« VATICAN II a de l’avenir » par Mgr Housset, évêque de La Rochelle et Saintes

Housset Bernard - La Rochelle Saintes

La crise ouverte dans l’Eglise par la levée de l’excommunication des quatre évêques de la Fraternité Saint Pie X est loin d’être résolue. Il est certes de la responsabilité du pape de chercher sans cesse, dans la vérité et la charité, l’unité de l’Eglise. Mais les dysfonctionnements de communication qui ont obéré la publication du décret n’ont pas facilité les choses, c’est le moins que l’on puisse dire.

L’affaire Williamson, elle, semble close. Si cet évêque continue de nier la Shoah, les interventions personnelles de Benoit XVI et la déclaration de la Secrétairerie d’Etat en date du 4 février ont mis les choses au point. Il est inacceptable et impensable qu’un catholique nie à ce point la vérité historique et manifeste de telles injures aux Juifs, nos frères ainés dans la foi.

Par contre, il semble que le débat sur certains points de Vatican II soit ouvert ou ré-ouvert. Quels seront-ils ? A mon avis, c’est l’œil de la crise déclenchée. Et c’est à son sujet que beaucoup manifestent une réelle inquiétude !

Depuis quarante ans, certaines interprétations du concile ont voulu mettre en avant une rupture avec les conciles précédents. Mais le re-équilibrage a été réalisé. Si Vatican II apporte des éléments nouveaux, dans le cadre d’un sain et juste développement de la doctrine et de la vie ecclésiale, il se situe dans la continuité avec la grande Tradition. Un concile ne remplace pas les précédents. Il n’y a pas l’Eglise d’avant Vatican II et l’Eglise de Vatican II. C’est toujours la même Eglise. Je le rappelle pour trois enjeux, parmi d’autres.

L’IDENTITE SACRAMENTELLE DE L’EGLISE

Plutôt que de se considérer comme « société parfaite », l’Eglise préfère aujourd’hui se définir comme sacrement du Christ. Celui-ci la dépasse infiniment, bien entendu. L’Eglise n’a que l’ambition d’être un signe visible et fécond de la vitalité du Christ Ressuscité, « Lumière des nations ».

L’Eglise désire ardemment être sacrement de cette communion qui, depuis toujours, unit le Père et le Fils dans l’Esprit-Saint. Elle essaye, malgré le péché de ses membres et les aléas de l’histoire, de contribuer à ce que cette communion des humains avec la Trinité et entre eux progresse lentement sans doute mais sûrement, sans aucun doute.

Voilà pourquoi la liturgie et la vie spirituelle (au sens fort, c’est-à-dire dans l’Esprit Saint) sont le cœur de l’animation et de la mission de l’Eglise. L’Eucharistie, tout particulièrement, par l’écoute de la Parole du Christ et l’union à son unique sacrifice.

C’est dans la célébration de la messe que l’Eglise se ressource dans son identité. Sans Eucharistie, le chrétien risque de verser dans une solidarité seulement horizontale avec ses frères et sœurs en humanité.

L’EGLISE DANS LE MONDE

L’Eglise « qui est dans le monde, sans être du monde » est pour le monde. Elle n’a pas sa raison d’être en elle-même. Elle est envoyée à l’humanité tout entière, au nom du Christ, pour témoigner de Lui.

Elle n’a donc pas à vouloir être une contre-société en marge et condamnant la société. Si elle est un sacrement qui renvoie à une Réalité plus grande qu’elle-même, c’est pour le signifier au monde entier, plutôt que d’être une secte repliée sur elle-même. « Puisque le Christ est mort pour tous et que la vocation de l’homme est réellement unique, à savoir divine, nous devons tenir que l’Esprit-Saint offre à tous, d’une façon que Dieu connaît, la possibilité d’être associés au mystère pascal » (Constitution Gaudium et Spes 22,5).

On a souvent utilisé l’expression « ouverture au monde ». Il vaut mieux, avec Paul VI, parler de « dialogue avec le monde ». Car, d’une part, l’Eglise reconnait que l’Esprit-Saint agit au cœur du monde, elle accepte de recevoir de lui, sans se trahir. D’autre part, elle n’est pas propriétaire de la vérité du Christ. Elle n’en fait pas ce qu’elle voudrait. Elle n’a pas à l’adapter. Elle la sert du mieux qu’elle peut, sans la renier. Et elle lutte contre le péché qui retarde la venue du Royaume.

L’Eglise essaie de témoigner à chaque être humain, de sa conception à sa mort naturelle, de l’estime que Dieu lui porte. Qu’il s’agisse des autres chrétiens (d’où la nécessité de l’œcuménisme), des membres des autres religions et de ceux qui n’en ont aucune. Cette estime de l’Eglise pour tous les humains et ce sens du dialogue sont caractéristiques de Vatican II, car ils sont au cœur de l’Evangile.

LIBERTE RELIGIEUSE

C’est un autre axe important du concile, refusé par les intégristes. Car il semble en contradiction avec des déclarations des papes du XIXème siècle. Mais ce n’est qu’en apparence car le contexte culturel et sociétal était tout autre.

Parce que l’Eglise croit, avec l’Evangile, en la dignité de toute personne humaine, elle peut affirmer dans le texte sur la liberté religieuse : « Nul ne peut être contraint à agir contre sa conscience. Il ne doit pas non plus être empêché d’agir selon sa conscience, surtout en matière religieuse » (D.H.3)

S’exprimer ainsi, ce n’est pas douter que le Christ est « Voie, Vérité et Vie ». Ce n’est pas inciter chacun à se contenter de son subjectivisme, sans chercher à éclairer objectivement sa conscience. C’est être persuadé que toute personne humaine est sujet de droits (comme de devoirs). C’est affirmer la prééminence de la conscience personnelle sur tous les pouvoirs, quels qu’ils soient, et les Etats sans parler des totalitarismes, y compris celui de l’opinion publique. La dignité de tout être humain est inaliénable, puisqu’elle est fondée par Dieu.

Les expressions de la Vérité peuvent mûrir d’un siècle à l’autre. Newman parlait bien du « développement de la doctrine chrétienne ». Telle est la vraie Tradition de l’Eglise qui ne se confond pas avec ses traditions. Car elle ne cesse d’accueillir le Christ dans sa Parole et ses sacrements, guidée par le magistère, pour toujours mieux les comprendre et les mettre en pratique.

Cette crise, dans laquelle nous sommes entrés, peut du moins avoir une conséquence heureuse : que les catholiques étudient pour de bon les textes conciliaires. Vatican II ne s’est pas trompé, nous n’en sommes qu’à ses débuts.

Mgr Bernard Housset
Evêque de La Rochelle et Saintes
15 février 2009

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