Les enjeux du voyage à Genève
Un signal fort pour l’œcuménisme. Le pape François est attendu à Genève, ce jeudi 21 juin, pour une visite de quelques heures essentiellement consacrée au COE, Conseil œcuménique des Églises, qui célèbre son 70° anniversaire. Romilda Ferrauto revient sur les enjeux de ce voyage.
Le Saint-Père visitera le siège de cette institution, il participera à une célébration œcuménique et prononcera un important discours programmatique devant le Comité central du COE composé de 150 membres de plusieurs pays. A son arrivée aux alentours de 10 heures, le pape sera accueilli par une délégation du Conseil fédéral emmenée par le président de la Confédération helvétique, Alain Berset, avec lequel il aura un entretien officiel. Sur le plan pastoral, il célèbrera, en présence de l’ensemble de l’épiscopat helvétique, une messe à laquelle sont attendues quelque 40 000 personnes. Le Souverain Pontife regagnera Rome dans la soirée.
Depuis le début de son pontificat, le pape François a su montrer, à plusieurs reprises, combien l’unité des chrétiens lui tenait à cœur ; il a multiplié les paroles et les actes de nature à redynamiser l’œcuménisme qui paraissait quelque peu s’essouffler. En 2016, le Saint-Père a posé un geste fort en se rendant en Suède pour les 500 ans de la Réforme, l’occasion pour lui de rendre hommage à Martin Luther, et de saluer les fruits venus dans l’Église à travers la Réforme. Quelque mois plus tôt, il avait créé l’événement en faisant halte à Cuba pour y rencontrer le patriarche orthodoxe russe Kirill et signer une déclaration commune.
De forts liens
François a noué des liens étroits avec le patriarche œcuménique Bartholomée, avec lequel il s’est rendu sur l’île de Lesbos ; il a signé un accord avec le patriarche copte Tawadros II mettant fin au différend qui opposait les deux Églises sur le sacrement du baptême.
Et avec l’archevêque de Cantorbéry, Justin Welby, il s’est engagé à lutter contre les nouvelles formes d’esclavage. Son bref aller-retour dans la ville de Calvin, pour le 70° anniversaire du Conseil œcuménique des Églises, est un nouveau pas significatif dans la continuité ; Un événement capital pour la chrétienté, selon les mots du secrétaire général du COE, le pasteur luthérien norvégien Olav Fykse Tveit.
Le pape François favorable à l’œcuménisme de l’action
François est le troisième pape à rendre visite au COE après Paul VI en 1969 et Jean-Paul II en 1984. Depuis le concile Vatican II, l’Église catholique entretient de bons rapports de collaboration avec cette institution, fondée à Amsterdam en 1948, qui représente un demi-milliard de chrétiens de plus de cent pays : anglicans, orthodoxes, réformés…. Pour diverses raisons théologiques et pastorales, toutefois, elle n’est pas membre du COE, même si elle est engagée dans plusieurs commissions, où elle est représentée par des théologiens de haut niveau. Ce statut d’observateur ne devrait pas changer à court terme, a tenu à préciser le cardinal Kurt Koch, président du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens.
Sans minimiser l’importance du dialogue théologique, le pontife argentin prône un œcuménisme actif et concret. Pour développer la communion œcuménique, il mise sur l’action commune en faveur des pauvres, le témoignage partagé de la joie de l’Évangile, la promesse d’une justice sociale. Pas question, certes, de céder à l’indifférenciation confessionnelle. Mais les différences qui perdurent ne doivent pas entraver le service commun que les chrétiens sont appelés à rendre au monde. Et sa vision est largement partagée par le COE. Aussi, les organisateurs de ce pèlerinage œcuménique n’ont-ils eu aucun mal à en choisir la devise : Marcher ensemble, prier ensemble, travailler ensemble.
Agir ensemble, comme si nous ne faisions déjà qu’un : une vision partagée
En fait, souligne-t-on des deux côtés, cela fait déjà plusieurs années que les Églises chrétiennes travaillent ensemble, sur le terrain, dans une vaste gamme d’activités : de la lutte en faveur de la justice et de la paix, jusqu’à l’accueil des migrants et des réfugiés, en passant par la défense de l’environnement… même si d’importantes divergences subsistent notamment sur la morale et les questions liées à la sexualité humaine ou encore à l’ordination des femmes. Le pasteur Tveit note que la collaboration s’est encore intensifiée entre le COE et le nouveau Dicastère romain pour le service du développement intégral, entre autres autour d’un projet de conférence sur la xénophobie et le populisme.
34 ans après le discours de Jean-Paul II au COE, les protestants suisses espèrent maintenant la reconnaissance effective par l’Église catholique des autres confessions chrétiennes comme des Églises à part entière. En attendant, le Saint-Père s’est déjà dit convaincu que la rupture intervenue au XVI° siècle touchait à sa fin. Les chrétiens ont, selon lui, une lourde responsabilité missionnaire. Il faut donc se focaliser sur l’évangélisation, comme si nous ne faisions déjà qu’un. On ne peut écrire l’avenir sans dialogue œcuménique, a averti le pape François.
Devant le Comité central du COE, réuni dans le cadre des festivités du 70° anniversaire, le Souverain Pontife devrait saluer la contribution que cette communauté a offert et continue d’offrir au mouvement œcuménique à l’échelle mondiale. Sur le plan logistique, enfin, Genève, qui abrite plusieurs organisations internationales, reçoit quelque 2800 ministres par an et une centaine de chefs d’État. C’est dire si elle a l’habitude de ce genre d’évènement.
Le pape François en pèlerinage au Conseil œcuménique des Églises
Le pape François sera ce jeudi 21 juin 2018 à Genève pour célébrer le 70e anniversaire du Conseil œcuménique des Eglises (COE). François visite cette institution après Paul VI en 1969 et Jean Paul II en 1984. Néanmoins, ce voyage de 2018 est historique. En effet, François se rend expressément auprès du COE. Pour ses prédécesseurs en visite pastorale en Suisse, le COE ne constituait qu’une étape d’un itinéraire plus long. Ce 21 juin, François vient d’abord au COE. Comme lors du voyage à Lund en Suède les 31 octobre et 1er novembre 2016, la messe et la rencontre des catholiques arrivent au second plan, après la rencontre avec les autres Églises et communautés chrétiennes. Au Vatican, le Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens évoque ce voyage au COE comme un « pèlerinage ». Quelle sera la nature de ce pèlerinage ?
Qu’est-ce que le Conseil œcuménique des Églises? Il s’agit d’une communauté fraternelle d’Églises qui confessent le Seigneur Jésus Christ comme Dieu et Sauveur selon la Bible. Elles veulent honorer leur commune vocation pour la gloire Dieu, Père, Fils et Saint Esprit. Cette communauté d’Églises est sur la voie de l’unité visible en une seule foi et une seule communauté. Elle progresse vers cette unité, soutenue par la prière de Jésus pour ses disciples, « afin que le monde croie » (Jean 17,21). Fondé en 1948, le COE a son centre administratif à Genève en Suisse. Depuis 2016, il compte 348 Églises et communautés membres de presque toutes les traditions chrétiennes, notamment protestantes, anglicanes, orthodoxes et évangéliques. Il représente 500 millions de chrétiens. Il cherche l’unité chrétienne avec deux moyens principaux : le dialogue théologique et spirituelle mais aussi les actions communes au service de l’évangélisation, de la lutte contre la pauvreté, la défense des droits humains, la sauvegarde de la nature. L’Église catholique n’y siège pas, bien qu’elle y collabore activement.
Le pèlerinage du pape est pèlerinage sur les pas de Jésus. Plus qu’un lieu géographique, le pape vient vénérer les sentiments intérieurs de Jésus ! Il veut entrer encore plus dans le désir de Jésus de l’unité de tous les chrétiens. La venue du pape à l’occasion du 70e anniversaire du COE est une action de grâce pour ceux qui prient et travaillent ensemble pour l’unité de l’Église. Le pape François se souvient du chemin parcouru depuis toutes ces années, grâce au travail du COE, en coopération avec l’Église catholique romaine. Plus encore, il vient aussi tracer la route pour l’avenir ! Les Églises chrétiennes veulent ainsi affirmer leur vocation et mission communes de servir Dieu ensemble. Elles reconnaissent avoir besoin de se changer pour progresser vers l’unité. Elles expriment leur priorité commune à l’égard des besoins de nos prochains, et leur volonté de faire ensemble ce qu’il est possible de faire ensemble pour la réconciliation des chrétiens et la promotion de la paix et de la justice.
« Marcher, prier et travailler ensemble » est la devise de la journée du 21 juin 2018. Elle correspond parfaitement à la vision de l’œcuménisme souhaité par François, à la suite de ses prédécesseurs.
Les chrétiens doivent marcher ensemble. Il s’agit là d’une préoccupation fondamentale du pape. Homme de la rencontre directe, il souhaite développer une réelle culture de la rencontre entre les chrétiens et entre les différentes Églises et communautés. Dans celle-ci non seulement se déploie l’unité, mais aussi la vérité. Il n’existe donc pas de véritable œcuménisme sans conversion intérieure. Chaque chrétien peut reconnaître de manière autocritique ses propres faiblesses et à admettre humblement ses propres péchés. À partir de là, il reçoit la rencontre avec d’autres chrétiens comme une aide pour grandir dans sa propre foi. À la première place se situe donc l’œcuménisme de la charité, de la fraternité et de l’amitié.
Les chrétiens doivent prier ensemble. Le pape multiplie également les références claires et continuelles au rôle nécessaire du dialogue théologique à l’intérieur des relations œcuméniques. Cependant, seul un regard théologique nourri par la foi, l’espérance et l’amour engendre une réflexion théologique authentique, « véritable scientia Dei, participation au regard que Dieu a sur lui-même et sur nous »[1]. Il s’agit d’une théologie « faite à genoux » dans la prière. Pour mieux encore définir la dimension priante du dialogue œcuménique, le pape François a volontiers recours à l’expression inventée par le pape Jean-Paul II, de l’échange de dons. Loin d’un simple exercice intellectuel, il souhaite connaître à fond les traditions réciproques pour apprendre aussi d’elles. Nous voulons recueillir ce que l’Esprit a semé chez les autres chrétiens comme don aussi pour nous.
Les chrétiens doivent travailler ensemble. La collaboration œcuménique entre les différentes Églises est urgente, particulièrement à l’aune des grands défis de notre temps ! Comment ne pas citer l’engagement en faveur des pauvres et de la sauvegarde de la création, la promotion de la paix et de la justice sociale, la défense de la liberté religieuse et la protection de la vie des plus fragiles, du couple et de la famille. La mondialisation croissante devient pour les chrétiens un motif supplémentaire pour consolider et intensifier la collaboration œcuménique au service du bien commun de l’humanité. Il est grand temps que les chrétiens fassent ensemble tout ce qu’ils peuvent déjà faire ensemble.
Nous nous réjouissons de ce pèlerinage du pape François au COE. Nous aussi, nous voulons faire nôtre le désir de Jésus et agir pour l’unité des chrétiens !
Père Emmanuel Gougaud, Directeur du Service national pour l’unité des chrétiens
[1] https://w2.vatican.va/content/francesco/fr/speeches/2014/june/documents/papa-francesco_20140628_patriarcato-ecumenico-costantinopoli.html
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[ÉVÉNEMENT] La visite du pape François au Conseil Œcuménique des Eglises à Genève @Oikoumene ce 21 juin 2018 est une étape historique dans la recherche de l’unité des chrétiens. Programmation spéciale sur RCF avec notre envoyée spéciale @Vanessa_RCF74 de 11h à 12h30 + 15h30 à 17h pic.twitter.com/xaeXK4lfca
— RCF Haute-Savoie (@RCFHauteSavoie) June 21, 2018