comment Pier Giorgio Frassati continue-t-il aujourd’hui d’inspirer des milliers de chrétiens ?

fanion montrant le portrait de Pier Giorgio Frassati

Patron des sportifs et des Journées mondiales de la jeunesse, Pier Giorgio Frassati (1901-1925) sera canonisé à l’occasion du Jubilé des jeunes du monde entier, cet été, à Rome. Portrait d’un jeune homme qui exerçait la charité auprès des plus démunis au début du XXe siècle et qui continue à toucher les cœurs. Par Florence de Maistre.

“J’ai découvert la figure de Pier Giorgio Frassati, lorsque le pape Jean-Paul II l’a béatifié [le 20 mai 1990] et l’a donné en modèle à tous les jeunes. Un sportif, au service des plus pauvres, mort à 24 ans : quand on a le même âge, ça interpelle”, lance Marie Malcurat, auteur de littérature jeunesse et, en collaboration avec son époux, de l’album de bande dessinée Pier Giorgio Frassati -Toujours plus haut (Éd. Plein Vent, fév. 2024). La personnalité très touchante du jeune Italien, né à Turin le 6 avril 1901 et mort le 4 juillet 1925 à la suite d’une poliomyélite fulgurante, n’a d’égale que sa grandeur d’âme. Ses parents et ses proches ne l’ont découverte qu’après son décès, face à la foule très bigarrée, membres du clergé, étudiants, nécessiteux qui se pressent à ses obsèques, et tant il a vécu la charité sans se montrer, avec humilité et discrétion. Sa réputation de sainteté le précède. Dès 1977, lors d’une retraite auprès d’étudiants, le card. Karol Wojtyla, futur pape Jean-Paul II, évoque au sujet de Pier Giorgio “l’homme des huit béatitudes qui porte en lui la grâce de l’Évangile, de la Bonne Nouvelle”, avant de le proclamer bienheureux treize ans après. La devise du futur saint de Turin, efficace, tient en peu de mots : verso l’alto, vers le haut ! Un défi que l’amateur d’alpinisme et le sportif complet, dont l’endurance impressionne les amis, renouvelle à chaque sortie. “Chez Pier Giorgio, cette formule est incontournable. Elle est pleinement tournée vers le Ciel, avec cette idée de cordée, d’entraînement avec ses camarades”, souligne Marie Malcurat.

Une éducation rigide

Pier Giorgio grandit dans un milieu bourgeois privilégié. Son père fonde le journal La Stampa, avant de se tourner vers la politique. Sa mère est une artiste peintre reconnue. Le couple mène une vie très mondaine, sans être spécialement uni. Tous deux éduquent Pier Giorgio de façon très dure, le secouant et le rabrouant sans autre manifestation de tendresse. C’est avec sa sœur Luciana de seize mois sa cadette, qu’il partage une affectueuse complicité. Cette dernière rassemblera d’ailleurs ses écrits et mémoires. Malgré tout, Pier Giorgio s’efforce de répondre aux attentes de ses parents. “Il est touchant par son amour filial, par ses efforts pour faire de son mieux, même s’il n’a pas de facilités à l’école par exemple. Le calcul et les chiffres lui sont pénibles, même douloureux. Il préfère agir plutôt que de rester à sa table de travail. Il aurait pu être excellent en tout. Être un saint : beau, sportif, intelligent, mais il n’est pas scolaire. Cette facette de sa personnalité rejoint pas mal de jeunes pour qui les études sont difficiles”, indique l’auteur. Ses parents rêvent de grandeur. Pier Giorgio choisit de devenir ingénieur des mines, pour mieux être au contact des plus pauvres, rejoignant ainsi son désir profond. Il a d’ailleurs déjà rencontré des ouvriers à plusieurs reprises. Il est très sensible à leur misère.

Les injonctions familiales impriment fortement la vie sentimentale du jeune turinois. Bien que très épris d’une jeune fille issue d’un milieu modeste, Pier Giorgio ne lui partagera jamais sa flamme. Ses origines sociales ne conviendraient pas à ses parents, ce n’est même pas la peine de la présenter officiellement. Il en souffre secrètement. “Comme il sait qu’il ne pourra jamais l’épouser, il ne se déclare pas, ni ne s’engage. La recherche de sa vocation est parfois éprouvante”, évoque Marie Malcurat.

Une charité brûlante

La prière, la pratique religieuse, l’exercice de la charité ne lui sont pas transmis par ses aînés. Son père est agnostique. Sa mère, catholique, déteste le zèle évangélique qu’elle assimile à des bondieuseries. C’est le saint Esprit qui enseigne Pier Giorgio directement et le guide dans sa façon de donner et de se donner aux autres”, assure la scénariste de bande dessinée. Dès le plus jeune âge, il développe une générosité remarquable. Il donne spontanément ses propres chaussures et chaussettes à une mère qui demande l’aumône, remarquant les pieds nus de son enfant. Il sollicite sa gouvernante pour préparer des paniers de nourriture et des vêtements, apporte les fleurs des réceptions de ses parents aux malades des hôpitaux ou les dépose dans les cimetières sur les tombes délaissées. Par – 12°C, à Berlin où son père est ambassadeur d’Italie, il laisse son manteau à un pauvre vieux grelottant et essuie en rentrant d’âpres reproches paternels. Il trouve un logement à un père de famille aveugle, un emploi à un homme accidenté, obtient des chambres d’hôpital pour les indigents, etc. Il consacre la plupart de son temps libre à servir les pauvres et les infirmes. “Il est très inventif dans l’exercice de la charité. Il est capable de se priver pour les pauvres, s’empêche de prendre le tram et économise l’argent du billet pour le donner aux personnes dans le besoin”, relève Marie Malcurat. Le jour même de son décès, alors que ses proches ignorent sa maladie et ses souffrances, car ils sont tournés vers sa grand-mère également sur le point de mourir, ses derniers mots concernent des médicaments à porter à une famille nécessiteuse.

Le jeune homme est curieux. Il cherche à comprendre le monde, sort de sa bulle dorée. “Il a rencontré des difficultés dans ses études, l’incompréhension de sa famille par rapport à sa foi : des difficultés de la vie quotidienne comme nous tous. Je crois qu’une des étapes fortes de son parcours, c’est quand il fait le choix de recevoir l’eucharistie tous les jours [à partir de ses 17 ans], ce qui était rare à l’époque. Je crois que ça l’a vraiment transformé. Sa grande générosité, sa simplicité, sa capacité à s’oublier me touchent beaucoup. Je suis aussi marquée par son désir d’engagement politique alors que l’on assiste à la montée du fascisme. Il a notamment été arrêté pour avoir défendu des personnes en difficulté. C’est un geste assez fort”, relate Marie-Juliette Bayonne, membre d’une conférence Saint-Vincent-de-Paul jeunes, qui porte le nom de Pier Giorgio Frassati à Bordeaux.

Un engagement dans la fidélité

Le jeune italien ose et s’investit dans différents groupes. À 13 ans, il s’inscrit à l’Apostolat de la prière et dans la compagnie du Très-Saint-Sacrement. À 17 ans, il devient membre actif des Conférences Saint-Vincent-de-Paul et prend soin des soldats démunis au sortir de la guerre. Il rejoint aussi un groupe de prière mariale. L’année suivante, il entre dans un cercle de la Fédération universitaire catholique italienne (FUCI). Il participe aux rassemblements des jeunes pour la Paix et choisit le parti populaire, le nouveau parti catholique. Il s’engage à 22 ans dans le Tiers Ordre Dominicain. “C’est un homme de prière, qui va à la messe et médite le chapelet. Chez les Dominicains, il prend le nom de Savonarole : un martyr, mort sur le bûcher ! Il ne fait pas les choses à moitié ! Et il entraîne ses amis de l’université dans ses différents cercles politiques et au service des autres”, poursuit Marie Malcurat.

« Il témoigne d’un Dieu vivant »

C’est dans l’eucharistie et la prière, que Pier Giorgio puise la force de se donner aux autres. Il montre un chemin, une façon de vivre l’Évangile. Il témoigne vraiment d’un Dieu vivant. Il donne chair à l’Évangile en faisant ce lien entre l’eucharistie et les pauvres qu’il rencontre. Quand il quitte le Christ dans l’adoration, il dit qu’Il le retrouve auprès des déshérités qu’il visite, et évoque cette lumière particulière qu’il voit émaner d’eux. C’est un témoin, héros de la foi de l’ordinaire, grâce à l’équilibre qu’il a trouvé, à sa fidélité entre contemplation et engagement. À un moment donné, il a dû mettre de côté ses activités pour étudier et réviser ses examens. Mais il n’a jamais laissé les pauvres. Voilà encore un choix fort”, confie Marie-Juliette.

Une joie profonde

Le sport fait partie du quotidien de Pier Giorgio, de son équilibre de vie : vélo, randonnée, natation, voile, équitation, escrime, ou encore ski et alpinisme. “À nous, il n’est pas permis de vivoter ; vivre est notre devoir ! Trêve donc à toute mélancolie ! Haut les cœurs et en avant, toujours, pour le triomphe du Christ dans le monde !”, écrit l’athlète infatigable, doté d’une carrure de montagnard, qui lie exercice physique et itinéraire spirituel dans un même mouvement, le tout étant de se dépasser et de s’élever. Chaque activité pratiquée en plein air, chaque paysage traversé, notamment ceux qui environne Pollone, la propriété familiale au cœur des montagnes, le ressource. Il y reconnaît aussi l’œuvre du Créateur. “Pier Giorgio est un jeune qui aime la nature. C’est dans la contemplation de la Création qu’il puise à la source de l’amour de Dieu”, note Marie Malcurat. Chaque sortie est aussi l’occasion de manifester sa sollicitude auprès de ses camarades, de s’encourager dans l’effort et de s’épauler.

Lors de ses excursions avec ses copains de la “Compagnie des types louches”, une bande de joyeux lurons, il partage son humour et ses blagues potaches, il boit du vin, fume la pipe. “C’était un bon vivant. Il avait ce goût de vivre, savait mettre de l’ambiance et entraîner joyeusement les autres vers le Christ”, pointe encore l’auteur de romans jeunesse. Dans les lettres rassemblées par Luciana, une amie de Pier Giorgio évoque sa perte comme celle d’un berger au cœur de leur groupe fraternel. Un autre compagnon rapporte qu’il s’était créé sa famille parmi les pauvres et les malheureux. “C’était un des nôtres”, assure une mère des quartiers défavorisés au sujet de son bienfaiteur. Ces témoignages interpellent Marie-Juliette : “Je suis frappée par ce qu’il devait dégager pour être aussi rassembleur. C’est impressionnant qu’il ait réussi à toucher autant de vies ! Il arrivait à créer de vraies relations avec les gens autour de lui. Sa joie, son espérance en font clairement un modèle authentique”. La jeune femme garde également en mémoire cette citation qui caractérise bien son auteur : Tant que la foi m’en donnera la force, je serai toujours heureux. Un catholique ne saurait manquer de gaîté ; la tristesse doit être bannie des cœurs catholiques ; la douleur n’est pas la tristesse, qui est une maladie, la pire de toutes”. Elle reprend : “C’est la foi qui permet d’être toujours joyeux. C’est elle qui nous relève, nous remet debout. L’espérance évite de rester accablé. C’est difficile, mais cela se comprend avec le Christ. Il nous aide à traverser les épreuves malgré tous les problèmes de la vie courante”.

J’ai eu cette double impression : il me comprenait et je comprenais aussi mieux ses actions de solidarité et sa vie de foi

Un témoignage vivant

C’est étudiante à Montréal, que Marie-Juliette, qui cherchait à progresser sur son chemin de foi, découvre la figure de Pier Giorgio sur Internet, puis lit l’ouvrage Pier Giorgio Frassati – Jeune témoin pour aujourd’hui de Robert Claude s.j. (Éd. Anne Sigier, 2002). La première lecture la laisse songeuse : l’itinéraire est assez radical. Grâce à lui, de retour en France, elle choisit d’entrer dans une Conférence Saint-Vincent-de-Paul. Quel beau signe, lorsqu’elle découvre que l’équipe qui l’accueille a choisi de se mettre à l’école du bienheureux turinois ! “Plus tard, j’ai eu le désir relire la biographie qui n’est pas linéaire mais qui montre bien l’état d’esprit de Pier Giorgio. J’ai fait une nouvelle expérience. J’ai eu cette double impression : il me comprenait et je comprenais aussi mieux ses actions de solidarité et sa vie de foi”, partage-t-elle.

Elle a prié quelques neuvaines en vue de sa canonisation, mais l’annonce de cette dernière reste une heureuse surprise. C’est surtout avant chaque maraude, qu’elle demande à Pier Giorgio d’intercéder pour que l’esprit de service, de paix et de joie souffle lors des rencontres avec les personnes de la rue. D’ailleurs, la jeune femme en est sûre certains gestes ou paroles dites au cours de maraudes qui l’ont bousculée ont été inspirées par Pier Giorgio ! Marie-Juliette se réjouit d’animer cette année la dimension spirituelle de sa conférence, en s’appuyant sur la vie de l’homme des Béatitudes. Bien entendu, elle aimerait répondre positivement à l’invitation du pape François et espère participer au jubilé des jeunes du monde entier à Rome. Qu’elle puisse s’y rendre ou non, elle vit déjà dans la joie de sa canonisation ! En lien avec la commission nationale chargée du réseau jeunes de la Société Saint-Vincent-de-Paul, elle envisage l’organisation d’un pèlerinage à Turin sur les pas du jeune homme épris de charité ou a minima la proposition d’un kit du pèlerin. Elle assure : “Pier Giorgio a encore à nous apprendre de son franc-parler et de sa douceur. Il est un modèle pour qui désire connaître toujours plus Jésus Christ et pour pratiquer sa foi au quotidien”.

À lire

Pier Giorgio Frassati – Toujours plus haut, Marco Greselin (illustrations), Olivier et Marie Malcurat (auteurs), Éd. Plein vent, 48 p., 15,90 euros.

bande dessinée de Pier Giorgio Frassati

 

Prière

Seigneur Jésus,

Donne-nous le courage de voler haut,

pour échapper à la tentation de la médiocrité et de la banalité;

rends-nous capables, comme Pier Giorgio,

d’aspirer aux choses plus grandes

avec sa ténacité et sa constance

et d’accueillir avec joie ton invitation à la sainteté.

Libère-nous de la peur de ne pas réussir

ou de la fausse modestie de n’y être pas appelés.

Donne-nous la grâce,

que nous Te demandons par l’intercession de Pier Giorgio

et la force de continuer avec fidélité

sur le chemin qui mène “vers le haut”.

Par Jésus-Christ, notre Seigneur. Amen.

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