Témoignage de Pierre Charignon des communautés catholiques francophones à Tokyo

Le Pape s’est rendu au Japon voyage son 32e voyage apostolique du 24 au 26 novembre 2019. L’occasion de faire un coup de projecteur sur la communauté catholique francophone du Japon. Témoignage du Père Pierre Charignon, aumônier de la communauté catholique francophone à Tokyo.

22 octobre 2014 : Drapeaux japonais. Place Saint Pierre, Vatican, Rome, Italie. October 22, 2014: Group of the faithful of the Diocese of Tokyo, with flags of Japan during the weekly general audience, in St.Peter's Square, at the Vatican, Rome, Italy.

Le dimanche 19 mai 2019, la célébration du baptême d’un collégien, de la confirmation de  huit collégiens, d’une lycéenne et de quatre adultes ainsi que la première communion de vingt enfants, créa l’occasion de la visite pastorale de Mgr Tarcisius Kikuchi, évêque de Tokyo. La visite a commencé par une rencontre avec l’équipe pastorale de  notre  Communauté catholique francophone du Japon (CCFJ) dans la langue de Shakespeare  puisque Mgr Kikuchi a été missionnaire, plusieurs années, au Ghana. Un document lui a été présenté puis remis en fin de séance après un temps de dialogue. Un cadeau semblable vous est faut ci-dessous mais dans la langue de Molière.

Contexte

L’environnement de notre communauté est un archipel de 127 millions d’habitants où 1% des Japonais sont chrétiens (450 000 catholiques, 510 000 protestants) et où la religion majoritaire est une combinaison shinto-bouddhiste. Les 14 000 français (80% sont dans la région de Tokyo) ne sont pas les seuls francophones dans le pays et la CCFJ le montre bien par sa grande diversité : familles européennes expatriées, familles africaines, familles franco- japonaises, jeunes de passage ou jeunes retraités vivant au Japon, japonais catholiques ou   en recherche, etc.

Depuis toujours en relation avec le diocèse de Tokyo pour les aspects administratifs des sacrements, notamment les mariages, notre communauté est depuis 2018 membre de l’Association cultuelle du Diocèse de Tokyo. Elle est aussi, depuis 2017, le Comité local des Amitiés catholiques francophones dans le Monde participant, par des délégués, aux  rencontres annuelles mondiales qui dernièrement ont eu lieu à Lyon (2019) Prague (2018), Londres (2017), Barcelone (2016). En mai 2019 nous avons aussi vécu à Manille une rencontre des CCF asiatiques.

Le Jour du Seigneur

La partie visible de l’Iceberg CCFJ est la pratique dominicale de 100 à 200 fidèles réguliers (la pointe est à Pâques avec 600 fidèles) ainsi que la réception de notre info-lettre, qui fait des liens avec notre site web, par 440 destinataires. C’est aussi les messes de semaine du lundi  au samedi 7h00 à la Chapelle MEP de Mejirodai, des messes dominicales anticipées au samedi (une fois par mois à la Chapelle MEP de Mejoridai et à la Cathédrale de Yokohama) et la  messe chaque dimanche (sauf du 15 juillet au 10 août) à la Chapelle de l’Université du Sacré Cœur (Tokyo). Deux fois dans l’année la Chapelle du Sacré Cœur n’est pas disponible, nous  en profitons pour visiter un lieu chrétien japonais dans Tokyo, au pied du mont Fuji, au bord du Pacifique… en rencontrant la communauté (paroisse, monastère…) qui l’habite, pendant une journée en juin et en octobre. Cependant, une de ces sorties fut particulière : à Kamakura, haut-lieu historique du bouddhisme japonais (70 temples sur ce territoire ainsi  que 17 sanctuaires shintos), nous avons échangé avec un universitaire bouddhiste sur la  façon de former religieusement les enfants.

Célébrer, annoncer et servir

JAPON: KYOTO: TEMPLES BOUDDHIQUES (GINKAKUJI - HEIAN SHRINE) - MAISON CHRETIENNE (TROIS GENERATIONS).

L’Iceberg CCFJ a trois parties immergées que nous pouvons désigner par des termes très classiques et utilisés pour présenter la vie ecclésiale.

Célébrer. L’animation liturgique de la messe dominicale au Sacré Cœur de Hiro-o s’appuie sur une Chorale composée essentiellement de Japonais et d’Africains (!?!), des servants d’autel et des servantes de l’assemblée. Les lectures et la prière universelle sont prises en charge par une famille à tour de rôle et la même prière universelle est utilisée aux messes anticipées de Mejirodai et de Yokohama où l’animation, plus sobre, utilise le même répertoire de chants. L’autre prière hebdomadaire proposée est l’adoration eucharistique le jeudi soir pendant une heure à Mejirodai. Il y a quelques baptêmes d’enfants ou bébés africains ou français mais la plupart sont franco- japonais. Quant aux baptêmes d’adultes ou d’adolescents ils sont exclusivement ceux de Japonais ou d’Africains.

L’année est aussi rythmée par les Célébrations pénitentielles (Avent et Carême) et des permanences de confessions, la Prière des mères ou le Pèlerinage des papas,  la Prière mariale le 1er samedi du mois, les Veillées pour la Vie.

Depuis 2016, près du 11 novembre, nous vivons une Célébration annuelle franco-allemande  et luthéro-catholique pour la paix. Elle a d’ailleurs initié un changement dans la Célébration civile de l’Armistice avec les autorités françaises. Au cours de celle-ci la parole est toujours donnée à l’autorité religieuse présente, à savoir l’aumônier de la CCFJ, mais en 2018, grande nouveauté, les Ambassadeurs d’Allemagne et de France étaient côte à côte. Quelques jours auparavant une réception, pour le Centenaire de la fin de la Première Guerre mondiale, avait été organisée en trois temps : discours à l’ambassade d’Allemagne, petite marche conviviale, musique et buffet à l’ambassade de France.

Annoncer. L’essentiel est de proposer une catéchèse dans leur langue aux enfants et adolescents qui, d’une année sur l’autre, peuvent changer de pays et avoir un chemin de vie chrétienne plutôt cahoteux. La dispersion des familles dans la mégalopole oblige à avoir des groupes de quartier et à proposer des rencontres le samedi ou le dimanche avant la messe. Cette année 2018-19 il y avait trois groupes de catéchèse pour le primaire, deux groupes d’aumônerie de collège et un groupe d’aumônerie de lycée. Les sacrements sont préparés par des parcours spécifiques qui rassemblent différents groupes. Pour les plus petits, de 3 à 7 ans, le rendez-vous leur est donné quasiment chaque dimanche pour un temps de réflexion autour de la Parole de Dieu avant de faire la procession des offrandes de la messe.

En phase avec le groupe d’enfants du dimanche matin est proposée pour les parents et  autres adultes une formation autour d’un thème annuel pioché souvent dans la mine des textes du pape François. En alternance avec cette catéchèse pour adultes se retrouve un groupe biblique. Chaque année une dizaine de mariages sont préparés. Ils sont majoritairement franco- japonais et célébrés en France mais en quatre ans ont aussi participé à ces rencontres des personnes de nationalité philippine, indonésienne, chinoise et sud-coréenne. Par ailleurs, des adultes se retrouvent mensuellement en Equipes de réflexion chrétienne : une Equipe Notre Dame (END) et deux Equipes du Mouvement Chrétien des Cadres et dirigeants (MCC).

Servir. Des membres de la Communauté visitent trois fois par mois des migrants francophones ou anglophones du Centre de rétention de Tokyo Shinagawa. Plusieurs fois   dans l’année des familles ou des groupes de jeunes se rendent chez les Frères de Mère Teresa pour préparer et distribuer des « bento » (plat chaud dans une barquette) pour les sans- abri de Tokyo. L’aumônier et un interprète, membre de la CCFJ, par l’intermédiaire du Consulat, rencontrent tous les deux mois des détenus français d’une prison tokyoïte. La CCFJ est aussi membre de l’OLES-Japon pour l’aide aux français en détresse et participe activement notamment au soutien moral des personnes.

La Communauté a établi depuis plusieurs années des liens de solidarité avec le Cambodge, un des pays d’Asie les plus pauvres, en soutenant par une Campagne de carême et un concert la Maison des malades de l’évêché de Phnom Penh. Ces liens se sont étendus, principalement  par les groupes de catéchèse et d’aumônerie scolaire, leurs ventes de gâteaux et leur correspondance, à deux associations : Enfants du Mékong et l’Ecole du Bayon.

Marcher ensemble

Conseil pastoral et équipe pastorale ont eu plusieurs opportunités pour relier ces différentes activités par un fil rouge. La première fut offerte par notre pape François avec l’Année de la Miséricorde qui nous a poussés à organiser des rencontres en cercles concentriques : avec d’autres catholiques, avec d’autres chrétiens, avec d’autres croyants et avec d’autres  humains. Au terme de cette année nous avons choisi un saint patron pour notre communauté et ce fut saint Guillaume Courtet (1589-1637), dominicain, seul martyr français au Japon, fêté le 28 septembre avec Saint Laurent Ruiz et ses compagnons. Puis, le 7 février 2017, à Osaka eut lieu la béatification du martyr daimyo (suzerain féodal) Justo Takayama Ukon (1552-1615), ce fut l’occasion d’y participer, après une retraite préparatoire au Foyer de Charité pour certains d’entre nous, et d’approfondir la façon d’être témoin (= martyr)  chrétien dans l’Archipel. En 2018, une nouvelle connexion France-Japon nous est offerte avec l’année missionnaire Philippine Duchesne. Il y a 200 ans cette religieuse française est partie… aux Amériques. Et alors ? C’est une des premières religieuses et la deuxième sainte de la Congrégation du Sacré Cœur qui a fondé l’Université du Sacré Cœur à Tokyo Hiro-o et qui nous accueille le dimanche dans sa chapelle. Avec sainte Philippine dont le portrait nous a servi pour des processions nous avons eu la possibilité de mieux saisir quelle mission nous est confiée par le Christ. Enfin cette année 2019 c’est François d’Assise qui nous accompagne pour accueillir au mieux l’encyclique « Laudato Si » de notre pape et pour nous inscrire résolument dans le processus « Église verte » du Conseil des Églises chrétiennes en France (CECEF) tout en nous efforçant de mieux appréhender les problématiques environnementales nippones. 2020 sera les 30 ans de la première association déclarée comme support juridique de la CCFJ, nous tâcherons de relire cette histoire, et même la préhistoire, pour puiser dans les racines de notre communauté ce qui permettra à de magnifiques fleurs d’illuminer le printemps et aux feuilles polychromées d’égayer l’automne.

Sa vie actuelle et son histoire font de notre communauté, selon l’expression souvent répétée de saint Jean-Paul II, une « Communion missionnaire ». Le risque, souvent dénoncé, de renfermement d’une communauté linguistique sur elle-même existe mais il y a de nombreux atouts pour qu’il demeure faible et la composition de la communauté est le premier. En visant la communion de cette communauté, le dialogue est favorisé, la compréhension mutuelle est amplifiée et le désir d’être un signe vivant de l’Amour de Dieu au cœur du Japon devient ardent. Communion et mission sont vraiment en interaction nous évitant d’être des missionnaires isolés, donc en danger, et nous aidant à donner le meilleur de nous-mêmes comme contribution à l’action missionnaire de toute notre communauté.

Pierre CHARIGNON Aumônier CCFJ (2015-2021)

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