Périgueux-Sarlat, un diocèse tourné vers l’avenir
En visite pastorale à Terrasson, dans le Périgord Noir, Mgr Philippe Mousset s’apprêtait à quitter le presbytère du père Anga Mbassoa pour rejoindre des bénévoles du Secours Catholique lorsqu’il a pris le temps d’échanger avec des jeunes adossés à la rambarde dominant la ville. Pour ce pasteur proche des habitants de son diocèse, « l’Évangile qui est le sel de la vie est à proposer, y compris à ceux qui apparemment ne l’attendent pas ».
Les visites pastorales sont une de vos priorités. Pourquoi et à quel rythme les menez-vous ?
C’est en effet un de mes choix. Quand je suis à mon bureau à Périgueux, j’essaye d’y passer le moins de temps possible tout en visant au maximum d’efficacité pour passer le plus de temps possible sur le terrain. Bien que les rencontres en Province, à Paris et à Lourdes m’amènent à de nombreux déplacements, je tente d’assurer quatre visites pastorales d’une semaine par an. Si on ne prend pas le temps de s’asseoir et de se poser au milieu des communautés pour écouter, réfléchir et relire la mission avec elles, il s’avère plus difficile de les connaître et d’appréhender l’avenir ensemble. J’ai constaté qu’en restant plusieurs jours sur un secteur, je peux envisager des rencontres plus gratuites, comme se rendre sur les marchés, de prolonger des échanges, de célébrer la messe quotidiennement dans les villages ; alors les cœurs s’ouvrent et les conditions deviennent favorables pour parler du présent… et de l’avenir.
Vous êtes né dans une commune de Charente Maritime, vous avez été ordonné prêtre pour le diocèse de La Rochelle. L’océan n’est pas à proximité. Quelles ont été vos premières impressions en arrivant dans cette région ?
Je suis en effet originaire de la Saintonge dont les limites géographiques ne sont pas si éloignées de la Dordogne. Son esprit présente également des similitudes. Nous baignons en effet dans la culture du grand Sud-Ouest. Lorsque j’ai été nommé évêque de Périgueux et Sarlat en 2014, j’ai été donc moins surpris que par ma découverte précédente de l’Ariège, en tant qu’évêque de Pamiers. De plus, ce département de la Dordogne m’est familier car j’ai de la famille dans le Bergeracois. Enfant, puis adolescent, j’y suis souvent venu passer des vacances. Ma tante étant une fine cuisinière périgourdine, je connaissais donc un de ses atouts majeurs : la gastronomie ; tout comme ses sites remarquables. J’avais également sillonné la Dordogne pendant une semaine avec des amis en tant que jeune adulte afin de visiter ses grottes.
Pour autant, très vite, à mon arrivée, s’est confirmée la beauté de ce Périgord que précède sa réputation avec sa géographie très particulière et son patrimoine hors du commun. J’y fais des découvertes encore jour après jour.
Avec le recul, quels sont justement à vos yeux les atouts mais aussi les faiblesses de ce département ?
Attirés par tout ce que nous venons d’évoquer mais aussi par une certaine douceur de vivre, les gens y viennent volontiers en tant que touristes ou s’y installent. Or, dans un monde où il faut se battre pour réussir, cette « dolce vita » à la périgourdine peut se révéler, dans certaines occasions, un frein à la nécessité d’innover. En effet, les défis qui attendent le département sont nombreux : son amplitude avec un éclatement de ses agglomérations (Bergerac tournée vers Bordeaux, Sarlat vers Brive et Nontron vers Limoges), sa population diffuse et émaillée dans de petites communes, la diminution du nombre de jeunes qui partent faire leurs études à Toulouse ou Bordeaux et ne reviennent pas, l’absence de très grandes villes dans la mesure où nous sommes enclavés entre ces deux métropoles, etc. En même temps, ces inconvénients peuvent devenir des chances. Un exemple : des agglomérations comme Montpon et Mussidan par exemple, à moins de 100 km de Bordeaux, gagnent de nouveaux habitants au nom de la recherche d’une meilleure qualité de vie.
Quelques mots sur le tourisme, qui est quand même une des cartes maîtresses de ce département. Comment l’Église y est-elle impliquée ?
L’Église est présente par le biais du travail considérable mené par les communautés locales avec leurs élus pour entretenir et rénover le patrimoine religieux. Or celui-ci constitue, bien sûr, un élément majeur du patrimoine. Nos communautés ont également le souci d’accueillir les touristes l’été en préparant de belles liturgies, en faisant venir des prêtres extérieurs pour proposer davantage de célébrations. À notre initiative s’est également tenue le 27 septembre 2017 une grande rencontre avec 120 maires de Dordogne et des prêtres, des laïcs de nos communautés, pour réfléchir à l’usage de nos églises pour mieux articuler le cultuel et le culturel dans le respect du cadre juridique entre propriétaires et affectataires. Pour l’instant, la Pastorale du Tourisme et des Loisirs est en sommeil mais nous n’avons pas épuisé le sujet.
Et votre diocèse ? Quelles sont ses forces et ses fragilités ?
L’Église du Périgord mérite d‘être connue, même si nous subissons le vieillissement indéniable de ses communautés. On ne le sait pas assez, mais cette Église fait preuve d’une réelle audace missionnaire. Le diocèse est habité par une culture missionnaire. Nombre de mes confrères se sont montrés intéressés par les nouvelles voies missionnaires explorées par notre clergé, les prêtres et bien des chrétiens ayant ce souci.
Vous engagez toutes les forces vives de votre diocèse dans une démarche missionnaire synodale (voir encadré). Pourquoi et quel est le bilan des journées missionnaires diocésaines lancées en 2016 ?
Nous voyons bien que la pastorale classique s’étiole peu à peu. Nous ne devons pas nous y résigner en gérant seulement ce rétrécissement et ce déclin pastoral. On ne peut pas conduire une pastorale avec le rétroviseur. Aujourd’hui nous devons même aller vers ceux qui ne demandent rien. Cet appel s’adresse à tout baptisé : « Malheur à moi si je n’annonce pas l’Évangile » (1 Cor 9, 16). Aucun lieu, dans le Périgord, ne peut être exclu de l’évangélisation. Aujourd’hui nous recensons un certain nombre d’initiatives missionnaires. Il y a le Parcours Alpha répandu aussi dans notre rural alors qu’on le pense réservé à des paroisses urbaines. Il y a des groupes et des fraternités multiples, des temps forts diocésains, comme les Pélés, le péléVTT… Il y a également les Missions qui se pratiquent très régulièrement sur des paroisses avec des lazaristes, Palavra Viva (une Communauté de Consacrées venant du Brésil), avec une équipe d’une dizaine de prêtres qui, pendant huit jours, vivent des visites à domicile, des célébrations et des soirées-débats en lien étroit avec les laïcs du lieu. Il s’agit là d’une véritable pastorale de la Visitation. Tout ceci reste de l’ordre des commencements. C’est fragile comme toute naissance, tout commencement, mais promesse de croissance, si Dieu le veut.
Vous avez suivi des études agricoles, vous êtes l’initiateur de la visite en 2016 d’une délégation d’évêques au Salon de l’agriculture et vous avez lancé une cellule de la mission rurale. Dans quel but ?
Je suis en effet estampillé évêque du rural et c’est pour ce diocèse une réalité incontournable. Longtemps la mission rurale s’est fondée sur le travail – du reste à saluer – de l’Action catholique. Mais il nous faut la revisiter à frais nouveaux avec les perspectives tracées par le Pape François d’une « Église en sortie ». Il ne s’agit pas d’idéologie, il s’agit de se situer dans le réel et de raisonner autrement qu’en changeant de structures, sans partir de zéro et sans se prendre pour des Zorros mais en libérant les énergies. Le but est que chacun apporte ses visions, ses rêves aussi, et que tous ensemble nous devenions missionnaires en rejoignant les gens dans le contexte culturel actuel.
La Cellule de la Mission rurale est chargée de faire état de ces expériences. Elle réfléchit également sur des questions sociétales telles que « L’Europe dans notre quotidien » par exemple en proposant une rencontre comme celle qui s’est vécue le 8 février dernier à Périgueux. Cette soirée-débat a fait salle comble avec plus de 250 participants dont des élus et membres de diverses associations.
Je termine en évoquant la mission itinérante des prêtres qui s’expérimente sur notre diocèse : il s’agit de tourner dans les presbytères un, deux ou trois jours pour prendre le temps de rencontrer les communautés, recevoir et visiter les personnes. La poignée de ceux qui ont commencé déclare que prendre ainsi le temps avec les gens instaure un nouveau type de relation qui donne de la joie à la fois aux prêtres et aux personnes rencontrées.
Propos recueillis par Chantal Joly
Pâques 2019-Pentecôte 2021
La date officielle de lancement de la démarche missionnaire synodale se fera à la messe chrismale 2019. Après le temps d’enracinement spirituel du Carême, une recollection pour tous les acteurs de la pastorale est programmée le 8 juin 2019. Puis se succéderont un temps fort diocésain le 5 octobre 2019, la phase d’accompagnement des communautés avec des fraternités à mettre en œuvre en 2020 et en 2021, année du bicentenaire de la création du diocèse, l’établissement de repères et de priorités pour la vie de l’Église en Périgord. Le cheminement devant aboutir à « l’élaboration joyeuse et résolue d’un projet pastoral et missionnaire pour aujourd’hui dans chaque paroisse et chaque réalité pastorale ».
Carte des diocèses
Vous trouverez sur cette carte les informations détaillées de chaque diocèse en cliquant sur la zone correspondante.
Attention : ne pas confondre diocèse et évêché.
L'évêché est le lieu de résidence de l'évêque.
Le diocèse prend le nom du lieu où se trouve la cathédrale.