Chapitre 2 de l’Exhortation apostolique Christus Vivit

Chapitre 2 de l’Exhortation apostolique Christus Vivit : Jésus Christ toujours jeune du Saint-Père François aux jeunes et à tout le peuple de Dieu.

6 avril 2019 : Le pape François saluant la foule lors de l'audience avec les jeunes et les enseignants du collège San Carlo de Milan. Vatican. April 6, 2019: Pope Francis during the audience with students and teachers of the San Carlo Institute of Milan. Vatican

22. Jésus est « jeune parmi les jeunes afin d’être un exemple pour les jeunes et les consacrer au Seigneur ».[3] C’est pourquoi le Synode a affirmé que « la jeunesse est une période originale et stimulante de la vie, que Jésus lui-même a vécue, en la sanctifiant ».[4] Que nous dit l’Évangile concernant la jeunesse de Jésus ?

La jeunesse de Jésus

23. Le Seigneur « rendit l’esprit » (Mt 27, 50) sur une croix, alors qu’il avait un peu plus de trente ans (cf. Lc 3, 23). Il est important de prendre conscience du fait que Jésus était un jeune. Il a donné sa vie à un âge considéré aujourd’hui comme l’âge d’un jeune adulte. Il a commencé sa mission publique dans la plénitude de sa jeunesse, et ainsi, « une grande lumière » (Mt 4, 16) s’est manifestée, surtout quand il a donné sa vie jusqu’à la fin. Cette fin n’a pas été improvisée, mais toute sa jeunesse a été une précieuse préparation, à chacun de ses moments, car « tout dans la vie de Jésus est signe de son mystère »[5] et « toute la vie du Christ est mystère de Rédemption ».[6]

24. L’Évangile ne parle pas des premières années de la vie de Jésus, mais nous raconte certains événements de son adolescence et de sa jeunesse. Matthieu situe cette période de la jeunesse du Seigneur entre deux événements : le retour de sa famille à Nazareth, après le temps de l’exil, et son baptême dans le Jourdain où a commencé sa mission publique. Les dernières images de l’enfant Jésus sont celles d’un petit réfugié en Égypte (cf. Mt 2, 14-15) et ensuite celle d’un rapatrié à Nazareth (cf. Mt 2, 19-23). Les premières images de Jésus, jeune adulte, sont celles qui nous le présentent dans la foule près des bords du Jourdain, pour se faire baptiser par son cousin Jean-Baptiste, comme l’un parmi tant d’autres de son peuple (cf. Mt 3, 13-17).

25. Ce baptême n’était pas comme le nôtre, qui nous introduit dans la vie de la grâce, mais il a été une consécration avant le début de la grande mission de sa vie. L’Evangile dit que son baptême a été source de la joie et de la satisfaction du Père : « Tu es mon fils [bien-aimé] » (Lc 3, 22). Ensuite, Jésus est apparu rempli de l’Esprit Saint et a été conduit par l’Esprit au désert. Il était ainsi préparé pour sortir prêcher et faire des prodiges, pour libérer et guérir (cf. Lc 4, 1-14). Tout jeune est ainsi invité, lorsqu’il se sent appelé à accomplir une mission sur cette terre, à reconnaître en lui-même ces mêmes paroles que Dieu le Père lui dit : “Tu es mon fils bien-aimé”.

26. Parmi ces récits, il y en a un qui montre Jésus en pleine adolescence. C’est lorsqu’il retourne avec ses parents à Nazareth, après qu’ils l’aient perdu et retrouvé au Temple (cf. Lc 2, 41-51). Il est dit qu’il leur “était soumis” (cf. Lc 2, 51), car il ne reniait pas sa famille. Ensuite, Luc ajoute que Jésus « croissait en sagesse, en taille et en grâce devant Dieu et devant les hommes » (Lc 2, 52). C’est-à-dire qu’il était en train de se préparer et que, en cette période, il approfondissait sa relation avec le Père et avec les autres. Saint Jean-Paul II explique qu’il ne grandissait pas seulement physiquement mais qu’il « y eut aussi une croissance spirituelle de Jésus » car « la plénitude de grâce en Jésus était relative à l’âge : il y avait toujours plénitude, mais une plénitude qui croissait avec l’âge ».[7]

27. Par ces données des Evangiles, nous pouvons dire qu’à l’étape de sa jeunesse, Jésus s’est “formé”, il s’est préparé pour réaliser le projet que le Père avait pour lui. Il a orienté son adolescence et sa jeunesse vers cette mission suprême.

28. Durant l’adolescence et la jeunesse, sa relation avec le Père était celle du Fils bien-aimé ; attiré par le Père, il grandissait en s’occupant de ses affaires : « Ne saviez-vous pas que je dois être dans la maison de mon Père ? » (Lc 2, 49). Toutefois, il ne faut pas penser que Jésus était un adolescent solitaire ou un jeune enfermé sur lui-même. Sa relation avec les gens était celle d’un jeune qui partageait toute la vie d’une famille bien intégrée dans le peuple. Il a appris le travail de son père et l’a ensuite remplacé comme charpentier. C’est pourquoi on l’appelle une fois dans l’Evangile « le fils du charpentier » (Mt 13,55), et une autre fois simplement « le charpentier » (Mc 6,3). Ce détail montre qu’il était un jeune homme ordinaire de son peuple, qui entretenait des relations normales. Personne ne le considérait comme un jeune étrange ou séparé des autres. C’est précisément pourquoi, lorsque Jésus a commencé à prêcher, les gens ne s’expliquaient pas d’où il tirait cette sagesse : « N’est-il pas le fils de Joseph, celui-là ? » (Lc 4, 22).

29. Le fait est que « Jésus n’a pas grandi non plus dans une relation fermée et exclusive avec Marie et Joseph, mais se déplaçait volontiers dans la famille élargie incluant parents et amis ».[8] Nous comprenons ainsi pourquoi, revenant de pèlerinage à Jérusalem, ses parents avaient l’esprit tranquille en pensant que le garçon de douze ans (cf. Lc 2, 42) marchait librement avec les autres, même s’ils ne l’avaient pas vu de toute la journée : « Le croyant dans la caravane, ils firent une journée de chemin » (Lc 2, 44). Certainement – pensaient-ils – Jésus était là, allant et venant parmi les gens, plaisantant avec les autres jeunes de son âge, écoutant les récits des adultes et partageant les joies et les tristesses de la caravane. Le terme grec utilisé par Luc pour désigner la caravane des pèlerins – synodia – indique précisément cette communauté en marche dont la Sainte Famille fait partie. Grâce à la confiance de ses parents, Jésus se déplace librement et apprend à marcher avec tous les autres.

Sa jeunesse nous éclaire

26 mars 2019 : Le Pape François priant devant une représentation du Christ en croix. l'Université pontificale du Latran à Rome, Italie. DIFFUSION PRESSE UNIQUEMENT. EDITORIAL USE ONLY. NOT FOR SALE FOR MARKETING OR ADVERTISING CAMPAIGNS. March 26, 2019: Pope Francis leads the "Lectio Divina" at the Pontifical Lateran University in Rome, Italy.

30. Ces aspects de la vie de Jésus peuvent inspirer tout jeune qui grandit et se prépare pour réaliser sa mission. Cela implique qu’il faut mûrir dans la relation avec le Père, conscient d’être membre de la famille et du peuple, se disposer à être comblé de l’Esprit et à être conduit pour réaliser la mission que Dieu confie, sa propre vocation. Rien de cela ne devrait être ignoré dans la pastorale des jeunes, pour qu’on ne crée pas des projets qui isolent les jeunes de la famille et du monde, ou qui les transforment en une minorité sélectionnée et préservée de toute contagion. Nous avons plutôt besoin de projets qui les fortifient, les accompagnent et les lancent vers la rencontre avec les autres, vers le service généreux, vers la mission.

31. Vous les jeunes, Jésus ne vous éclaire pas de loin ou du dehors, mais dans votre jeunesse même qu’il partage avec vous. Il est très important de contempler le Jésus jeune que nous montrent les Evangiles, car il a été vraiment l’un de vous, et en lui on peut reconnaître beaucoup de caractéristiques des cœurs jeunes. Nous le voyons, par exemple, à travers les caractéristiques suivantes : « Jésus a eu une confiance inconditionnelle dans le Père, il a pris soin de l’amitié avec ses disciples et, même dans les moments de crise, il y est resté fidèle. Il a manifesté une profonde compassion à l’égard des plus faibles, spécialement des pauvres, des malades, des pécheurs et des exclus. Il a eu le courage d’affronter les autorités religieuses et politiques de son temps; il a fait l’expérience d’être incompris et rejeté ; il a éprouvé la peur de la souffrance et connu la fragilité dans la Passion ; il a tourné son regard vers l’avenir, en se remettant entre les mains sûres du Père et en se confiant à la force de l’Esprit. En Jésus, tous les jeunes peuvent se retrouver ».[9]

32. Par ailleurs, Jésus est ressuscité et il veut nous faire participer à la nouveauté de sa résurrection. Il est la vraie jeunesse d’un monde vieilli, et il est aussi la jeunesse d’un univers qui attend, « en travail d’enfantement » (Rm 8, 22), d’être revêtu de sa lumière et de sa vie. Près de lui, nous pouvons boire à la vraie source qui garde vivants nos rêves, nos projets, nos grands idéaux, et qui nous lance dans l’annonce de la vie qui vaut la peine. Dans deux curieux détails de l’Evangile de Marc, on peut remarquer l’appel à la vraie jeunesse des ressuscités. D’une part, dans la passion du Seigneur, apparaît un jeune peureux qui a essayé de suivre Jésus mais qui a fui nu (cf. Mc 14, 51-52), un jeune qui n’a pas eu la force de tout risquer pour suivre le Seigneur. En revanche, près du tombeau vide, nous voyons un jeune « vêtu d’une robe blanche » (Mc 16, 5) qui invitait à se départir de la peur et qui annonçait la joie de la résurrection (cf. Mc 16, 6-7).

33. Le Seigneur nous appelle à allumer des étoiles dans la nuit d’autres jeunes, il nous invite à regarder les vrais astres, ces signes si variés qu’il nous donne pour que nous ne restions pas figés, mais imitions le semeur qui les regardait pour pouvoir labourer son champ. Dieu allume pour nous des étoiles pour que nous continuions à marcher : « Les étoiles brillent à leur poste, joyeuses : les appelle-t-il, elles répondent : Nous voici ! » (Ba 3, 34-35). Mais le Christ lui-même est pour nous la grande lumière d’espérance et la boussole dans notre nuit, car il est « l’étoile radieuse du matin » (Ap 22, 16).

La jeunesse de l’Église

34. Avant d’être un âge, être jeune est un état d’esprit. Il en résulte qu’une institution si ancienne que l’Eglise peut se renouveler et se rajeunir aux diverses étapes de sa très longue histoire. En réalité, dans les moments les plus tragiques, elle sent l’appel à retourner à l’essentiel du premier amour. En se souvenant de cette vérité, le Concile Vatican II a affirmé que « riche d’un long passé toujours vivant en elle, et marchant vers la perfection humaine dans le temps et vers les destinées ultimes de l’histoire et de la vie, elle est la vraie jeunesse du monde ». En elle, il est toujours possible de rencontrer le Christ, « le compagnon et l’ami des jeunes ».[10]

Une Eglise qui se laisse renouveler

35. Demandons au Seigneur de délivrer l’Eglise des personnes qui veulent la faire vieillir, la scléroser dans le passé, la figer, l’immobiliser. Demandons-lui également de la délivrer d’une autre tentation : croire qu’elle est jeune parce qu’elle cède à tout ce que le monde lui offre ; croire qu’elle se renouvelle parce qu’elle cache son message et qu’elle imite les autres. Non ! Elle est jeune quand elle est elle-même, quand elle reçoit la force toujours nouvelle de la Parole de Dieu, de l’Eucharistie, de la présence du Christ et de la force de son Esprit chaque jour. Elle est jeune quand elle est capable de retourner inlassablement à sa source.

36. En tant que membres de l’Eglise, il est certain que nous ne devons pas être des personnes étranges. Tous doivent sentir que nous sommes frères et proches, comme les Apôtres qui « avaient la faveur de tout le peuple » (Ac 2,47; cf. 4, 21.33; 5,13). Mais, en même temps, nous devons oser être différents, afficher d’autres rêves que ce monde n’offre pas, témoigner de la beauté de la générosité, du service, de la pureté, du courage, du pardon, de la fidélité à sa vocation, de la prière, de la lutte pour la justice et le bien commun, de l’amour des pauvres, de l’amitié sociale.

37. L’Eglise du Christ peut toujours succomber à la tentation de perdre l’enthousiasme parce qu’elle n’écoute plus l’appel du Seigneur au risque de la foi, l’appel à tout donner sans mesurer les dangers, et qu’elle recommence à chercher de fausses sécurités mondaines. Ce sont précisément les jeunes qui peuvent l’aider à rester jeune, à ne pas tomber dans la corruption, à ne pas s’installer, à ne pas s’enorgueillir, à ne pas se transformer en secte, à être plus pauvre et davantage témoin, à être proche des derniers et des marginalisés, à lutter pour la justice, à se laisser interpeller avec humilité. Ils peuvent apporter à l’Eglise la beauté de la jeunesse quand ils stimulent la capacité « de se réjouir de ce qui commence, de se donner sans retour, de se renouveler et de repartir pour de nouvelles conquêtes ».[11]

38. Ceux d’entre nous qui ne sont plus jeunes ont besoin d’occasions pour rester proches de leur voix et de leur enthousiasme, et « la proximité crée les conditions pour faire de l’Eglise un espace de dialogue et un fascinant témoignage de fraternité »[12]. Il nous faut créer plus d’espaces où résonne la voix des jeunes : « L’écoute rend possible un échange de dons, dans un contexte d’empathie. […] En même temps, elle pose les conditions d’une annonce de l’Evangile qui atteigne vraiment le cœur, de façon percutante et féconde ».[13]

Une Eglise attentive aux signes des temps

39. « Si, pour beaucoup de jeunes, Dieu, la religion et l’Eglise semblent des mots vides, ils sont sensibles à la figure de Jésus, lorsqu’elle est présentée de façon attrayante et efficace ».[14] C’est pourquoi il est nécessaire que l’Eglise ne soit pas trop attentive à elle-même mais qu’elle reflète surtout Jésus-Christ. Cela implique qu’elle reconnaisse avec humilité que certaines choses concrètes doivent changer, et que pour cela il faut aussi prendre en compte la vision, voire les critiques des jeunes.

40. Au cours du Synode, il a été reconnu « qu’un nombre important de jeunes, pour les raisons les plus diverses, ne demandent rien à l’Eglise car ils considèrent qu’elle n’est pas significative pour leur existence. Certains demandent même expressément qu’elle les laisse tranquilles, car ils ressentent sa présence comme désagréable, sinon irritante. Cette requête ne naît pas, la plupart du temps, d’un mépris acritique ou impulsif, mais s’enracine dans des raisons sérieuses et respectables : les scandales sexuels et économiques, l’inadaptation des ministres ordonnés qui ne savent pas saisir de façon appropriée la sensibilité des jeunes, le manque de préparation des homélies et de la présentation de la Parole de Dieu, le rôle passif assigné aux jeunes à l’intérieur de la communauté chrétienne, les difficultés de l’Eglise à rendre raison de ses positions doctrinales et éthiques face à la société contemporaine ».[15]

41. Même s’il y a des jeunes qui se réjouissent de voir une Eglise se montrant humblement sûre de ses dons et de sa capacité de faire une critique loyale et fraternelle, d’autres jeunes réclament une Eglise qui écoute davantage, qui ne soit pas toujours à condamner le monde. Ils ne veulent pas voir une Eglise silencieuse et timide, ni toujours en guerre sur deux ou trois thèmes qui l’obsèdent. Pour être crédible face aux jeunes, elle a parfois besoin de retrouver l’humilité et d’écouter simplement, de reconnaître dans ce que disent les autres la présence d’une lumière qui l’aide à mieux découvrir l’Evangile. Une Eglise sur la défensive, qui n’a plus l’humilité, qui cesse d’écouter, qui ne permet pas qu’on l’interpelle, perd la jeunesse et devient un musée. Comment pourra-t-elle accueillir de cette manière les rêves de ces jeunes ? Bien qu’elle possède la vérité de l’Evangile, cela ne signifie pas qu’elle l’ait comprise pleinement ; il lui faut au contraire toujours grandir dans la compréhension de ce trésor inépuisable.[16]

42. Par exemple, une Eglise trop craintive et trop structurée peut être continuellement critique face aux discours sur la défense des droits des femmes, et signaler constamment les risques et les erreurs possibles de ces revendications. Par contre, une Eglise vivante peut réagir en prêtant attention aux revendications légitimes des femmes qui demandent plus de justice et d’égalité. Elle peut se rappeler l’histoire et reconnaître une large trame d’autoritarisme de la part des hommes, de soumission, de diverses formes d’esclavage, d’abus et de violence machiste. Grâce à ce regard, elle sera capable de faire siennes ces revendications de droits, et elle donnera sa contribution avec conviction pour une plus grande réciprocité entre hommes et femmes, bien qu’elle ne soit pas d’accord avec tout ce que proposent certains groupes féministes. Dans cette ligne, le Synode veut renouveler l’engagement de l’Eglise contre « toute discrimination et toute violence liées à l’orientation sexuelle ».[17]C’est la réaction d’une Eglise qui se révèle jeune et qui se laisse interpeller et stimuler par la sensibilité des jeunes.

Marie, la jeune femme de Nazareth

15 mars 2019 : Illustration, femme priant devant une Vierge à l'Enfant, dans l'église Saint Jean Baptiste de Belleville à Paris (75), France.

43. Marie resplendit dans le cœur de l’Eglise. Elle est le grand modèle pour une Eglise jeune, qui veut suivre le Christ avec courage et docilité. Quand elle était très jeune, elle a reçu l’annonce de l’ange et ne s’est pas privée de poser des questions (cf. Lc 1, 34). Mais elle avait une âme disponible et elle a dit : « Je suis la servante du Seigneur » (Lc 1, 38).

44. « Le force du “oui” de Marie, une jeune, impressionne toujours. La force de ce “qu’il en soit ainsi” qu’elle dit à l’ange. Ce fut une chose différente d’une acceptation passive ou résignée. Ce fut quelque chose d’autre qu’un “oui” voulant dire : on verra bien ce qui va se passer. Marie ne connaissait pas cette expression : attendons de voir. Elle était résolue, elle a compris de quoi il s’agissait et elle a dit « oui », sans détour. Ce fut quelque chose de plus, quelque chose de différent. Ce fut le “oui” de celle qui veut s’engager et risquer, de celle qui veut tout parier, sans autre sécurité que la certitude de savoir qu’elle était porteuse d’une promesse. Et je demande à chacun de vous : vous sentez-vous porteurs d’une promesse ? Quelle promesse est-ce que je porte dans le cœur, à poursuivre ? Marie, sans aucun doute, aura eu une mission difficile, mais les difficultés n’étaient pas une raison pour dire “non”. Certes elle aura des difficultés, mais ce ne seront pas les mêmes difficultés qui apparaissent quand la lâcheté nous paralyse du fait que tout n’est pas clair ni assuré par avance. Marie n’a pas acheté une assurance sur la vie ! Marie s’est mise en jeu, et pour cela elle est forte, pour cela elle est une influencer, elle est l’influencer de Dieu ! Le “oui” et le désir de servir ont été plus forts que les doutes et les difficultés ».[18]

45. Sans s’évader ni céder à des mirages, « elle a su accompagner la souffrance de son Fils, […] le soutenir par le regard et le protéger avec le cœur. Douleur qu’elle a subie, mais qui ne lui a pas fait baisser les bras. Elle a été la femme forte du “oui”, qui soutient et accompagne, protège et prend dans ses bras. Elle est la grande gardienne de l’espérance.[…] D’elle nous apprenons à dire “oui” à la patience obstinée et à la créativité de ceux qui ne sont pas affaiblis et qui recommencent ».[19]

46. Marie est la jeune fille à l’âme noble qui tressaille de joie (cf. Lc 1, 47), aux yeux illuminés par l’Esprit Saint qui contemple la vie avec foi et garde tout dans son cœur (cf. Lc 2, 19.51). Elle est cette femme attentive, prête à partir, qui lorsqu’elle apprend que sa cousine a besoin d’elle, ne pense pas à ses projets, mais se met en marche vers la montagne « en hâte » (Lc 1, 39).

47. Et quand il faut protéger son enfant, la voilà partie avec Joseph dans un pays lointain (cf. Mt 2, 13-14). Et elle reste au milieu des disciples réunis en prière dans l’attente de l’Esprit Saint (cf. Ac 1, 14). Ainsi, en sa présence, naît une Eglise jeune, avec ses Apôtres en sortie pour faire naître un monde nouveau (cf. Ac 2, 4-11).

48. Cette jeune fille est aujourd’hui la Mère qui veillent sur ses enfants, sur nous ses enfants qui marchent dans la vie souvent fatigués, démunis, mais souhaitant que la lumière de l’espérance ne s’éteigne pas. Voilà ce que nous voulons : que la lumière de l’espérance ne s’éteigne pas. Notre Mère regarde ce peuple pèlerin, peuple de jeunes qu’elle aime, qui la cherche en faisant silence dans le cœur, même si, sur le chemin, il y a beaucoup de bruit, de conversations et de distractions. Mais, aux yeux de la Mère, seul convient le silence chargé d’espérance. Et ainsi, Marie éclaire toujours notre jeunesse.

Des jeunes saints

sainte-therese49. Le cœur de l’Église est aussi riche de jeunes saints qui ont offert leur vie pour le Christ, et pour beaucoup en allant jusqu’au martyre. Ils ont été de précieux reflets du Christ jeune qui brillent pour nous stimuler et pour nous sortir du sommeil. Le Synode a souligné que « beaucoup de jeunes saints ont fait resplendir les traits de l’âge juvénile dans toute leur beauté et ont été, à leur époque, de véritables prophètes du changement ; leurs exemples nous montrent de quoi sont capables les jeunes quand ils s’ouvrent à la rencontre avec le Christ ».[20]

50. « A travers la sainteté des jeunes, l’Église peut relancer son ardeur spirituelle et sa vigueur apostolique. Le baume de la sainteté engendrée par la bonté de la vie de tant de jeunes peut soigner les blessures de l’Église et du monde, en nous ramenant à la plénitude de l’amour à laquelle nous sommes appelés depuis toujours : les jeunes saints nous poussent à revenir à notre premier amour (cf. Ap 2, 4) ». [21] Il y a des saints qui n’ont pas connu l’âge adulte et qui nous ont laissé le témoignage d’une autre manière de vivre la jeunesse. Souvenons-nous au moins de certains d’entre eux, de différentes époques de l’histoire, qui ont vécu la sainteté chacun à sa manière :

51. Au IIIème siècle, saint Sébastien était un jeune capitaine de la garde prétorienne. On raconte qu’il parlait du Christ partout et cherchait à convertir ses compagnons, jusqu’à ce qu’on lui demande de renoncer à sa foi. Comme il n’accepta pas, on fit pleuvoir sur lui une multitude de flèches, mais il survécut et continua à annoncer le Christ sans peur. En fin de compte, ils le flagellèrent à mort.

52. Saint François d’Assise était très jeune et rempli de rêves. Il a écouté l’appel de Jésus à être pauvre comme lui et à restaurer l’Eglise par son témoignage. Il renonça à tout avec joie et il est le saint de la fraternité universelle, le frère de tous, qui louait le Seigneur pour ses créatures. Il est mort en 1226.

53. Sainte Jeanne d’Arc est née en 1412. C’était une jeune paysanne qui, malgré son jeune âge, a lutté pour défendre la France contre les envahisseurs. Incomprise à cause de sa manière d’être et de vivre la foi, elle est morte sur le bûcher.

54. Le bienheureux André Phû Yên était un jeune vietnamien du XVIIème siècle. Il était catéchiste et aidait les missionnaires. Il a été emprisonné pour sa foi, et comme il ne voulait pas y renoncer, il a été assassiné. Il est mort en disant : « Jésus ».

55. Au cours du même siècle, sainte Kateri Tekakwitha, une jeune laïque native d’Amérique du Nord, a subi une persécution pour sa foi et a fui en marchant plus de trois cents kilomètres dans une épaisse forêt. Elle s’est consacrée à Dieu et elle est morte en disant : “Jésus, je t’aime !”.

56. Saint Dominique Savio offrait à Marie toutes ses souffrances. Quand saint Jean Bosco lui apprit que la sainteté suppose qu’on soit toujours joyeux, il ouvrit son cœur à une joie contagieuse. Il cherchait à être proche de ses compagnons les plus marginalisés et malades. Il est mort en 1857 à quatorze ans, en disant : “Quelle merveille je vois !”.

57. Sainte Thérèse l’Enfant-Jésus est née en 1873. Elle parvint à entrer dans un couvent de carmélites, à quinze ans, en traversant beaucoup de difficultés. Elle a vécu la petite voie de la confiance totale en l’amour du Seigneur et s’est proposé de nourrir par sa prière le feu de l’amour qui anime l’Eglise.

58. Le bienheureux Ceferino Namuncurá était un jeune argentin, fils d’un important chef de peuples autochtones. Il parvint à devenir séminariste salésien, brûlant du désir de retourner dans sa tribu pour conduire les gens à Jésus-Christ. Il est mort en 1905.

59. Le bienheureux Isidore Bakanja était un laïc du Congo qui témoignait de sa foi. Il a été torturé longtemps pour avoir proposé le christianisme à d’autres jeunes. Il est mort en 1909 en pardonnant à son bourreau.

60. Le bienheureux Pier Giorgio Frassati, mort en 1925, était « un jeune d’une joie contagieuse, une joie qui dépassait les nombreuses difficultés de sa vie ».[22] Il disait qu’il essayait de répondre à l’amour de Jésus qu’il recevait dans la communion, en visitant et en aidant les pauvres.

61. Le bienheureux Marcel Callo était un jeune français mort en 1945. Il fut emprisonné en Autriche dans un camp de concentration, où il réconfortait dans la foi ses compagnons de captivité, au milieu de durs travaux.

62. La jeune bienheureuse Chiara Badano, morte en 1990, « fit l’expérience de la manière dont la souffrance peut être transfigurée par l’amour […] La clé de sa paix et de sa joie était sa pleine confiance dans le Seigneur, et l’acceptation de la maladie comme expression mystérieuse de sa volonté pour son bien et celui des autres ».[23]

63. Qu’eux tous, ainsi que beaucoup d’autres jeunes qui souvent ont vécu à fond l’Evangile dans le silence et dans l’anonymat, intercèdent pour l’Eglise afin qu’elle soit remplie de jeunes joyeux, courageux et engagés, qui offrent au monde de nouveaux témoignages de sainteté.

Notes de bas de page

[4] Document Final de la XVème Assemblée Générale Ordinaire du Synode des Évêques, n. 60. Par la suite, ce document sera désigné par le sigle DF. On peut le trouver sur http://www.vatican.va/roman_curia/synod/documents/rc_synod_doc_20181027_doc-final-instrumentum-xvassemblea-giovani_fr.html

[5] Catéchisme de l’Eglise catholique, n. 515.

[6] Ibid., n. 517.

[7] Catéchèse (27 juin 1990), 2-3: L’Osservatore Romano, éd. française, n. 27 du 3 juillet 1990, p. 12.

[8] Exhort. ap. postsynodale Amoris laetitia (19 mars 2016), n. 182: AAS 108 (2016), 384.

[9] DF, n. 63.

[10] Conc. Œcum. Vat. II, Message aux jeunes (8 décembre 1965): AAS 58 (1966), 18.

[11] Ibid.

[12] DF, n. 1.

[13] Ibid., n. 8.

[14] Ibid., n. 50.

[15] Ibid., n. 53.

[16] Cf. Conc. Œcum. Vat. II, Const. dogm. Dei Verbum, sur la révélation divine, n. 8.

[17] DF, n. 150.

[18] Discours de la veillée des XXXIVèmesJournées Mondiales de la Jeunesse à Panama (26 janvier 2019): L’Osservatore Romano, éd. française, n. 6 du 5 février 2019, p. 9.

[19] Prière à la fin du Chemin de Croix lors des XXXIVèmes Journées Mondiales de la Jeunesse à Panama (25 janvier 2019): L’Osservatore Romano, éd. française, n. 6 du 5 février 2019, p. 8.

[20] DF, n. 65.

[21] Ibid., n. 167.

[22] Saint Jean-Paul II, Discours aux jeunes à Turin (13 avril 1980), 4: Insegnamenti 3, 1 (1980), 905.

[23] Benoît XVI, Message pour les XXVIIèmeJournées Mondiales de la Jeunesse (15 mars 2012): AAS 104 (2012), 359: L’Osservatore Romano, éd. française, n. 13 du 29 mars 2012, p. 4.

Aller plus loin

La méditation du Père Vincent Breynaert, directeur du service national pour l’évangélisation des jeunes et pour les vocations au sein de la Conférence des évêques de France.

Le chapitre 2 nous présente Jésus, « jeune parmi les jeunes afin d’être un exemple pour les jeunes ». L’Évangile nous rappelle que Jésus fut un jeune équilibré, bien intégré dans le tissu des relations et qu’il a mûri.  Il a vécu lui aussi une croissance spirituelle, il s’est formé, et s’est préparé pour réaliser le projet que le Père avait pour lui. À travers sa vie, on peut reconnaître beaucoup de caractéristiques d’un cœur de jeune : la confiance en son Père, l’amitié avec ses disciples, la compassion, le courage, la fragilité…. « En Jésus, tous les jeunes peuvent se retrouver ». (31)

À l’image du Christ, l’Eglise est « la vraie jeunesse du monde ». Elle est jeune quand elle se laisse renouveler. Le Pape François bien conscient de l’éloignement de beaucoup de jeunes vis-à-vis de l’institution affirme avec force que « certaines choses concrètes doivent changer » (39) et que dans bien des domaines (par exemple les revendications légitimes des femmes), c’est en se laissant interpellé et stimulé par la sensibilité des jeunes que l’Église se renouvellera !

Marie resplendit dans le cœur de l’Église. Elle offre aux jeunes l’exemple d’un oui dans détour, le oui d’une femme « forte » de quelqu’un qui veut « s’engager et risquer ». Parce qu’elle se sait porteuse d’une promesse. Et le Pape de demander à chaque jeune « vous sentez-vous porteurs d’une promesse ? (44)

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