Élections européennes : paroles de jeunes
Quatre jeunes chrétiens témoignent de l’importance d’aller voter aux prochaines élections européennes ce 9 juin 2024. L’écologie, les conflits, la dignité humaine sont au cœur de leurs réflexions. Par Florence de Maistre.
“Je crois en la force du collectif”
Camille a 19 ans. Elle est étudiante en sciences de l’éducation à Rouen et souhaite devenir professeur des écoles. Engagée à la JOC (Jeunesse ouvrière chrétienne) au sein d’une équipe du Havre et au service des plus jeunes, elle votera aux élections européennes pour la première fois.
“Pour moi, c’est important de voter ! Ces prochaines élections donnent la possibilité de choisir l’avenir de l’Union européenne. Elles permettent de nous exprimer : nous avons le pouvoir de changer les choses, utilisons-le ! Nous sommes tous concernés, car les décisions prises par l’Europe ont des conséquences pour la France, même si on l’oublie parfois. Je suis plutôt préoccupée par les questions environnementales. C’était justement le grand sujet de la campagne d’action de la JOC cette année autour du développement durable. Je suis militante, concernée par la justice sociale, les migrations, la dignité humaine. Mais il est difficile de retrouver ces questions dans les programmes des candidats, elles sont plus ou moins délaissées. Nombreux sont ceux qui ne comprennent pas l’intérêt d’aller voter, ne se sentent pas acteurs de la société. Moi, je crois en la force du collectif ! Nous avons la chance de vivre dans un système démocratique, la chance de pouvoir changer le cours des événements. C’est un droit des plus précieux. Comme chrétienne, je suis aussi appelée à être attentive au monde qui m’entoure et aux autres. Voter est une manière de façonner le monde pour le rendre plus juste et plus fraternel. La JOC dispose de différents outils sur les élections pour mieux s’y retrouver, mieux comprendre les enjeux, sensibiliser les jeunes à la question politique et s’engager. D’ailleurs différentes figures politiques sont d’anciens Jocistes. Je pense entre autres à un jeune député rouennais, qui est venu soutenir une action organisée par les copains de Rouen. C’est important pour nous de nous sentir utiles, entendus et reconnus, parce que les gens du milieu ouvrier et des quartiers populaires sont souvent les oubliés. Or, nous portons aussi une parole, agissons et nous mobilisons. J’irai voter dans mon village. J’ai toujours accompagné mes parents au bureau de vote. Pour les présidentielles, il y a deux ans, je n’ai pas pu voter à un mois près. Comme je m’intéresse beaucoup à la politique, j’étais vraiment frustrée, mais heureuse d’en discuter avec les personnes de mon entourage. Cette fois-ci, je suis très fière : à mon tour, je vais pouvoir mettre mon bulletin dans l’urne.”
“Tout est lié !”
Lothain a 21 ans. Il est étudiant en audiovisuel à Lyon, actuellement en stage à Paris et se prépare à entrer à l’école Pierre [école de communication et de louange] en septembre prochain. Engagé au sein de plusieurs mouvements et services d’Église, il est également proche de la communauté du Chemin Neuf avec qui il est parti aux JMJ l’été dernier.
“Oui, je me sens Européen, mais pas assez. J’aime dire que je suis Français, Franc-Comtois et Européen. Mais cette dernière identité est la plus difficile à définir et j’aimerais pouvoir mieux affirmer que je le suis. J’ai vraiment envie de développer mon caractère européen, en proximité avec les peuples des pays de l’Union. C’est une des raisons pour lesquelles j’irai voter ce 9 juin. C’est important pour moi, c’est un devoir de citoyen : je ne me pose même pas la question ! Le fonctionnement des institutions européennes est tellement compliqué, même si on s’y intéresse, que l’utilité du vote peut sembler diluée. J’ai le sentiment que l’on s’exprime davantage pour une représentation que l’on se fait de l’Europe et de son avenir, plutôt que pour des actions directes. L’écologie est le sujet qui me préoccupe le plus, car tout est lié ! Souvent, on cherche à améliorer l’existant, mais si on ne lutte pas pour l’écologie, cela même sera détruit. Je caricature un peu, mais c’est l’idée. L’écologie est d’autant plus importante qu’avec l’Europe la réflexion peut être menée sur un plan plus global. La question des conflits m’interroge aussi beaucoup, notamment parce que je ne sais vraiment pas ce qu’il faut faire. Depuis peu, je suis en lien avec un jeune parti politique, que je suis sur Insta. L’axe principalement écologique me semble en cohérence avec les enjeux. C’est très intéressant de découvrir de l’intérieur le fonctionnement d’un parti. Très pratiquement, je devais participer à un week-end avec la communauté du Chemin Neuf ces 8 et 9 juin. Les organisateurs ont bien alerté sur ce week-end électoral et invité à faire procuration. Pour ma part, j’ai dit que je ne viendrai pas : j’ai prévu de rentrer voter chez mes parents dans le Jura. Avec la procuration, je trouve qu’on délaisse le pouvoir de voter. Il y a déjà assez de négligence, même chez ceux qui votent sans y accorder une réelle importance. Il me semble que pour mobiliser davantage, mieux se faire comprendre, l’Europe devrait communiquer avec plus de transparence et de pédagogie. J’ai été heureux de voter pour la première fois aux présidentielles et aux législatives de 2022. J’ai toujours voté et choisi mon candidat dans ma tête, mais cette fois-ci ma voix a réellement compté. Je me sens participant et utile.”
“Une certaine conscience de l’importance des élections”
Julien a 18 ans. Étudiant en première année de sciences politiques à l’université Complutense de Madrid, il est particulièrement engagé au sein de l’aumônerie de la paroisse Saint-Louis-des-Français à Madrid. Il rejoindra Sciences Po Toulouse à la rentrée prochaine et a postulé pour devenir membre d’une fraternité étudiante.
“Je rentre en France début juin et j’irai voter près de Lille d’où je suis originaire. Je ne suis majeur que depuis quelques mois et je voterai pour la première fois ! C’est très important pour moi d’exprimer son opinion quelle qu’elle soit par le vote. Je suis sans doute plus sensibilisé que d’autres par mes études, mais cela fait aussi partie de mon éducation. Dans ce contexte marqué par l’abstention, encore plus forte pour les européennes, je pense que l’on a justement besoin de se positionner davantage face à cette tendance du désintérêt de la politique. Je pense à deux grands enjeux qui se démarquent pour la France et à l’échelle européenne. Il y a d’abord l’opportunité pour les Français d’exprimer leur opinion sur le mandat d’Emmanuel Macron, quelques temps après sa réélection. Au niveau européen, nous verrons l’évolution des mouvements identitaires, qui se sont affirmés dans différents pays et notamment en France avec le Rassemblement national. Ces élections sont aussi l’occasion de renouveler ou de remettre en question l’aide apportée par les pays européens à l’Ukraine. De la même manière, les élections américaines seront assez déterminantes, dans la mesure où certains partis et candidats sont défavorables à une telle aide apportée à l’Europe. Cela ne m’inquiète pas excessivement. J’observe autour de moi une certaine conscience de l’importance de ces élections, de l’Europe, même si en ce moment les regards sont davantage tournés vers le conflit Israelo-Palestinien. Au final, ce sujet n’est pas complètement indépendant des européennes, puisque de nombreux candidats l’abordent également. À tous ceux qui hésitent à aller voter, je voudrais rappeler que l’Europe a malgré tout une grande influence sur ce qui se passe en France, de même que la France a une influence majeure sur l’Union. Ce serait dommage de passer à côté de cette manière d’exprimer ses revendications et de témoigner de ses préoccupations. Pour ma part, je vivrai ce moment citoyen fort et marquant avec une grande joie !”
“J’irai voter avec confiance”
Quentin a 22 ans. Étudiant en deuxième année d’école d’ingénieur sur le plateau de Saclay, il prépare un double diplôme dans la santé, domaine où il souhaiterait travailler. Engagé au sein de l’association des Guides et Scouts d’Europe, il est chef de clan, c’est-à-dire responsable d’une quarantaine de jeunes garçons de 17 ans et plus, les routiers.
“J’ai participé à un débat, organisé par le collectif Les Éveilleurs, en présence des trois candidats de la droite aux européennes. La façon dont ils se sont présentés l’un après l’autre était intéressante. Dans leurs sujets de prédilection, on peut reconnaître ceux qui nous rejoignent le plus. Ce qui me touche beaucoup ? Le respect de la dignité humaine avec ses deux volets : la crise migratoire et le respect de la vie. La GPA vient d’être au cœur du parlement européen et la fin de vie est au cœur de l’instance française. L’éducation compte aussi pour moi. Il s’agit de l’avenir de la France, de former les jeunes. Je vois avec les scouts, l’importance de leur donner des bases solides, des clefs, pour qu’ils puissent ensuite s’engager. L’écologie est également en réflexion. Je suis interpellé comme citoyen et comme chrétien. Dans la Genèse, Dieu confie la Création à Adam et Ève. À nous d’en prendre soin aujourd’hui et de nous former, notamment au regard du volet bioéthique. Cette élection européenne sera par ailleurs le juge de paix du mi-mandat en France. Elle peut en changer les rapports de force. Elle est donc doublement importante. Si aucun candidat ne semble convenir, les écouter permet de se déterminer selon sa sensibilité : politique migratoire, éducation, dignité des travailleurs, bioéthique, etc. Rappelons que le droit européen prévaut sur le droit français. En n’allant pas voter, on risque de mettre en péril l’équilibre qui existe depuis 70 ans et de laisser les droites conservatrices bousculer le parlement. Chrétiens, citoyens du Ciel, c’est ici que notre présent et notre sainteté se jouent. Les moines les plus reclus sortent exceptionnellement pour aller aux urnes : ça interroge ! J’irai voter avec confiance, d’autant que cette élection n’a qu’un seul tour et que le spectre électoral est très varié : on peut choisir le parti qui nous tient vraiment à cœur. Je me sens Européen, particulièrement en étant scout, la création des scouts d’Europe étant antérieure à celle de l’Union. Le terreau commun à tous les scouts, à tous les chrétiens, c’est la fraternité entre les peuples. Nul besoin d’être de droite ou de gauche pour la vivre. Notre culture européenne occidentale est bien marquée et différente des pays d’Afrique ou des États-Unis. Je crois beaucoup en ce terreau commun !”