Dans le combat impitoyable contre le virus, les sœurs de la Pommeraye tiennent bon
Comment les services de la Conférence des évêques de France, mais aussi, les diocèses, les mouvements et les associations catholiques se mobilisent pour accompagner nos aînés, ébranlés par la pandémie de Covid-19 qui sévit actuellement ?
Journal de confinement des 60 sœurs aînées qui résident sur le site de la Maison Mère des sœurs de La Providence de La Pommeraye.
Le 20 mars 2020
Au jardin, le printemps s’est installé dans tous ces éclats : les pelouses ont revêtu leur tenue royale, elles ont sorti leur vêtement d’apparat, du blanc délicat, offert par ces humbles pâquerettes et autres dons de la nature. Les oiseaux s’ébattent à cœur joie, imperturbables dans leur mélodie et libres de leur mouvement, un privilège en ces temps qui cours !
Si la nature, dans une élégante insolence, prend toute sa liberté, ce jardin a fermé ses portes depuis dimanche. Bien que le portail soit ouvert pour assurer ce qui est indispensable à la vie de la communauté. Le site intramuros, fermé au public, rappelle une réalité d’antan : entrer au couvent, franchir la clôture, s’enfermer, se mettre à l’écart…c’était bien une réalité de « distance sociale ! ». Aujourd’hui pour anéantir ce corona virus les populations n’ont pas d’autre solution que d’accepter la distance sociale imposée par le confinement. Pour nous, dans ce contexte inimaginable, si nous retrouvions le sens du choix que nous avons fait, lorsque un jour, nous avons franchi la porte, nous mettant en distance, non par peur du danger, seulement « pour nous mettre à l’écoute de Dieu, à l’écoute des frères… »LV 8.
Le 23 mars 2020
Progressivement, les mesures de confinement sont entrées dans les esprits et se concrétisent. L’équipe de restauration travaille dans sa bulle, s’organise pour éviter tous contacts. Le personnel est réduit au strict minimum, seulement pour les soins donnés aux sœurs de Béthel. Tout est mis en œuvre pour assurer la barrière de protection.
A l’entrée du portail, deux panneaux interdisent l’accès aux visiteurs, sauf impératif : « Population fragile sur ce site… »
Respecter la barrière sociale de distance nous a contraintes à prendre des moyens drastiques dans l’organisation du confinement de la vie de la communauté: la circulation dans les couloirs et ascenseurs, la séparation en deux salles à mangers, la répartition dans la chapelle des différents groupes, une liturgie adaptée à la situation, une animation autre, une manière nouvelle qui s’invente pour garder le lien avec les sœurs de l’EHPAD privées de visites.
Confinées dans nos murs, dans une ville, aux rues désertes, son silence inhabituel ponctué par le rythme des deux clochers, vient résonner à nos murs, redevenus « clôture », ce silence impressionnant ne vient-il pas interroger « notre présence au monde », le sens de notre vie dans cette tradition du Carmel qui nous caractérise si bien. « Nous tenir en présence du Dieu Vivant… A cette rencontre nos frères sont présents… LV 10 ET 14 Ces passages de notre livre de vie sont d’une acuité incroyable dans ce contexte mondial. Ils sont d’une grande force en ces temps incertains.
Le 25 mars 2020
En ce jour de la fête de l’Annonciation, au jardin, le printemps nous laisse entrevoir un aperçu de cette grâce. Les deux tulipiers, comme des coupes d’offrande, elles s’offrent à la contemplation des promeneuses. Le coucou n’est pas en reste. Il s’annonce tous les jours. Lui aussi, messager du créateur, annonce une belle nouvelle « j’vous aim ! J’vous aim ! j’vous aim ! j’vous aim ! …».
A l’image des fleurs des tulipiers, dans une offrande incessante, prières et supplications montent vers le ciel, humble bouclier dans ce combat sans merci
Jusqu’à hier soir les salles à manger avaient seulement été dédoublée, pour avoir un nombre plus restreint : Une trentaine de sœurs dans chaque lieu. A partir de ce jour, nous renforçons le confinement. Les tables sont dédoublées et organisées pour deux convives afin de respecter la distance requise, les repas se prennent désormais en tête à tête, dans la distance, il manque les nappes et les chandeliers pour se croire au George V et la tenue de service !
Notre capacité à faire face à l’événement fait partie aussi des bonnes nouvelles. Le déroulement et les réajustements se font dans une bonne ambiance. Nous y voyons réellement « la main cachée de Dieu ». En fille de sainte Thérèse nous pouvons rendre grâce ensemble devant ce grand mystère du Salut. Ce Dieu qui se fait l’un de nous pour nous aimer d’une extraordinaire miséricorde. « Il ne nous manquera jamais ».
Le 26 mars 2020
Hier soir, 25 mars 2020, à 19h 30, l’espace de 10 mn, on pouvait croire à un grand son et lumière couvrant toute la France. Une nation, les cœurs à l’unisson, exprimait sa gratitude à tous les soignants et intervenants multiples, mobilisés contre le coronavirus, dans un combat sans merci pour sauver des vies, au risque de leur propre vie.
Nous avons pensé tout spécialement aux soignants et tout le personnel de l’EHPAD Françoise d’Andigné, à l’œuvre jour et nuit près des résidents, notre gratitude se veut reconnaissance pour les soins attentifs donnés à chacun.
La communauté de la Providence, était à l’unisson du pays. Le perron scintillait de petites lumières, les fenêtres manifestaient pareillement fraternité et solidarité, touchées par plus grand que nous.
Les cloches se sont ébranlées à l’heure précise : paroisse et communauté dans un espoir commun. Sonnant à toutes volées, leurs mélodies retentissantes portées par un vent léger, étaient propulsées dans les lointains manifestant la solidarité d’un pays.
Au quotidien, la célébration Eucharistique, les offices matin et soir sont ponctués par les cloches d’une mélodie appropriée. C’est une belle mission pour des cloches : manifester à la ville et jusque dans les campagnes notre présence au monde, notre fraternité, notre espérance. Fraternellement.
Le 27 mars 2020
Dans ce combat impitoyable des petites bonnes sœurs en ordre de résistance, la flamme toujours vive, tiennent bon. La communauté telle « une armée de réserve » prend sa part. La seule arme dans ce confinement : la prière. Dans le cœur à cœur de l’oraison, la prière silencieuse, comme Moïse, les bras levés au ciel, se soutenant les unes les autres, elles se tiennent en Dieu dans la confiance, se rappelant l’amour du regard de jésus pour les souffrants.
A la grande chapelle réorganisée pour respecter les consignes de barrière sociale, chaque entité a son carré et chacune a une chaise attitrée ! Il n’y a pas de location ! Cette répartition a pour avantages de remplir la chapelle. La liturgie n’en est que plus belle et priante. Le chant de la communauté vibre de toute son ardeur s’élevant en supplication vers Celui qui sauve.
Le 29 mars 2020
Nos sœurs : Marie Thérèse et Solange-Marie, sont parties chez Dieu, sans adieu, dans la tourmente de l’hôpital (NB : sans qu’il s’agisse du coronavirus). Elles ont donné leur dernier souffle, privées de la présence des familiers. Ecartées des leurs, mises à distance, de crainte de… elles ont vécu radicalement cette ligne de conduite décrite dans notre livre de Vie LV45 ; partir dans la pauvreté totale, cette « attitude de vérité, nous désirons la vivre non seulement devant Dieu, mais aussi devant les autres » attitude qu’elles ont vécue avec les autres gens, sans masques, pauvres et riches tous ensemble, les masques tombés.
Retrouver la terre de la communauté fut leur unique privilège. Elles sont arrivées chacune par un bel après-midi ensoleillé. Pendant l’acheminement du convoi au cimetière, la communauté s’est rassemblée à la grande chapelle pour prier le chapelet « formant une communauté de foi » LV 66
Nous étions six près d’elles pour accueillir le fourgon funéraire, avec l’aumônier, présent dans le confinement du site.
Au cimetière devant la grande croix, se sont déroulés les rites de l’encens, de l’eau, accompagnés de nos chants dans toute la ferveur qu’inspirait ce moment étrange et bien particulier.
Le corps reposant dans sa terre d’accueil, nous avons rejoint les sœurs à la chapelle et continué le chapelet avec elles. Une prière humble et fervente dans sa foi au Dieu Vivant. La vie ne meurt pas.
En conclusion de ce récit, écoutons l’audace de Ste Thérèse dans sa poésie « Comment je veux aimer »
- « En me disant : Viens tout est pardonné »
- « Repose-toi, mon épouse fidèle »
- « Viens sur mon cœur, tu m’as beaucoup aimé »
Des mots pleins d’espérance.
Le 30 mars 2020
Les sapins, hébergent une volière aux multiples espèces d’oiseaux. Ils emplissent le parc de leurs mélopées les plus diverses ; rompant le silence des lieux, leurs « cui-cui », enchantent les oreilles à qui prend le temps d’écouter. Le silence de la ville, qu’impose le confinement, nous révèle, la richesse de la création, la diversité d’expressions dans la louange au Créateur.
Sur le site, les voix aussi se déploient chaque jour à la grande Chapelle s’élevant, en ces temps de peines, vers le ciel avec intensité.
La liturgie des offices, Laudes et vêpres, rassemble la communauté. L’organisation de la chapelle, la répartition des sœurs nous a fait innover pour donner de l’ampleur et plus de dignité aux offices; on pourrait dire « la prière qui prend son temps ». Le déplacement tranquille de la lectrice pour les diverses lectures induit calme et sérénité dans le rythme de la prière. Les voix, du fait de la répartition des personnes dans toute la chapelle, se déploient dans l’écoute des autres, pour ajuster la mélodie. Chanter d’un même cœur demande de l’attention et d’y mettre le cœur. Jour après jour la qualité s’améliore. Pour Pâques les voix, renouvelées au terme du carême, auront retrouvées leur jeunesse !!!!
La célébration eucharistique, en fin de matinée, est un grand privilège. La ferveur qui se dégage montre avec force combien ce moment est le « pôle important de notre journée, le cœur de notre rencontre avec Dieu. » LV 19.