Les enjeux du voyage apostolique en Irak

Pour la première fois, le pape François foulera les terres irakiennes du 5 au 8 mars 2021. Le chef de l’Église catholique devrait mettre l’accent sur le dialogue interreligieux. Ce voyage de quatre jours aboutira-t-il à la signature d’un document sur la « fraternité humaine » ? Le Pape rencontrera le grand ayatollah Ali Al Sistani, autorité spirituelle chiite dans la ville sainte de Nadjaf.

« Cette annonce du voyage du Pape François en Irak nous a bouleversé, explique Mgr Pascal Gollnisch, directeur de l’œuvre d’Orient, lors d’une conférence de presse à propos du prochain voyage apostolique du pape François en Irak. « Cette visite est très importante pour l’Irak et aussi pour le Moyen-Orient, même si les difficultés ne manquent pas. » Malgré les inquiétudes liées au contexte sécuritaire et au contexte sanitaire de Covid-19, le pape effectuera son premier voyage apostolique depuis le début de la pandémie de Covid-19, du 5 au 8 mars 2021. C’est la première fois de l’histoire qu’un souverain pontife se rend dans le pays. En 2000, le pape Jean-Paul II avait dû renoncer à s’y rendre. Ce voyage est un symbole de paix pour l’Irak et pour toute la région du Moyen-Orient. Car l’Irak a connu successivement quatre décennies de conflits, une dizaine d’années d’embargo international, une invasion américaine et trois années d’occupation djihadiste.

Le Moyen-Orient représente un centre d’intérêt clé pour le pape. Ce voyage apostolique s’inscrit dans une lignée de voyages en Orient. « Il s’est déjà rendu en Jordanie et Terre Sainte (Mai 2014), en Turquie (novembre 2014), en Arménie (juin 2016), en Égypte (avril 2017) et aux Émirats Arabes Unies », relève Mgr  Gollnisch, pour signer le 4 février 2019 à Abou Dhabi le Document sur la fraternité humaine avec l’imam d’Al-Azhar, Ahmed el-Tayeb. Pour autant, le pape n’oublie pas « qu’il y a dans cette région des tensions avec l’Iran, la péninsule arabique, et la Turquie », ajoute-t-il.

Une visite en cinq étapes

Dès son arrivée le vendredi 5 mars à l’aéroport international de Bagdad, le pape sera reçu par le Premier ministre irakien (chiite) Moustafa al-Kazimi et le président (kurde) Barham Salih. Il rencontrera les évêques, les religieux et les séminaristes du pays en la cathédrale syriaque catholique Notre-Dame-de-l’Intercession de Bagdad où 44 fidèles avaient péri dans un attentat djihadiste le 31 octobre 2010.  » Cet évènement était terrible car il s’est produit quelques jours après la fin du Synode des évêques pour le Moyen-Orient « , rappelle Mgr Gollnisch. « L’attentat a été un choc car nous sortions d’un moment de paix et de communion. »

« Cette rencontre va rassembler toute la mosaïque irakienne. L’Irak réunit toutes les confessions et toutes les religions », précise le Frère Amir Jagé, dominicain, très engagé dans le dialogue interreligieux avec les autorités chiites. A 150 km au sud de Bagdad, le pape François se rendra à Nadjaf, ville sainte chiite, le samedi 6 mars où il s’entretiendra avec le Grand Ayatollah Ali Al Sistani, chef suprême des chiites pour faire avancer le dialogue interreligieux. « Ce premier contact avec les autorités suprêmes chiites déboucheront sûrement sur d’autres rencontres à Rome », soulève le Père Gollnisch. « C’est dans la multiplicité de ces contacts que peut naitre la confiance pour susciter la signature d’un texte« . En janvier 2019, des premiers échanges entre l’épiscopat français (Mgr Jean-Marc Aveline, archevêque de Marseille et Mgr Robert Le Gall, archevêque de Toulouse) et les autorités chiites avaient eu lieu en Iran et aussi à la Maison de Breteuil.

Puis, une rencontre oecuménique aura lieu dans la plaine d’Ur, berceau du patriarche Abraham. « C’est très beau que le pape vienne ici car notre père Abraham a cheminé dans sa foi depuis cette Terre d’Ur vers la Terre Sainte« , précise le Frère Amir Jajé, dominicain irakien. « Cette rencontre interreligieuse est très importante car elle favorisera la réconciliation et le vivre-ensemble. » Le soir, le pape s’envolera pour la capitale, Bagdad où il présidera une messe dans la cathédrale chaldéenne Saint-Joseph. C’est là, pour la première fois que le Saint-Père, présidera une messe en rite oriental.

Le dimanche 7 mars, le souverain pontife se déplacera en hélicoptère dans le nord du pays, à Mossoul, deuxième ville d’Irak tombée sous le joug de l’État islamique de 2014 à 2017. Le pape priera pour les victimes de la guerre (chrétiens, musulmans et yézidis) sur la place Hosh al-Bieaa. Dans l’après-midi, il ira dans la plaine de Ninive, à Qaraqosh dans l’église de l’Immaculée Conception à Qaraqosh. La communauté chrétienne qui avait fui les exactions de l’État islamique en août 2014, l’attend avec impatience. Cette église, saccagée par Daech a depuis été reconstruite par de nombreux dons et l’aide de l’œuvre d’Orient. Son voyage se terminera par une messe au stade Franso Hariri à Erbil où seulement 4000 fidèles (de nombreux chrétiens réfugiés à Erbil) devraient assister à l’office  » à cause de la crise sanitaire« . Le pape rentre à Rome le lundi 8 mars.

Quel avenir pour l’Irak après le voyage apostolique ?

« Je pense qu’il y aura un effet d’entraînement de la visite elle-même« , se réjouit Mgr Gollnisch qui a vu de nombreux chrétiens Irakiens partir de leur pays en 2014 pour se réfugier en Europe. Dans les autres réjouissances, dix ans après le début des Printemps arabes, il espère également qu’un Synode des évêques pour le Moyen-Orient pourra de nouveau se tenir. « Un Synode pourrait permettre de voir ce qui a été accompli et d’engager à nouveaux frais des perspectives d’Espérance ».

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