À quelques kilomètres de Moulins, au cœur du village de Souvigny, fief de la famille des Bourbons, l’imposante prieurale Saint-Pierre Saint-Paul se dévoile aux visiteurs. Le vaisseau de pierre a été agrandi au fil des siècles pour accueillir les pèlerins venus rendre gloire aux deux pères abbés de Cluny enterrés là, les saints Mayeul et Odilon, ambassadeurs de paix parmi les tumultes de l’an mil. En 2016, l’évêque de Moulins Monseigneur Percerou a fait renaître le pèlerinage en instituant le Pèlerinage de la Paix, au début du mois de mai, au plus près de la fête de saint Mayeul. En 2017, la prieurale a été érigée en sanctuaire de la Paix, souhaité par l’évêque comme un lieu où art, foi et culture se mêlent et s’enrichissent mutuellement. Un lieu que nous racontent le Recteur le père Pierre Marminat, l’économe diocésain Éliane Ginon, l’historienne Christiane Keller et la sœur Christine, oblate du cœur de Jésus.
1000 ans d’histoire bourbonnais et européenne
Pour comprendre la majesté habitée du Sanctuaire de la Paix, il faut retracer l’histoire du plus vaste édifice religieux du Bourbonnais, dont l’église et l’ensemble du prieuré – une cloître, une salle capitulaire, une porterie, un logis et des granges – ont été classés Monuments Historiques.
Souvigny, fille aînée de Cluny
Souvigny est d’abord la capitale de la famille des Bourbons; qui au début du Xème siècle fait don d’une terre à l’abbaye de Cluny fondée six ans plus tôt. « Souvigny, surnommée la première fille de Cluny, était l’objet d’une affection particulière de la part des pères abbés de Cluny, ajoute Christiane Keller, écrivain, historienne et spécialiste du Bourbonnais. On ne peut pas comprendre Souvigny sans Cluny et sans l’histoire des Bourbons. » En 994, la mort du quatrième abbé de Cluny saint Mayeul à Souvigny, au cours d’un voyage diplomatique, déclenche à la fois le rayonnement de ce village et la montée en puissance des Bourbons. La sagesse de saint Mayeul en a fait le confident du Pape, des empereurs et des princes européens. Pour saisir l’importance de Mayeul et de son successeur Odilon, le père Pierre Marminat, recteur du Sanctuaire, aime dire « qu’ils ont fait passé Cluny du bois à la pierre. » Lorsque les moines de Cluny viennent réclamer le corps de leur père abbé Mayeul, les habitants de Souvigny s’y opposent par les armes, convaincus de la dimension providentielle du rappel à Dieu de Mayeul sur leurs terres.
Un pèlerinage est donc très vite instauré, papes et rois de France se mettent en route vers Souvigny. Si bien qu’au XIIème siècle, il est considéré comme le second pèlerinage de France après celui de Saint Martin de Tours. Sous l’impulsion d’Odilon, cinquième père abbé de Cluny, la prieurale de Souvigny est agrandie, elle ne cessera de l’être au cours des siècles pour accueillir les pèlerins. Odilon viendra y mourir en 1049, les deux saints abbés sont réunis dans le même tombeau.
Le rayonnement de Souvigny perdurera jusqu’à la Révolution, événement auquel les moines de l’époque n’étaient pas préparés. « À la veille de la Révolution, les moines ont restauré la très belle sacristie, raconte le père Pierre Marminat. En 1786, un orgue de François Henri Clicquot, encore en service aujourd’hui, avait été commandé et inauguré ». Les moines sont chassés, le Trésor pillé, les tombeaux de Mayeul et Odilon détruits et leurs reliques brûlées. Ordre est donné de détruire la prieurale. Pour Christiane Keller, « ce qui a sauvé Souvigny, c’est qu’ils n’ont pas su quoi faire des pierres. Habituellement, les Révolutionnaires abattaient les églises pour utiliser des pierres à des fins d’agrandissements urbains. Cluny, par exemple, a été transformée en carrière de pierres pour la construction de l’aire lyonnaise. »
S’en suivra deux siècles de désert spirituel, la puissante prieurale devient église paroissiale. Des fouilles dans les années 2000 permettent de remettre au jour les tombeaux des deux saints abbés. « Les discussions autour de la Révolution Française sont aujourd’hui dépassionnées, les gens cherchent à comprendre leurs racines et à comprendre pourquoi une si grande église se dresse dans la campagne bourbonnaise », explique le père Marminat.
La paix, ferment du rayonnement de Souvigny
Le prieuré a abrité jusqu’à une cinquantaine de moines au XIVème siècle, il nourrissait quotidiennement les pauvres des paroisses alentour et accueillait des pèlerins de toute l’Europe. « C’était un pôle spirituel qui avait un rayonnement extraordinaire », ajoute le père Marminat, recteur du Sanctuaire. Rayonnement du, outre le charisme des deux saints abbés, à la stabilité et à la continuité spirituelle de leur long abbatiat qui a duré près d’un siècle. » Mayeul et Odilon ont d’ailleurs refusé de hautes charges dans la hiérarchie ecclésiale, celle de Pape pour l’un, celle d’archevêque de Lyon pour l’autre, pour assurer la fermeté et le rayonnement de l’ordre clunisien.
C’est dans un siècle troublé par les guerres et l’instabilité politique que l’œuvre de paix de l’ordre clunisien se déploie. Si Odilon n’est pas l’instigateur de la Trêve de Dieu, c’est pourtant grâce à son autorité qu’elle est appliquée. « Lorsqu’un abbé de Cluny demandait quelque chose, il faut croire qu’il avait plus d’autorité que les conciles d’évêques ! », ajoute le père Marminat. La Trêve de Dieu, suspension de l’activité guerrière durant certaines périodes liturgiques pour réduire les possibilités de longues guerres, a donc contribué à ramener un climat de paix sociale et de prospérité dans l’Europe médiévale.
C’est pour ces raisons qu’en 2016, l’évêque de Moulins Monseigneur Percerou a souhaité redonner à Souvigny sa juste place. En réveillant le pèlerinage cette année-là, le diocèse l’a fait passer de 100 à 2000 participants et l’a fait (re)connaître au-delà des frontières du département. « Cela nous a donné des ailes pour nous lancer dans une vraie démarche de mise en valeur du lieu », ajoute Éliane Ginon, économe du diocèse de Moulins.
En 2017, la prieurale est érigée en Sanctuaire de la Paix et devient lieu emblématique du charisme qui a mis en route Mayeul, Odilon et leurs successeurs.
L’entreprise de redynamisation du Sanctuaire
Pour faire battre le cœur de la prieurale millénaire, pas moins de trois équipes ont en charge différents volets d’animation : le service du Pèlerinage de la Paix pour faire connaître le prieuré et le charisme des deux pères abbés au-delà des frontières du Bourbonnais, le département diocésain Art, Culture et Foi pour mettre en valeur le patrimoine architectural et la communauté de sœurs Oblates du Cœur de Jésus qui accueillent pèlerins et retraitants en augmentation constante depuis cinq ans.
« Le diocèse est très attaché au lieu et à son potentiel », explique Éliane Ginon. En tant qu’économe diocésain, je trouve très intéressant d’envisager le rayonnement d’un lieu tel que Souvigny. »
En 2017, le Sanctuaire dépose un dossier auprès de l’association des Villes Sanctuaires de France. Une adhésion que nous explique Éliane Ginon : « Nous sommes petits comparés à Lourdes, Lisieux ou Paray-Le-Monial, mais faisons figure d’audacieux ! Notre entrée dans l’association nous a permis d’aller plus vite dans le développement, tout en restant conscients de nos fragilités. Si nous allons trop vite, nous risquons de faire peur aux bénévoles qui font vivre le prieuré. » « Cette appartenance aux Villes Sanctuaires nous oblige à améliorer chaque année l’accueil et l’animation spirituelle du lieu. Depuis 2016, nous progressons en écoutant les participants, pour qu’ils se sentent accueillis chez eux », ajoute le père Marminat.
Le père Marminat, Éliane Ginon, Christiane Keller et les sœurs oblates s’accordent à rendre grâce pour la chance fabuleuse d’animer un tel patrimoine religieux et historique. « Je n’ai jamais posé autant d’actes de foi que depuis que je suis dans cette aventure ! » s’exclame Christiane. « Alors que la tendance actuelle est à la fermeture et au repli des lieux de spiritualité, vous voilà tout d’un coup en face d’un lieu qui ouvre, qui se déploie. C’est à vivre comme un signe d’Espérance pour le diocèse », confirme le père Marminat.
Ouverture qui n’est d’ailleurs pas que religieuse, car l’activité du département Art, Culture et Foi amène un vent de nouveauté artistique au milieu des pierres millénaires. Les expositions d’art contemporain sont des portes d’entrée vers l’évangélisation. « C’est ensuite à nous de proposer aux visiteurs de faire un pas de plus ».
Les propositions artistiques s’inscrivent dans une démarche d’accessibilité et de qualité. « On ne se soustrait pas à l’exigence de qualité artistique. Les clunisiens ont toujours été des amoureux de la beauté, charge à nous de continuer cette lignée », expliquent de concert le père Marminat et Christiane Keller. Une manière de rappeler que la culture est un moyen de toucher les périphéries.
Les 2000 habitants qui habitent Souvigny aujourd’hui sont très attachés au lieu. La démarche religieuse essaie donc d’avancer avec les associations culturelles et commerçantes de Souvigny. « Nous sommes une pierre qui roule et qui amasse mousse !, s’amuse Éliane Ginon. Nous devons emporter l’adhésion de tous pour émerger au milieu du paysage culturel et religieux. »
Depuis cinq ans, une communauté d’oblates occupe les lieux. Quatre sœurs, quatre nationalités, trois continents, une grande fierté pour la paroisse et le Sanctuaire. Sœur Christine, en charge de la communauté, explique que les soeurs « prennent modestement leur part dans la vie de la paroisse et dans l’accueil des pèlerins. » La communauté espère pouvoir accueillir davantage de groupes. « Nous cherchons d’ailleurs un cuisiner pour nous aider à mettre une restauration pérenne ! », glisse Éliane Ginon.
Parmi les dossiers sur le bureau d’Eliane Ginon, la rénovation du Logis du Prieur, en lien avec la ville et le musée de Souvigny. La construction du Logis remonte aux XIVème et au XVème siècle, le projet est d’en faire d’ici l’été 2022 un lieu de conservation et d’expositions autour de la Bible de Souvigny, de l’art scriptural et d’une copie virtuelle de l’orgue Clicquot de l’église. La Bible de Souvigny a été copiée et enluminée par les moines à la fin du XIIème siècle, il est important pour le diocèse de donner au public la possibilité d’accéder à un tel trésor de la liturgie du Moyen-Age.
« C’est une petite aventure qui nous dépasse, qui doit nous dépasser, conclut humblement le père Pierre Marminat. Nous ne sommes qu’une portion de l’histoire dans laquelle nous sommes entrés. »
prière aux saints Mayeul et Odilon
Ô saint Mayeul et saint Odilon,
infatigables témoins de l’Évangile
sur les routes de votre temps,
conduisez-nous aujourd’hui encore
vers le cœur de Jésus-Sauveur.
Vous qui avez soulagé tant de malheureux,
nous nous confions à votre fervente prière.
Portez-la au Père de toute tendresse :
Toi, Seigneur,
qui es l’hôte mystérieux de nos âmes,
ravive en nous l’esprit de prière,
le goût d’une inventive charité
dans l’unité des cœurs.
Toi qui fais miséricorde aux miséricordieux
aux vivants comme aux défunts,
accorde-nous tes grâces de paix en nos conflits,
et de force en nos maladies de l’âme et du corps,
tout particulièrement : intention personnelle.
Toi qui aimes ce monde à sauver,
avec Marie, Mère de Miséricorde,
libère en nous la joie de l’Esprit-Saint
pour croire, espèrer et aimer
dans l’audace et l’humilité,
et bâtir ton Royaume en beauté.
Toi qui vis et règnes
pour les siècles des siècles.
Amen.
©️Diocèse de Moulins
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Publiée par Villes Sanctuaires en France Officiel sur Jeudi 4 juillet 2019