisir. L’écrivain a le talent pour décrire les situations et les personnages. Le portrait de Nathalie Becquart, sous[1]secrétaire du Synode des évêques, est délicieux tout comme celui de bien d’autres personnages connus de l’Eglise (les cardinaux Tolentino et Fernandez, le journaliste Louis Besmond de Senneville…) et bien sûr du pape François sur lequel il a un regard perplexe. Qui est le père Bergoglio, jésuite puis évêque et cardinal ? Qui est le pape François ? Lequel est le plus proche du Jorge profond ?

Mais ce sont les rencontres avec les prêtres et religieuses missionnaires en Mongolie, membres d’une petite communauté chrétienne de 1500 baptisés, qui bouleversent Cercas et ses lecteurs. Pourquoi sont-ils là, loin de chez eux ? Pour quoi donnent-ils leur vie ? Sœur Francesca, italienne, l’avoue : « Il faut notamment accepter qu’ici, en tant que catholiques, nous sommes peu de chose, nous ne sommes personne et personne ne nous connaît, on ne compte pas ». Engagés au service des plus pauvres, des personnes handicapées, des enfants des rues, ils sont missionnaires par le don de leur personne. « Nous n’aidons pas les gens pour qu’ils deviennent chrétiens, nous les aidons parce qu’ils sont des enfants de Dieu » explique Sœur Ana, kényane au « sourire resplendissant ». « Nous devons incarner ce que nous prêchons » ajoute le père Paul, prêtre chinois. Ils nous apprennent que la mission consiste à « chuchoter l’Evangile » selon les mots du jeune cardinal Marengo (p.238).
Il reste que la question de la vie éternelle continue de tarauder l’auteur. A un moment ou un autre, il finit toujours par la poser à chacun de ses interlocuteurs.
Et il parvient à s’en entretenir seul à seul avec le pape François.
Notre écrivain qui se proclame anticlérical en arrive pourtant à écrire « Ce qui est exceptionnel, ce n’est pas le pape : ce qui est exceptionnel, c’est l’Eglise catholique ; c’est-à-dire, la promesse de l’Eglise catholique ; c’est-à-dire, la promesse du Christ : l’annonce rayonnante de l’amour illimité, de la résurrection de la chair et la vie éternelle » (p.452).
On referme le livre avec le sentiment profond qu’un athée vient d’éclairer notre foi.

