A la rencontre de la communauté catholique chinoise de Seine-Saint-Denis

Le Père Tanneguy Viellard est prêtre à Notre-Dame des Vertus d’Aubervilliers. Il a été de 2014 à 2016 aumônier de la communauté catholique chinoise. Depuis deux ans, il a passé le relai au Père Joseph Zhao, nouvel aumônier de la communauté chinoise et aussi vicaire de la paroisse Notre-Dame du Rosaire au Lilas, dans le diocèse de Seine-Saint-Denis. Focus sur la communauté chinoise catholique d’Aubervilliers.

REPORTAGE

DSC_0667Il est des personnalités qui, malgré leurs actions, restent discrètes. Les pères Tanneguy Viellard et Joseph Zhao sont deux figures emblématiques bien connues des fidèles à Aubervilliers. Le premier est Français et ancien aumônier de la communauté catholique chinoise. Le second, est Chinois et actuel aumônier. Pris par leurs engagements respectifs, ils ne peuvent plus se voir autant qu’ils le souhaiteraient mais aiment se retrouver pour les grandes fêtes comme Noël, Pâques ou le Nouvel An chinois. Les deux prêtres gardent une complicité, un respect mutuel et une confiance absolue l’un envers l’autre.

La reconnaissance officielle

« La première messe en chinois s’est déroulée le 12 janvier 2014. Cela marquait la reconnaissance officielle de la communauté chinoise catholique », se souvient encore le Père Tanneguy Viellard, aujourd’hui prêtre à la paroisse Notre-Dame des Vertus d’Aubervilliers. En 2013, l’ancien évêque de Saint-Denis, Mgr Olivier de Berranger (NDLR. 1938-2018), le pousse à demander une nomination dans le diocèse et en particulier à la paroisse Sainte-Marthe des Quatre-Chemins à Pantin. « J’avais étudié le chinois avant d’entrer au séminaire, raconte-t-il.

17 Février 2013 : Egl. Notre Dame de Chine. Paris (75) France. February 17th, 2013 : Sunday mass in Notre Dame de Chine's chinese parish. Paris (75) France.

C’est tout naturellement qu’il se rapproche de la communauté chinoise. Elle est très implantée en Seine-Saint-Denis. Aubervilliers est la première plateforme d’import-export de textile d’Europe. « Ils travaillent dans les centres de boutiques de prêt-à-porter ou pour les grossistes du textile, précise Le Père Tanneguy Viellard. Ces centres qui fournissent le marché européen et le Maghreb en matières premières sont des lieux de commerce entre la Chine et l’Europe. »

Au niveau pastoral, « les catholiques chinois étaient très actifs mais ils étaient rattachés à la mission catholique chinoise de Paris. Ils allaient chaque dimanche à la messe à Notre-Dame de Chine dans le 13e arrondissement où se réunissaient pour des groupes de prières chez les uns ou chez les autres pour éviter les longs déplacements. »

Une centaine de fidèles à la messe dominicale

Située au carrefour de trois communes Aubervilliers, La Courneuve et Pantin, la paroisse Sainte-Marthe des Quatre-Chemins attire chaque dimanche une centaine de fidèles. « Les messes étaient célébrées presque tous les dimanches dans les deux langues. En cas d’absence, des prêtres chinois, étudiants aux Missions étrangères de Paris (MEP) assuraient le relai. »

24 mars 2016 : Messe du Jeudi saint célébrée en l'église Notre Dame des Vertus à Aubervilliers (93), France.

Pour les chinois catholiques de Seine-Saint-Denis, le premier enjeu est d’entrer en communion avec le diocèse. A son arrivée, dès la création de la communauté catholique chinoise, le Père Tanneguy Viellard veille à ce que la « communauté s’intègre le mieux possible à travers la liturgie ou les processions d’offrandes. » La communauté catholique chinoise « vit et grandit », constate le Père Tanneguy Viellard. Elle est très présente aux grands évènements diocésains. Les fidèles font l’effort de venir au pèlerinage de Notre-Dame des Anges, à Clichy-sous-Bois, à la Messe Chrismale ou à la Fête de Saint-Denis. « L’écart linguistique est tellement grand que cela demande beaucoup d’efforts pour créer et entretenir ce lien. Ce n’est pas évident de venir à la messe sans rien comprendre. Il faut avoir un grand sens de l’Église et être enraciné dans le Christ. » Le père Tanneguy Viellard a ainsi mis en place des initiatives d’évangélisation avec « un catéchuménat d’adultes qui n’a jamais désempli ». Quatre à cinq adultes se préparent chaque année au baptême. « Les nouveaux catéchumènes adultes sont attirés par la profondeur de la liturgie », ajoute le Père Joseph Zhao.

Le deuxième enjeu est de leur permettre de garder leur identité spécifique au sein du diocèse. « Nous ne pouvons pas avoir les mêmes attentes dans le domaine de la foi que dans le domaine professionnel. Dans une entreprise, le salarié fait l’effort d’apprendre le Français pour travailler. L’Église est le lieu où l’on parle avec l’intimité du cœur avec humanité dans la langue avec laquelle on souhaite s’exprimer. » Alterner le Français et le Chinois est un bon pari sur l’avenir.

Nouvelle impulsion

Depuis deux ans, le Père Tanneguy a passé le relai au Père Joseph Zhao, aujourd’hui aumônier de la communauté chinoise et vicaire de la paroisse Notre-Dame du Rosaire aux Lilas. Le Père Zhao comme nombre de ses fidèles vient de la Province du Whenzou, située à 600 km au sud de Shanghai.

Célébration communauté chinoise

Issu de l’Église clandestine de Chine, le Père Zhao vient en 1999 en France pour suivre cinq années d’enseignement au séminaire de Toulouse. Des études menées en lien avec les Missions étrangères de Paris (MEP). Il a depuis partagé son temps entre la France et la Chine où il ne peut plus malheureusement retourner aujourd’hui pour des raisons politiques. Appelé par Monseigneur Delannoy qui cherchait alors un aumônier bilingue pour remplacer le Père Tanneguy, il se réjouit encore aujourd’hui d’assurer cette mission.

Les contraintes professionnelles liées à la restauration ou à la distribution obligent les fidèles à travailler le dimanche et les jours et fériés. C’est la raison pour laquelle ils ne sont pas toujours présents à l’office dominical. En dépit de ces difficultés, le père Zhao connait très bien ses paroissiens. Grâce aux liens interpersonnels noués avec eux. « Je connais bien leurs difficultés et leurs joies. Je suis invité chaque week-end dans les familles» L’occasion pour les fidèles de raconter au Père Zhao les difficultés spécifiques liées aux travail au noir, à l’immigration ou au racisme.

De nouvelles responsabilités dans le diocèse

Mgr Delannoy et communauté chinoiseÀ l’avenir, le Père Zhao envisage de former des laïcs dans le diocèse. « C’est la première fois depuis cinquante ans qu’ils ont vu des Chinois prendre des responsabilités dans la paroisse », se réjouit-il. « Pour enseigner le caté en français. » et prolonger l’action du Père Tanneguy qui avait compris l’importance d’éduquer les enfants franco-chinois à une culture chrétienne. « C’est là le vrai défi. Ils sont Chinois avec une ouverture sur la vie culturelle française. Leurs besoins diffèrent de ceux de leurs parents mais nous ne pouvons pas les séparer », argumente-t-il. « Nous avons ainsi proposé une liturgie de la parole en français pour les enfants pendant la messe. Ils rejoignent l’assemblée après l’homélie pour vivre l’eucharistie en famille. »

Autre souhait du Père Zhao, que la communauté catholique chinoise de la paroisse Sainte-Marthe se constitue en association pour leur cinquième année d’existence qu’ils fêteront en janvier 2019 en présence de Monseigneur Pascal Delannoy.

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