Le père Malek Chaieb au service des chrétiens d’Orient en France
Le père Malek Chaieb est un des prêtres maronites actifs en France. Ordonné il y a maintenant un an, il parcourt Le mans, Nantes et Angers afin de dire la messe dans ce rite oriental si particulier permettant ainsi aux réfugiés chrétiens mais aussi aux Libanais de France de retrouver leurs repères.
Pouvez-vous replacer votre parcours dans l’engagement ecclésial ?
Dans les années 1990, j’ai été religieux que j’ai quitté en 1999. Je me suis marié en 2000. J’avais commencé à étudier la théologie au Liban puis j’ai continué à Angers. J’ai été ordonné sous-diacre il y a un an et demi (NDLR : un statut qui a été conservé dans l’Eglise orientale) le 26 décembre 2015 au siège de l’éparchie à Meudon et enfin, on m’a ordonné prêtre le 26 décembre 2016.
Pouvez-vous rappeler les différences fondamentales entre le rite maronite et le rite catholique romain ?
Il faut bien rappeler que le rite maronite est catholique, car il y a souvent confusion. La diversité liturgique de l’Église catholique est surtout incarnée par les Orientaux. Le nom complet de l’Église maronite est l’Église antiochienne syriaque maronite, c’est en fait une des Églises aux origines du christianisme. Les capitales importantes du christianisme se matérialisaient en Rome, Constantinople, Antioche et Alexandrie. « Antioche » représente le monde araméen syriaque et en partie grec, c’était un mélange, comme Rome pour le monde latin et Constantinople pour le monde grec. Notre liturgie s’est donc développée dans la région d’Antioche. La partie du nom « syriaque » montre qu’elle porte en elle toute la spiritualité des écritures et traditions des pères de l’Église syriaque. Enfin « maronite », car elle a eu une naissance monastique avec les disciples de saint Maroun. C’est donc une église à forte influence monastique de langue en partie syriaque. Dans la liturgie maronite l’acte de pénitence est encore plus présent que dans la liturgie latine. Il y a encore de nombreuses différences, mais voilà un exemple concret.
La messe est dite intégralement en syriaque ?
En fait, l’influence arabo-musulmane a poussé de nombreuses Églises à adopter la langue arabe alors que la pratique était en syriaque majoritairement. Aujourd’hui, on passe de l’un à l’autre durant la liturgie. Aujourd’hui, il doit y avoir quatre moments dans une célébration en langue syriaque.
Quel est le public participant à la célébration de la chapelle de la visitation le samedi soir au Mans ?
C’est une assemblée comportant une grande diversité, elle rassemble de nombreuses Églises chrétiennes du proche orient. Vous avez des chaldéens irakiens, des syriaques ou même des orthodoxes. La plus grande partie de l’assemblée est maronite.
Il y a donc une forme d’œcuménisme possible entre les différents christianismes d’Orient ?
On le vit chaque jour, il existe une forme de solidarité finalement. Quand il n’y a pas de services liturgiques orthodoxes, les fidèles sont autorisés à participer à une liturgie catholique, c’est aussi vrai pour le baptême d’ailleurs. En Orient, les gens vont dans l’Église la plus proche. En Syrie par exemple, la communauté la plus importante est grecque orthodoxe, mais on peut retrouver toutes les communautés là-bas.
Finalement, le proche orient est plus flexible que l’Europe sur cette question ?
En quelque sorte, oui, nous avons l’habitude de la diversité. Je ne dis pas que ça ne crée pas de problèmes, mais tout le monde est conscient que nous sommes tous dans le même bateau, il faut se protéger entre nous sinon tout le monde coule.
Vous avez été mis au service du Mans, d’Angers et de Nantes à cause d’une forte demande ?
Ce sont surtout les circonstances, il se trouve que je travaille et habite à Angers et que Mgr Gemayel m’a proposé cette mission. C’est aussi une volonté du diocèse puisqu’au Mans, Mgr Le Saut a fait en sorte que la chapelle de la visitation accueille une messe en rite maronite une fois par mois. Pour ma part, je suis tombé au bon moment à mon avis et j’essaye de faire de mon mieux.
Y-a-t-il une histoire particulière entre les chrétiens d’Orient et Le Mans ?
Je connais principalement Angers où il y a déjà eu des expériences de ce type par le passé avec des communautés religieuses notamment, mais en réalité, c’est assez nouveau au Mans et la Fraternité Chrétienne Sarthe Orient a joué un large rôle dans ces initiatives avec le père Le Sourt. Il est apparu nécessaire de mettre en place ces célébrations, car les nouveaux arrivants de Syrie et d’Irak ne comprenaient pas grand-chose au rite romain. La volonté de Mgr Gemayel est aussi de montrer la diversité existante chez les chrétiens et je pense que le rite et la spiritualité orientale sont très riches. Ils peuvent apporter beaucoup à l’Église latine.
Qu’est-ce que l’influence orientale peut apporter par exemple ?
Une des caractéristiques de l’Église d’Orient est qu’elle n’a jamais régné et s’est toujours occupée de théologie et pas vraiment de politique. Ce sont donc des communautés qui ont vécu beaucoup d’épreuves et ont tenu bon jusqu’à aujourd’hui ! L’adversité renforce la Foi quelque part et je répète souvent aux fidèles qu’il ne faut pas tout abandonner lorsqu’on est en sécurité. La France est très fortement marquée par la sécularisation et peut être que l’influence orientale pourrait ramener un peu d’engagement et de vitalité dans la Foi des chrétiens en France. C’est aussi l’occasion de redécouvrir les écrits des pères syriaques qui demeurent d’une modernité déconcertante en termes d’écologie par exemple. C’est une spiritualité très sémite, c’est-à-dire proche dans l’interprétation du texte de la bible et proche du contexte où Jésus a vécu. L’aspect marial du rite oriental dû à l’origine monastique est par ailleurs très important.
Comment se déroule l’accueil des réfugiés syriens ou irakiens ?
Au Mans, il y a principalement des Irakiens, à Angers, ce sont des Syriens en majorité et nous essayons en effet de les aider du mieux que nous pouvons. Fort, heureusement, il existe des services sociaux en France. Beaucoup de bénévoles aident aussi dans les démarches administratives et au Mans la fraternité Sarthe Orient offre un soutien. Autrement, nous n’avons pas encore développé de mission particulière dans ce domaine bien que des paroissiens s’engagent à titre personnel.
Avez-vous eu l’occasion d’échanger personnellement avec certains réfugiés ?
Bien sûr, durant des repas paroissiaux, j’ai pu faire connaissance avec beaucoup d’entre eux venus de Mossoul, d’Erbil, en passant par la mer, l’Europe de l’Est dans des conditions où ils ont manqué de perdre la vie plusieurs fois.
Voyez-vous des résonnances avec la diaspora libanaise qui est très importante dans le monde et significative en France ?
Oui et les Libanais ont de ce fait développé une culture de la générosité que j’observe dans mes paroisses. L’éparchie maronite étant vraiment récente, tout cela n’est pas encore forcément au point, mais les Orientaux ont une vie sociale très développée. Ils sont toujours l’un chez l’autre et par conséquent se fait une mise en lien automatique et essentielle, car les nouveaux arrivants connaissent une barrière de la langue en France même s’ils prennent des cours.
La première famille du couloir humanitaire est arrivée début juillet. Avez-vous eu le temps de la rencontrer ?
Non pas encore, car je ne suis pas encore retourné au Mans, j’étais au Liban ces derniers temps. Je les rencontrerai début septembre à priori.
Comment voyez-vous l’initiative du couloir humanitaire ?
Et bien, je suis un peu mitigé sur cette question. En effet il est tout à fait normal de vouloir trouver un lieu stable et sécurisé, mais en même temps, je pense qu’il est dommage que l’orient se vide de ses chrétiens. L’orient sans les chrétiens n’est plus l’orient. C’est tout de même la terre où le Christ est né. Je souhaite et j’espère que les chrétiens réfugiés en France puissent retourner vivre dans leurs pays respectifs un jour, bien que je comprenne que cela est difficile. Je trouve évidemment injuste que le destin de ces communautés fragiles soit autant lié aux fluctuations géopolitiques de grandes puissances. En tout cas, je ne peux que remercier l’association couloirs humanitaires pour le travail complexe qu’elle effectue.