L’accompagnement des personnes fragiles en catéchuménat
Chaque année, le Service National de la Catéchèse et du Catéchuménat lance une enquête auprès de tous les diocèses français pour connaitre le nombre d’adultes demandant le baptême. C’est aussi l’occasion d’analyser un domaine particulier. Cette année, constatant qu’un certain nombre de demandes de baptême viennent de personnes fragiles, le Service National a souhaité mieux cerner cette évolution, ainsi que les types de fragilités rencontrées et les modalités d’accompagnement.
Au côté des plus petits
« Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait ». Cette parole de Jésus dans l’évangile selon St Matthieu (25, 40) se vérifie régulièrement au catéchuménat. Ainsi, tous les diocèses de France accompagnent des personnes fragiles vers le baptême et la vie chrétienne. Nous distinguons quatre types de fragilités : sociales, handicaps physiques ou mentaux, troubles psychiatriques et fragilités psychiques. Ces catégories s’entremêlent bien souvent pour une même personne.
Fragilités sociales : On les retrouve dans presque tous les diocèses, quels que soient leur taille et le nombre de catéchumènes. Il s’agit notamment de précarité matérielle, liée à des parcours de vie chaotiques, des ruptures familiales ou des blessures affectives. Dans cette catégorie se trouvent également de nombreux migrants, pour lesquels on observe un cumul de difficultés qui vont du statut de « sans papier » parfois à la rue, aux difficultés de communication du fait que plusieurs ne maîtrisent pas la langue française et certains sont analphabètes, sans parler des traumatismes liés à leur parcours migratoire. Enfin, chaque année, sont aussi accompagnés vers le baptême des prisonniers, ou encore des personnes ayant connu la prostitution. Ce que souligne l’enquête c’est l’augmentation importante du nombre de demandeurs migrants ainsi que de personnes en grande précarité matérielle.
Fragilités physiques : Il s’agit principalement d’accompagnement de personnes handicapées, en particulier ayant une déficience mentale, une trisomie 21. Nous verrons plus loin, comment se vit l’accompagnement. A peu près en nombre équivalent, des personnes avec un handicap moteur, plus ou moins invalidant, se préparent au baptême. Cela nécessite des ajustements en termes d’accessibilité des locaux ou déplacement à domicile, ou encore de matériaux pour des handicaps sensoriels comme la vue ou l’audition. Ces fragilités physiques se rencontrent dans un peu plus de la moitié des diocèses de France.
Blessures psychiatriques : Les trois quarts des diocèses citent des accompagnements de personnes ayant des fragilités psychiatriques tels que des troubles de la personnalité, la bipolarité, la schizophrénie, des addictions ou des phobies ou encore des dépressions. Selon les cas, l’accompagnement se vit en lien avec l’hôpital où ces personnes sont suivies.
Blessures psychiques : Ces blessures résultent d’événements traumatiques vécus dans l’enfance ou à l’âge adulte. Ainsi, un certain nombre a été victime d’abus de toutes sortes (viol, prostitution, inceste…), de manipulations, de violences familiales ou conjugales. Pour les migrants, aux difficultés sociales s’ajoutent les événements traumatiques liés à l’exode dans des conditions plus que périlleuses pour leur vie, ou victimes de passeurs. Ils peuvent rester traumatisés par les épisodes de guerre dont eux-mêmes ou leurs familles ont été victimes. Certains deuils font aussi partie de ces événements traumatiques qui marquent une personne et la font se tourner vers l’Eglise.
Ce panorama de situations de fragilité est basé sur les éléments recueillis dans les diocèses. Mais ces données sont loin d’être exhaustives. Certains ne témoigneront de blessures profondes qu’à travers leur lettre de demande à l’évêque. Cette analyse ne donne donc que des tendances, mais de l’avis de nombreux responsables diocésains, certaines fragilités sont en réelle augmentation, en particulier celles concernant la précarité matérielle et les demandes de migrants.
Les structures d’accompagnement vers les sacrements de l’Initiation Chrétienne
Dans quasiment tous les diocèses, ce sont des équipes locales qui accompagnent les personnes fragiles. La plupart sont constituées de laïcs de la communauté paroissiale, dont une personne expérimentée, et le plus souvent avec un prêtre. Cette organisation rejoint ce qui se fait pour toute demande de cheminement vers les sacrements de l’initiation chrétienne.
Ce qui diffère, c’est le fait d’adjoindre à l’équipe des personnes avec des compétences particulières comme des éducateurs, des traducteurs, des soignants ou des psychologues, retraités ou non. La famille peut être sollicitée si c’est pour le bénéfice de la personne accompagnée mais parfois au contraire on fera le choix de ne pas lui faire appel. Il est précisé que les accompagnateurs prennent soin d’avoir l’accord des personnels de santé.
Là où des personnes vivent dans des lieux fermés, établissements pénitentiaires ou hospitaliers, les préparations seront faites au sein même des structures avec les équipes d’aumônerie déjà en place.
Les communautés paroissiales ont aussi un rôle à jouer. Ainsi, pour les personnes en fragilités sociales, il peut être fait appel au Secours Catholique ou à d’autres associations d’aide locale, à des diacres dans leur mission de service auprès des plus petits… Pour les personnes handicapées mentales, on pourra prendre contact auprès des membres de mouvements comme « Foi et Lumière ».
Les rencontres diocésaines
Les responsables diocésains ont à cœur de pouvoir accueillir toutes les personnes aux rencontres diocésaines (en moyenne trois par an) et aux célébrations diocésaines, quelles que soient leurs fragilités. Ils sont attentifs à l’accueil qui leur est réservé, prévoient si nécessaire des traducteurs (langues étrangères tout comme langue des signes) ou des groupes linguistiques pour les temps de partage, des ajustements horaires, une adaptation du déroulement.
Les catéchumènes en situation de handicap sont systématiquement conviés aux temps forts car ils enrichissent la vie du groupe par leur vulnérabilité et leur témoignage de foi. Malheureusement il peut arriver qu’une personne ne puisse pas du tout s’intégrer à un groupe dans le cadre d’un temps fort. Dans ce cas, un proche peut être présent aux rencontres pour assurer le lien. Un diocèse met en place des journées spécifiques pour les personnes en situation de handicap.
Pour ceux pour qui il est difficile de rejoindre un groupe du fait de leur vie en institution, des rencontres et temps forts sont organisés entre eux (prison bien sûr, hôpital psychiatrique principalement). Beaucoup d’efforts sont faits depuis quelques années pour faire le lien entre les différents acteurs relevant des différents services diocésains (aumônerie de la santé, aumônerie de prison…).
L’évêque lui-même est attentif à ces situations. Il lui arrive de rencontrer les personnes en situation de handicap et leurs familles en marge d’une rencontre diocésaine et il peut baptiser et confirmer dans les établissements pour les personnes en institution. L’évêque a toujours un lien particulier avec l’ensemble des catéchumènes, il est directement responsable du catéchuménat des adultes. Les catéchumènes lui écrivent une lettre personnelle pour lui demander le baptême et se livrent en profondeur à cette occasion. Pour les personnes qui n’ont pas accès à l’écriture, certaines enverront un dessin, des photos, d’autres feront appel à leurs accompagnateurs pour retranscrire ce qu’elles veulent confier à l’évêque.
Dans l’ensemble, pour les rencontres diocésaines, tout est fait pour que les personnes fragiles soient présentes et bien accueillies.
L’accompagnement de la fragilité de la personne par des liens avec des associations, assistants sociaux, psychologues…
L’Eglise se soucie de l’accompagnement humain des personnes qui viennent lui demander un sacrement. C’est souvent localement que des réponses peuvent être apportées mais cela déborde le cadre du catéchuménat. Des relais sont faits, en prenant appui sur des chrétiens engagés dans le domaine social comme le Secours Catholique, avec les communautés chrétiennes étrangères pour les migrants par exemple, mais les accompagnateurs n’interviennent pas sur les questions psychologiques. Tout au plus peuvent-ils conseiller de rencontrer des professionnels, indiquer les lieux ressources. Il arrive également à des accompagnateurs de s’adresser eux-mêmes à des professionnels quand ils ont besoin d’un avis par exemple de psychologue face au risque de décompensation.
Tout n’est pas simple pour autant. Même si des services diocésains comme la pastorale des personnes handicapées, la pastorale des migrants… peuvent apporter leur concours pour soutenir les accompagnateurs, ceux-ci se sentent souvent démunis face à toutes les fragilités rencontrées, d’autant plus qu’il y a peu de documents à disposition. Cela leur demande un effort d’adaptation important qu’ils acceptent, au nom des valeurs de l’Evangile avec lequel ils essaient de vivre en conformité.
« Car ce qui est folie de Dieu est plus sage que les hommes, et ce qui est faiblesse de Dieu est plus fort que les hommes. Frères, vous qui avez été appelés par Dieu, regardez bien : parmi vous, il n’y a pas beaucoup de sages aux yeux des hommes, ni de gens puissants ou de haute naissance. Au contraire, ce qu’il y a de fou dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi, pour couvrir de confusion les sages ; ce qu’il y a de faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi, pour couvrir de confusion ce qui est fort ; ce qui est d’origine modeste, méprisé dans le monde, ce qui n’est pas, voilà ce que Dieu a choisi, pour réduire à rien ce qui est ; ainsi aucun être de chair ne pourra s’enorgueillir devant Dieu. C’est grâce à Dieu, en effet, que vous êtes dans le Christ Jésus, lui qui est devenu pour nous sagesse venant de Dieu, justice, sanctification, rédemption » 1 Co 1 25-30
Par le témoignage qu’ils donnent dans leurs engagements, en particulier dans l’aide aux plus démunis, les chrétiens font « signe » pour les personnes en quête d’une vie meilleure. C’est parfois la porte d’entrée vers la demande de baptême. Pour les catéchumènes en situation de fragilité, le chemin qu’ils vont emprunter avec leurs accompagnateurs est souvent sur une ligne de crête, entre quête de soutien matériel, cadre rassurant et rencontre de Jésus Christ. L’Eglise leur propose un vrai chemin de Vie, elle ne leur lâchera pas la main après le baptême, même si l’accompagnement devra trouver d’autres voies.
Le catéchuménat en accueillant ces personnes fragiles (fragilisées) permet à toute l’Eglise (et donc aux communautés chrétiennes) de redécouvrir que les plus « petits » sont au cœur de la fraternité chrétienne. Le catéchuménat est ainsi un signe évangélique…
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