« L’Evangile de la famille » par le cardinal Barbarin
Extrait de la présentation par le cardinal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon, du recueil de textes du Pape François, Catéchèses sur la Famille (Ed. Parole et Silence, 2015), dans le contexte du Synode des évêques sur la famille (Rome, 4-25 octobre 2015).
A l’occasion de la publication de sa Lettre aux familles (2 février 1994), écrite pour préparer le premier rassemblement mondial des familles à Rome, Jean-Paul II avait parlé de « l’Evangile de la famille » (§ 23), et maintes fois dans ses encycliques sociales, il avait développé ce qu’il a appelé « l’Evangile du travail ». Tout récemment, poursuivant cette ligne, le Pape François a donné comme titre au deuxième chapitre de l’encyclique Laudato si’ : « L’Evangile de la création ».
L’Evangile de …
Dans le Nouveau Testament. – Il ne conviendrait pas que ce langage devienne banal et que chacun l’utilise de manière habituelle, sans y réfléchir. En fait, ce genre de formule apparaît déjà dans le Nouveau Testament, où je l’ai trouvée quatre fois. Dans l’émouvant discours de Milet où saint Paul s’adresse aux anciens d’Ephèse, il leur dit : « Je n’attache aucun prix à ma propre vie, pourvu que je mène à bonne fin ma course et le ministère que j’ai reçu du Seigneur Jésus : rendre témoignage à l’Evangile de la grâce de Dieu » (Ac 20, 24). Dans l’épitre aux Ephésiens, citée un peu plus haut, il parle de « l’Evangile du salut » (1, 13) et de « l’Evangile de la paix » (6, 15), et dans la seconde aux Corinthiens, de « l’Evangile de la gloire ». Il ne cache pas les tribulations qu’il a traversées et il ne parvient à s’en consoler qu’en pensant à « la masse éternelle de gloire » (4, 17) qui l’attend. Il en vient à dénoncer l’aveuglement de ceux qui « ne voient pas briller l’Evangile de la gloire du Christ, qui est l’image de Dieu » (4, 4).
Le procédé de langage est vigoureux et destiné à réveiller notre foi, comme si Paul voulait ramasser toute sa prédication en un seul mot. Il fait comprendre aux anciens d’Ephèse que le mot grâce peut résumer l’ensemble du message de l’Evangile. Le Christ est l’être « plein de grâce et de vérité » en qui Dieu a « mis tout son amour », et « nous avons tous reçu de sa plénitude, grâce pour grâce » (Jn 1, 16 ; cf. Mt 3, 17 et Jn 1, 14). L’accomplissement de la promesse (épangile), qui correspond à l’espérance la plus profonde du cœur de l’homme, est que nous sommes graciés, comme des condamnés que le Christ vient arracher à la mort par le mystère de sa résurrection. La grâce est donc le mystère de la vie nouvelle et éternelle dans lequel il nous fait entrer. C’est un don qui, en outre, offre une beauté nouvelle. Et surtout, bien sûr, un pur cadeau, totalement immérité. Les trois adjectifs qui viennent du mot grâce (gracié, gracieux et gratuit) aident à annoncer « l’Evangile de la grâce ». (…)
Chez saint Jean-Paul II. – Renouant avec cette tradition, Jean-Paul II explique dans sa troisième encyclique Laborem exercens, de 1981, toute la dignité du travail de l’homme. En lançant l’expression « Evangile du travail » (Nos 6 et 26), il fait mémoire de sa propre expérience à l’usine Solvay aux portes de Cracovie, juste avant la seconde guerre mondiale. Dans ce texte, il contemple la vie des travailleurs et éclaire la noblesse de leur mission. Cela peut nous aider à comprendre la phrase peu commentée de Jésus: « Mon Père travaille toujours et moi aussi, je travaille » (Jn 5, 17), qui résume tout le mystère de sa venue parmi nous et son enracinement dans l’amour de Dieu Trinité.
« Evangile de la vie » est une expression d’une telle force et d’un tel enjeu dans les débats de société actuels, qu’elle demanderait un développement plus long. Je suis heureux que le pape François ait chaleureusement saluée l’encyclique Evangelium vitae le 25 mars 2015, à l’occasion du vingtième anniversaire de sa publication. « La famille occupe une place centrale, dans la mesure où elle est le sein de la famille humaine. La parole de mon vénéré prédécesseur nous rappelle que le couple humain a été béni par Dieu dès le début pour former une communauté d’amour et de vie.»
L’Evangile de la famille.
Voilà donc l’objet du long travail de ces Synodes et de toute la réflexion qui les prépare et les accompagne dans l’Eglise, depuis deux ans maintenant. (…) Quand Jean-Paul II est devenu Pape, en octobre 1978, il a dû décider rapidement le thème du Synode prévu pour octobre 1980, et il a choisi : « Les tâches de la famille chrétienne. » Il s’agissait d’un Synode ordinaire avec la participation d’évêques venus du monde entier, élus par les conférences épiscopales. Un an plus tard, à l’approche de Noël 1981, le Pape publia l’exhortation Apostolique Familiaris consortio qui livrait le fruit de ce travail synodal. C’était pour lui le début d’un long chemin pastoral, car il était convaincu que les familles avaient besoin d’aide et d’attention.
Il a donc lancé l’idée des rassemblements mondiaux de la famille, dont le premier a eu lieu à Rome en 1994 et qui se sont déroulés régulièrement tous les trois ans dans différents pays du monde, jusqu’à celui de Milan en 2012 auquel participa Benoît XVI. Et le Pape François s’est rendu en septembre à Philadelphie, aux U.S.A, pour la VIIIème Rencontre.
Lors du Consistoire de février 2014, [François] nous a raconté comment était venue l’idée du thème travaillé actuellement. Au cours d’une réunion avec le Secrétariat du Synode, peu après son élection, il avait interrogé ses collaborateurs sur les thèmes possibles d’un prochain Synode. Les idées arrivaient doucement et vinrent se cristalliser sur la question : « Comment parler à l’homme contemporain ? » Puis des sujets sur lesquels il semblait important de reprendre la parole ont été évoqués. Mais, nous a-t-il dit, lorsque quelqu’un a complété la question en disant …. « sur la famille », tout a disparu, les autres thèmes comme la question de départ. Et il a ajouté : « J’y vois comme un signe du Seigneur. Ce sera un Synode sur la famille. »
Cardinal Philippe Barbarin
Archevêque de Lyon
Catéchèses sur la Famille (Ed. Parole et Silence, 2015)