Hommage aux missionnaires français en Corée, Eglise martyr
Jusqu’au 24 octobre 2016, Mgr Yves Le Saux, évêque du Mans, mène une délégation de 70 pèlerins au pays du Matin calme. 8 diocèses sont du voyage, à l’occasion du 150ème anniversaire du martyre de 1866, dans lequel des missionnaires français donnèrent leur vie.
Quels sont vos liens avec l’Eglise catholique en Corée ?
Le diocèse du Mans vénère un saint missionnaire, Saint Siméon Berneux (1814- 1866), quatrième évêque de Corée, mort en martyre à Saenamtheo (Séoul). En découvrant cette figure et tous les liens du diocèse avec des missionnaires, il m’a semblé important de raviver la mémoire des chrétiens de Sarthe. Des catholiques avant nous ont donné leur vie pour aller annoncer l’Evangile à l’autre bout de la planète. Pour y mourir ! J’ai donc pris contact avec la Corée. Je me suis aperçu que la mémoire des martyrs – et des martyrs français – était très présente, structurante même, pour la vie ecclésiale.
Une dizaine de diocèses français sont ainsi concernés par la mémoire de ces martyrs. Le pape François a d’ailleurs béatifié, en août 2014, une centaine de martyrs coréens. Comme l’avait fait Jean-Paul II en son temps.
Au-delà du pèlerinage, il s’agit d’aller à la rencontre de l’Eglise coréenne et pour les évêques français, de rencontrer les évêques coréens. L’une des chevilles ouvrières de ce voyage est un prêtre coréen que j’accueille depuis 20 ans dans une paroisse. Le diocèse compte 4 prêtres coréens. Deux d’entre eux sont membres d’une congrégation qui s’appelle les Martyrs de Corée. Elle a pour vocation d’envoyer des missionnaires dans le monde entier. Sa spiritualité est très liée à la mémoire des martyrs. Celui que j’ai ordonné me disait qu’il ne venait pas pour dix ans mais pour mourir avec nous, pour donner sa vie. Ils sont très reconnaissants. C’est très impressionnant. Depuis peu, j’accueille aussi trois religieuses. Si cela se passe bien, il y aura fondation.
Ce qui m’a beaucoup impressionné en Corée, c’est la mémoire des martyrs. Il y en a eu des milliers. C’est une Eglise catéchuménale : la majorité des baptisés en paroisses sont des baptisés adultes. Ils se présentent en disant : « J’ai été baptisé il y a 20 ans, 30 ans… » La référence est leur baptême. Quoi de plus normal pour un chrétien ? Pour nous, il y a peut-être quelque chose à apprendre… Donc ce voyage comporte un aspect « échanges ». Et puis, je pense que toute Eglise ne se suffit pas à elle-même. Les Eglises locales doivent aussi recevoir et être en communion, en relation, avec d’autres Eglises ailleurs dans le monde. Qu’elles soient confrontées aux mêmes questions ou à d’autres mais en n’y répondant pas de la même manière que nous.
Quels seront les temps forts du pèlerinage ?
Il y aura un temps de travail entre une vingtaine d’évêques coréens et les 7 évêques présents. Nous présenterons les défis propres à chacune de nos réalités, nationales ou locales. Nous échangerons sur la question de l’évangélisation, sur les catéchumènes, sur la formation des prêtres. J’attends comme un moment important cet échange. J’ai déjà fait deux voyages en Corée. Ils posent beaucoup de questions sur la vie ecclésiale et missionnaire en France.
C’est une Eglise marquée par la spiritualité du martyre, de par son histoire. Je vois bien que cette question se pose aujourd’hui aussi dans nos pays. Au Moyen-Orient bien-sûr, mais aussi en France, à travers les événements qui nous ont touchés. Qu’est-ce que cela veut dire ? Il y a quelque chose à accueillir, à se réapproprier. Peut-être qu’une Eglise comme celle de Corée peut nous rappeler cette dimension de la vie chrétienne. Je pense au Père Hamel mais pas seulement. Le Concile Vatican II dit que l’Eglise a toujours reconnu le poids ultime de la charité qui est la capacité de donner sa vie pour ses frères, à la manière du Christ. Pour quelques-uns, cela s’est manifesté dans le martyre du sang. Même si nous ne sommes pas tous appelés à cela, tous nous sommes appelés à nous positionner clairement, comme le soulignait Jean-Paul II, dans un monde – occidental – dont ce n’est plus la référence. Ce n’est ni un bien ni un mal. Nous devons nous appuyer sur notre attachement au Christ pour vivre l’exigence de la vie chrétienne. Le Concile ajoute que les martyrs ne manqueront jamais à l’Eglise : Il y en a toujours eu et il y en aura toujours. D’ailleurs le siècle qui a vu le plus de martyres est celui qui vient de s’achever. Je vois bien que le mot est faussé aujourd’hui. Le martyr n’est pas quelqu’un qui donne sa vie par haine. On ne s’expose pas au martyre. On ne le choisit pas. On choisit de vivre la charité, de servir nos frères du mieux possible. Le martyre peut être donné comme une grâce. Le Père Hamel n’a pas voulu le martyre. Sa vie est marquée par ce don total, inattendu peut-être, qui vient dire quelque chose. On donne sa vie par imitation du Christ pour aimer nos frères ou défendre la justice et la vérité.
On reçoit toujours l’Evangile d’un autre, différent de nous. Saint Martin de Tours était hongrois. Le premier évêque de Munich est un Français. Saint Boniface qui a évangélisé toute l’Europe du Nord était irlandais. Cette communion entre Eglises a son importance.
Qu’attendez-vous de cette visite pour l’Eglise en France ?
Au-delà du travail avec les évêques et de la réflexion sur la spiritualité du martyr, c’est l’exemple d’une Eglise très dynamique mais minoritaire. Je crois que les chrétiens représentent 10% de la population – en comptant les protestants. Mais ils ont énormément de vocations, par exemple, dans un monde dont la culture environnante s’organise autour d’autres références. Or nous ne sommes plus dans un monde aux références chrétiennes. Pour moi, ce n’est pas dramatique, c’est un fait. Nous devons vivre l’Evangile et l’annoncer dans le monde d’aujourd’hui. L’avenir est devant, jamais derrière ! Aujourd’hui Dieu n’est plus tabou. Si nous ne proposons pas une transcendance, d’autres le font.