Partir en Amérique latine. Le Cefal et les prêtres fidei donum | Documents épiscopat
Depuis l’encyclique de Pie XII en 1957, puis l’appel de Jean XXIII en 1961, de nombreux prêtres sont partis en Amérique latine. En France, cette mission a été encadrée par le Comité épiscopal France-Amérique latine (CEFAL) dont le CNAEF conserve la mémoire. Les missionnaires furent particulièrement engagés en faveur des droits de l’homme, au point de mettre leur vie en péril. Par la mise en regard de témoignages, d’archives inédites et de recherches universitaires, ce numéro propose de revenir sur des décennies de mission française en Amérique latine et de rendre hommage à tous ceux qui sont partis loin de leur terre natale pour se mettre au service des plus pauvres.
Édito de Mgr Robert Le Gall
La lettre encyclique du pape Pie XII Fidei donum date du 21 avril 1957, solennité de la résurrection cette année-là. Elle approche de ses soixante- dix ans et elle n’a pas vieilli. C’était un appel à la générosité de nos Églises anciennes pour aider les plus jeunes, notamment en Afrique, dans leur tâche d’évangélisation. Dès sa parution, elle a suscité un élan missionnaire au sein des Églises locales – c’est sa nouveauté. En effet, le Pape sollicite les évêques pour que des prêtres séculiers et des militants laïcs, formés par l’Action catholique, partent dans « les pays de mission », comme on disait alors. Sont mentionnés expressément les diocèses d’Afrique qui venaient d’être dotés d’une hiérarchie autochtone, mais se sentaient encore très démunis de moyens d’apostolat. Un essor missionnaire de nos diocèses s’ensuivit, d’une ampleur impressionnante, même si elle ne pouvait pas être à la mesure des besoins.
Dès 1961, le pape Jean XXIII répercute cet appel, plus spécialement en direction de l’Amérique latine ; il reçut un écho généreux en France, ce qui amena à créer en 1976 le CEFAL, Comité épiscopal France-Amérique Latine, qui fait l’objet de cette livraison de Documents Épiscopat, Partir en Amérique latine. Le CEFAL et les prêtres fidei donum, préparé et coordonné par Valentin Favrie, directeur du Centre national des archives de l’Église de France (CNAEF). L’habitude se prend par notre Centre des archives de se charger chaque année d’un numéro de Documents Épiscopat, comme ce fut le cas l’an dernier avec le numéro sur L’Aumônerie générale des prisonniers de guerre (1940-1946).
On lira avec intérêt, avec édification, les témoignages et les comptes rendus qui composent ce numéro. J’y reconnais en particulier ce que dit Mgr François d’Alteroche – un Lozérien – de son long service dans les diocèses de Ayaviri et de Sicuani dans l’Altiplano du Pérou, à 4 000 mètres d’altitude (cf. p. 72). Quand j’étais évêque de Mende, je suis allé lui rendre visite là-haut, non loin du lac de Titikaka, et suis revenu marqué de cette proximité généreuse et courageuse auprès des fidèles, dans la joie et le souci de la justice. J’avais pu voir aussi, au bord du Pacifique, à Chincha Baja, le père Joseph Clavel, lui aussi Lozérien. On notera dans ces pages que c’est le diocèse de Mende qui a donné les chroniques les plus régulières et les plus abondantes de ces engagements missionnaires dans son bulletin diocésain (cf. p. 89).
Je me souviens que Mgr Bellino Ghirard, évêque de Rodez en Aveyron, était le président du CEFAL quand j’étais évêque de Mende ; je l’ai retrouvé dans ma province quand j’ai été transféré à Toulouse. Il aimait parler de ses rencontres nombreuses en Amérique latine.
À plusieurs reprises, ces pages évoquent le contexte délicat dans lequel se sont trouvés ces prêtres diocésains missionnaires, en ce qui concerne la justice notamment, face à des dictatures peu soucieuses du bien commun ou du bien des personnes. C’est toute la question de la théologie de la libération. Malgré les excès qui ont marqué cette réflexion, on pourra lire ici combien le Saint-Siège et les évêques ont su prendre des positions claires. On se souvient en particulier des Conférences générales des évêques d’Amérique latine et des Caraïbes qui se sont tenues à Medellín en Colombie en 1968 et à Puebla au Mexique en 1979. Il faut noter particulièrement la cinquième Conférence générale d’Aparecida au Brésil en mai 2007, où le pape Benoît XVI a dit fortement : « L’option préférentielle pour les pauvres est implicite dans la foi christologique en ce Dieu qui s’est fait pauvre pour nous, pour nous enrichir de sa pauvreté. » (cf. 2 Co 8,9)
On sait aussi la part importante qu’a prise le cardinal Jorge Mario Bergoglio dans la cinquième Conférence d’Aparecida en mai 2007. Le document issu de cette Conférence est une clé pour comprendre les orientations du pape François, déjà claires dans La Joie de l’Évangile (2013), avec son insistance sur notre identité de « disciples-missionnaires » (avec tiret). En effet, le document final a pour titre : Disciples et missionnaires de Jésus Christ, pour que nos peuples aient la vie en lui. Les deux mots sont déjà écrits dans le discours inaugural de Benoît XVI pour cette Conférence (le 13 mai 2007) : « Être disciple et être missionnaire sont comme les deux faces d’une même médaille, disait-il. On ne peut être missionnaire si l’on n’est pas toujours et tous les jours disciple. Il s’agit de constituer des ‘‘communautés de disciples’’ », comme les appelait de ses vœux le pape Jean Paul II en sa première lettre encyclique Redemptor hominis (no 21).
Tout cela, dans la continuité différenciée de nos papes, est donc bien actuel. Fidei donum n’a pas vieilli, disions-nous. Cependant le courant s’est inversé. Nous avons encore des prêtres diocésains qui sont partis ou partent en Afrique (au Gabon récemment pour le diocèse de Toulouse), en Amérique latine et sur les autres continents, mais les prêtres fidei donum aujourd’hui, et depuis des années, viennent « d’ailleurs », en retour d’évangélisation comme ils nous le disent, ce qui est un nouveau défi.
Mgr Robert Le Gall,
Archevêque émérite de Toulouse, évêque référent pour le CNAEF
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