Homélie du dimanche 27 mars

Dimanche 27 mars 2022
4éme dimanche de Carême

Références bibliques :

Livre de Josué : 5. 10 à 12 : “Ils mangèrent les produits de la terre.”
Psaume 33 : “Un pauvre crie, le Seigneur entend.”
2ème lettre de saint Paul aux Corinthiens : 5. 17 à 21 : “Il nous a donné de travailler à cette réconciliation.”
Evangile selon saint Luc : 15. 1 à 32 :”Quand ton fils que voilà est arrivé… ton frère qui était mort …”

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Les lectures de ce dimanche nous sont données dans une perspective pascale et nous devons les lire en ce sens.

DIEU EST FIDELE.

La pérégrination dans le désert est terminée. A cause de son manque de fidélité et de foi, Moïse est mort, ainsi que toute la génération de ceux qui étaient sortis d’Egypte,

Le Jourdain vient d’être franchi et cet événement a été vécu comme un second franchissement, le premier étant celui de la Mer Rouge. L’on ne quitte plus l’esclavage de l’Egypte, on entre dans la Terre Promise. Comme au moment de la traversée de la Mer, le peuple passe en traversant  l’eau du Jourdain qui s’arrête. Mais il est des différences. Maintenant la présence de Dieu n’est plus comme une nuée, mais elle réside en l’arche de l’Alliance scellée au Sinaï.

Le chapitre précédant du livre de Josué donne tout son sens à la péricope d’aujourd’hui. “Le Seigneur votre Dieu a asséché devant vous les eaux du Jourdain, leur dit Josué, comme le Seigneur votre Dieu l’avait fait pour la mer des Joncs.” (Josué 4. 23)

Moïse n’est plus là, c’est vrai, mais Dieu, lui, est là tout aussi puissant et miséricordieux aujourd’hui qu’hier. Il n’est donc pas question d’entretenir la moindre nostalgie des temps anciens. Par contre le peuple doit avoir conscience de son attitude : il n’a pas été fidèle à Dieu; il a passé son temps à “murmurer, » dans le désert.  Dieu, lui, est fidèle. Il l’a été, il le sera.

LA FETE DE LA PAQUE.

Une fois le Jourdain traversé, Josué fit dresser un mémorial (Josué 4. 20). Ce mémorial était constitué de douze pierres levées, une par tribu. La fonction de tout mémorial est celle d’un témoignage et non celle d’un souvenir du passé. Le passé continue d’être vrai, mais il n’est pas périmé puisqu’il se réalise dans le présent. La fidélité de Dieu n’est pas qu’un souvenir, c’est une réalité actuelle. La fidélité des hommes se doit d’y répondre présentement.

Mais pour nous, il ne s’agit pas seulement de rappeler cette fidélité par des pierres commémoratives. Il nous faut aussi la fêter. Car la fête souligne davantage le mémorial. C’est pourquoi l’action rédemptrice, libératrice de Dieu qui libère son peuple de l’Egypte sera célébrée par la fête de la Pâque, chaque année selon un rituel qui en marque l’actualité.

Ces rites évocateurs de l’acte fondateur du peuple libéré, sont portés aujourd’hui par l’espérance et la foi. Nous le disons en chaque eucharistie : « En cette vie où nous espérons le bonheur que tu promets et l’avènement de Jésus-Christ notre sauveur. »

Saint Paul le dit aux Corinthiens en parlant de la vraie Pâque qui est celle-là même du Christ :”Le monde ancien s’en est allé, un monde nouveau est déjà né.” (2 Cor. 5. 17)

A L’ORIGINE DES SACREMENTS

Désormais l’acte rédempteur de Dieu dans le Christ culmine au temps de Pâques, aux jours de la Passion et de la Résurrection, au temps où “Dieu l’a pour nous, identifié au péché des hommes.” (2 Cor. 5. 21)

La tradition chrétienne verra dans le baptême le véritable passage de la Mer Rouge et du Jourdain. C’est l’entrée en Terre Promise, dans la famille divine. Mais, de même que le peuple hébreu renouvelle chaque année le repas pascal d’Egypte :”Ils mangèrent des pains sans levain et des épis grillés.” de même l’Eucharistie suit immédiatement la réception du baptême quand il s’agit de catéchumènes adultes dans le rite de l’Eglise catholique latine, même chez le petit enfant dans le rite de l’Eglise catholique orientale que les Eglises orthodoxes ont conservé. Et cette eucharistie n’est pas que d’un jour. Elle est quotidienne en chaque messe.

“Tu es béni, Seigneur, toi qui nous donnes ce pain, fruit de la terre et du travail des hommes”, nous fait dire la liturgie de l’offertoire. A l’arrivée sur la Terre Promise, la manne donnée directement par Dieu cesse de tomber. “Ils mangèrent les produits de la terre. “ (Josué 5. 12) Ce n’est plus une nourriture de détresse que Dieu donne miraculeusement dans le désert pour que le Peuple ne meure pas. C’est une vie nouvelle qui commence. “Le monde ancien s’en est allé. Un monde nouveau est déjà né.” (2 Cor. 5. 17) C’est le pain de la Vie, le vin du Royaume éternel.

LE RETOUR DU FILS

La liturgie nous parle du retour de l’enfant prodigue dans la famille et sur la terre où son père l’attend. Comme le peuple hébreu revient sur la terre que Dieu lui avait donné. Comme nous avons à entrer dans la Terre promise qu’est le Royaume de Dieu. Nous pouvons lire cette parabole selon des entendements différents, qui ressortent chacun des paroles et des descriptions que le Christ nous propose dans cet événement dont il a choisi lui-même chaque détail et dont saint Luc se fait le porte-parole.

On peut prendre la signification de l’accès des païens aux réalités vécues depuis longtemps par les Juifs fidèles. Les Pharisiens l’entendent ainsi. Ils ont l’attitude du fils resté toujours à la maison et qui ne comprend pas l’enthousiasme du père pour celui qui revient après s’en être éloigné.

Il y a le thème de l’infinie miséricorde divine, chère à saint Luc originaire du monde païen. Cette miséricorde est chantée par les psaumes comme étant une caractéristique divine. “Il est tendresse et pitié”. Alors que ceux qui sont pauvres comme l’était le garçon assis près des porcs mieux nourris que lui, que les pauvres se réjouissent :”Que les pauvres m’entendent et soient en fête… un pauvre crie, le Seigneur l’entend.” (Psaume 33) “Mon fils qui était mort est revenu à la vie.” s’exclame le père, comme grande est la joie de notre Père du ciel pour un seul pécheur qui fait pénitence.

On peut reprendre toute la parabole sous l’angle de la relation de liberté du père vis-à-vis de chacun de ses deux fils. Il y a celui pour qui la liberté est plus attirante. Il y a celui pour qui la fidélité dessèche tout amour. Le père organise un festin. Or dans tout l’Evangile le festin est lié à une intimité, à une communion. Et nous ne pouvons pas oublier que cette communion actuellement se réalise en plénitude au cours du repas eucharistique. La réconciliation n’est pas l’effacement d’un contentieux entre Dieu et l’homme, c’est un rapport de communion qui se restaure.

Et Jésus par la bouche du père nous le rappelle. Tout en restant à la maison, le fils aîné s’est détaché de son père. Il lui dit :”Ton fils…” et le père lui rappelle que cette relation intime est indélébile :”Ton frère…”

L’amour de Dieu est tout entier là. L’accueil du père arrête les paroles de celui qui n’a jamais cessé d’être son fils. En le prenant dans ses bras et sur son coeur, il l’empêche d’exprimer l’humiliation dans laquelle il s’est engagé lui-même. Il l’arrête sur cette parole :” Je ne mérite plus d’être appelé ton fils. » – « Je ne vous appelle plus serviteurs, dira Jésus au soir du Jeudi-Saint. Mais amis, ceux que j’aime. »

Le père de l’enfant prodigue prenant au vol ce mot de fils, il lui rend son identité :” Mon fils est de retour. Seul, avec ses ressources limitées et qui se dégradent, l’enfant prodigue est acculé à la solitude et à la misère. Auprès de son père, il retrouve sa dignité d’homme et de fils en une fête partagée, où tout est abondance et joie. Comme nous aussi, nous retrouvons la plénitude de notre vie avec Dieu en nous réconciliant avec notre Père et avec nos frères.

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Ce temps du carême est bien le temps de la marche vers le père. “Je vais lui dire…” Laissons derrière nous le péché. ”Le monde ancien s’en est allé. Un monde nouveau est né. Tout cela vient de Dieu.” (2 Cor. 5. 17)

Ainsi en est-il encore aujourd’hui

année liturgique B