P. Gougaud : « Les hauts faits de Dieu, c’est Sa Miséricorde »

P. Emmanuel GougaudPour la Semaine de prière pour l’Unité des Chrétiens (18-25 janvier 2016), nous sommes invités par les chrétiens de Lettonie à « proclamer les hauts faits de Dieu » et à vivre au présent notre baptême. Explications du Père Gougaud, Directeur du Service national pour l’Unité des Chrétiens.

Comment le thème choisi résonne-t-il en 2016 ?

Je trouve qu’il y a une résonance toute particulière cette année. Quand on voit l’actualité douloureuse ; les communiqués de Daesch « au nom de Dieu le très Miséricordieux » ; la couverture de Charlie… Il y a quand même peut-être encore chez nos contemporains l’idée d’un Dieu méchant, jaloux, punisseur. Ou qui enverrait les problèmes, les épreuves, les maladies. Qui nous testerait. Nous sommes invités à « proclamer les hauts faits de Dieu » – c’est le thème de la Semaine, choisi par les chrétiens de Lettonie. Quels sont ces « hauts faits » ? Ce sont ses bienfaits, ses capacités à se partager, à se donner. Dans la citation (1 Pierre 2, 9-10), il est fait mention de la Miséricorde. « Vous qui autrefois, dit l’apôtre aux premiers chrétiens, n’aviez pas obtenu Miséricorde, et qui maintenant avez obtenu Miséricorde ». C’est assez providentiel car ce thème a été choisi avant même que le Pape François ne lance l’Année de la Miséricorde. Les hauts faits de Dieu, c’est Sa Miséricorde. Un concept dynamique. Pourquoi le mot « miséricorde » ? Pourquoi le mot « amour » ne suffit-il pas ? En latin et en français, le mot « amour » est quelque chose de statique. Est-ce que Dieu m’aime comme j’aime le chocolat ? Est-ce que j’aime mes proches comme j’aime le chocolat ? Bien-sûr que non. Le grec a trois mots pour dire « amour » : « eros », « philía » et « agapè ». Les premiers chrétiens ont créé le mot « miséricorde » pour rendre compte de ce que le cœur de Dieu rejoint les misères de tous ! Le cœur de Dieu est dans l’auto-donation de lui-même vers nous: c’est bien là le « haut fait » par excellence. Dieu est amour. Dieu n’est que Miséricorde. Il ne se révèle que pour nous faire participer à sa propre vie. Arrêtons de penser que Dieu serait méchant. Ca, c’est le dieu du déisme, le grand horloger. Le Dieu que Jésus nous révèle est un Dieu qui n’est que Miséricorde. C’est-à-dire qu’Il veut profondément nous faire vivre de Sa vie. Voilà pourquoi, nous chrétiens, grâce à Jésus le Fils qui vient achever l’auto-donation que Dieu fait de Lui-même, non seulement nous le savons mais nous y participons : nous vivons de la vie de Dieu. Le message de Jésus n’est pas simplement informatif. Il est aussi performatif : il dit ce qu’il fait. Etre chrétien, ce n’est pas suivre des valeurs ou une philosophie, ou encore acheter sa place de paradis après sa mort. Etre chrétien, c’est faire partie de la « nation sainte », du « sacerdoce choisi », de la « race élue ». C’est être déjà dans le Royaume de Dieu, au paradis sur cette terre. C’est contribuer à la croissance du Royaume de Dieu. Nous sommes déjà dans la vie divine ! Face à ces images –fausses- de Dieu, Jésus nous invite à entrer dans cette nouvelle compréhension, à accepter le don que Dieu nous fait. Les hauts faits de Dieu sont la vie, la mort et la résurrection de Jésus. Voilà ce qu’il nous faut proclamer.

Qui sont les chrétiens de Lettonie ?

En Lettonie, les trois confessions de la religion chrétienne sont à peu près d’égale représentation. Face aux persécutions, aux brimades, les agresseurs du christianisme ne demandent pas si l’on est catholique, protestant ou orthodoxe. Les Lettons ont été persécutés par les Soviétiques parce qu’ils étaient chrétiens. Après la sortie du joug soviétique s’est opéré un basculement dans l’économie de marché et des difficultés à s’ajuster. Est-on d’Europe centrale ? Dans la mouvance de la Russie ? Que signifie « être Balte » ? L’identité chrétienne s’est exprimée de manière très forte. Les Lettons, en préparant cette Semaine de prière, se sont rendus compte qu’ils étaient d’abord chrétiens, que cette identité commençait au baptême. Ils ont eu l’occasion de réfléchir sur comment est-ce que le baptême de leurs prédécesseurs, il y a environ 1000 ans, baptême donné aux adultes, renouvelait profondément la vie des personnes baptisées. Ils nous invitent, nous qui considérons souvent le baptême comme un acte du passé – « J’ai été baptisé » – à le prendre au sérieux. Dans la réflexion des Lettons, le baptême a constitué l’élément déclencheur : nous avons un seul baptême. Il nous fait entrer dans une nouvelle identité, nous fait participer à la vie que Dieu donne en Jésus son Fils. Nous avons à vivre notre baptême au présent : « Je suis baptisé ».

Quels événements vont marquer cette Semaine 2016 ?

A la Maison des évêques, le 21 janvier, aura lieu pour la première fois une célébration, pour les bénévoles et salariés de la CEF. C’est une joie d’avoir, dans le Service, Ken, qui est luthéro-réformé (protestant), et Ivan, qui est prêtre orthodoxe bulgare.

A Paris, le 19, une belle célébration est prévue à la cathédrale  américaine. A la cathédrale catholique de Versailles, le 24, auront lieu des vêpres œcuméniques, chantées par toutes les religieuses des Yvelines.

Marseille vivra un temps fort en lien avec le Jubilé, autour de la Miséricorde chez les autres chrétiens. Mais il y aura aussi des célébrations, des conférences à Strasbourg, à Lyon… Un des enjeux est d’intégrer le plus possible  les chrétiens évangéliques dans nos rencontres oecuméniques. Or ce thème du christianisme missionnaire, qui se propage et se donne à voir, rentre dans la fibre évangélique.

L’œcuménisme, lieu d’unification semaine_prière_unité_2016

« L’œcuménisme a toujours été important pour moi, comme lieu d’unification des chrétiens pour l’unification du monde et l’unification personnelle de ma vie » explique le Directeur du Service national pour l’Unité des Chrétiens depuis septembre 2015 et curé de la paroisse Sainte-Pauline au Vésinet, dans le diocèse de Versailles. Il salue, au sein de la Conférence des évêques de France, « l’esprit fraternel et humain des personnes, allié à une grande rigueur professionnelle ». Chaque mois, il fait le point avec Mgr Vincent Jordy, évêque de Saint-Claude, Président du Conseil pour l’Unité des Chrétiens et les relations avec le judaïsme. « Le but du service est de soutenir les diocèses » explique-t-il. Ce qui lui vaut une fois par mois de sillonner la France ! Ainsi, pendant cette Semaine de prière, il sera à Belfort. « Pour la COP21, nous avons proposé un déroulement de célébration œcuménique pour la Création » ajoute-t-il, évoquant déjà l’anniversaire de Luther en 2017. Une réflexion sur le baptême est prévue au sein du Conseil d’Eglises Chrétiennes en France (CECEF), en particulier dans le dialogue avec les protestants évangéliques. Il veut aussi porter une attention spéciale aux jeunes, à travers des missions d’évangélisation, comme « Le Jour du Christ » (8 mai 2016, à Nice). Par ailleurs, il collabore avec la Pastorale des Migrants, car certains réfugiés sont orthodoxes ou évangéliques.

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