Le Frat :  » Je vois des jeunes qui ont soif »

8000 jeunes de 4e et 3e des huit diocèses d’Île-de-France sont attendus à Jambville ce week-end de Pentecôte pour vivre le grand rassemblement du “Fraternel” ou plutôt le Frat : temps de pèlerinage, de rencontre, de prière et de partage. Rencontre avec le P. Philippe Néouze, aumônier du collège Stanislas (Paris) et responsable du Frat. Par Florence de Maistre.

Qu’est-ce qui caractérise le Frat ?

C’est d’abord un rassemblement de jeunes dans l’idée d’un rassemblement d’Église. Les 4e et 3e se retrouvent à Jambville et les lycéens à Lourdes un an sur deux. Il s’agit pour eux de l’une des premières expériences de grand rassemblement ecclésial. Celui-ci a en son cœur la présence des évêques d’Île-de-France : ce sont eux qui invitent les jeunes et ils sont présents pendant le rassemblement. C’est une première dimension importante. Le nombre de participants compte aussi beaucoup. Souvent les jeunes se sentent isolés dans leur classe avec cette impression d’être les derniers des Mohicans. En se rassemblant à 8 ou 10 000, on montre un visage d’Église que l’on peine à connaître dans vie de l’aumônerie au quotidien. Deuxième grand pilier : le Frat est un pèlerinage, avec cette dimension spirituelle de rencontre du Christ dans les célébrations. Des eucharisties sont célébrées chaque jour sur place. Il y a une veillée baptismale, des confirmations, la réconciliation est proposée tout au long du rassemblement. Il y a une vraie proposition sacramentelle qui doit venir soutenir la vie de foi des jeunes après le Frat, les fortifier, les nourrir pour qu’ils soient plus forts et deviennent missionnaires ! Enfin, la dimension de témoignage est importante. Des personnes de tous horizons viennent, sous le grand chapiteau ou lors de temps en diocèse, partager comment le fait de connaître l’amour de Dieu a changé leur vie. Pour nous, il s’agit de manifester la beauté des chemins de foi dans leur diversité. Les jeunes sont assez sensibles à cette catéchèse-là et donnent raison à Paul VI qui disait “les hommes d’aujourd’hui ont plus besoin de témoins que de maîtres ». Cette richesse des témoignages est largement exploitée pendant le Frat. Sans oublier cette couleur particulière de la joie. Le Frat a une vraie dimension festive. C’est un rassemblement fait de rencontres, de prières, de chants.

Quel est le thème de cette édition 2022 ?

Le thème est tiré d’Isaïe au chapitre 6, avec ce petit dialogue entre le Seigneur et le prophète. Le Seigneur demande : “Qui enverrai-je ?” Isaïe formule cette double réponse : “Me voici. Envoie-moi”. Nous allons le déployer sur trois jours. La question renvoie au mystère de Dieu qui s’intéresse à l’homme, comme dans le psaume 8, et qui décide d’avoir besoin de l’homme. Le samedi soir et le dimanche, nous reprendrons le Me voici que l’on entend lors des baptêmes. Pour la messe de Pentecôte nous demanderons la force de l’Esprit saint, écouterons l’appel du jeune Samuel, avant d’être envoyés comme des brebis au milieu des loups. Un temps en diocèse permettra aux jeunes de voir comment la mission peut s’ancrer concrètement sur chaque lieu de vie. Ce thème est très parlant par sa simplicité, j’espère qu’il portera les jeunes dans cet itinéraire spirituel.

Que retenez-vous des éditions précédentes ?

J’ai vécu le Frat comme jeune, puis animateur et aumônier de groupe. Comme jeune, je retiens le nombre, la joie : cette expérience d’Église. Je reste marqué par l’un ou l’autre témoin. Voir des gens portés par leur foi au Christ, engagés dans des réalités plus lourdes que ce que je connaissais, m’a clairement fortifié. Comme animateur et comme prêtre, j’ai pu constater les bienfaits dans le cœur des jeunes. Des décisions ont été prises au Frat pour réellement changer des choses, même petites, dans leur vie : donner une place à Dieu, choisir de prier chaque jour par exemple. Je vois des jeunes qui ont soif et sont demandeurs d’une proposition vraie et consistante. Depuis une quinzaine d’années, on assiste à un changement de génération. Les jeunes sont en attente d’une proposition spirituelle forte, portent un vrai désir spirituel. Ils viennent pour faire la fête, mais ils ont d’autres occasions pour cela. Ils viennent en pèlerinage et n’ont pas envie de repartir après seulement un bon moment. Ils souhaitent recevoir quelque chose. L’attente est forte et plus ou moins claire selon les différents profils de jeunes, culture, vie de famille, etc. Notre richesse : cette grande diversité des jeunes. Notre challenge : rejoindre chacun dans son chemin de foi, les plus engagés et les plus éloignés pour que chacun se sente à sa place et soit nourri.

Comment l’accompagnement des jeunes évolue-t-il ?

Pendant le Frat, l’accompagnement se joue sur plusieurs plans. L’écoute, d’abord. Les jeunes ont besoin d’oreilles, parfois pour se confesser, parfois pour se confier, d’où le soutien d’une équipe d’écoutants pour les accueillir sur leur chemin, là où ils en sont. Le deuxième enjeu est de les aider à entrer dans la proposition spirituelle. Ils ont une attente mais ne savent pas toujours comment se mettre à l’écoute de la parole de Dieu ou se disposer à entrer en prière et risquent de passer à côté. C’est plus facile au Frat, cette réalité est belle et crédible. Les accompagnateurs font entrer les jeunes dans cette démarche avec sérieux. Le fait que les prêtres soient avec eux, présents à leurs côtés, les marquent beaucoup. Ils en sont heureux, sans nous le dire directement, mais cela nous revient ! Ils ont une délicatesse vis-à-vis des prêtres et des aumôniers, sont sensibles à notre présence. C’est touchant. Le silence leur est complètement étranger. Ils sont abreuvés de petites vidéos en continu. Cela crée une certaine sécheresse spirituelle. Tout est fluide, incertain, relativiste autour d’eux. C’est finalement assez peu rassurant et cela ne permet pas de se construire. Ils cherchent du solide et de la stabilité. Le Frat les rejoint dans leur soif de vérité : nous annonçons le Christ, notre rocher ! En découvrant le silence, ils découvrent le lieu d’une rencontre possible avec Dieu, découvrent leur part d’intériorité, un choc pour certains !

Quels sont les grands enjeux pour les années à venir ?

Cette année, nous compterons 8 000 participants. C’est 2500 de moins qu’en 2019. Cela nous interroge forcément. Nous avons quelques éléments de réponse avec d’autres événements d’Église aux mêmes dates ou encore avec les inscriptions de dernière minute qui s’accentuent de plus en plus, mais impossibles à gérer pour nous. Le premier Frat s’est tenu en 1908, c’est un rassemblement qui a évolué, a su s’adapter aux différents publics, a beaucoup évolué au fil des années. Pendant un temps, il a été très marqué par les mouvements, puis par les aumôneries, puis par les collèges de l’enseignement catholique. Après le Covid, nous nous trouvons à une période charnière : il nous faut aller chercher les jeunes là où ils sont. Le vrai challenge ? Comment les rejoindre, aller les chercher, puis adapter la proposition à ce qu’ils sont capables de recevoir, tout en conservant une certaine exigence, car les jeunes générations ont un besoin véritable de rencontrer le Christ.

Qu’attendez-vous de ce grand temps fort ?

Une pluie de grâces pour ces jeunes, que ces 8 000 jeunes soient touchés par la grâce de l’Esprit saint, qu’ils grandissent dans la connaissance de Dieu et puissent répondre avec force Me voici ! Nous relançons ce rassemblement après deux annulations, deux années difficiles pour l’équipe d’animation : que tous, nous puissions le vivre avec cet élan missionnaire. Et que cette belle proposition porte du fruit dans les années à venir !

#Frat2022

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