“Être missionnaire dans la vie quotidienne”
“Baptisés et envoyés : l’Église du Christ en mission dans le monde” : le thème du mois missionnaire extraordinaire, qui débute ce 1er octobre, invite tous les chrétiens à s’engager et à participer à la mission d’évangélisation par le partage, la prière et l’offrande. Mgr Philippe Christory, évêque de Chartres, encourage tous ses diocésains à annoncer la Bonne Nouvelle. Entretien. Par Florence de Maistre.
En quoi est-il important de participer à ce mois missionnaire extraordinaire ?
Je relaie l’appel à participer à ce mois missionnaire depuis l’été 2018, car il faut du temps pour que l’idée fasse son chemin. Dès 2017, le pape François l’a proclamé extraordinaire à l’occasion du centenaire de la lettre apostolique Maximum illud, écrite par le pape Benoît XV après la guerre en 1919. Ce texte relance la mission de l’Église universelle et apporte un message de paix et d’espérance. Ici, à Chartres, la mission ne m’a pas attendue. Mais elle demande à déployer un élan et à mettre en œuvre des actes missionnaires vers les périphéries. Je ne ressens pas le monde qui nous entoure comme agressif. Il est plutôt indifférent, mais la question spirituelle s’y pose quand même. Comme membre de la Communauté de l’Emmanuel, je suis ouvert à ce message missionnaire : l’Église existe pour évangéliser ! D’autant qu’il y a une grande joie dans la rencontre et l’acte missionnaire. Il est aussi intéressant que ce mois se conjugue avec celui du Rosaire de Marie. Il s’ouvre avec la fête de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, patronne des missions, c’est un merveilleux mois !
Dans quel contexte diocésain s’inscrit-il ?
Il y a deux ans, mon prédécesseur, Mgr Michel Pansard avait lancé une marche synodale. Des équipes de réflexion se sont formées dans tout le diocèse. De nombreuses idées et initiatives ont été exprimées. Avec le conseil presbytéral, nous avions choisi la célébration de la vigile de Pentecôte pour en vivre le point d’orgue. Un millier de personnes ont été présentes dans la cathédrale, nous étions dans la louange. Pour s’y préparer et redécouvrir la personne du Saint Esprit, sa vie, ses dons et ses charismes, nous avions proposé à tous ceux qui le souhaitaient trois rendez-vous pendant le temps pascal. Nous avons reçu des beaux échos des quatre coins du diocèse : les chrétiens ont été heureux de se retrouver, de partager ensemble, en mouvement, en famille ou entre amis. Alors que notre monde se débat dans des questions insolubles, le Christ nous dit : “attendez, je vous le promets, l’Esprit saint vous enseignera toutes choses !” Lors de la fête de la Pentecôte, à l’issue de notre marche, nous avons été envoyés en mission. Ce mois missionnaire extraordinaire est une étape pour susciter ce cœur missionnaire des fidèles.
Comment ce mois va-t-il se dérouler ?
De nombreux fidèles me demandent ce qu’ils doivent faire. Il s’agit avant tout d’être missionnaire dans la vie quotidienne ! Que ferait Jésus ? Irait-il visiter les personnes qui résident dans un Ehpad, au bistrot du coin, sur le marché, rencontrer les hommes en responsabilité ? Nous sommes le corps du Christ : agissons pour lui et par lui. Je redis aux fidèles : vous êtes légitimes, vous avez reçu l’Esprit saint ! Je propose une formule simple : un jour, une église, un chapelet. Nous sommes dans le rural, il y a vingt à vingt-cinq clochers par paroisse. Ouvrir l’église du village, informer les autorités locales qu’une dizaine sera dite pour la municipalité, une pour les enfants et les familles, une pour les artisans, une pour les défunts, etc. permet aux habitants de se sentir concernés, de se joindre à la prière. Je pense que certains accueilleront cette suggestion. D’autres rendez-vous seront programmés au fil du mois. Je viens de recevoir le tract d’une paroisse qui prévoit entre autre un pèlerinage familial à Lisieux.
Quelle est l’attitude à adopter ?
Je souhaite surtout que les laïcs se sentent eux-mêmes missionnaires. Il y a toujours une retenue, une hésitation à annoncer le Saint nom de Jésus. J’invite les fidèles à remettre la prière au cœur des relations. Les personnes rencontrées évoquent vite dans la conversation leurs douleurs et leurs peines, osons leur proposer de prier, osons toucher les cœurs. Nous parlons de nos frères et sœurs, mais de qui s’agit-il ? Comment ouvrir un espace et intégrer les personnes éloignées de l’Église au sein de nos communautés ? Remettons aussi la prière au cœur de nos célébrations, veillons à la beauté de la liturgie. Nous fêterons par ailleurs en 2024 les mille ans de la crypte de la cathédrale de Chartres, le lieu premier, symbolique, du pèlerinage. Nous aurons, avec les Jeux Olympiques cette même année, un surcroît de visiteurs. “Faire de tout visiteur un pèlerin” est la devise de notre recteur. Avec cet élan missionnaire pour tout le diocèse, préparons-nous à les accueillir !
Qu’attendez-vous de ce mois missionnaire ?
J’attends tout ! Je suis convaincu par l’importance de la prière : nous devons nous ancrer profondément dans la vie de prière pour en être plein et pour pouvoir redonner ce que nous avons reçu. J’attends que l’on ouvre les églises, que l’on s’y tienne, que l’on y prie, que l’on y soit accueillant. Les communes font beaucoup d’efforts pour les restaurer. Il faut les habiter pour éviter le vandalisme. Plus elles seront fréquentées, plus elles seront respectées. Et on peut venir visiter le Saint sacrement, venir s’y confier. J’attends que les gens se mettent en relation. Je préfère que cent personnes posent quelques actes missionnaires personnels, une visite, un accueil, une discussion, plus qu’un grand spectacle où chacun retourne chez lui comme il était avant, c’est à dire passif. Je retiens les paroles de saint Paul qui évoque l’annonce à temps et à contretemps. Le temps, c’est celui de l’agenda où tout est programmé à l’avance. Aujourd’hui c’est le temps du contretemps : l’occasion de dire un mot, de faire une catéchèse, de transmettre. Il y a de nombreux motifs de réflexion spirituelle, il faut les partager aussi souvent que possible, avec délicatesse.