Haïti : « Habités par le désir de Dieu »
Fr. Manuel Rivero o. p. est vicaire provincial des Dominicains en Haïti. Un mois après le séisme qui a frappé Port-au-Prince, l’Espagnol qui fut frère au couvent de Toulouse relit l’événement et témoigne de l’engagement de sa communauté au service des plus démunis.
Pendant ce temps de Carême, le site eglise.catholique.fr proposera chaque semaine le témoignage du frère Manuel Rivero. Deuxième partie : « Habités par le désir de Dieu ».
Comment les chrétiens vivent-il cette épreuve ?
Dès le premier soir de la tragédie, au milieu des gémissements et des cris de deuil, les familles se sont réunies dans la rue pour prier. Pour certains esprits rationalistes ou matérialistes, surtout en Occident, les gens s’accrochent à la foi dans le malheur. La foi est une relation très profonde avec Dieu. Elle comporte une histoire qui englobe toutes les facettes de l’existence : l’amour, les rêves, la peur, la maladie, le danger, la prière, la Parole, la messe… Loin d’être une simple béquille ou une drogue douce, la foi est faite de lumière et de ténèbres, de grâce divine et de combat humain, de certitudes et de questions, voire de doutes.
En cet événement mortifère du 12 janvier 2010, les Haïtiens ne s’accrochent pas à la religion car la plupart d’entre eux sont habités par le désir de Dieu. C’est sans difficulté qu’ils prient et qu’ils crient, qu’ils chantent et qu’ils implorent la miséricorde du Seigneur.
Néanmoins, la question demeure : « Pourquoi ? » : « Pourquoi ma famille ? Pourquoi l’enfant est-il sous les décombres ? Pourquoi moi ? » Encore une fois nous avons à choisir entre l’absurde et le mystère. Car le mal et la mort nous renvoient à l’absurde, au non-sens. Ni la souffrance ni la mort ne sont appelées bonnes par Dieu. Il nous a créés pour la vie. D’ailleurs, la Bible révèle que le dernier ennemi de l’homme est bien la mort. Jésus-Christ est venu précisément pour le vaincre. Jamais Jésus n’a envoyé la souffrance ou la mort à ses contemporains. Il est contre la maladie, la faim et la mort qui défigurent l’homme, image de Dieu. Pour les chrétiens, Jésus-Christ demeure le seul chemin, la seule voie pour trouver une réponse à la question du sens de notre existence mortelle. Chaque chrétien a connu une nouvelle naissance dans son histoire personnelle grâce à la résurrection du Christ qui l’a fait passer de la mort du péché à la lumière de la foi au jour de son baptême. Le chrétien a été engendré à une vie nouvelle donnée par quelqu’un « de chair et d’os » descendu du Ciel : Jésus mort et ressuscité.
En Jésus de Nazareth, nous trouvons et l’effondrement humain et la gloire divine. C’est lui qui nous permet d’unifier notre vie dans ses dimensions humaine et divine, misérable et splendide, sans orgueil ni désespoir.
Faute de connaître tous les paramètres et toutes les variables du problème du mal nous sommes orientés intérieurement – guidés par l’Esprit Saint croient les chrétiens – vers le mystère de Dieu. Mystère ne veut pas dire que nous ne comprenons plus rien mais plutôt que nous ne cessons pas de comprendre la réalité de Dieu et la nôtre. Comme par un excès de lumière, nous restons éblouis devant la présence rayonnante du Seigneur dans la création et dans la capacité d’aimer et de connaître de l’homme. Nos yeux se ferment pour chercher une réponse dans le silence du cœur.
En cet événement mortifère du 12 janvier 2010, les Haïtiens ne s’accrochent pas à la religion car la plupart d’entre eux sont habités par le désir de Dieu. C’est sans difficulté qu’ils prient et qu’ils crient, qu’ils chantent et qu’ils implorent la miséricorde du Seigneur.
Néanmoins, la question demeure : « Pourquoi ? » : « Pourquoi ma famille ? Pourquoi l’enfant est-il sous les décombres ? Pourquoi moi ? » Encore une fois nous avons à choisir entre l’absurde et le mystère. Car le mal et la mort nous renvoient à l’absurde, au non-sens. Ni la souffrance ni la mort ne sont appelées bonnes par Dieu. Il nous a créés pour la vie. D’ailleurs, la Bible révèle que le dernier ennemi de l’homme est bien la mort. Jésus-Christ est venu précisément pour le vaincre. Jamais Jésus n’a envoyé la souffrance ou la mort à ses contemporains. Il est contre la maladie, la faim et la mort qui défigurent l’homme, image de Dieu. Pour les chrétiens, Jésus-Christ demeure le seul chemin, la seule voie pour trouver une réponse à la question du sens de notre existence mortelle. Chaque chrétien a connu une nouvelle naissance dans son histoire personnelle grâce à la résurrection du Christ qui l’a fait passer de la mort du péché à la lumière de la foi au jour de son baptême. Le chrétien a été engendré à une vie nouvelle donnée par quelqu’un « de chair et d’os » descendu du Ciel : Jésus mort et ressuscité.
En Jésus de Nazareth, nous trouvons et l’effondrement humain et la gloire divine. C’est lui qui nous permet d’unifier notre vie dans ses dimensions humaine et divine, misérable et splendide, sans orgueil ni désespoir.
Faute de connaître tous les paramètres et toutes les variables du problème du mal nous sommes orientés intérieurement – guidés par l’Esprit Saint croient les chrétiens – vers le mystère de Dieu. Mystère ne veut pas dire que nous ne comprenons plus rien mais plutôt que nous ne cessons pas de comprendre la réalité de Dieu et la nôtre. Comme par un excès de lumière, nous restons éblouis devant la présence rayonnante du Seigneur dans la création et dans la capacité d’aimer et de connaître de l’homme. Nos yeux se ferment pour chercher une réponse dans le silence du cœur.
De quels déplacements êtes-vous témoin ?
En tant qu’aumônier de lycée, j’ai à prêcher beaucoup de récollections. L’ambiance est souvent cordiale et ces temps passés souvent dans un monastère marquent à jamais ces adolescents. Mais les débats aboutissent presque toujours à la même question : « Pourquoi le mal et la mort ? » En lien avec les catéchistes et les responsables des établissements j’ai choisi alors de relier la prière et le service des malades, surtout handicapés. Connu de près, le handicapé n’est plus « un handicapé » mais une personne unique, avec un prénom et une histoire, des blessures et des trésors dans son cœur.
La fréquentation des handicapés nous fait oublier la maladie pour nous attacher à la personne. Les mêmes jeunes qui posaient la question du mal ont changé de problématique quand ils ont accompagné en tant que brancardiers les malades au cours de pèlerinages à Lourdes ou ailleurs. Certains idéalisaient le malade tandis que d’autres le redoutaient. La maladie nous renvoie chacun à notre propre fragilité et à notre peur de la solitude, de l’échec et de la mort. La solidarité nous guérit de cette peur.
Encore ces jours-ci à Port-au-Prince, j’ai pu expérimenter l’imagination innovante qui jaillit dans le combat commun contre le malheur. Il arrivait que des jeunes ou de moins jeunes me saluent dans la rue ou dans un bidonville : « Bonsoir, Blanc ! » Mais personne ne m’a appelé « Blanc » quand je portais un cadavre avec des Haïtiens dans une rue jonchée de morts. C’étaient des regards de respect et de reconnaissance. Le « Blanc » n’est plus un « Blanc ». Partager les moments difficiles crée de nouvelles relations. Dormir à la belle étoile comme ces jours-ci pour éviter l’écroulement des maisons, sur le même sol et avec les mêmes risques, rapproche aussi les personnes.
Des relations perdues qui ne s’étaient pas manifestées depuis des années m’ont envoyé des courriels amicaux au moment du séisme. À l’occasion du malheur, les cœurs peuvent s’ouvrir. Le meilleur de l’homme émerge alors des profondeurs de l’être avec des richesses jadis laissées en friche. Là où la peur de l’autre avait fermé les esprits l’angoisse partagée et la solidarité peuvent les ouvrir.
C’est dans l’action au service des autres que notre intelligence reçoit la réponse aux questions posées. Ce sont les gestes de tendresse et d’amour plutôt que la démarche spéculative qui illuminent les ténèbres de notre société et de notre âme et nous donnent la sagesse, c’est-à-dire la savoureuse expérience de Dieu.
La fréquentation des handicapés nous fait oublier la maladie pour nous attacher à la personne. Les mêmes jeunes qui posaient la question du mal ont changé de problématique quand ils ont accompagné en tant que brancardiers les malades au cours de pèlerinages à Lourdes ou ailleurs. Certains idéalisaient le malade tandis que d’autres le redoutaient. La maladie nous renvoie chacun à notre propre fragilité et à notre peur de la solitude, de l’échec et de la mort. La solidarité nous guérit de cette peur.
Encore ces jours-ci à Port-au-Prince, j’ai pu expérimenter l’imagination innovante qui jaillit dans le combat commun contre le malheur. Il arrivait que des jeunes ou de moins jeunes me saluent dans la rue ou dans un bidonville : « Bonsoir, Blanc ! » Mais personne ne m’a appelé « Blanc » quand je portais un cadavre avec des Haïtiens dans une rue jonchée de morts. C’étaient des regards de respect et de reconnaissance. Le « Blanc » n’est plus un « Blanc ». Partager les moments difficiles crée de nouvelles relations. Dormir à la belle étoile comme ces jours-ci pour éviter l’écroulement des maisons, sur le même sol et avec les mêmes risques, rapproche aussi les personnes.
Des relations perdues qui ne s’étaient pas manifestées depuis des années m’ont envoyé des courriels amicaux au moment du séisme. À l’occasion du malheur, les cœurs peuvent s’ouvrir. Le meilleur de l’homme émerge alors des profondeurs de l’être avec des richesses jadis laissées en friche. Là où la peur de l’autre avait fermé les esprits l’angoisse partagée et la solidarité peuvent les ouvrir.
C’est dans l’action au service des autres que notre intelligence reçoit la réponse aux questions posées. Ce sont les gestes de tendresse et d’amour plutôt que la démarche spéculative qui illuminent les ténèbres de notre société et de notre âme et nous donnent la sagesse, c’est-à-dire la savoureuse expérience de Dieu.
Fr. Manuel Rivero o. p.
Vicaire provincial des Dominicains en Haïti
A venir : « Ne pas en rester à un simple geste d’émotion et d’entraide »