Première congrégation générale du Synode pour le Moyen-Orient

S.B. Antonios Naguib Patriarche copte catholique d'Alexandrie

La première Congrégation générale de l’Assemblée spéciale du Synode des évêques pour le Moyen-Orient s’est déroulée lundi 11 octobre 2010, sous la présidence du pape Benoît XVI. Le Rapporteur général, SB Antonios Naguib, Patriarche copte d’Alexandrie, a lu le rapport préliminaire. Extraits.
 

Double objectif du Synode

1) Confirmer et renforcer l’identité des chrétiens du Moyen Orient, par la Parole de Dieu et les sacrements. 2) Ranimer la communion entre les Eglises sui juris afin de donner un témoignage commun efficace. Aujourd’hui, la dimension oecuménique, le dialogue inter-religieux et la mission font partie de ce témoignage.
 

L’Eglise catholique au Moyen-Orient

La situation des chrétiens.  « La connaissance de l’histoire du christianisme au Moyen-Orient est importante pour nous-mêmes, ainsi que pour le reste du monde chrétien… Nos Eglises, bénies par la présence du Christ et des apôtres, ont été le berceau du christianisme et des premières générations chrétiennes. C’est pourquoi elles ont la vocation propre d’y maintenir vive la mémoire des origines, de renforcer la foi de ses fidèles, et de vivifier en eux l’esprit de l’Evangile, pour qu’il guide leur vie et leurs rapports avec les autres, chrétiens et non chrétiens… Les chrétiens sont dans leurs pays des « citoyens natifs », membres de plein droit de leur communauté civile. Ils sont chez eux, et souvent de très longue date. Leur présence et leur participation à la vie du pays sont une richesse précieuse, à protéger et à maintenir. »
 

Les défis auxquels sont confrontés les chrétiens

« Les situations socio-politiques de nos pays ont leur répercussion directe sur les chrétiens, qui en sentent plus fortement les conséquences négatives. Dans les Territoires Palestiniens, la vie est très difficile, et parfois insoutenable. La position des chrétiens arabes est très délicate. Tout en condamnant la violence d’où qu’elle vienne, et en appelant à une solution juste et durable du conflit israélo-palestinien, nous exprimons notre solidarité avec le peuple palestinien, dont la situation actuelle favorise le fondamentalisme. L’écoute de la voix des chrétiens du lieu pourra mieux aider à comprendre la situation. Le statut de Jérusalem devrait tenir compte de son importance pour les trois religions chrétienne, musulmane et juive… Il est regrettable que la politique mondiale ne tienne pas suffisamment compte de la tragique situation des chrétiens d’Irak, qui sont les principales victimes de la guerre et de ses suites. Au Liban, une majeure unité entre les chrétiens aiderait à assurer une plus grande stabilité dans le pays. En Egypte, les Eglises gagneraient beaucoup à coordonner leurs efforts en vue d’affermir leurs fidèles dans la foi et à réaliser des oeuvres communes pour le bien du pays. Selon les possibilités de chaque pays, les chrétiens doivent favoriser la démocratie, la justice et la paix, la laïcité positive dans la distinction entre religion et Etat, et le respect de chaque religion. Une attitude d’engagement positif dans la société est une réponse constructive tant pour la société que pour l’Eglise… La promotion des Droits de l’Homme a besoin de paix, de justice et de stabilité. La liberté religieuse est une composante essentielle des droits de l’homme. La liberté de culte n’est qu’un aspect de la liberté religieuse. Dans la plupart de nos pays, elle est garantie par les constitutions. Mais même là, dans quelques pays, certaines lois ou pratiques en limitent l’application. L’autre aspect est la liberté de conscience, basée sur le libre choix de la personne. Son absence entrave le choix libre de ceux qui auraient voulu adhérer à l’Evangile, qui craignent aussi des mesures de vexation pour eux-mêmes et pour leurs familles… Elle ne peut exister et se développer que dans la mesure de la croissance du respect des Droits de l’Homme dans leur totalité et leur intégralité… ».
« Récemment l’émigration s’est accentuée dans nos pays. Les causes principales sont le conflit israélo-palestinien, la guerre en Irak, les situations politiques et économiques, la montée du fondamentalisme musulman, et la restriction des libertés et de l’égalité ».
 

Réponse des chrétiens dans leur vie quotidienne

« La diversité dans l’Eglise Catholique, loin de nuire à son unité, la met en valeur ».

La communion dans l’Eglise catholique et entre les diverses Eglises. « Les signes principaux qui manifestent la communion dans l’Eglise catholique sont: le Baptême, l’Eucharistie, et la communion avec l’Evêque de Rome, Coryphée des Apôtres. Le code canonique des Eglises orientales réglemente les aspects canoniques de cette communion, accompagnée et assistée par la Congrégation pour les Eglises Orientales et les divers dicastères romains. Entre les Eglises catholiques au Moyen-Orient, la communion est manifestée par le Conseil des Patriarches catholiques d’Orient ».
 

Le témoignage chrétien

Témoigner dans l’Eglise : la catéchèse.  « L’action catéchétique ne peut pas se limiter aujourd’hui à la seule transmission orale (…) Les nouveaux médias sont très efficaces pour annoncer l’Evangile et en témoigner. Nos Eglises ont besoin de personnes spécialisées dans ces domaines… « .

Une liturgie renouvelée et fidèle à la tradition. « Dans nos Eglises orientales, la Liturgie est au centre de la vie religieuse (…) Elle constitue donc une annonce et un témoignage importants d’une Eglise qui prie, et non seulement qui agit ».

L’oecuménisme. « L’action oecuménique nécessite des comportements adéquats: la prière, la conversion, la sanctification, et l’échange réciproque des dons, dans un esprit de respect, d’amitié, de charité mutuelle, de solidarité et de collaboration ».

Relations avec le judaïsme. « Le conflit israélo-palestinien a ses répercussions sur les rapports entre chrétiens et juifs. A plusieurs reprises, le Saint-Siège a clairement exprimé sa position, surtout à l’occasion de la visite de Benoît XVI en Terre Sainte en 2009… Nos Eglises refusent l’antisémitisme et l’antijudaïsme ».

Relations avec l’islam. « Les raisons de tisser des rapports entre chrétiens et musulmans sont multiples (…) L’islam n’est pas uniforme, il présente une diversité confessionnelle, culturelle et idéologique. Des difficultés dans les relations entre chrétiens et musulmans surgissent du fait qu’en général les musulmans ne distinguent pas entre religion et politique. D’où le malaise des chrétiens de se sentir en situation de non-citoyens, bien qu’ils soient chez eux dans leurs pays bien avant l’islam. Nous avons besoin d’une reconnaissance, qui passe de la tolérance à la justice et à l’égalité, basées sur la citoyenneté, la liberté religieuse et les Droits de l’Homme… »

Le témoignage dans la société. « Tous les citoyens de nos pays doivent affronter ensemble deux défis principaux: la paix et la violence. Les situations de guerres et de conflits que nous vivons génèrent la violence et sont exploitées par le terrorisme mondial. L’Occident est identifié au christianisme, et on attribue les choix de ses Etats à l’Eglise. Tandis qu’aujourd’hui ses gouvernements sont laïcs, et de plus en plus opposés aux principes de la foi chrétienne. Il est important d’expliquer cette réalité, et le sens d’une laïcité positive, qui distingue le politique du religieux… Dans nos sociétés, l’influence de la modernisation, de la globalisation et du laïcisme ont leur répercussion sur nos chrétiens… L’égalité des citoyens est affirmée dans toutes les constitutions. Mais, dans les Etats à majorité musulmane, à part quelques exceptions, l’islam est la religion d’Etat, et la sharia est la source principale de la législation. Dans quelques pays ou parties de pays, elle est appliquée à tous les citoyens… La liberté de culte est reconnue, mais pas la liberté de conscience. Avec l’intégrisme montant, les attaques contre les chrétiens augmentent ».

Contribution spécifique et irremplaçable du chrétien. « (…) Le service des autres est l’élément marquant de notre identité de chrétiens, et non l’appartenance confessionnelle (…) Notre crédibilité exige la concorde au sein de l’Eglise, la promotion de l’unité parmi les chrétiens, une vie religieuse convaincue et traduite dans la vie (…) ».
 

Conclusion

Quel avenir pour les chrétiens du Moyen-Orient ? « (…) Nous sommes aujourd’hui un « petit reste », mais notre comportement et notre témoignage peuvent faire de nous une présence qui compte… Face à la tentation du découragement, nous devons nous souvenir que nous sommes des disciples du Christ ressuscité, vainqueur du péché et de la mort ».

L’espérance. « Nos Eglises ont besoin de croyants-témoins, tant au niveau des pasteurs, qu’au niveau des fidèles. L’annonce de la Bonne Nouvelle ne peut être fructueuse que si les évêques, les prêtres, les religieux, le religieuses et les laïcs sont enflammés de l’amour du Christ, et embrasés du zèle de le faire connaître et aimer. Nous avons confiance que ce Synode ne sera pas seulement un évènement passager, mais qu’il permettra réellement à l’Esprit de faire bouger nos Eglises ».

Source : extraits du Vis du 11 octobre 2010

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