Saint-Gabriel, la paroisse Laudato Si’ de Paris
En 2015, le Pape François publiait l’encyclique Laudato Si’, un plaidoyer pour l’environnement et la « conversion écologique » et instaurait une « Saison de la Création » du 1er septembre au 4 octobre. Le Père Bertrand Cherrier est curé de la paroisse Saint-Gabriel à Paris (XXe arrondissement) depuis 2014. Soucieux des problématiques environnementales, il a été aidé de plusieurs paroissiens et d’habitants du quartier pour lancer divers chantiers écologiques : économies d’énergie, réduction des déchets organiques et création d’un jardin-potager. La paroisse a aussi obtenu le Label « Église Verte » et est actuellement au niveau « Cep de vigne » dans sa progression écologique.
Quand avez-vous eu le déclic de mettre en place l’initiative : « Paroisse verte » ? La sortie de L’Encyclique Laudato Si’ et la COP 21 en France en décembre 2015 ont-ils joué un rôle ?
La parution de l’Encyclique Loué Sois-tu/Laudato Si’ a été le déclic écologique pour notre paroisse. Plusieurs paroissiens et habitants du quartier ont souhaité approfondir ce document. L’Encyclique a donné lieu à plusieurs réunions. À terme, nous avons décidé de passer à l’action. L’urgence d’un changement de comportements est à l’origine du groupe – « Vivre Laudato Si’ ». De nombreux paroissiens attendaient ce document de l’Église qui aborde la thématique de « l’écologie intégrale ». Par cette approche, ils se soucient tout autant de la Création que de l’être humain et notamment du plus pauvre. Car l’Encyclique a l’originalité de relier l’écologie et l’humain autour de cette célèbre formule : « Écouter le cri de la terre et des pauvres ». Cette magnifique encyclique est à lire et à relire. Il faut reprendre ce document, le travailler et le porter car il est source de fécondité. Les associations et mouvements, les paroisses, et les communautés doivent s’en inspirer au quotidien.
Depuis la sortie de l’Encyclique Laudato Si’, quelle dynamique les paroissiens ont-ils instauré ?
Trente à quarante membres se relaient pour animer des actions de formation éducatives (ateliers de fabrication cosmétiques ou produits ménagers) et de réalisation autour de l’église notamment dans les espaces verts. Nous avons aussi planté une vigne et du blé devant l’église pour établir le lien entre la catéchèse et l’eucharistie. C’est la communauté qui génère toutes ces actions. Le jardin-potager et le compost sont le fruit d’actions de paroissiens. Ma démarche – en tant que curé – est de les accompagner et de valoriser leurs initiatives. Étant originaire du monde rural (NDLR. Le Loiret) je suis très sensible aux enjeux écologiques.
Qu’est-ce que le Label « Église Verte » ? Pourquoi avoir mené cette démarche dans votre église ?
« Église verte » est une association qui propose des éléments de discernement sur notre capacité à réaliser ce que demande le Pape François dans l’Encyclique. Nous avons répondu à un « éco-diagnostic », un questionnaire qui permet de savoir comment une paroisse peut progresser sur le chemin de la « conversion écologique ». Jusqu’à maintenant, nous n’avions pas d’éléments pour mesurer les efforts que nous entreprenions. Ce Label comporte cinq niveaux de progression et nous avons atteint déjà le troisième. « L’éco-diagnotic » a été d’une grande aide car ça nous a permis d’améliorer la catéchèse, la liturgie, l’entretien de nos bâtiments et de nos espaces verts… Par exemple, l’éclairage de l’église a été changé par des ampoules-lampes à diode électroluminescente (LED) et notre consommation d’électricité a été divisée par trois.
Ces actions écologiques favorisent-elles le lien social entre les paroissiens et les habitants ?
Nous sommes dans une vraie dynamique écologique, laquelle correspond à une attente, notamment chez les jeunes. C’est cette grande force qui nous permet de rejoindre la vie du quartier. Comme le souligne le Pape François, la réalité est plus importante que l’idée. Nous nous inscrivons dans ce principe de réalité. Nous ne souhaitons pas tant réfléchir ou dialoguer sur les questions écologiques, mais plutôt être dans l’action d’une « conversion intégrale ».
Dans Laudato Si’, le Pape François nous parle de cette « maison commune » dont nous devons prendre soin et que nous sommes appelés à une « nouvelle solidarité universelle ». Que vous inspire cette phrase ?
La préoccupation écologique doit dépasser le périmètre de la paroisse. Cette notion de « destin commun » peut se retrouver au travers d’une préoccupation écologique tandis que dans plusieurs autres domaines, ce n’est pas toujours le cas. Au travers d’une dimension universelle, l’écologie doit prendre entièrement sa place. Nous sommes dans une société qui fait passer les intérêts personnels sur les intérêts collectifs. Il est urgent de changer nos modes de vie et revenir à la sobriété.
Comment la paroisse peut-elle devenir plus éco-responsable ?
Sur le terrain, nous essayons de changer les choses dans un but de solidarité intergénérationnelle. Nous avons intégré dans la catéchèse, dans la vie de l’aumônerie, tout comme au MCR – des moments dans l’année – où nous travaillons sur la « conversion écologique ». Pour le Carême, nous donnons des conférences sur l’alimentation et la consommation. Mais nous pouvons encore améliorer nos comportements. Par exemple, nous vendons chaque année 15 000 exemplaires de bougies avec un support plastique. Nous essayons de réfléchir à une solution zéro déchets. Si nous multiplions les petites initiatives, ce sera au final, un acte écologique important. Objectif : « zéro déchet » !
Comment votre paroisse s’engage-t-elle ?
Nous avons choisi d’aborder cette année le thème de l’eau. Le manque d’eau est une urgence. C’est un problème qui rejoint les préoccupations du Pape François par rapport aux plus pauvres. Ce sont les plus riches qui de plus en plus ont accès à l’eau. Nous allons faire une exposition sur ce thème dans l’église pour sensibiliser à ce sujet.
Quels sont les futurs projets de Saint-Gabriel?
Nous sommes toujours dans une continuité avec les ateliers de fabrication, le tri sélectif au sein de la paroisse. Mais nous devons encore plus travailler sur le lien entre « le cri du pauvre et le cri de la terre ». Nous allons agrandir notre espace jardin pour faire participer les locaux du quartier à la réalisation d’un potager. Nous pourrons redistribués les fruits et légumes de ce jardin, en fonction des besoins.
Avez-vous créé des émules dans les autres paroisses parisiennes ?
En réponse à l’appel de plusieurs paroisses, trois membres du groupe « Vivre Laudato Si’ » vont rencontrer d’autres paroissiens parisiens pour mettre en place un groupe « Laudato Si’ » à Paris dans leur paroisse. De plus, le Collège des Bernardins réalise un travail de terrain. Nous travaillons en collaboration avec eux autour d’ateliers écologiques. Par ailleurs, je suis engagé dans les patronages et j’espère sensibiliser les directeurs sur ce sujet. L’entraide entre les paroisses est indispensable dans tous les domaines, et en particulier dans le domaine écologique. Le Cardinal André Vingt-Trois le souhaitait. Mgr Michel Aupetit, Archevêque de Paris assure cette pérennité. L’unité entre les paroisses est essentielle pour une bonne dynamique ecclésiale et diocésaine. J’aimerais désormais que les diocèses nomment un responsable à la « conversion écologique » et qu’ils inscrivent cette fonction dans leur organigramme car il manque un lien entre les structures nationales, diocésaines et paroissiales.