Le Père Gabriel Longueville, martyr en Argentine

Le Pape François a signé vendredi 8 juin le décret reconnaissant le martyre « en haine de la foi » de Mgr Enrique Angelelli, évêque de La Rioja (Argentine), du prêtre français Gabriel Longueville, Fidei donum du diocèse de Viviers, du franciscain argentin Carlos de Dios Murias et du laïc Wenceslao Pedernera.

longueville_murias_angelelliIls ont tous été assassinés en 1976, au début de la dictature militaire argentine qui allait durer jusqu’en 1983, sous la présidence du général Videla. En haine de la foi, alors que le pouvoir en place était catholique ? Un déplacement s’opère ici, montrant que l’engagement pour la justice peut être une cause de martyre, pour ceux qui ne supportent pas cet engagement en faveur des plus pauvres.

La signature du décret a été annoncée à Monseigneur Marcelo Colombo, actuel évêque de La Rioja et archevêque nommé de Mendoza, par un appel téléphonique du Pape François lui-même. Celui-ci avait participé à une retraite prêchée aux jésuites argentins par Mgr Angelelli quelques années avant sa mort, et avait dit plus tard avoir été touché par ce « pasteur amoureux de son peuple, qui l’accompagne sur le chemin, jusqu’aux périphéries géographiques et existentielles ». En 2006, lors d’une messe célébrée pour les 30 ans de la mort de l’évêque, il ajoute : « J’ai rencontré une Église persécutée, entièrement, le peuple et son berger ».

Gabriel Longueville et Carlos Murias ont été enlevés à El Chamical, leur paroisse, le 18 juillet 1976, par des hommes à bord d’une voiture sans plaques d’immatriculation. Quelques jours plus tard on les retrouvera criblés de balles, portant des traces de torture et les yeux bandés, sur un terrain vague de la ville. Leur mort est imputée à un militaire qui est déjà condamné à perpétuité pour crimes contre l’humanité.

Le 4 août suivant, l’évêque de La Rioja, Mgr Angelelli, rentrant d’une messe qu’il venait de célébrer en hommage aux deux prêtres assassinés, meurt dans un « accident de voiture », et la sacoche dans laquelle il transporte les documents prouvant leur assassinat disparait. Quelques jours auparavant, le laïc Wenceslao Pedernera, animateur de communauté rurale, avait été tué chez lui de vingt balles, devant sa femme et ses trois filles. L’épiscopat argentin a longtemps considéré la version officielle de l’accident de voiture de l’évêque comme exacte, et il faudra attendre 2014 pour que le cas soit examiné et sa mort reconnue comme un meurtre, après l’envoi par le Pape François de documents faisant état de pressions. « Nous sommes constamment gênés pour remplir la mission de l’Église. Personnellement, prêtres et religieux, nous sommes humiliés, convoqués et pillés par la police, sur ordre de l’armée », écrivait Angelelli – du groupe d’évêques qui s’opposaient le plus ouvertement à la dictature militaire – dans une lettre envoyée quelques jours avant sa mort au nonce en Argentine, le cardinal Pio Laghi. Le pape François avait envoyé en même temps – à Mgr Marcelo Colombo – une « chronique des faits liés à l’assassinat des pères Gabriel Longueville et Carlos Murias », rédigée par Mgr Angelelli.

30 000 « disparus » en Argentine pendant la dictature

Enrique Angelelli, Gabriel Longueville, Carlos de Dios Murias, Wenceslao Pedernera, quatre noms parmi les quelque 30 000 « disparus » pendant la dictature argentine. Quatre noms qui représentent d’une certaine manière tous ces disparus, quel que soit leur état de vie, puisqu’il s’agit d’un évêque, d’un prêtre diocésain, d’un religieux, d’un laïc. Quatre noms qui permettent de ne pas oublier les 29 996 autres… même si tous n’ont pas lutté au nom de leur foi. Parmi ces 30 000 personnes, d’autres Français, une vingtaine, dont les religieuses Léonie Duquet et Alice Domon.

Gabriel Longueville, né en 1931 à Étables, avait été envoyé en Argentine comme prêtre Fidei donum par son diocèse de Viviers, dans le cadre du CEFAL (Comité Épiscopal France Amérique Latine). Arrivé en 1969, il est nommé par le diocèse de La Rioja dans un secteur rural pauvre, la paroisse El Salvador de Chamical, où il se consacre en particulier aux plus défavorisés.

La date de la béatification n’est pas encore connue, mais le diocèse de La Rioja pourrait proposer qu’elle ait lieu en novembre.

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