« Et maintenant ? » par Mgr Di Falco Leandri

di Falco-Léandri Jean-Michel - Gap

Nombreux ont été ceux qui ont réagi contre les propos scandaleux de Mgr Williamson. Mais ses déclarations ne doivent pas occulter le trouble créé au sein de l’Eglise par la levée des excommunications. Il ne s’agit plus ici du télescopage entre la levée des excommunications et les délires de Mgr Williamson mais seulement des questions que pose la levée des excommunications : quelles en sont les conséquences ? Quelle est la situation dans l’Eglise des évêques de la Fraternité Saint-Pie X ? Celle des prêtres ? Ces évêques, ces prêtres reconnaissent-ils la validité du Concile Vatican II ? Sont-ils prêts à reconnaître l’autorité du Pape Benoît XVI qui leur a tendu la main avec une immense bonté ? Qu’en est-il de la validité ou de la licéité des sacrements qu’ils administrent ? Autant de questions et bien d’autres que beaucoup se posent aujourd’hui et qui restent pour l’heure sans réponse.

Expliquer les raisons d’une décision est une preuve de respect pour celles et ceux qui d’une manière ou d’une autre sont concernés ; ce qui est le cas de tous les catholiques. L’absence d’explication a produit le résultat que l’on sait : l’incompréhension, l’indignation et surtout de profondes blessures qui mettront longtemps à se cicatriser.

C’est parce que j’ai posé ces questions que les auteurs des lettres que j’ai reçues ont pu laisser libre cours à leurs fantasmes.

Voici quelques extraits d’une lettre parmi d’autres. L’auteur écrit : « Je ne m’étendrai par sur votre prise de position à cet égard, nous sommes habitués à votre acharnement peu chrétien à salir les fidèles de la tradition, l’on ne connait que trop votre fielleuse ritournelle par cœur. Vous êtes irrécupérable à cet égard, et c’est pathétique. »
 

Voici en guise de réponse, ce qu’un membre de la communauté traditionnelle du diocèse de Gap et d’Embrun m’a écrit : « Ancienne fidèle de la Communauté des Chanoines réguliers de la Mère de Dieu, c’est avec une grande tristesse que je les vis partir et donc avec un grand soulagement que j’ai appris l’arrivée, grâce à vos bons offices, d’un chapelain qui officierait selon la liturgie tridentine. Très rapidement vous avez mis une église à la disposition des membres de l’association Saint Pie V et des fidèles qui s’y rattachent. Par cette lettre, Monseigneur, je vous remercie personnellement de cette décision et je vous sais gré d’avoir fait preuve de la plus grande compréhension vis-à-vis d’un groupe de catholiques particulièrement attachés au maintien de la tradition dans l’unité de l’Eglise qu’il vous appartient de défendre. » C’est pour accueillir ces fidèles, qui pouvaient se sentir désavoués par l’Eglise, que le Pape Benoît XVI à ouvert son cœur et ses bras. Plusieurs lettres adressées ces derniers temps par des membres de la communauté traditionnelle du diocèse de Gap et d’Embrun sont dans le même esprit.
 
Quant aux intégristes, car c’est bien ainsi qu’il faut les nommer, pour les distinguer des familiers de la messe en latin, voici ce que dit Vittorio Messori dans Il Riformista. Il est le seul journaliste de l’histoire à avoir écrit un livre d’entretiens avec le pape Jean-Paul II, Au seuil de l’espérance, et à avoir interviewé le cardinal Joseph Ratzinger, Entretiens sur la foi, futur pape. Il a également rencontré Mgr Fellay.

Question : Le décret qui annule l’excommunication est-il un premier pas vers la pleine communion ?

V. M. : Je ne sais pas si on n’arrivera jamais à la pleine communion. Les difficultés, à mon avis, plus que théologiques sont politiques.

Question : C’est-à-dire ?

V. M. : Les lefebvristes sont un phénomène purement français. Derrière les lefebvristes il y a un mélange de religion et de politique que Ratzinger connaît bien mais qu’on a du mal à comprendre pleinement en Italie. Derrière, il y a la révolution française, la nostalgie monarchique, le gallicanisme et le jansénisme. Il y a la législation religieuse de Pétain, point de référence des lefebvristes. En somme, c’est un enchevêtrement auquel on ne peut faire face uniquement au niveau théologique mais aussi et surtout au niveau de la philosophie de l’histoire. De la part des lefebvristes c’est une vision des choses, une Veltanschaung, qui a peu de rapport avec celle des catholiques.

Faire l’amalgame entre le politique et le religieux, voilà le problème des intégristes, dit en somme Vittorio Messori.
 

L’auteur de la lettre déjà citée plus haut poursuit : « Vos propos concernant le gouvernement de l’Eglise sont consternants !!! Vos propos mettent néanmoins en cause de façon extrêmement grave le magistère du pape, et son infaillibilité. » Avez-vous entendu que le Pape avait engagé son infaillibilité dans sa décision de lever les excommunications ?

Mais le meilleur est pour le dessert : « Je me sens en conséquence obligé d’avertir la nonciature ainsi que d’envoyer un courrier à Rome. » Nous y voilà ! Les bonnes vieilles méthodes n’ont pas été oubliées. Celles à propos desquelles j’écrivais dans « l’Amour crucifié », le précédent communiqué : « Je me suis demandé ce qu’aurait éprouvé le Cardinal Jean-Marie Lustiger. Sa mère, femme juive, à qui il devait lui-même d’être juif est morte à Auschwitz après avoir été dénoncée par un Français sans doute de la même famille de pensée que Mgr Williamson. » Si le Christ avait vécu sous le régime nazi, sa vie se serait-elle achevée cloué sur deux morceaux de bois ou avec ses frères juifs dans une chambre à gaz ?

C’est des mamelles de la délation et de la calomnie que coule le venin dont se repaissent les dénonciateurs. Certes, ici, les conséquences n’ont rien de comparable avec les dénonciations qui conduisaient les juifs aux camps d’extermination. Cependant, les refrains de la délation que certains fredonnent autour des bureaux de responsables de l’Eglise ne permettent pas toujours d’avoir une vue objective des situations.

Les quelques lettres d’injures qui me sont parvenues sont enfouies sous celles de tous ceux qui disent leur souffrance avec dignité, qui ne comprennent pas. Elles sont recouvertes par les lettres de celles et ceux qui se sentent rejetés, jugés et condamnés et se retirent sur la pointe des pieds tournant le dos à une Eglise qui, pensent-ils, leur a tourné le sien.

Jamais je n’oublierai ce que m’a dit un jour quelqu’un dont la vie était loin d’être celle d’un saint : « Je n’attends pas que l’Eglise me dise que ce que je fais est bien, mais j’attends qu’elle m’aime ».

L’amour est l’avenir que Dieu nous donne.

Mgr Jean-Michel di FALCO LEANDRI
Evêque de GAP et d’EMBRUN
16 février 2009

Sur le même thème